Nicolas Seydoux a longtemps présidé Gaumont. Il livre dans ce récit le témoignage d’un des patrons de cet art, également secteur économique essentiel en, France. Il revient sur son parcours, les grands succès (Le Grand Bleu, Intouchables…) mais surtout raconte les hommes et femmes qu’il a eu la chance de croiser.
Des portraits parfois intimistes des grands du cinéma français comme Alain Poiré, Luc Besson, Jean Reno ou Daniel Toscan du Plantier. Il ne se met pas spécialement en avant, se présentant simplement comme un patron désireux de faire fructifier cette marque exceptionnelle aussi ancienne que ce cinéma qui a fait sa renommée mondiale.
« Le cinéma, 50 ans de passion », Nicolas Seydoux, Gallimard, 450 pages, 27 €
Ce petit livre malicieux de Jörg Mülhe plaira à tous les jeunes papas qui ont des problèmes de calvitie naissante. Comment expliquer à ses enfants qu’on perd déjà des cheveux, comme Papi, même si lui est vieux, très vieux ?
L’auteur de cet album imagine que les cheveux de papa sont des petits rigolos ayant soif d’aventures, bien décidés à découvrir la vie par leurs propres moyens. Ainsi, un matin, dans la salle de bains, ils ont quitté le crâne de papa et se sont envolés par la fenêtre.
Il a bien essayé de les rattraper, mais ils ont toujours été plus rapides. Mais qui sait, peut-être reviendront-ils un jour ?
« Les cheveux de papa », L’École des loisirs, Pastel, 68 pages, 12 €
Gros plan sur la vie de Maurice Ravel, compositeur du Bolero, filmé par Anne Fontaine et interprété par Raphaël Personnaz. Un film sur un air devenu universel.
Cinq fois candidat au prix de Rome. Cinq échecs. Pourtant Maurice Ravel (Raphaël Personnaz) était déjà considéré comme un très grand compositeur. Cela donne lieu dans Bolero, film d’Anne Fontaine, à une scène finalement assez joyeuse. Avec quelques amis dont Cipa Godebski (Vincent Perez), ils trinquent « à l’échec ! »
Maurice Ravel, éternel perdant ? Il se serait contenté de cette étiquette, mais en 1928, pour la danseuse Ida Rubinstein (Jeanne Balibar), il compose un morceau de 17 minutes : le Bolero, devenu depuis l’air de musique le plus connu dans le monde.
Pour raconter la vie de Maurice Ravel, Anne Fontaine a donc décidé de placer le Bolero, et sa création, au centre du film. Longtemps, Ravel repousse ce travail de commande. C’est à la demande insistante de sa muse, la femme qu’il semble aimer secrètement, Misia Sert (Dora Tillier), qu’il accepte de se mettre à la tâche. Dans sa maison refuge, en contemplant la nature, il pose les premières notes sur la partition. Puis passe au piano, imagine cette ritournelle lancinante et la répète de façon crescendo. Il n’en sera jamais totalement satisfait : pas d’âme, juste une expérience d’orchestration.
Mais lors de la première du ballet, c’est un triomphe. Maurice Ravel, déjà célèbre (il faisait régulièrement des concerts aux quatre coins du monde), devient une star planétaire. Mais pour un seul morceau qui éclipse tout le reste de son œuvre. Le film aborde aussi cet aspect de sa carrière, cannibalisée par ces 17 minutes géniales. Géniales car on ne peut s’empêcher, au cours de sa création puis de son interprétation dans le film, de succomber à sa simplicité, sa virtuosité.
Le Bolero a été qualifié de charnel, d’érotique. L’inverse de la vie quasi monastique de Maurice Ravel. Il n’avait qu’une seule épouse : la musique. Anne Fontaine a cependant voulu faire sentir au spectateur combien ce créateur était sensible et délicat. Quelques scènes entre Raphaël Peronnaz et Doria Tillier sont d’une rare sensualité.
Amour platonique, peut-être causé par la trop grande importance de la mère de Ravel dans sa vie. Les amateurs de psychanalyse y trouveront matière à réfléchir. Ce qui est sûr, c’est que Ravel, une fois le Bolero mis en orbite, a lentement décliné, atteint d’une maladie du cerveau. Il ne pouvait plus composer, mais la musique était toujours présente dans sa tête. De nouveaux Boleros que l’on n’aura jamais la chance d’apprécier.
Film d’lker Çatak avec Leonie Benesch, Michael Klammer, Rafael Stachowiak, Leo Stettnisch
Que se passe-t-il dans cette salle des profs d’un collège allemand ? Solidarité et concorde ont déserté le lieu. Carla (Leonie Benesch), jeune prof de maths, nouvellement affectée, découvre que tout le monde se surveille. Il y a des vols. Chez les élèves et les profs.
Elle tend un piège et filme la voleuse. La première pièce d’un puzzle machiavélique qui va transformer le collège en véritable poudrière. La salle des profs d’Iker Çatak, sélectionné pour l’oscar du meilleur film étranger, inaugure un nouveau genre, le thriller scolaire.
Carla se retrouve acculée. Elle se met à dos ses collègues mais surtout toute la classe d’Oskar (Leo Stettnisch), le fils de la présumée voleuse, mise à pied temporairement. Le film devient de plus en plus oppressant, la position de Carla intenable, celles d’Oskar et de sa mère encore plus délicates.
Une réalisation au cordeau qui bénéficie d’une interprétation magistrale, notamment de Leonie Benesch qui aurait sans doute mérité, comme Sandra Hüller, d’être nominée comme meilleure actrice.
Un film japonais d'animation (tiré d'un manga) de Yuzuru Tachikawa racontant la formation d'un groupe de jazz.
Tiré du manga de Shinichi Ishizuka édité en France Chez Glénat, Blue Giant est le genre de réalisation qui va passionner les amateurs de jazz et sans doute créer des vocations. Pas forcément de musiciens, mais de nouveaux amateurs de cette musique qui a su au fil des décennies traverser les frontières et conquérir toutes les civilisations. Au Japon, le jazz ressemble presque à une religion. Les adeptes sont ceux qui vont dans les clubs, le clergé les musiciens.
Dai, jeune prodige du saxo, décide de quitter sa province pour tenter sa chance à Tokyo. Hébergé chez son meilleur ami, Tamada, il va faire des petits boulots la journée et répéter, seul devant le fleuve, tous les soirs. Ce qu’il aime dans le jazz, ce sont les solos d’improvisation. En allant dans un club, il croise la route de Yukinori, pianiste expérimenté. Ils ont le même âge, décident de répéter ensemble dans un club qui n’accueille plus de public. Manque un batteur. Dai va proposer le poste à Tamada, totalement novice mais enthousiasmé par l’idée. Le goupe Jass vient de naître et le film Blue Giant raconte sa progression jusqu’au sommet en moins de deux ans.
Si la première partie est un peu laborieuse (découverte de Tokyo, rencontre des membres, premières répétitions), la suite est véritablement enthousiasmante. Les longues scènes au cours desquelles le groupe joue à l’unisson sont un bonheur rarement atteint dans une fiction. Et les effets graphiques et de couleurs amplifient d’autant l’impression d’osmose entre les trois jeunes artiste, la musique, le public et les spectateurs qui se trouvent catapultés au cœur de ce jazz en images.
Une semaine au Maroc, des photos et des dessins durant ce petit voyage. Et à l’arrivée un joli livre signé Ben Caillous au dessin et Laurent Herencia pour la partie photographique.
Les deux amis avaient envie de collaborer ensemble, ce Marra Sketch est l’occasion parfaite pour qu’ils fassent répondre leurs regards sur les habitants du Maroc. Ben Caillous, dessinateur installé à Villelongue-dels-Monts dans les Pyrénées-Orientales explique que « Le défi était de réaliser un sketchbook sur six jours à Essaouira et Marrakech. Deux ambiances différentes. » Et de reconnaître que dans ce livre, « ce sont les expressions, les postures et les scènes de vie locale qui nous ont captivées. »
Chen Jiang Hong est un illustrateur d’origine chinoise installé depuis des années en France. Il est à la tête d’une importante œuvre où il raconte les légendes de son pays mais en imagine aussi de nouvelles.
C’est le cas de l’album Le prince tigre, récemment réédité. Les hommes ont tué les petits d’une tigresse. Désespérée, elle se venge tous les soirs en attaquant des villages. Pour arrêter le carnage, le roi doit lui donner son seul enfant, un fils, le prince.
Le petit homme va prendre la place des petits animaux, calmer la mère en souffrance et apprendre les secrets de la forêt. Un conte humaniste à lire aux enfants dès 6 ans.
« Le prince tigre », L’École des loisirs, 44 pages, 7 €
La vie de certains explorateurs est édifiante. Celle de Johann Ludwig Burckhardt, Suisse, est tellement extraordinaire qu’elle a donné lieu à ce roman graphique écrit par Danièle Masse et dessinée par Alexis Vitrebert. Burckhardt quitte la Suisse pour tenter de trouver du travail en Angleterre. Mais le royaume est en pleine crise, affamé par le blocus imposé par Napoléon.
Ce fervent Chrétien décide de se mettre au service de l’Association africaine. Une entité qui veut découvrir de nouvelles routes dans le continent africain. Pour favoriser le commerce et contrer l’avancée des Français. Burckhardt se retrouve, de fait, espion au service des Anglais. Il veut aller en Égypte, explorer la Libye, traverser le Sahara. Il va devoir se travestir en Cheikh Ibrahim Ibn Abdallah, marchand indien. Il apprend l’arabe, étudie le Coran et commence son long travail d’infiltration. Le Liban, la Syrie, la Jordanie…
Il explore la région, découvre des merveilles, renseigne les Anglais. C’est en 1812 qu’il retrouve la cité oubliée de Pétra. Il va finalement parvenir à rejoindre l’Égypte, tenter de retrouver la source du Niger. Un périple au cours duquel il fera une nouvelle découverture archéologique essentielle : le temple d’Abou Simbel.
Paradoxalement, cette partie de sa vie n’est pas la plus développée dans la BD. Les auteurs ont préféré se concentrer sur sa vie spirituelle. Au contact des musulmans, il va comprendre les pays traversés, jusqu’à aller faire le pèlerinage de la Mecque. Ce sera le premier Occidental. Des voyages éprouvants, au point qu’il mourra d’épuisement et repose depuis au Caire.
Trop souvent la crise des migrants se résume à une litanie de chiffres. Combien meurent en traversant la Méditerranée, combien parviennent à rejoindre la France, combien sont renvoyés sans ménagement dans leur pays… Ce que je sais de Rokia, témoignage de Quitterie Simon dessiné par Francesca Vartuli aborde la problématique en ne parlant qu’un cas, celui de Rokia.
A La Rochelle, Marion veut s’engager pour aider les migrants mineurs en situation irrégulière. Avec son mari et ses enfants, elle veut accueillir un jeune isolé et sans abri. Ce sera Rokia. Elle serait originaire du Liberia, à 19 ans, est arrivée il y a un peu plus d’un an en Italie après une traversée de la Méditerranée au départ de la Libye. Elle va de famille d’accueil en famille d’accueil, apprenant le français, attendant une éclaircie côté papiers. Marion, autrice, va tenter de fendre la carapace de Rokia. Mais c’est compliqué. La jeune fille est très repliée sur elle-même, souvent mutique.
Première victoire, Rokia décide de rester chez Marion. Et cette dernière va lui trouver un objectif : devenir chocolatière. Quelques mois de bonheur et tout s’écroule. Une convocation à la gendarmerie. L’expulsion, vers l’Italie, est de plus en plus probable.
Le récit, dessiné dans de superbes couleurs par une jeune artiste italienne, montre le côté implacable de l’administration française. Police et gendarmerie appliquent les lois à la lettre, sans se poser de question ni examiner le statut particulier de la jeune femme. Marion recevra par chance beaucoup de soutien dans son combat pour permettre à Rokia de rester en France dans un premier temps puis de bifurquer vers une autre solution.
De La Rochelle à Menton en passant par les vallées protégées du piémont pyrénéen, c’est à une belle épopée que le lecteur est convié, avec son lot de déceptions de rebondissements et aussi d’élan d’humanité.
« Ce que je sais de Rokia », Futuropolis, 176 pages, 23 €
Comment Fidel Castro a pris le pouvoir à Cuba ? La réponse est dans ce très gros roman graphique (250 pages) des Québécois Michel Viau et Djibril Morissette-Phan. Havana Connection, pour raconter la révolution castriste, adopte la vision d’un Canadien qui était aux premières loges. Un Canadien célèbre : Lucien Rivard.
En 1956, alors que le dictateur Batista, appuyé par les USA, règne sur l’île, la mafia est persuadée que ce pays à quelques heures de la Floride peut devenir le nouveau Las Vegas. Lucien Rivard débarque à la Havane avec le titre de patron d’un cabaret. En réalité, c’est un sous-marin de la mafia, chargé d’ouvrir un casino pour blanchir l’argent sale et faire transiter la drogue en provenance de la French Connection. Il a également un petit business de trafiquant d’armes.
Le lecteur vit les soubresauts de l’insurrection par l’intermédiaire de Lucien et d’un de ses employés au bar. Lucien qui n’approuve pas les méthodes très violentes de Batista. Mais il est obligé de les tolérer pour ne pas se mettre la mafia américaine à dos. Il va rééquilibrer son karma en vendant des armes aux révolutionnaires menés par Castro. Un roman graphique historique qui se lit comme un polar. Même si on connaît la fin.
Une copieuse partie documentaire en fin de volume raconte ce qu’ils sont devenus. Lucien Rivard, de retour à Montréal, a finalement été extradé aux USA et purgé quelques années de prison, Batista a terminé son existence en exil au Portugal puis en Espagne. Quant à Fidel Castro, il est toujours vénéré comme le libérateur par une grande majorité de Cubains.