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dimanche 19 mai 2024

En DVD - “Moi capitaine”, terrible odyssée africaine

Moi capitaine, qui vient de sortir en DVD chez Pathé, est un film quasi documentaire de Matteo Garrone sur les migrants en provenance d’Afrique, persuadés de trouver l’eldorado en Europe.

Le drame des migrants en provenance d’Afrique et tentant de rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée se résume souvent par une suite de nombres. Le nombre de clandestins arrivés et parqués dans des camps. Le nombre de ceux qui sont secourus par les ONG (organisations non gouvernementales) alors que leur embarcation est en difficulté. Et puis le plus terrible, le nombre de ceux qui sont morts durant la traversée. Ils seraient 26 000 a s’être noyés depuis 2015. Pour raconter cette hécatombe, Matteo Garrone, cinéaste italien engagé, a décidé de ne pas se contenter de la dernière partie du périple, mais de raconter dès le départ, cette étincelle qui donne la force, le courage, la déraison, à des jeunes Africains de tenter le tout pour le tout.

Un film de deux heures, où la partie maritime ne fait que 20 minutes. Avant, on apprend à connaître le personnage principal, Seydou (Seydou Sarr), Sénégalais de 16 ans, passionné de musique, persuadé qu’il deviendra célèbre en Europe et que « des Blancs viendront lui demander des autographes ». Cette prédiction, est de son cousin, Moussa (Moustapha Fall), son compagnon d’aventure.

Contre l’avis de sa mère et de nombreux adultes qui savent parfaitement que les partants ont plus de chance de mourir en cours de route que de devenir riches, ils accumulent les petits boulots pour se concocter un pactole. Car aller illégalement en Europe est un business comme un autre pour des passeurs sans foi ni loi. Le début du voyage, jusqu’au Mali, ressemble à une délivrance pour les deux amis.

Tout se complique lors de la traversée du Sahara. À pied. Presque sans eau. Seydou va comprendre que survivre sera compliqué. Et encore plus de voir ses compagnons mourir d’épuisement. Arrivé en Libye, il va connaître la prison, l’esclavage. L’entraide aussi avec certains qui comme lui, ont conservé une part d’humanité. Jusqu’à la traversée où Seydou, mineur, sera bombardé capitaine du chalutier rouillé supposé les amener, lui et la centaine de malheureux, en Sicile.

Toute la force du film de Matteo Garrone réside dans le fait qu’après la séance on ne pensera plus « migrants » dans une globalité très abstraite, mais de Seydou, Moussa, Bouba… Des hommes et des femmes qui s’accrochent à un espoir, une foi dans l’Humanité. A nous, de ce côté de la rive, de ne pas les décevoir.

Film italien de Matteo Garrone avec Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo


samedi 2 mars 2024

BD - Parcours de migrant dans "Ce que je sais de Rokia"

 


Trop souvent la crise des migrants se résume à une litanie de chiffres. Combien meurent en traversant la Méditerranée, combien parviennent à rejoindre la France, combien sont renvoyés sans ménagement dans leur pays… Ce que je sais de Rokia, témoignage de Quitterie Simon dessiné par Francesca Vartuli aborde la problématique en ne parlant qu’un cas, celui de Rokia.

A La Rochelle, Marion veut s’engager pour aider les migrants mineurs en situation irrégulière. Avec son mari et ses enfants, elle veut accueillir un jeune isolé et sans abri. Ce sera Rokia. Elle serait originaire du Liberia, à 19 ans, est arrivée il y a un peu plus d’un an en Italie après une traversée de la Méditerranée au départ de la Libye. Elle va de famille d’accueil en famille d’accueil, apprenant le français, attendant une éclaircie côté papiers. Marion, autrice, va tenter de fendre la carapace de Rokia. Mais c’est compliqué. La jeune fille est très repliée sur elle-même, souvent mutique.

Première victoire, Rokia décide de rester chez Marion. Et cette dernière va lui trouver un objectif : devenir chocolatière. Quelques mois de bonheur et tout s’écroule. Une convocation à la gendarmerie. L’expulsion, vers l’Italie, est de plus en plus probable.

Le récit, dessiné dans de superbes couleurs par une jeune artiste italienne, montre le côté implacable de l’administration française. Police et gendarmerie appliquent les lois à la lettre, sans se poser de question ni examiner le statut particulier de la jeune femme. Marion recevra par chance beaucoup de soutien dans son combat pour permettre à Rokia de rester en France dans un premier temps puis de bifurquer vers une autre solution.

De La Rochelle à Menton en passant par les vallées protégées du piémont pyrénéen, c’est à une belle épopée que le lecteur est convié, avec son lot de déceptions de rebondissements et aussi d’élan d’humanité.

« Ce que je sais de Rokia », Futuropolis, 176 pages, 23 €


jeudi 6 août 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Indignations fluctuantes

L'été est propice aux indignations. Cette année n'échappe pas à la règle. Depuis quelques jours, les sujets ne manquent pas, comme si les gens, en vacances, n'avaient rien d'autre à faire que de juger leurs voisins. Indignations à géométrie variable, pas toujours compréhensibles. Ainsi tout le monde s'émeut de la mort de Cécil, le lion à la crinière noire, abattu par un chasseur américain. Ils sont moins nombreux à lancer des pétitions sur le net ou réclamer la peau des responsables pour les centaines d'Africains noyés en tentant de rejoindre l'Europe ou tués dans leur fuite vers l'Angleterre via le tunnel sous la Manche. Étrange monde qui ressent moins d'empathie pour les migrants que pour un fauve. 
Dans la même veine, il semble ne pas y avoir photo entre le sort d'un enfant rom de cinq ans et Hitchbot, un robot auto-stoppeur canadien. Le premier a trouvé la mort mardi soir dans une rue de Paris. Le conducteur de la camionnette n'a même pas daigné s'arrêter... Quelques voix s'élèvent, mais rien qui émeuve vraiment. 
Par contre tout le monde verse une larme sur Hitchbot. Ce bidule, inventé par des chercheurs canadiens, sillonne les routes d'Amérique du Nord en stop. Les automobilistes le prennent à bord et le déposent un peu plus loin. Il a traversé le Canada (6000 kilomètres sans encombre) et tenté de rejoindre la Californie. Fin du voyage à Philadelphie où il vient d'être retrouvé vandalisé et démembré au bord de la route. « Pauvre petit robot... » se lamente le chœur des pleureuses. Pauvre Humanité plutôt !