Un homme prisonnier d'une femme. Elle le torture. Pourquoi ? L'homme ne le sait pas et cela donne tout son sel à ce thriller de Karine Giébel.
Il a tout pour plaire et briller. Le commandant Benoît Lorand fait partie de ces flics pour qui l'action et la séduction sont intimement liés. Il est à la tête d'une équipe d'inspecteurs dévoués corps et âmes à leur chef. Marié, il a un jeune fils dont il est très fier. Mais c'est un séducteur impénitent. Il collectionne les conquêtes. Djamila, une de ses subordonnées le sait bien puisqu'elle est passée par là, « C'est sa façon d'agir avec les nanas... Un petit coup et puis s'en va ! Et le lendemain matin un bouquet de fleurs et une carte de rupture ! ».
Le problème c'est que le commandant Lorand a disparu depuis trois jours. La « maison poulaga » de Lyon est en émoi car elle n'a aucune piste. Djamila, peut-être en raison de sa connaissance particulière du personnage est chargée de l'enquête. Elle hésite entre une fugue amoureuse (mais cela ne dure jamais trois jours...) et une vengeance de l'épouse trompée. Le lecteur, lui, sait où se trouve Lorand. Et le plaint...
Dans une cage
Le beau policier, en revenant d'un stage à Dijon, s'est arrêté pour aider une jeune femme en panne au bord de la route. La voiture ne redémarrant pas, il l'a raccompagnée chez elle. Ils ont pris un verre. Puis... Puis le grand trou noir pour Lorand qui se réveille dans une cage au fond d'une cave humide. Après avoir constaté qu'il n'a aucune possibilité de s'échapper, il se retrouve face à sa gardienne. Lydia est « grande, élégante. De longs cheveux roux, la peau claire. Et sur ses lèvres un funeste sourire. » Telle une chatte s'amusant avec sa proie, Lydia va entamer une longue, très longue séance de torture.
Ce huis clos, ce face à face entre la tortionnaire et sa chose, compose l'essentiel de ce roman qui va crescendo dans l'horreur et le suspense. Karine Giébel a visiblement des trésors d'imagination pour faire durer ce « plaisir » dont Lorand se passerait bien. Le lecteur, une fois ces premières scènes d'une rare violence digérées, se retrouve comme hypnotisé par cette machine implacable. Il se met dans la peau de l'homme, qui, d'une attitude de bravoure et de fierté, redevient humain, fragile, implorant, prêt à tout avouer pour deux gorgées d'eau ou une couverture. Car la souffrance qu'impose Lydia est multiple. La faim dans un premier temps, puis la soif et le froid. Elle immobilise son prisonnier, lui entaille la poitrine, le frappe. Un supplice qui donne l'occasion à Lorand de faire un point sur sa vie, ses pratiques. S'il trompe sa femme, il l'aime véritablement. Certes c'est trop tard pour les remords, mais quand on est au fond du trou, tout est bon pour se redonner un peu d'espoir, de baume au cœur.
Ecriture nerveuse
Pendant que le commandant perd ses derniers lambeaux de dignité, Djamila, aidée par un flic taciturne de Paris venu superviser l'enquête, cherche une piste. Elle doit se contenter de l'épouse. Un autre face-à-face s'amorce entre la femme légitime et la maîtresse d'un soir.
Ce thriller français détonne un peu dans la production actuelle. Par sa dureté, mais également par l'application de l'auteur à parfaitement cerner la psychologie des principaux personnages. Lydia, folle, forcément, est fascinante. Son mobile, mystérieux la moitié du roman, donne un autre éclairage à sa personnalité quand elle l'explique à son prisonnier. Lorand, de prétentieux vaniteux, devient cette loque qu'on a quand même des difficultés à plaindre. Un cauchemar écrit nerveusement qui pourrait revenir hanter vos nuits.
« Les morsures de l'ombre », Karine Giébel, Fleuve Noir, 14,90 € (également disponible en format poche chez Pocket)
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