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dimanche 2 octobre 2022

De choses et d'autres - On vit une époque formidable

Chaque jour qui passe depuis quelques mois nous apporte une raison supplémentaire de constater, un peu éberlué, entre étonnement, sidération et énervement, que sans conteste, On vit une époque formidable. Le grand Reiser, qui avait transformé cette expression en titre d’albums de dessin d’humour, aurait sans doute eu beaucoup à dire (et surtout à rire) sur ce qui nous arrive actuellement.

Même s’il n’y a rien de bien nouveau. Un feuilletant ce vieil album paru la première fois en 1976, dans une de ses histoires, un 31 décembre au soir, Reiser dessine une tablée qui fait la fête à l’excès car « on ne sait pas ce que va nous apporter la nouvelle année : une guerre, une catastrophe, une crise économique ? » Réponse d’un des convives tout en trinquant : « L’an prochain, à cette date, on sera mort, enfermé dans un camp ou chômeur ! » Et un autre, tout en se déshabillant juché sur la table hurle : « Cette année sera placée sous le signe de la pénurie… et du sexe. »

Un dialogue qu’on pourrait tout à fait tenir dans notre contexte, à la différence que le sexe est beaucoup moins débridé aujourd’hui comparé à la période à laquelle cette BD a été publiée dans Charlie ou Hara-Kiri.

La pénurie elle est partout, dans toutes les têtes. Mais elle aurait au moins eu l’avantage de faire plaisir à Reiser, un des premiers à prôner une écologie politique assez radicale. La décroissance, il devait en rêver avant même que le terme ne soit inventé. Plus d’essence dans les stations-service ? Parfait, ça fera moins de pollution et de « gros cons » sur les routes ! L’électricité est coupée ? Idéal pour redécouvrir les charmes de La vie au grand air, autre titre d’une de ses œuvres et ce qui ressemble de plus en plus à notre destin dans les prochaines décennies.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 10 octobre 2022

lundi 9 décembre 2013

BD - Regretté temps du politiquement très incorrect de Reiser et Hara Kiri

Notre bonne société n'a pas toujours été policée et aseptisée. Dans les années 60, 70 et 80, l'humour n'avait pas de limites. Exemples avec ces deux beaux livres sur la revue Hara Kiri et l'un de ses piliers, Reiser.


Si le samedi soir vous vous gondolez en découvrant les faux reportages du Groland sur Canal+, sachez qu'ils n'ont rien inventé. Ce sont les dignes héritiers des « horribles » de Hara Kiri. Le journal « bête et méchant », dans une époque où la censure veillait encore sur le contenu des journaux, a brisé un nombre considérable de tabous. Car la meilleure façon de combattre le racisme, la violence faite aux femmes ou l'extrémisme religieux (voire la religion tout court...) reste et restera toujours d'en rire.
Cette époque bénie du temps du politiquement incorrect vous pouvez en revivre la substantifique moelle dans un ouvrage luxueux de 330 pages paru cette semaine chez Glénat. Une petite préface de Cavanna (le grand créateur avec Choron) pour contextualiser le tout et place aux dessins. Fred, Gébé, Chaval, Topor, Wolinski.
La ligne éditoriale oscille entre provocation gratuite et poésie absurde. Les journaux sont vendus presque à la sauvette. Au début des années 60, le Gaullisme impose une chape de plomb sur l'information. Heureusement les mœurs évoluent, Hara Kiri est à la pointe. L'arrivée de Reiser ou de Cabu donnent un coup de fouet aux dessins d'humour, caustiques, acides. Ensuite cela va aller crescendo dans la provocation. Willem, Kamagurka vont apporter une vision étrangère.
A côté des fausses pubs regorgeant de femmes nues, le dessin d'humour va un peu perdre de son importance. Mais c'est quand même dans ces croquis ou histoires courtes que l'on retrouve toute la méchanceté du titre.
Reiser, le meilleur
On y retrouve bien sûr quantité de dessins de Reiser. Il signe la couverture de ce beau livre sur Hara Kiri mais aussi celle ce celui qui lui est entièrement consacré. Cela fait 30 ans que l'inventeur du Gros dégueulasse a lâché la rampe. Un foutu cancer. Il a dessiné durant plus de 20 ans. Et comme il produisait énormément, Jean-Marc Parisis, son biographe, a dû beaucoup éliminer pour ne garder que le plus parlant de l'œuvre si diversifiée d'un génie : du Reiser visionnaire et écologiste avant l'heure (il vénérait le Soleil et son énergie) au Reiser fou des femmes, sachant si bien rendre toute leur beauté, en un trait rond et simple, à des fesses plus vraies que nature. Anarchiste avant tout, il aimait la vie. On découvre aussi le Reiser intime et torturé dans des croquis jamais publiés, bribes d'idées, symptômes dépressifs d'un homme inquiet. Et puis comme c'est un beau livre, au format généreux et à la réalisation soignée, ne manquez pas les pages en couleurs. Il posait sa peinture comme il dessinait : rageusement. Des aquarelles d'une rare beauté, même si ce sont deux chiens qui forniquent...
Aujourd'hui Hara Kiri n'existe plus et Reiser est mort, comme si notre envie de transgression avait disparue. L'époque est tiède. Alors en vieux combattants de l'immonde, savourons ce que les artistes et humoristes contemporains ne peuvent même plus imaginer réaliser !
Michel Litout
« La gloire de Hara Kiri », collectif, Glénat, 35 €

« Reiser », Glénat, 45,50 €


lundi 12 décembre 2011

BD - Reiser, chroniqueur d'actualité dans Pilote


Dans les années 60 et 70, Pilote, journal de bande dessinée dirigé par René Goscinny, décide de consacrer une partie de ses pages à l'actualité. Des récits complets en noir et blanc, où l'esprit frondeur de quelques auteurs trouve matière à réflexion. Cabu, Fred, Gébé sont passés par cet exercice. Un des meilleurs reste Reiser. Il n'y déverse pas sa méchanceté réservée à Hara Kiri, mais commence dans ces histoires courtes de une ou deux pages, à roder ses idées écologistes. C'est pertinent, marrant ou absurde, mais jamais plat. Pour la première fois l'intégralité de ces récits jamais publiés en albums sont repris dans ce superbe livre. Une plongée dans l'actualité du siècle dernier, après la libération des mœurs et avant le premier choc pétrolier.

« Reiser, les années Pilote », Glénat, 270 pages, 25 €