samedi 30 décembre 2006

BD - Et si Napoléon...

Imaginons que Napoléon, au lieu de ne régner que peu de temps sur une bonne partie de l'Europe avait étendu ses conquêtes vers l'Est. Imaginons qu'après l'Egypte, il ait conquis l'Inde. Ce concept, Jean-Pierre Pécau, le scénariste, l'a développé dans une série très prometteuse. 

En 1815, la lutte contre les Anglais fait rage. Mais les batailles se déroulent en Inde. Bombay est une place forte française. C'est dans cette ville prospère qu'arrivent Saint-Elme, officier de cavalerie né en Inde, ayant vécu une partie de sa jeunesse avec des loups dans la jungle et ennemi acharné des Thugs. Il est accompagné de Charles Nodier, jeune scientifique prometteur, très cultivé, qui tout en utilisant les progrès de la technique, accorde beaucoup d'importance aux légendes et croyances populaires. 

Dessinées par Kordey, ces aventures permettent au scénariste d'imaginer l'intervention de personnages hors de leur contexte. Ainsi il est question dans ce premier tome de la créature de Frankenstein, passée au service des Anglais... (Delcourt, 12,90 €)

vendredi 29 décembre 2006

BD - Le fils de l'offreur de cadeaux


Le Père Noël commence à se faire vieux. Il songe de plus en plus à la retraite. Et c'est enfin le grand jour : il va pouvoir passer la main. Son fils est arrivé à l'âge où il doit se trouver une situation professionnelle stable. Cela tombe bien, une place de Père Noël va se libérer. Mais avant il va devoir découvrir toutes les facettes du métier. Ce sont ces tournées à deux, père et fils Noël, que De Groot raconte et que Bercovici dessine. 

Des gags ou histoires complètes où on retrouve tout l'humour du scénariste de Léonard et de Robin Dubois et du dessinateur des Femmes en blanc. On découvre que les rennes du traîneau ont une vie propre ou que la mère Noël, sorte de bonniche obnubilée par le café n'a pas tous les jours une vie reluisante. 

Quant au fils, il se voyait faire un autre métier. Mais qu'importe, il a quelques idées pour révolutionner une fonction qui doit pourtant beaucoup à la tradition. (Glénat, 9,40 €)

jeudi 28 décembre 2006

BD - Horrible Dany

Troisième et ultime partie de la série écrite par Yves H. et illustrée par trois auteurs différents. La première, racontant la vie de Vlad Tepes, était signée Hermann, la seconde de Sera et cet ultime chapitre, se déroulant de nos jours, bénéficie du grand talent de Dany. Un dessinateur rare, trop rare. 

Après Olivier Rameau, BD la plus poétique de tous les temps et « Histoire sans héros », premier succès de Jean Van Hamme, il avait pris l'habitude de surtout distiller son art dans des blagues coquines lui permettant de dessiner ce qui visiblement lui plaît le plus : de charmantes pin-ups en petite tenue. 

En se lançant dans cet album fantastique, il n'a pas abandonné ses jolies modèles puisque le héros, un dessinateur cherchant l'inspiration en Roumanie, est confronté à trois jeunes femmes gourmandes de son corps, dans tous les sens du terme. Car le héros, en quelques jours de repérages sur les lieux de vie de l'inspirateur de Dracula, va rapidement basculer dans la folie et l'horreur. (Casterman, 13,75 €)

mercredi 27 décembre 2006

BD - Guerriers et magiciens


La Meute de l'enfer, petite bande de guerriers et de magiciens, arrive en Italie et découvre un pays en pleine guerre civile. L'anarchie règne partout. Massacres et tueries balisent le chemin jusqu'à Rome. Au nom de deux dieux des anciens temps : Hel pour les Goths, Aïta pour les Romains. 

Et dans sa quête pour trouver les portes de l'enfer, la petite troupe découvre qu'un autre fléau s'abat sur le pays : la peste. Dans ce troisième tome de la série écrite par Thirault et dessinée par Kovacevic (il prend la relève de Hojgaard), la meute est surtout confrontée à un fantôme du passé. Moundhir, tué par la meute car il devenait un fou sanguinaire, parvient à reprendre forme humaine et affronte le magicien de la troupe, l'Oiseau. Un Oiseau qui se sacrifiera dans les dernières pages pour permettre à ses compagnons de poursuivre leur périple, selon les prédictions d'une voyante. 

Très violente, cette BD mélange mythologie, fantastique et combats. Un cocktail détonnant. (Les Humanoïdes Associés, 12,90 €)

mardi 26 décembre 2006

BD - L'intégrale, cadeau idéal...

Black Hole. Dans une petite ville américaine, une étrange maladie fait son apparition. Ce mal, vite baptisé « la Crève » affecte exclusivement la population adolescente. Les symptômes provoquent d'ignobles mutations. Rapidement les pestiférés s'isolent et tentent de vivre avec cette maladie venue de nulle part. Oeuvre majeure de Charles Burns, fruit de 11 années de travail, ce long cauchemar bénéficie de son édition en intégrale. 360 pages en noir et blanc qui marquent les esprits. (Delcourt, 29,90 €)

Le Choucas. Quand Lax a créé son personnage de détective placide et désabusé, il avait imaginé des albums en noir et blanc. Un genre dans lequel il excelle. Pourtant, l'éditeur a voulu que la série soit publiée en couleurs. Juste retour des choses, voici la publication des six premières aventures dépouillées des « enluminures ». Cela gagne en noirceur, et on peut mieux apprécier la qualité du trait de ce grand de la BD. (Dupuis, 30 €)

Les sales blagues, la totale. Un autocollant sur la couverture vous prévient « 2,5 kilos de colossale finesse ». 

Un gros pavé de poésie et de douceur ? Non, simplement la compilation de toutes les Sales blagues dessinées par Vuillemin depuis les débuts. 13 tomes en un seul volume de plus de 620 pages. 

La garantie d'une saine rigolade pour un réveillon qui n'en finirait pas... (Albin Michel, 39 €)

Torpedo. Voilà une des plus grosses intégrales BD mise sur le marché pour cette fin d'année. 680 pages retraçant les aventures de Lucas Torelli, dit Torpedo. Un truand américain des années 30 qui ne fait pas dans la dentelle quand il a un différend. Ecrit par Abuli, Torpedo, après une première histoire sous la plume d'Alex Toth, a continué sa vie avec Jordi Bernet aux pinceaux. Un maître catalan du noir et blanc. (Vents d'Ouest, 35 €)

lundi 25 décembre 2006

Cadeaux - Quelques beaux livres


Voyage au bout de la nuit illustré par Tardi.
A sa parution en 1988, ce livre était l'exemple parfait de la collaboration entre Futuropolis, maison d'édition BD d'excellence et d'expérimentation, et Gallimard, riche de ses classiques de la littérature française et étrangère. Le roman de Céline sera toujours une grande claque pour le lecteur. Le texte, illustré par Jacques Tardi, en prend encore plus d'ampleur. La réédition en 2006 de cet ensemble montre que la formule n'a pas vieilli. Mais qu'il sera difficile de faire mieux... (Futuropolis/Gallimard, 35 €)

Spiderwick, le grand guide. Après la publication de la saga des chroniques de Spiderwick, voici le guide richement illustré de ce monde fantastique qui plaira aux plus jeunes. De l'elfe des bois à la kelpe lacustre en passant par les différents gobelins vous apprendrez tout sur ces êtres merveilleux, avec de superbes croquis à la clé. Un complément iconographique idéal aux romans. (Pocket Jeunesse, 21 €)



Brassens à la lettre. Chloé Radiguet a retracé la carrière de Georges Brassens, disparu il y a 25 ans, dans une sorte de dictionnaire illustré de dizaines de photos. Cela commence bien évidemment par le A d'Amitié. Les témoignages des amis sont nombreux dans ce gros volume. (Denoël, 25 €)

dimanche 24 décembre 2006

BD - Jeune assassin ?


« Assassin ! », tel est le titre du 12e album des aventures de Charly écrites par Lapière et dessinées par Magda. Charly n’est plus l’enfant du début de la série, jouant avec son avion magique. C’est devenu un jeune adulte de 17 ans, n’ayant gardé de cette période que la faculté de voir le futur quand il croise certaines personnes. Des visions très perturbantes car ce sont généralement accidents et meurtres qui s’imposent à son esprit. 

Alors qu’il  flirte avec sa petite amie du moment, son beau-père Jacques lui propose de l’intégrer dans l’équipe de sa chaîne de magasins de vêtements pour adolescents. Une grosse opération qu’il mène de concert avec un associé, Pierre-Edouard. Mais ce dernier semble avoir une double vie que Charly perçoit immédiatement à son contact. Il voit viols, tortures et assassinats de jeunes femmes, mises sur le trottoir de force. En tentant de sauver une de ces prostituées, Charly va se transformer en coupable idéal. Et il ne devra son salut qu’à une fuite irrationnelle. 

Recherché par la police, il devra tenter de prouver son innocence aux yeux de tous, même de sa mère et de sa petite amie. Première partie d’une histoire très sombre, très réaliste, très plausible. (Dupuis, 9,80 €)

samedi 23 décembre 2006

Roman - La vie, la vraie… selon Jean-Paul Dubois

Au rythme des changements de président de la République, Jean-Paul Dubois retrace la vie de Paul Blick : « Une vie française ».


Ce roman de Jean-Paul Dubois fait partie des rares œuvres qui vous imprègnent totalement, laissant forcément une trace longue et indélébile au plus profond de votre être. Paul Blick, héros omniprésent de ces 350 pages, débute son récit le jour de la mort de son frère aîné, Vincent. Il a huit ans, Vincent venait d’en avoir dix. De ce jour, les parents de Paul abdiquent toute joie de vivre. Paul, ne voit qu’un seul et unique intérêt à la mort de son aîné : il peut accaparer un carrosse doré qui lui faisait envie depuis des années. Une trahison, acte fondateur du début de ses mémoires en même temps que De Gaulle fonde la Ve république qui le suivra jusqu’à aujourd’hui, 44 ans et quelques présidents plus tard.

Mai 68 et après…

L’adolescent suivra une scolarité simple et anonyme jusqu’à l’arrivée de mai 68, l’année de sa terminale. Il est le premier sur les barricades de la ville rose, allant même jusqu’à briser les vitrines du garage de son père avec des pavés on ne peut plus symboliques. De ce grand chambardement, il gardera un engagement politique résolument anarchiste. Il n’a jamais voté et ne le regrettera jamais, trouvant dans les années qui passent mille bonnes raisons de ne pas avoir donné sa voix au nobliau Giscard, à Mitterrand et ses pratiques monarchiques ou Chirac en 2002 « qui n’était pas grand-chose face à l’Autre qui était encore moins ». Mais cela n’empêche pas Paul Blick de tout faire pour voler de ses propres ailes et trouver sa place dans cette société qu’il supporte plus qu’il ne cautionne. Premier boulot dans un hebdomadaire sportif. Il signe ses premiers compte-rendus de rugby. Il rencontre surtout la fille du patron, Anna, et en tombe follement amoureux. Il mettra du temps à la conquérir, parviendra à évincer le fiancé officiel pour finalement l’épouser, un compromis qu’il regrettera longtemps. Deux enfants naîtront de cette passion : Vincent (prénom évident pour Paul) et Marie.

Arbres immobiles.

Il abandonnera les bords de terrain pour se consacrer entièrement à l’éducation de ses petits pendant que la mère, executive women avant l’heure, reprend une société de son père pour lui donner un coup de fouet et atteindre « une croissance à deux chiffres ». La scolarisation des enfants lui laisse un peu plus de temps libre et il se remet à la photographie, ne fixant sur sa pellicule que des arbres, calmes et immobiles. Il trouvera dans ces représentations une philosophie de la vie qu’il résume en quelques mots : « Je vois la vie comme un exercice solitaire, une traversée sans but, un voyage sur un lac à la fois calme et nauséabond. Parfois, sous l’effet de notre propre poids, nous glissons vers le fond. Lorsque nous le touchons, lorsque nous sentons sous nos pieds la substance molle et écœurante de nos origines, alors nous éprouvons la peur ancestrale qui habite tous les têtards voués à l’abattoir. Une vie n’est que ça. Un exercice de patience, avec toujours un peu de vase au fond du vase. »

La vieillesse.

Les photos des arbres, regroupées dans un livre luxueux, lui donne une indépendance financière inespérée. Il vieillira inexorablement, avec son cortège de deuils, de petits bonheurs et de désillusions. Mort du père, lente agonie de la mère, disparition de sa femme dans un accident d’avion : la vie ne lui fait pas de cadeaux. Avec la ruine au bout du chemin et la folie de sa fille. Et l’amour ? Il résume amèrement ce sentiment : « Nous avons tous la faiblesse de croire que chaque histoire d’amour est unique, exceptionnelle. Rien n’est plus faux. Tous nos élans du cœur sont identiques, reproductibles, prévisibles. Passé le foudroiement initial, viennent les longues journées de l’habitude qui précèdent le couloir infini de l’ennui. »

Si ce roman de Jean-Paul Dubois est parfois émouvant, il est également souvent comique. L’auteur parvient à faire alterner scènes bouleversantes et sketches hilarants. Comme une vie bien remplie offre normalement à tout homme qui se respecte, qu’il soit Français ou de n’importe qu’elle autre nationalité.

« Une vie française », Jean-Paul Dubois, éditions de l’Olivier, 21 € (également en poche chez Points)

vendredi 22 décembre 2006

BD - Mystère à Rocamadour


La troisième enquête de la Brigade de l'étrange se déroule à Rocamadour. La paisible cité lotoise est sous le choc : trois notables viennent d'être retrouvés décapités dans les rues. Crimes mystérieux, inexpliqués et se déroulant de nuit. Les policiers locaux ne trouvant aucune piste, le ministère décide d'envoyer ses agents d'élite : Carette, Fernand et Edouard, le frère du professeur Lartigues. 

L'intrigue se passant en 1882, quand le trio arrive sur place, il n'est pas surpris d'entendre au loin les hurlements des loups encore très nombreux dans la région. Une enquête délicate car les victimes sont des notables et que rapidement les principaux suspects sont eux aussi très honorablement connus et installés depuis fort longtemps à Rocamadour. 

Le scénario de Philippe Chanoinat laisse le lecteur très longtemps dans l'expectative. Qui est le tueur ? Il faudra les dernières cases dessinées par Frédéric Marniquet pour découvrir la vérité. (Albin Michel, 13,90 €)

jeudi 21 décembre 2006

Roman - Moscou nocturne

Le Moscou décrit par Serguei Loukianenko dans ce roman fantastique est terrifiant. La ville serait le théâtre d'un combat entre Sombres et Clairs.


Anton, le narrateur de ce roman fantastique vendu à plus de deux millions d'exemplaires en Russie est informaticien. Il semble mener une vie tout ce qu'il y a de plus classique. Mais Anton est différent. Il fait partie des « Autres », des individus ayant des pouvoirs surnaturels. Ils ne sont pas très nombreux et cohabitent avec les humains, ces derniers ne soupçonnant jamais l'existence des sorciers, mages, vampires ou lycanthropes. Anton, en réalité, est employé au Contrôle de la nuit. Il est chargé de repérer et de neutraliser les « Sombres » ne respectant pas les règles en vigueur depuis 1342. Car entre la Nuit et le Jour, les Sombres et les Clairs, un pacte a été signé à cette lointaine époque. Et chacun se surveille mutuellement. L'équilibre doit être minutieusement respecté. Les Sombres ne peuvent tuer ou tisser des maléfices que sur licence du Contrôle de la Nuit. De même, les mages blancs, les Clairs, ne peuvent guérir et jeter des sorts bénéfiques que sur licence du Contrôle du Jour. Quand il y a affrontement, c'est toujours dans la Pénombre, une dimension parallèle à notre réalité, uniquement perceptible par les « Autres ».

L'adolescent et les vampires

Ce monde très manichéen, aux règles strictes mais qui sans cesse est sur le point de basculer est issu de l'imagination de Serguei Loukianenko, médecin psychiatre de formation, figure de proue de la nouvelle vague du fantastique russe.

Anton, plus habitué au travail de bureau, se retrouve donc sur le terrain, tentant dans la première histoire (il y en a trois dans ce gros recueil de 500 pages) de sauver Egor, un adolescent, « Autre » n'ayant pas encore découvert ses capacités, des crocs d'un couple de vampires hors-la-loi. Anton tue le mâle, mais la femelle prend Egor en otage. Anton, doit en plus tenter de trouver l'origine d'une malédiction se formant au-dessus de Svetlana, une jeune femme, médecin, ne se connaissant pas d'ennemi.

Zébulon, l'ennemi

Une malédiction d'une ampleur encore jamais vue : « Devant moi, sur fond de ciel enneigé, un cyclone noir tournait lentement sur lui-même. C'était bien plus qu'une tornade, un cyclone gigantesque. (...) D'après le chef, la tornade qui a précédé la bombe d'Hiroshima était moins haute. » Anton va devoir trouver l'origine de la malédiction en peu de temps. Sinon, ce sera toute la ville de Moscou qui sera rasée. Il découvrira, avec l'aide de sa collègue Olga (qui a l'apparence d'une chouette), que tout cela n'est qu'une vaste machination du Chef du Contrôle de la Nuit, Zébulon, sorcier puissant qui en voudra énormément à Anton d'avoir déjoué son plan.

Sans révolutionner le genre, Serguei Loukianenko parvient à surprendre le lecteur. Description détaillée de la Pénombre, personnages aux résonances très humaines malgré leurs pouvoirs, actions et coups de théâtre fréquents, le premier tome de cette trilogie, bientôt adaptée au cinéma, devrait faire rêver et frémir ses lecteurs.

« Les sentinelles de la nuit », Serguei Loukianenko, Albin Michel, 18,50 €