samedi 14 décembre 2013

DE CHOSES ET D'AUTRES - Pyjama vert pour Dany Laferrière


Dany Laferrière vient d'être élu à l'Académie française. Écrivain québécois d'origine haïtienne, il a été désigné dès le premier tour de scrutin. Drôle de personnage que les académiciens vont accueillir là. Il connaît le succès dès son premier roman, déjà en partie autobiographique, intitulé "Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer". De l'autofiction avant la lettre, mais avec un côté sexe et exotisme qui conquiert un large public, féminin essentiellement... 
Il poursuit dans la même veine avec "Le goût des jeunes filles". Dans "Je suis un écrivain japonais" il se penche sur son statut de créateur. Sur son universalité aussi. S'il écrit en français, il est d'origine caribéenne, vit au Canada et dans ce roman se passionne pour la culture japonaise. Son dernier livre paru chez Grasset en septembre dernier, "Journal d'un écrivain en pyjama", n'est pas tant un roman qu'un véritable manuel du parfait apprenti écrivain. En près de 200 fiches, quasi pratiques, il aborde tous les sujets, de l'idée de départ du roman, à la finalisation du texte en passant par les relations avec l'éditeur et même la presse. Souvent drôle, toujours instructive, on découvre une radiographie exhaustive d'un métier qu'il prétend manuel. En préambule, il explique qu'il n'écrit pas à son bureau mais dans son "lit, le dos appuyé contre deux oreillers". Des notes prises "en pyjama jaune à rayures bleues".
Il me tarde de voir l'entrée solennelle de Dany Laferrière à l'Académie française. En espérant qu'il troque le classique uniforme pour un pyjama vert aux parements dorés.

BD - Justicière de cape et d'épée en rose écarlate

Maud, la belle héroïne masquée de la Rose écarlate, remporte un succès grandissant. Patricia Lyfoung, la scénariste et dessinatrice de cette série sentimentale de cape et d'épée fortement teintée de manga, déborde d'idées. Elle a donc décidé de confier des « Missions » à une dessinatrice pour satisfaire l'impatience des fans. Jenny (Pink Diary et Mathilde) a su couler son trait dans le style de la créatrice de la série. 
Les Missions seront en deux parties. Le premier tome du « Spectre de la Bastille » inaugure la série. Maud, justicière qui prend aux riches pour redistribuer aux pauvres, est fiancée avec Guilhem. Ils viennent de rentrer de Turquie et Guilhem est contacté par une ancienne amie d'enfance, la rousse et généreuse Adèle. Crise de jalousie de Maud qui suit les deux amis. Bien lui en prend puisqu'elle sauve sa jeune rivale des griffes de mystérieux fantômes blancs sévissant depuis quelques semaines dans les bas-fonds de Paris. Destinée aux adolescents amoureux de romance et d'action, cette série, tout en restant une opération commerciale évidente, se laisse lire avec plaisir.

« La rose écarlate - Missions » (tome 1), Delcourt, 10,95 €

vendredi 13 décembre 2013

DE CHOSES ET D'AUTRES - Toujours plus faux

Pour beaucoup c'est l'imposture du siècle. Renvoyés à leurs études les Laurent Baffie et autres Jean-Yves Lafesse, petits braquets du rire français.
Lors de l'hommage mondial à Nelson Mandela, un inconnu s'est fait passer pour le traducteur en langage sourd et malentendant des discours prononcés à la tribune. A deux mètres d'Obama, il a gesticulé à qui mieux mieux. Mouvements des mains et des bras censés traduire l'hommage de l'homme le plus puissant de la planète. En fait, des gestes dénués de toute signification. Un bras d'honneur mondial, en langage codé !
Cet exemple planétaire prouve qu'à l'heure des grandes oreilles de la NSA, des milliers de caméras de vidéo surveillance et des fichiers secrets toujours plus précis sur notre vie privée, un petit plaisantin parvient à tromper tout le monde. Et devant des millions de téléspectateurs...
La recrudescence de ces impostures est flagrante. Hier par exemple, je tombe, complètement éberlué, sur les photos du premier Noël du petit Prince George. Affublé de fausses cornes de renne, il découvre ses jouets dans les bras de sa mère, avec son oncle Harry déguisé en père Noël et son arrière-grand-mère, The Queen, une coupe de champagne rosé à la main. Impossible de faire plus kitsch. Comme pour l'interprète, plus c'est gros et plus c'est crédible. En fait cette série de photos d'Alison Jackson est une commande pour une boisson gazeuse anglaise. Il ne s'agit pas de champagne rosé, mais de jus de fruit pétillant. Et pas la moindre famille royale en scène, mais des sosies.
Chronique "De choses et d'autres" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant.

BD - Lanfeust en fuite


Rien ne va plus pour Lanfeust. Dans la cité de Troy, le jeune héros qui a le pouvoir de faire fondre l'acier, est surnommé « Lanfeust le criminel ». Durant ces 48 pages dessinées par Tarquin, il lutte pour devenir aux yeux de tous « Lanfeust l'innocent ». Possédé par une entité noire, Lylth l'éternelle, venue de la portes des étoiles, Lanfeust a tué le sage Nicolède. En fuite, il cherche l'unique témoin de son envoutement, un certain Riplëh. Il devra faire appel à son ami le Magohamoth, animal marin gigantesque à l'origine de toute la magie de Troy. Des péripéties multiples en compagnie de son fidèle Hébus, le troll, et de ses quatre épouses car Arleston, le scénariste, depuis qu'il est millionnaire (pas moins de sept albums ces deux derniers mois) ne se refuse plus rien ! Au détour de sa fuite, le beau héros débarque dans un village en bord de mer, dirigé par Priep Hournoupöv, pêcheur. C'est en savourant ce jeu de mot tiré par les cheveux que l'on se dit une fois de plus qu'un Astérix écrit par Arleston ça aurait vraiment une saveur particulière.

« Lanfeust Odyssey » (tome 5), Soleil, 13,95 €


jeudi 12 décembre 2013

DE CHOSES ET D'AUTRES : Sourires de Grands



Comment attirer les regards vers soi quand on est Premier ministre d'un petit pays de moins de 6 millions d'habitants, perdu au milieu d'une centaine de chefs d'Etat à la cérémonie mondiale d'hommage à Nelson Mandela ?

Helle Thorning Schmidt, à la tête du gouvernement du Danemark, a gagné. D'abord, trouver une bonne place, pas trop loin de Barack Obama. Ensuite, proposer de prendre une photo avec lui. Pas un de ces clichés officiels compassés. Non, une "selfie" réalisée avec son smartphone tenu à bout de bras.
La scène, immortalisée par un photographe de l'AFP, a fait le tour du monde. On y voit la blonde Helle, tout sourire, serrée à sa gauche par un Obama toujours aussi séducteur et à droite par David Cameron, premier ministre anglais jamais dernier sur les bons coups. Celle qui ne sourit pas, c'est Michelle Obama. Peut-être saisie d'émotion par la cérémonie ? A moins qu'elle ne fulmine intérieurement contre cette "blondinette" un peu trop collante...

Pendant ce temps, Hollande et Sarkozy, côte à côte, semblent s'ennuyer ferme.

DE CHOSES ET D'AUTRES - Mars, la rouge

Les scientifiques sont aujourd'hui formels : il y a eu de l'eau sur Mars. Terminé le temps des suppositions : des analyses transmises par la sonde Curiosity ce lundi ont non seulement mis en évidence la présence d'eau douce, mais carrément de tout un lac entouré de montagnes enneigées. Attention, il faut cependant mettre en perspective ces informations. Les traces d'eau, et peut-être de vie microbienne, ont été retrouvées dans des roches. L'eau s'est évaporée depuis pas mal de temps. Pour John Grotzinger, professeur de géologie à l'Institut de technologie de Californie, « Ce sont des roches relativement jeunes dans l'histoire martienne ». Soit entre 3,5 et 3,6 milliards d'années. Ils sont comme ça les scientifiques, leur échelle de temps se mesure en milliards d'années. Ils s'enthousiasment pour des choses qui n'existent plus depuis si longtemps qu'il n'y a qu'eux pour en percevoir la réalité. Pour le commun des mortels, une année paraît souvent bien longue. Alors quelques milliards...


Non, la vraie découverte sur Mars qui passionnera les foules n'est pas encore faite. Un squelette fossilisé par exemple. Ou des vestiges d'une civilisation défunte, genre sabre laser, casque de guerrier voire soucoupe volante. L'eau c'est bien beau mais trop commun. En fait, à bien y réfléchir, pour mériter l'ouverture de tous les journaux du monde, il faudrait au moins la découverte d'une bouteille de vin vieille de quelques millions d'années. Là on en reparlera. Surtout si c'est du rouge qui tache, comme la planète du même nom.

mercredi 11 décembre 2013

DE CHOSES ET D'AUTRES - Des milliards de bugs

« Ça eut payé mais ça ne paye plus ! » Le sketch de Fernand Raynaud sur les « pauvres paysans » n'a jamais été autant d'actualité. Sauf qu'aujourd'hui ce ne sont plus les vignes ou le blé qui ne payent plus mais les aides européennes.
L'histoire s'est passée la semaine dernière et n'a pas été ébruitée, pas de manifestants agités dans la rue, aucune indignation des Bonnets rouges. Un bug informatique au Crédit Agricole a perturbé le versement des primes de la Politique agricole commune aux 350 000 agriculteurs français bénéficiaires. En fait, les primes ont été versées... deux fois. Pas moins de 3,4 milliards d'euros crédités par erreur sur les comptes bancaires de ces paysans qui, sur le coup, n'étaient pas à plaindre. Au lieu de toucher en moyenne 10 000 euros de cette Europe honnie, ils en ont encaissé 20 000. Pas mal comme étrennes de fin d'année. J'en connais qui se seraient contentés de beaucoup moins. Et bizarrement aucun leader des nombreux syndicats agricoles n'est monté au créneau pour dénoncer ce dysfonctionnement.

La banque a rectifié le tir. Une semaine plus tard, envolés les milliards surnuméraires. Comme s'ils n'avaient pas existé. Espérons que certains récipiendaires n'ont pas trop vite dilapidé la manne pour changer de tracteur... ou se payer des vacances à l'île Maurice. Si c'est le cas, ils pourront toujours ressortir (indignés cette fois) le vieux proverbe populaire plein de bon sens paysan justement : « Donner, c'est donner; reprendre, c'est voler. » 

mardi 10 décembre 2013

BD - Thorgal dans les sables

Cap au Sud pour Thorgal. Le viking, enfant des étoiles, dont les aventures sont désormais écrites par Yves Sente, vogue vers les sables du désert entourant la ville de Bad-Dadh, la cité de l'Aigle. Le héros est à la recherche de son fils Aniel. Enlevé par les Magiciens rouge, il doit être conduit dans le temple secret de ces derniers pour permettre la réincarnation de leur chef, Kahaniel. Une nouvelle fois le héros semble pris dans un engrenage bien trop puissant pour lui. Mais c'est oublier la force de la paternité, du courage et, aussi, de l'inconscience. Le récit est assez classique, sans grande trouvaille il faut bien l'avouer, mais la lecture de cet album reste un bonheur absolu. Tout simplement car Rosinski, le dessinateur, tout en gardant les codes de découpage des planches, aborde chaque vignette comme un tableau. Avec ces 48 pages c'est comme si vous teniez dans vos mains l'ensemble d'une galerie d'art proposant près de 200 toiles toutes plus belles les unes que les autres. Si j'étais riche, je me paierai la première vignette de la planche 18. Mais il faudrait que je sois très très riche. Alors je me contente de l'album et c'est dans ce cas précis que la BD devient un « art populaire ».

« Thorgal » (tome 34), Le Lombard, 12 €



lundi 9 décembre 2013

BD - Regretté temps du politiquement très incorrect de Reiser et Hara Kiri

Notre bonne société n'a pas toujours été policée et aseptisée. Dans les années 60, 70 et 80, l'humour n'avait pas de limites. Exemples avec ces deux beaux livres sur la revue Hara Kiri et l'un de ses piliers, Reiser.


Si le samedi soir vous vous gondolez en découvrant les faux reportages du Groland sur Canal+, sachez qu'ils n'ont rien inventé. Ce sont les dignes héritiers des « horribles » de Hara Kiri. Le journal « bête et méchant », dans une époque où la censure veillait encore sur le contenu des journaux, a brisé un nombre considérable de tabous. Car la meilleure façon de combattre le racisme, la violence faite aux femmes ou l'extrémisme religieux (voire la religion tout court...) reste et restera toujours d'en rire.
Cette époque bénie du temps du politiquement incorrect vous pouvez en revivre la substantifique moelle dans un ouvrage luxueux de 330 pages paru cette semaine chez Glénat. Une petite préface de Cavanna (le grand créateur avec Choron) pour contextualiser le tout et place aux dessins. Fred, Gébé, Chaval, Topor, Wolinski.
La ligne éditoriale oscille entre provocation gratuite et poésie absurde. Les journaux sont vendus presque à la sauvette. Au début des années 60, le Gaullisme impose une chape de plomb sur l'information. Heureusement les mœurs évoluent, Hara Kiri est à la pointe. L'arrivée de Reiser ou de Cabu donnent un coup de fouet aux dessins d'humour, caustiques, acides. Ensuite cela va aller crescendo dans la provocation. Willem, Kamagurka vont apporter une vision étrangère.
A côté des fausses pubs regorgeant de femmes nues, le dessin d'humour va un peu perdre de son importance. Mais c'est quand même dans ces croquis ou histoires courtes que l'on retrouve toute la méchanceté du titre.
Reiser, le meilleur
On y retrouve bien sûr quantité de dessins de Reiser. Il signe la couverture de ce beau livre sur Hara Kiri mais aussi celle ce celui qui lui est entièrement consacré. Cela fait 30 ans que l'inventeur du Gros dégueulasse a lâché la rampe. Un foutu cancer. Il a dessiné durant plus de 20 ans. Et comme il produisait énormément, Jean-Marc Parisis, son biographe, a dû beaucoup éliminer pour ne garder que le plus parlant de l'œuvre si diversifiée d'un génie : du Reiser visionnaire et écologiste avant l'heure (il vénérait le Soleil et son énergie) au Reiser fou des femmes, sachant si bien rendre toute leur beauté, en un trait rond et simple, à des fesses plus vraies que nature. Anarchiste avant tout, il aimait la vie. On découvre aussi le Reiser intime et torturé dans des croquis jamais publiés, bribes d'idées, symptômes dépressifs d'un homme inquiet. Et puis comme c'est un beau livre, au format généreux et à la réalisation soignée, ne manquez pas les pages en couleurs. Il posait sa peinture comme il dessinait : rageusement. Des aquarelles d'une rare beauté, même si ce sont deux chiens qui forniquent...
Aujourd'hui Hara Kiri n'existe plus et Reiser est mort, comme si notre envie de transgression avait disparue. L'époque est tiède. Alors en vieux combattants de l'immonde, savourons ce que les artistes et humoristes contemporains ne peuvent même plus imaginer réaliser !
Michel Litout
« La gloire de Hara Kiri », collectif, Glénat, 35 €

« Reiser », Glénat, 45,50 €


DE CHOSES ET D'AUTRES - Téléthon, Miss France, Canalsat... signes hivernaux

Dérèglement climatique aidant, pas toujours aisé de percevoir le changement des saisons. Prenez l'hiver. Il arrive à grande vitesse, mais les signes tangibles ne sont pas encore évidents. Chance, quelques événements récurrents jalonnent l'année de repères, hors températures.
Pour moi, depuis longtemps, l'hiver arrive le week-end du Téléthon. À la télé, impossible de zapper sans tomber sur une animation en plein air, par un froid glacial avec vent, pluie et parfois neige. On voit ces bénévoles, frigorifiés, tapant du pied, mais fiers d'aider la recherche. On aurait presque envie de donner, uniquement pour qu'ils puissent rentrer chez eux se réchauffer.
Et de regarder par exemple l'élection de Miss France, l'autre événement télévisuel synonyme d'hiver. De fêtes surtout. J'associe le défilé de ces belles "asperges" régionales en robe de gala aux prémices du clinquant des festivités de fin d'année.
La date correspond généralement au branchement des illuminations placées par la municipalité dans ma rue. Un halo bleuté éclaire mon salon. C'est joli, c'est l'hiver.
Plus prosaïquement, ce qui ne me fait jamais rater l'entrée dans la saison froide reste les publicités pour... Canalsat. Le Père Noël, les rennes (abandonnés cette année, snif...), les promos, la liste de films et séries à regarder : quand le bouquet de chaînes par satellite lance sa campagne, je me sens de plain-pied dans cette période joyeuse et dépensière. Le problème reste de trouver la force de résister pendant près d'un mois à l'envie de m'abonner vu que de toute façon je n'ai pas le temps de regarder la télé...