lundi 16 mars 2015

Cinéma - Comment reconstruire sa famille




Le jeune héros du « Dernier coup de marteau », film d’Alix Delaporte tourné près de Montpellier, tente de sauver sa mère et de retrouver son père. 


Romain Paul. Retenez son nom, ce jeune acteur a une belle carrière devant lui. Découvert par Alix Delaporte, cet adolescent a une incroyable intensité dans le regard. C'est la principale raison qui a poussé la réalisatrice du film « Le dernier coup de marteau » de le retenir pour le rôle titre de son second long-métrage.
Victor, 13 ans, vit seul avec sa mère Nadia dans une caravane plantée à l'année en bord de Méditerranée. En stop, il se rend à Montpellier pour assister aux répétitions d'un concert de musique classique.

Père absent
Le chef, Samuel Rovinski (Grégory Gadebois) est le père de Victor. Une histoire d'amour très lointaine avec Nadia (Clotilde Hesme). Le père et le fils ne se sont jamais rencontré. Le premier face-à-face entre eux est très tendu. A ses proches professionnels, Samuel nie être le père de cet adolescent. Point. Reprise des répétitions.
Ce film sensible et d'une beauté lumineuse (les couleurs de la Méditerranée sont parfaitement mise en images) repose à 90 % sur les frêles épaules de Romain Paul. Présent dans quasiment tous les plans, c'est lui qui sert de relais entre ce couple séparé qui refuse de se retrouver. Victor tente de savoir si le retour de son père dans la région est lié à la maladie de sa mère. Atteinte d'un cancer, elle dépérit à vue d'oeil, refusant de prolonger un traitement trop lourd. Mais Samuel n'est au courant de rien. Son concert à Montpelier n'est qu'une date de plus dans son planning très chargé de chef d'orchestre réputé.
Partagé entre l'envie de sauver sa mère et de retrouver son père, Victor, en pleine adolescence, découvre en plus les premiers émois amoureux avec sa jeune voisine, Luna (Mireia Vilapuig), une Espagnole survivant sur la plage au sein de sa famille nombreuse. Trois pistes pour une avenir non tracé.
Loin d'être moralisateur ou chargé de pathos, ce film est d'une extrême réalité. Alix Delaporte a volontairement laissé toutes les fins ouvertes. Victor, quel que soit son destin, ses choix, sa vie, restera un gamin lumineux qui rayonnera longtemps dans la mémoire des spectateurs chanceux de ce film tout en nuances.

dimanche 15 mars 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Nom de nom

Pour changer, le plus simple reste à ne modifier que la façade. Les apparences, réputées trompeuses, le sont encore plus dès lors qu'il s'agit de politique. Depuis son élection à la tête de l'UMP après le psycho-drame entre Fillon et Copé puis le scandale Bygmalion, l'urgence pour Nicolas Sarkozy consiste à repeindre de blanc immaculé une structure quelque peu souillée. Tout en menant une réforme en profondeur, il lance le chantier du nouveau nom. Exit l'UMP, place aux « Républicains ». 
Le Journal du Dimanche révèle le processus du brainstorming pour en arriver à ce résultat. Premier étonnement, l'agence de publicité qui a travaillé sur les recherches l'a fait à titre gratuit. Voilà qui change des pratiques de Bygmalion. Avec eux, tout était toujours très cher, même quand les études, séminaires ou rencontres s'avéraient totalement virtuelles. Deuxième surprise, enfin un parti ose s'affranchir de l'acronyme. PS, PC, UDI, Modem ou FN : tous sont restés fidèles aux sigles comme au bon vieux temps de la SFIO ou du RPF. Les Républicains ne se cachent pas derrière une lettre, même si les premiers logos en circulation font flamber le R dans des tons tricolores. 
Tout serait parfait sans les éternels chicaneurs. Ceux qui regrettent que le terme républicain soit surtout associé à la droite américaine en opposition aux démocrates. Et puis moi, en tant que journaliste amené à imaginer un titre court et percutant, une fois placé « Républicains » il me reste moins de place qu'avec le bref UMP. Et gare à la solution de l'abréviation, un simple accent différencie les « Répus » et des « repus »...

DE CHOSES ET D'AUTRES - On a dit pas le physique !

Dans une semaine tout le monde commentera le résultat des élections départementales. Les différents sondages annoncent une progression du Front National. Normal, jamais le parti d'extrême-droite n'a présenté autant de candidats. Mais quand on veut jouer dans la cour des grands, il ne faut pas s'étonner des dérapages à mettre au crédit des zélateurs de la vague bleu Marine.

Pas des racistes dont les commentaires et statuts sur les réseaux sociaux ont fait tomber le masque. Non, plutôt de ces binômes aléatoires qui font furieusement penser à des erreurs de castings, voire à des phénomènes de foire façon Groland.

Un blog, radicalement opposé au FN, a renié sa promesse de ne pas se moquer du physique des candidats. Résultat un long diaporama où l'on passe de l'effroi à la crise de rire. Certains font véritablement peur.

Un candidat en Charente a le même regard que Poutine, une autre dans les Deux-Sèvres ressemble à la méchante et acariâtre Carmen Cru de la BD de Lelong dans Fluide Glacial.

Dans le Pas-de-Calais, une candidate du FN ne rigole pas. Elle arbore même un horrible rictus sur l'affiche officielle. Pourtant, elle travaille dans l'hôtellerie où le sourire est recommandé.

Un autre porte de longues rouflaquettes qui lui donnent un petit air de hobbit. Toutes les affiches sont sur le même modèle. Le slogan « Face aux trahisons de l'UMPS, l'espérance Bleu Marine » précède les deux noms. Dénoncer des trahisons, étonnant quand on s'appelle Judas comme ce candidat dans les Vosges. Pour rattraper le coup, le FN a demandé à un certain Jésu, Xavier de son prénom, de se présenter dans la Somme...


DE CHOSES ET D'AUTRES - Tsunami de célébrations

Le 20 mars ne sera pas une journée comme les autres. En plus de l'éclipse partielle du soleil, vous aurez la possibilité de célébrer neuf journées internationales. Sous forme de devinette, retrouverez-vous les thèmes de ces jours particuliers ?
Alors que le café passe, je n'oublie pas de me brosser les dents frénétiquement (1). Je délaisse exceptionnellement les tartines beurrées pour tremper un petit gâteau coloré, granuleux et moelleux à la forme arrondie (2). Mon plaisir est intense, idéal pour débuter cette journée (3). Direction une jardinerie pour y acheter quelques plants d'aster. Ces jolies fleurs, judicieusement placées près du potager, remplissent parfaitement leur rôle, comme le souligne l'action célébrée traditionnellement la veille du printemps (4). Au retour, je fais une halte dans un square et abandonne sur un banc un exemplaire de "La guerre des Boutons", un de mes romans préférés. Il sera certainement adopté par un lecteur occasionnel (5) et finira peut-être de l'autre côté de l'Atlantique, au Québec (6). A midi, salade et radis au menu. Il est temps de tester le régime vegan (7).
Revenu à la maison, avant de sortir à une soirée costumée, je raconte une histoire à mon petit-fils avant qu'il ne s'endorme (8). Pour une fois je délaisse mon déguisement de Dark Vador pour me mettre au goût du jour et enfile les ailes de ce mignon passereau, le plus commun en France (9). Oui... mais si on danse ?
Solutions : Le 20 mars est journée internationale du 1 : hygiène dentaire, 2 : macarons, 3 : bonheur, 4 : alternative aux pesticides, 5 : livre voyageur, 6 : francophonie, 7 : alimentation sans viande, 8 : conte, 9 : moineau.

samedi 14 mars 2015

Cinéma - Entendez-vous ces « Voices » ?

Jerry vit seul avec son chien et son chat. Et il leur parle...


Comédie trash, romance improbable ou simple réflexion sur la folie ? Impossible de cataloguer « The Voices », film de Marjane Satrapi avec Ryan Reynolds en vedette. La créatrice de Persépolis a définitivement abandonné la bande dessinée, métier trop solitaire, pour se consacrer au cinéma. Elle signe un premier film américain apportant son regard très graphique à un univers déjanté.

Jerry, gentil garçon employé au service de conditionnement et d’expédition de la fabrique de baignoire de Milton, petite ville type américaine, est apprécié de ses collègues. Il est souriant, enjoué et sociable. Quand on lui propose d’aider au barbecue annuel de l’entreprise, il accepte avec enthousiasme car il y aura la belle Fiona de la comptabilité.
Les premières images du film montre une société heureuse rieuse, fraternelle. Un peu trop... Le soir, Jerry rentre chez lui, un appartement au-dessus d’un bowling désaffecté. Il s’installe dans son canapé et engage la conversation avec deux voix off que le spectateur ne voit pas immédiatement. L’une le félicite de ses efforts d’intégration, l’autre, plus triviale, s’inquiète de savoir s’il a l’intention de «baiser cette salope d’anglaise de la compta...» Le premier conseil vient de Bosco, un gros toutou placide, le second de M. Moustache, le chat pervers.

Bons et mauvais conseils
Jerry, une fois chez lui, parle à ses animaux. Exactement, il entend des voix et est persuadé que ce sont celles de Bosco et M. Moustache. Jerry a de graves problèmes. Il voit régulièrement une psychologue qui lui recommande sans cesse de bien prendre ses cachets. Ce que M. Moustache lui déconseille. Jerry redevient alors le drôle de petit garçon qui a tué sa maman suicidaire. Juste pour lui rendre service. Avec Fiona (Gemma Arterton) tout se passe bien lors du barbecue. Mais ensuite elle le rejette. Alors Jerry fait ce qu’il aime tant faire : tuer. Il ne ramène que la tête de la belle Anglaise, la met au frigo et le soir la pose sur la table du salon pour lui faire la causette. Jerry entend de plus en plus de voix...
Ryan Reynolds est brillant dans ce rôle complexe aux multiples facettes. Entre candeur et folie meurtrière, il joue toutes les palettes, doublant également les voix de Bosco et M. Moustache. La vision de l’Amérique par Marjane Satrapi oscille entre « Twin Peaks » David Lynch et « Hairspray » de John Waters. Entre rose vif et gris sombre.

vendredi 13 mars 2015

DVD - Le monde un peu trop lisse du « Giver »

Dans un futur proche, toute émotion est bannie. Un jeune homme va se souvenir...


Le projet de faire un film avec « The Giver », célèbre roman d'anticipation américain est très ancien. Jeff Bridges a acheté les droits il y a plus de 20 ans. Il désirait confier le rôle du Giver, le passeur de mémoire, à son père, Lloyd. Finalement, il aura fallu attendre 2014 pour que le projet voit le jour. Et c'est le fils qui récupèrera le rôle principal. Dans un futur proche, il ne reste de l'Humanité qu'une petite communauté vivant en autarcie dans un monde aseptisé. Pour éradiquer guerre, violence et famine, un conseil des sages a décidé de gommer toute émotion et souvenirs. Chaque membre de la communauté prend une injection au réveil qui le maintient dans un état de béatitude obéissante. La population est stable. Les anciens acceptent de se faire « élargir vers l'ailleurs » le moment venu pour laisser place aux plus beaux bébés. Les « ratés » sont eux aussi « élargis vers l'ailleurs ». Plus d'émotion, plus de souvenirs : personne ne sait ce que mourir veut dire. Aimer non plus. Mais pour que l'équilibre soit possible, il faut un gardien de la mémoire, le passeur.

Ce rôle va bientôt être dévolu à Jonas (Brenton Thwaites), jeune et impétueux, qui apprend à distinguer les couleurs, apprécier la musique et même aimer. Problème, ce qu'il découvre semble tellement merveilleux qu'il veut en faire profiter toute la communauté. Cela ne plait pas à la grande sage (Meryl Streep).
De la SF philosophique tendance « l'amour est plus fort que tout », honnête mais sans grande nouveauté.


« The Giver », Studiocanal, 15,99 euros le DVD et 19,99 euros le blu-ray.


DE CHOSES ET D'AUTRES - Maîtrisez vous la nov-langue ?

 Pauvres collégiens. Pour rien au monde je ne voudrais retourner à leur place. Une nouvelle réforme se profile à l'horizon. Le ministère de l'Éducation veut qu'ils maîtrisent deux langues vivantes en entrant au lycée.
Conséquence les élèves de 5e, dès la rentrée de 2016, se farciront une matière supplémentaire. Après l'anglais ou l'espagnol au primaire, ils se lanceront dans la découverte de l'allemand, du russe, du chinois et autre langue affreusement compliquée. Déjà que la 5e est réservée à la découverte du latin (pour les rares volontaires), l'emploi du temps s'annonce surchargé. Et n'oublions pas la programmation informatique, sésame obligé pour un emploi dans ce futur de plus en plus numérique.
A l'arrivée, il faut craindre que le perdant soit encore le français. Notre bonne vieille langue, si compliquée avec ses conjugaisons multiples et variées, ses accords vicieux, ses verbes intransitifs et le fameux participe passé qui s'accorde avec le complément d'objet direct s'il est placé devant l'auxiliaire. Encore faut-il déterminer où est ce satané COD... Il suffit de parcourir les profils Facebook des adolescents pour se convaincre que leur orthographe reste très approximative.
En réalité, ce qu'ils manient le mieux, c'est cette nov-langue issue du pianotage intensif des smartphones. Abréviations, raccourcis, écriture phonétique et intuitive : ils se sont approprié un véritable moyen de communication totalement abscons pour tous les "vieux" de plus de 35 ans. Et dans 30 ans, quand les gamins d'aujourd'hui tiendront les rênes du pays, cette nov-langue sera certainement une LV1 officielle et quasi obligatoire.

jeudi 12 mars 2015

BD - Trafic d'armes à Marseille avec Léo Loden


Si cet album n'était pas paru le 21 janvier, on aurait pu soupçonner les auteurs d'avoir tenté de surfer sur l'actualité toute chaude du début de semaine. Manuel Valls est annoncé à Marseille. Lundi matin, quelques heures avant son arrivée, des tirs de kalachnikov retentissent dans une cité. La 23e aventure de Léo Loden, le privé marseillais, débute presque de la même manière. Un marchand d'armes est abattu sur le parking d'une cité. Sur le port, un container bourré d'armes de guerre suscite bien des convoitises. Simple coïncidence pour les scénaristes, Arleston et Nicoloff. Les faits divers à base de kalachnikov sont monnaie courante depuis quelques années. Sur cette base, les auteurs ont rajouté une gentille caricature des milieux syndicaux portuaires et tenté de mettre en lumière la difficile coexistence dans les cités entre forces de l'ordre autoritaires et responsables religieux modérés. Le tout dessiné par Serge Carrère qui se bonifie avec l'âge. Il dessine les « tronches » à la perfection avec un petit côté Conrad indéniable.

« Léo Loden » (tome 23), Soleil, 10,95 €

mercredi 11 mars 2015

BD - 40 ans de franche rigolade dans les pages de Fluide Glacial


En matière d'humour il y a Fluide Glacial et tout le reste qui n'arrive pas à la cheville du magazine créé par Gotlib en 1975. 40 ans que le meilleur de la gaudriole tricolore est chaque mois au rendez-vous de nos zygomatiques en manque d'exercice. Ce gros livre (200 pages) revient sur ces quatre décennies d'Umour et bandessinées. Chaque auteur a droit à une présentation détaillée (dans l'esprit Fluide, bien évidemment) et parfois à une histoire courte d'époque. Cela va des pionniers, Gotlib, Solé, Frémion, Alexis, aux jeunes au pouvoir aujourd'hui comme Lindingre, Terreur graphique ou Fabcaro, cette encyclopédie présente ce qui se fait de mieux en matière de transgression à but ouvertement comique. 
Alors on rigole pas mal en parcourant ces pages, et puis on a parfois la larme à l'oeil car certains, dont faire rire étaient leur unique raison d'être, ont gravement dérogé à ce principe en mourant un peu trop tôt. Il y a Franquin, bien sûr, mais aussi Alexis, le plus doué, Moerell, le plus déglingo, et Lelong aussi. Ce dernier, créateur de Carmen Cru, la vieille la plus abominable de la BD, malgré les milliers d'éclats de rire provoqués par ses histoires sombres, a joué un sale tour à ses admirateurs en se suicidant. Mais c'est ça aussi l'esprit Fluide Glacial, avoir la capacité à rire de tout et surtout de faire fi des épreuves. Même si parfois, « Rire tue »...

mardi 10 mars 2015

BD - Koh Lanta vu du canapé de la famille Feroumont


Commenter une émission de télévision sur Twitter est devenu une mode et une façon commune de « consommer » ce genre de spectacle. Benoît Feroumont, dessinateur de la série « Le Royaume » chez Dupuis, va plus loin dans cette pratique en réalisant des compte-rendus de Koh-Lanta. Des croquis faits au fond de son canapé et mis en ligne le lendemain sur son blog. Ces quelques dizaines de notes sont reprises dans cet album de BD enrichi de dessins inédits et de planches en couleurs. D'abord il y a la genèse. Un vendredi soir, les enfants de Benoît demandent l'autorisation de regarder Koh-Lanta à la télévision. 

Le père de famille, tout à fait dans son rôle de roc garant d'une éducation sans faille, émet des réserves : « Une téléréalité qui érige la compétition, le coup bas, la stratégie bas de gamme comme manière de vivre. Je ne suis pas sûr que cela soit bon pour des gens de votre qualité. » Mais finalement, il accepte « Ce sera un programme que nous regarderons tous ensemble. Si ça m'ennuie je dessinerai. » La bonne idée que voilà ! Feroumont, qui se dessine en Grizzli, n'a pas son pareil pour donner de la vie à des dessins faits dans l'urgence. Du noir et blanc, sans le cadre contraignant de la mise en page de la planche classique, où décors et personnages se complètent en un minimum de détails. 
Son trait fait penser à du Jijé, celui qui prétendait qu'il faut savoir dessiner les yeux fermés. L'auteur s'enthousiasme pour certains candidats (Gwenaelle avec qui il devient ami, ou un certain Steve, Belge machiavélique...) et parfois se lasse des ressorts toujours identiques de l'histoire qu'il dénonce sans vergogne. Il regarde en pointillé plusieurs saisons, ne conservant que les grandes lignes. Un recul salvateur rendant « merveilleux » ce spectacle totalement « affligeant » au premier degré.

« Le merveilleux spectacle de la téléréalité », Dupuis, 18 euros