Scénariste ayant marqué l’imaginaire des comics, Alan Moore est aussi (et sans doute avant tout), un romancier à l’imagination sans limite. Britannique pur jus, l’auteur se lance dans une série ayant Londres pour décor principal. Reste à savoir quelle ville exactement : la capitale anglaise de 1949 que l’on connaît où une métropole différente, comme issue d’un univers parallèle.
Pour vous faire une idée, plongez dans Le grand Quand, sur les traces d’un jeune libraire et futur écrivain, Dennis Knuckleyard, fasciné par des livres racontant l’histoire de la ville, avec des pans importants totalement imaginaires. Un univers foisonnant et incroyable où l’on retrouve la douce folie du génial Alan Moore. « Le grand Quand », Alan Moore, Bragelonne, 384 pages, 25 €
Au rayon cadeaux de fin d’année, les livres collector sont toujours du plus bel effet. L’occasion d’offrir des classiques dans une édition originale. Pour les amateurs de fantasy, osez le Graal absolu : la trilogie du Seigneur des Anneaux.
La saga de Tolkien est à redécouvrir chez Pocket dans ce format poche de toute beauté, aux couvertures dorées et en relief. Trois tomes pour suivre les aventures des Hobbits face au redoutable Sauron, déterminé à conquérir le pouvoir absolu. Plus de 2000 pages au total, en trois volumes pour la somme totale de 34 €. « Le seigneur des Anneaux », Tolkien, Pocket
La nuit, Donald devient Fantomiald, le justicier masqué. Un secret bien gardé que Picsou risque de découvrir quand il décide de mettre son neveu à la porte s’il ne paye pas un loyer rapidement. En plus des missions secrètes nocturnes, Donald va donc devoir trouver un travail…
Cet album, composé de quatre histoires courtes sur ce thème, est écrit par Nicolas Pothier et dessiné par Batem. Le repreneur des aventures du Marsupilami conserve toute sa virtuosité pour dessiner des personnages de l’univers Disney avec un peu plus de mimiques et caricatures que d’ordinaire.
On rit énormément aux histoires loufoques de Pothier, avec jeux de mots savoureux et situations loufoques mettant aux prises un Donald dépassé et un Fantomiald toujours aussi intrépide. Un bel hommage à une série populaire qui fait encore les beaux jours de la presse jeunesse. « Un travail pour Fantomiald », Glénat, 56 pages, 15,50 €
Brave Marsupilami, animal de légende, invention de Franquin, devenu aussi célèbre que le groom rouge (Spirou), l’ayant découvert dans la jungle de Palombie. Un animal quasi magique qui vit désormais des aventures propres. Nouveau cap avec le lancement d’un album qui intègre la collection intitulée « le Marsupilami vu par… » inaugurée avec La bête de Zidrou et Frank.
Cette fois c’est Lewis Trondheim et Alexis Nesme qui proposent leur vision du roi de la jungle sud-américaine. Le premier signe un scénario permettant de découvrir les origines de l’animal. Le second met en images cette version se déroulant au temps des féroces conquistadores.
Mais comme c’est Trondheim au scénario, l’humour est omniprésent. Tout commence avec une rébellion à bord d’un voilier parti vers les Nouvelles Indes. À court de vivres, le capitaine Santoro, décide de cuisiner l’un des trois mousses. Ce sera José Palombo. Qui n’est pas d’accord. Par chance, en se réfugiant au sommet du grand mât, il voit une terre à l’horizon.
Les explorateurs, à la recherche de vivres et d’or, accostent, tombent sur des Indiens et un drôle de singe à la longue queue. La suite permet à Alexis Nesme de signer des planches de toute beauté, dans la luxuriance de la forêt équatoriale, avec parures chatoyantes et brillantes des autochtones et oiseaux de toutes les couleurs.
Un régal pour les yeux et les zygomatiques. « Une aventure du Marsupilami, El Diablo », Dupuis, 64 pages, 17,95 €
La mode semble à la mort des héros. Spirou, vénérable personnage qui a fait le succès des éditions Dupuis, semblait avoir tiré sa révérence lors que précédent album titré sobrement La mort de Spirou. Mais les repreneurs de la série popularisée par Franquin, (Benjamin Abitan et Sophie Guerrive au scénario, Olivier Schwartz au dessin), ont plus d’un tour dans leur sac et proposent un 57e album, La mémoire du futur.
La suite du précédent où Spirou est prisonnier d’une intelligence artificielle issue du robot Cyanure, jolie création de Tome et Janry dans les années 80. Un héros persuadé d’être retourné à Bruxelles en 1958. Il devra trouver la faille qui lui permettra de retrouver le présent.
Un album assez déconcertant. Un côté hommage au Spirou de Jijé, mais un final hyperviolent, avec hécatombe (virtuelle certes) des seconds rôles. L’ensemble est cependant de très bonne qualité, version modernisée et futuriste d’une série qui va vers ses 90 ans. « Spirou et Fantasio » (tome 57), Dupuis, 64 pages, 12,50 €
Comme Tintin ou d’autres héros de papier, Corto Maltese est un grand voyageur. Ses aventures lui ont donné l’occasion de visiter tous les continents et dans ce 17e album, il accroche un nouveau pays à son tableau de chasse : le Mexique.
Dans La ligne de vie, récit écrit par Juan Diaz Canales et dessiné par Ruben Pellejero, Corto cherche des fonds pour finaliser la restauration de son bateau. La démoniaque Bouche Dorée lui propose un marché : se faire passer pour un amateur d’art et acheter des objets en jade à un pilleur de temples mayas.
Une mission simple qui va se compliquer car Corto se retrouve embarqué, malgré lui, dans la guerre civile qui déchire le pays durant ces années 20. Le gouvernement, républicain, tente de mater la révolte des catholiques. Le bel aventurier va devoir transporter des caisses de munitions pour les insurgés.
Une longue aventure, pleine de péripéties, avec le retour de quelques seconds rôles connus (Raspoutine, Banshee) et la mort qui plane sur le héros à la boucle d’oreille. Une diseuse de bonne aventure lui a annoncé le raccourcissement de sa ligne de vie. Finalement, Corto Maltese est-il mortel ?
Pas de retraite pour les Tuniques Bleues et encore moins pour leur dessinateur, Lambil. Il signe le 68e album de ce duo légendaire de soldats américains pris dans la tourmente de la guerre de Sécession.
Cette fois c’est Fred Neidhardt qui signe le scénario. Le Montpelliérain, après avoir écrit un Spirou, s’attaque à une seconde légende de la BD franco-belge. Avec bonheur. Il offre notamment un début d’aventure très grinçant avec reparties cinglantes de Blutch, éternel tire-au-flanc dont la permission va être gâchée par son complice de toujours, Chesterfield. Ils vont tenter de dérober un chargement d’or destiné à financer l’armement des Sudistes.
À noter que l’un des personnages secondaires est un soldat noir, permettant à cette BD de faire passer quelques messages contre le racisme. Comme une réponse anticipée à la polémique autour de l’album Spirou et la Gorgone Bleue. « Les Tuniques Bleues » (tome 68), Dupuis, 48 pages, 12,50 €
Ce n’est pas sans un peu d’émotion qu’on découvre le nouveau Blake et Mortimer, le dernier dessiné par Juillard, mort à la fin de l’été. Un scénario d’Yves Sente pour une aventure se déroulant exclusivement en Angleterre : Londres et les Cornouailles.
Olrik fait des cauchemars. Il vit par anticipation son exécution. Prisonnier et condamné à mort, il attend sa dernière heure. L’arrivée de deux nouveaux prisonniers dans sa cellule va lui permettre de mettre au point un téméraire plan d’évasion. Un Blake et Mortimer fidèle aux codes de la série imaginée par Jacobs. Les deux héros vont avoir fort à faire pour contrer les multiples menaces pesant sur la couronne britannique.
Le professeur y développe une de ses inventions, une « Taupe », sorte d’excavateur permettant de creuser des galeries souterraines pour faciliter l’exploitation des mines. Il y est aussi question de la légende d’Excalibur, dernière occasion pour Juillard de dessiner des planches historiques qui ont fait son succès. « Signé Olrik », Blake et Mortimer, 64 pages, 17 €
Nombre de chercheurs tentent de trouver un médicament pour vaincre Alzheimer. Dans ce roman d’Asa Ericsdotter, la solution est en vue. Mais à quel prix ?
Genre à part, le thriller médical et scientifique connaît un regain d’intérêt depuis la pandémie mondiale. Asa Ericsdotter, romancière suédoise, s’engouffre dans la brèche en signant Phase 3, un thriller d’une incroyable efficacité et d’un réalisme qui risque de vous glacer d’effroi si vous avez plus de 60 ans.
La molécule mise au point par deux équipes de chercheurs américains agit directement sur les cellules du cerveau. Comme une sorte de détergent, qui nettoie les terminaisons nerveuses facilitant la communication entre neurones. Conséquence immédiate : les patients atteints par la maladie d’Alzheimer retrouvent la mémoire et une parfaite perception de leur réalité. Des recherches qui débouchent sur la mise au point d’un médicament, baptisé Re-cognize. Après de longues études théoriques, un essai clinique est réalisé sur des souris de laboratoire. Puis des malades, volontaires.
Re-cognize en est à la phase 3, la dernière, celle qui devrait, dans la foulée, permettre d’obtenir l’autorisation de la mise sur le marché. Cela semble un miracle. Presque trop beau pour Celia, Adam ou David, les trois personnages principaux du roman. Première alerte, quand une souris guérie tue les autres cobayes de sa cage. Puis des tueries de masse dans une maison de retraite et dans un centre commercial alertent les chercheurs. Car les tueurs sont des personnes âgées, des volontaires pour tester Re-cognize.
Phase 3 raconte comment certains scientifiques jouent avec le feu. Alors que d’autres sont excessivement prudents. Difficile de trouver un juste milieu quand il faut combattre ce mal horrible : « La grand-mère de Celia était la plus forte, la plus avisée. Puis la maladie d’Alzheimer avait commencé à la vider de toute sa sagesse. […] Elle était devenue quelqu’un d’autre. Puis elle était devenue personne. C’était une maladie diabolique. » En alternant les points de vue (chercheur, malades, cobayes), la romancière parvient à faire monter la tension dans une intrigue aux multiples rebondissements. Une réflexion très lucide sur la recherche médicale, ses conséquences, ses errements et les espoirs qu’elle suscite souvent.
Mais cela ne reste que de la fiction et malheureusement, tous les jours, des centaines de mémoires et de vies disparaissent de la surface de la terre.
Plus compliqué que le ménage à trois, les trois histoires d’amour partagées et concomitantes de trois amies inséparables. Une comédie romantique douce-amère signée Emmanuel Mouret.
Joan, Alice et Rebecca sont amies. Trois jeunes femmes, enseignantes vivant à Lyon, qui se disent tout. Ou presque. Joan (India Hair) est la plus franche. Elle ne peut s’empêcher d’avouer à Alice (Camille Cottin) qu’elle n’est plus amoureuse de Victor (Vincent Macaigne), son compagnon et père de sa fille. Alice relativise : elle n’a jamais été follement amoureuse d’Éric (Grégoire Ludig), mais ne peut pas vivre sans sa présence quotidienne.
Rebecca (Sara Forestier) quant à elle est toujours célibataire. La plus fofolle du trio, vient de craquer pour un certain Monsieur X. Un homme marié dont elle cache soigneusement l’identité à ses deux amies. Logique, c’est Éric.
Quand Thomas (Damien Bonnard) est nommé dans le même collège que Joan et Alice, ces petites romances évoluent, mutent, se fracturent surtout.
Emmanuel Mouret est le cinéaste des amours compliquées. Il vient de placer la barre encore plus haut dans ce film où les sentiments perturbent le quotidien des trois protagonistes. En racontant en parallèle (mais aussi en les entremêlant) ces différentes rencontres et perceptions de l’attirance pour l’autre, il démontre brillamment qu’il n’y a pas un type d’amour, de coup de foudre ou de façon d’aimer mais une multitude. Autant que de personnes, voire de couples potentiels.
Si Vincent Macaigne, dans un rôle fantomatique étonnamment serein, semble être au final la voix de la raison, les trois femmes sont différentes et complémentaires. Joan, rongée par la culpabilité, refuse de se laisser guider par ses sentiments. Comme si elle portait en elle une sorte de malédiction. Alice, aux rêves étranges et prémonitoires, semble enfin rencontrer un homme qui la fait chavirer. Mais cela en vaut-il vraiment la peine quand le quotidien avec son premier compagnon est si doux ?
Reste le cas de Rebecca. La plus excentrique, aux sentiments les plus exacerbés. Sara Forestier, trop longtemps absente des écrans, revient avec un rôle en or. Obligée de mentir à ses amies après avoir trahi l’une des deux, elle ne sera jamais que la maîtresse qu’on cache. Celle qui enchaîne les déceptions, manque d’assurance et fait les mauvais choix. Sauf que, parfois, l’amitié est plus forte que l’amour et que ce dernier, comme la chance, frappe sans la moindre logique. Au final, Trois amies est un film universel d’une très grande finesse.