mardi 1 janvier 2008

BD - Pathétiques dragueurs de la toile


Avec internet, on est relié avec le monde entier. Mais avec internet on se retrouve coupé de la réalité, à vivre par procuration sans quitter son salon. Or, l'homme, comme la femme, a un besoin viscéral de rencontrer, de partager, d'aimer. Ainsi certains ont trouvé dans le net un moyen infaillible pour draguer. 

Les sites de rencontre ont fleuri sur la toile et c'est un peu l'histoire de ces pratiques qui est raconté dans ce « Plan drague nouvelle génération » intitulé « Love on the bit ». Au scénario, Cazenove apporte son expérience de la BD (Les gendarmes, les Pompiers...) et Winrove sa connaissance du milieu. Sous le pseudo de Nick, il a animé le célèbre blog JNMS (JeNiqueSurMeetic). Ce sont les nombreuses anecdotes qu'il a transformé en gags désopilants dessinés par Wozniak. 

On en apprend beaucoup sur les speed dating, l'utilisation des webcams et les identités cachées. Même si on n'a jamais fréquenté ce genre de sites, on comprend tout et c'est souvent très bien trouvé. Une bonne surprise car le premier tome de la série était assez décevant.

« Plan drague », Bamboo, 9,45 € 

lundi 31 décembre 2007

BD - Baston Donjon

Herbert, le canard, fils du duc, est de retour à Vaucanson. Un "Retour en fanfare", titre du sixième opus de Donjon Zénith, écrit par Joann Sfar et Lewis Trondheim, dessiné depuis par Boulet. Un retour au pays qui n'est pas simple. En compagnie de son amoureuse, du gardien du donjon et de Melvin, il voudrait revoir ses parents. Mais ces derniers l'ont banni. 

Pour pénétrer dans la ville, il avale quelques gouttes d'une potion dite du masque de la mort. Hideux, méconnaissable, il va découvrir que son père est sur le point de perdre le pouvoir, renversé par un intendant trop ambitieux. Un album plein de rythme, de pigeons, de fanfarons et de baston...

"Donjon Zénith", Delcourt, 9,80 euros

dimanche 30 décembre 2007

BD - Caroline Baldwin dans la froidure canadienne


La 13e aventure de Caroline Baldwin débute par l'arrivée du facteur. Caroline réceptionne un colis destiné à son grand-père... décédé depuis des années. Elle y découvre un livre racontant le début d'histoire d'amour entre ce fier indien canadien et une jeune institutrice. La jeune femme, rejetée, a pris la fuite et trouvé refuge à l'extrême nord du pays. 

C'est dans cette communauté d'Ivulvik, en plein pays Inuit, que Caroline retrouve la vieille dame. Mais ce ne sont pas les seuls souvenirs qui reviennent à la surface à la faveur du réchauffement climatique. Un album de Taymans, abordant intelligemment la mort annoncée de ces communauté pour cause de fonte des glaces.

"Caroline Baldwin", Casterman, 9,80 euros 

samedi 29 décembre 2007

BD - Néfésis et sa double dose de héros

Dans ce Paris de 1900, version steampunk, imaginé par Filippi, la jeune étudiante Margot mène une double vie. Fragile et futile le jour, elle se transforme, la nuit venue, en justicière intrépide. Elle a l'énorme avantage d'être "possédée" par l'esprit de Némès, un puissant pharaon de l'Egypte antique. Toute cette série est bâtie sur ces cohabitations entre êtres de chair et esprits venus des rives du Nil. Dans ce second tome dessiné par Camboni, Margot va devoir affronter Néménès, frère de Némès, être maléfique voulant libérer tous les esprits malades pour mettre la capitale à feu et à sang. Monde alternatif, machines ingénieuses et fantastique magique sont les atouts cette série détonante.

"Néfésis", Dupuis, 13 euros 

vendredi 28 décembre 2007

Roman - La vie de famille en réduction

Léon est petit. Solange, sa femme, est plus grande. De plus en plus grande car Pascal Bruckner s'est amusé à le faire rapetisser. Un mini roman délirant.


Dans un couple, habituellement, l'homme est plus grand que la femme. Rarement le contraire. Une exception qui a souvent du mal à passer dans toutes les civilisations. Quand Léon a séduit Solange, il ne s'imaginait pas qu'il allait en plus devoir batailler avec toute la famille de son aimée. Car Léon, sans être véritablement petit du haut de son mètre soixante-six, donne l'impression d'être un nabot à côté de Solange culminant à un mètre quatre-vingts.

Le jour de leur mariage, "Léon se hissa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur les lèvres de Solange. Celle-ci, incapable de se baisser de peur d'abîmer sa longue robe blanche et de perdre sa couronne de fleurs qui ceignait son front, dut le saisir à bras-le-corps pour le soulever jusqu'à sa bouche."

39 centimètres de moins

Médecins tous les deux, ils emménagent dans un vaste appartement parisien et, l'amour aidant, donnent naissance à un garçon prénommé Baptiste. C'est quelques jours après la naissance de ce solide gaillard que Léon a constaté quelques changements. Il flottait dans ses habits, ses chaussures étaient plus grandes, il dut rajouter des trous à ses ceintures. Léon, à son grand étonnement, du se rendre à l'évidence : il avait rapetissé. En quelques jours il a perdu 39 centimètres devenant cette fois véritablement beaucoup plus petit que sa femme.

Malgré des analyses médicales de toutes sortes et la consultation d'un spécialiste, aucune explication rationnelle ne put être donnée. Léon, tout à la joie d'être père, s'adapta à sa nouvelle condition. Quant à Solange, elle restait toujours autant amoureuse de son "petit mari", d'autant que tout n'avait pas diminué dans cette opération...

"Un époux farfadet"

La situation se compliqua à la naissance de leur deuxième enfant, Betty. En sortant de l'hôpital, Léon ne faisait plus que 88 centimètres. Une nouvelle fois il venait de perdre 39 centimètres. Inexplicable, irrémédiable mais sans conséquence : "Pendant des mois, Solange fut ravie. Son mari miniature la contentait en tout. Elle n'en voulait pas un plus grand. Il était docile, peu encombrant, filait doux. Elle régnait dans un monde de gnomes, deux enfants plus un époux farfadet. Que demander de plus ?"

Avec une fantaisie de plus en plus débridée, Pascal Bruckner s'est amusé à décrire la vie au quotidien de cet homme obligé de s'adapter. Léon en perdant ces centimètres se retrouve également remis en cause dans son autorité de père. Baptiste devient plus fort physiquement que lui. Et jaloux.

Poussant l'idée à l'extrême, l'auteur, en donnant ensuite des jumeaux à ce couple de plus en plus dépareillé, transforme Léon en petite chose insignifiante. Un homme de 10 centimètres qui va devoir sans cesse être sur ses gardes s'il ne veut pas périr. Griffes du chat, galopades des enfants... les dangers sont multiples. Une fantaisie parfois totalement invraisemblable, mais c'est là tout le charme de ce petit roman, semblant sans queue ni tête mais qui au final nous en apprend beaucoup sur l'âme humaine, sa grandeur et sa petitesse.

« Mon petit mari », Pascal Bruckner, Grasset, 13,90 € 

jeudi 27 décembre 2007

BD - "Le grand mort" et la Bretagne insoupçonnée


Qui a dit que Régis Loisel était un auteur rare ? Certes le dessinateur a parfois mis beaucoup de temps pour finaliser un album, mais le créateur, à l'imagination débordante, semble de plus en plus décidé à faire partager à tout un chacun ses mondes irréels. 

En cette fin d'année, en plus du retour de la Quête de l'oiseau du temps (avec Le Tendre) et un nouvel opus de Magasin Général (avec Tripp), il vient de signer l'idée de base et le scénario du "Grand Mort", nouvelle série fantastique. 

Pour gagner du temps, Loisel a abandonné la création en solitaire. Il a ainsi bénéficié de l'aide de Jean-Blaise Djian au scénario et les dessins sont de Mallié. Mais on retrouve quand même sa pâte. 

Pauline, étudiante, a décidé de réviser une semaine au calme, dans une maison d'une amie au cœur de la Bretagne. Mais la jeune Parisienne tombe en panne en route et trouve refuge chez Erwan. Ce dernier est une sorte de druide et il va entraîner Pauline, malgré elle, dans un monde parallèle. Très rationnelle, ne croyant pas à toutes ces fadaises et légendes, elle va pourtant devoir s'adapter dans un monde où toute logique a disparu. L'humour, très présent, donne un attrait supplémentaire à cet album.

"Le grand Mort", Vents d'Ouest, 13 € 

mercredi 26 décembre 2007

BD - Quintett, le dénouement


Il est quasiment impossible de parler du contenu du cinquième et dernier mouvement de la série Quintett écrite par Franck Giroud. Un énorme avertissement est même publié en dernière page : "Attention, si, les albums précédents peuvent se lire séparément, celui-ci est indissociable des quatre premiers mouvements. Il est vivement recommandé de ne pas l'ouvrir avant de les avoir lus. 

Et pour apprécier pleinement cette "chute", il est même conseillé de ne pas feuilleter cet album avant d'entamer sa lecture". Impossible d'en parler si ce n'est pour dire que c'est une superbe réussite et que cet avertissement est tout à fait justifié. On peut quand même révéler que ces dernières 80 pages sont dessinées par Alessandrini (après Bonin, Gillon, Cuzor et Kraehn) et que l'on retrouve les quatre personnages principaux des événements s'étant déroulés en 1916 à Pavlos en Grèce. 

Dora Mars, Alban Méric, Elias Cohen et Nafsika Vasli, malgré des années d'oubli, vont devoir se replonger dans ces drames. On est en 1932, à Paris, et ils vont comprendre que ce qu'ils pensaient être la vérité, leur vérité, n'était peut-être qu'une illusion.

"Quintett", Dupuis, 14 € 

mardi 25 décembre 2007

BD - Niklos Koda et la magie barcelonaise


Le 9e titre de la série Niklos Koda a pour cadre Barcelone. La capitale catalane accueille une grande réunion de magiciens, le club Osiris. Une sorte de confrérie qui est en grand danger. Dans l'ombre, d'autres personnes aux pouvoirs tout aussi puissants ont entamé une guerre qui fera de nombreuses victimes. 

A la tête de ces opposants on retrouve Hali Mirvic, le vieil ennemi de Niklos Koda. Mais dans cet affrontement, le héros imaginé par Jean Dufaux et dessiné par Olivier Grenson se tient un peu à l'écart. Il est beaucoup plus préoccupé par l'enlèvement de sa petite fille, Seleni. Dans une église, des demeures bourgeoises, sur les quais du port ou les ramblas, actuellement et dans le passé, c'est un jeu compliqué de tromperie et de simulacre qui engage des puissances colossales. Avec en fait, dans le jeu des magiciens d'Osiris, une carte traîtresse, l'arcane 16 qui donne son nom à l'album. 

Un scénario dense, réservant un coup de théâtre final annonçant un nouveau cycle, le tout dessiné par Grenson, virtuose pour imaginer des "trognes".

"Niklos Koda", Le Lombard, 9,80 € 

lundi 24 décembre 2007

BD - Une légende en villégiature


Dans un superbe album au dos toilé avec en quatrième de couverture une frise à damier rappelant les premiers albums du Lombard, Jean-Yves Ferri s'est amusé à imaginer les vacances à la plage du général De Gaulle en 1956. Petit rappel historique. Lassé par les manigances politiques des partis, le général de Gaulle décide de se retirer du pouvoir. 

Et pour faire véritablement la coupure, il part incognito en vacances au bord de l'Océan en compagnie de sa femme, Yvonne, de son fils, Philippe, de son aide de camp Lebornec et de son chien, Wermacht, le rejeton du chien-loup de Hitler. Un équipage qui ne passe pas inaperçu, d'autant que le libérateur de la France, malgré les tongs, son torse nu et un short un peu trop grand, se croit encore parfois à l'Elysée. 

Le naturel revient au galop et il se permet de lancer un "appel" à la sono du maître nageur sauveteur ou de donner une conférence impromptue sur la situation internationale à quelques vacanciers le prenant pour Jacques Tati. Il rencontre également un autre retraité européen en la personne de Churchill. 

Sous forme de demi-planches, un format qu'il maîtrise parfaitement, Ferri rend désopilant ce grand dadais ayant une si haute idée de son destin.

"De Gaulle à la plage", Dargaud, 11 € 

samedi 22 décembre 2007

Thriller - Torture entre amis

Un homme prisonnier d'une femme. Elle le torture. Pourquoi ? L'homme ne le sait pas et cela donne tout son sel à ce thriller de Karine Giébel.


Il a tout pour plaire et briller. Le commandant Benoît Lorand fait partie de ces flics pour qui l'action et la séduction sont intimement liés. Il est à la tête d'une équipe d'inspecteurs dévoués corps et âmes à leur chef. Marié, il a un jeune fils dont il est très fier. Mais c'est un séducteur impénitent. Il collectionne les conquêtes. Djamila, une de ses subordonnées le sait bien puisqu'elle est passée par là, « C'est sa façon d'agir avec les nanas... Un petit coup et puis s'en va ! Et le lendemain matin un bouquet de fleurs et une carte de rupture ! ».

Le problème c'est que le commandant Lorand a disparu depuis trois jours. La « maison poulaga » de Lyon est en émoi car elle n'a aucune piste. Djamila, peut-être en raison de sa connaissance particulière du personnage est chargée de l'enquête. Elle hésite entre une fugue amoureuse (mais cela ne dure jamais trois jours...) et une vengeance de l'épouse trompée. Le lecteur, lui, sait où se trouve Lorand. Et le plaint...

Dans une cage

Le beau policier, en revenant d'un stage à Dijon, s'est arrêté pour aider une jeune femme en panne au bord de la route. La voiture ne redémarrant pas, il l'a raccompagnée chez elle. Ils ont pris un verre. Puis... Puis le grand trou noir pour Lorand qui se réveille dans une cage au fond d'une cave humide. Après avoir constaté qu'il n'a aucune possibilité de s'échapper, il se retrouve face à sa gardienne. Lydia est « grande, élégante. De longs cheveux roux, la peau claire. Et sur ses lèvres un funeste sourire. » Telle une chatte s'amusant avec sa proie, Lydia va entamer une longue, très longue séance de torture.

Ce huis clos, ce face à face entre la tortionnaire et sa chose, compose l'essentiel de ce roman qui va crescendo dans l'horreur et le suspense. Karine Giébel a visiblement des trésors d'imagination pour faire durer ce « plaisir » dont Lorand se passerait bien. Le lecteur, une fois ces premières scènes d'une rare violence digérées, se retrouve comme hypnotisé par cette machine implacable. Il se met dans la peau de l'homme, qui, d'une attitude de bravoure et de fierté, redevient humain, fragile, implorant, prêt à tout avouer pour deux gorgées d'eau ou une couverture. Car la souffrance qu'impose Lydia est multiple. La faim dans un premier temps, puis la soif et le froid. Elle immobilise son prisonnier, lui entaille la poitrine, le frappe. Un supplice qui donne l'occasion à Lorand de faire un point sur sa vie, ses pratiques. S'il trompe sa femme, il l'aime véritablement. Certes c'est trop tard pour les remords, mais quand on est au fond du trou, tout est bon pour se redonner un peu d'espoir, de baume au cœur.

Ecriture nerveuse

Pendant que le commandant perd ses derniers lambeaux de dignité, Djamila, aidée par un flic taciturne de Paris venu superviser l'enquête, cherche une piste. Elle doit se contenter de l'épouse. Un autre face-à-face s'amorce entre la femme légitime et la maîtresse d'un soir.

Ce thriller français détonne un peu dans la production actuelle. Par sa dureté, mais également par l'application de l'auteur à parfaitement cerner la psychologie des principaux personnages. Lydia, folle, forcément, est fascinante. Son mobile, mystérieux la moitié du roman, donne un autre éclairage à sa personnalité quand elle l'explique à son prisonnier. Lorand, de prétentieux vaniteux, devient cette loque qu'on a quand même des difficultés à plaindre. Un cauchemar écrit nerveusement qui pourrait revenir hanter vos nuits.

« Les morsures de l'ombre », Karine Giébel, Fleuve Noir, 14,90 € (également disponible en format poche chez Pocket)