dimanche 21 janvier 2024

BD - A la découverte de nouveaux mondes oniriques avec Seuls, Max Pérac et la Vallée des Lucioles

Dans le sillage des héros de ces albums, partez à la découverte de nouveaux mondes comme les Limbes de « Seuls », l'Ile où le roi n'existe pas imaginée par Raphaël Drommelschlager ou la Vallée des Lucioles du jeune Milo.


Les Protecteurs des Limbes



Dans la bande dessinée aussi il existe une sorte de mercato. La série à succès attise les convoitises. Seuls, de Vehlmann et Gazzotti change de maison d'éditions. Le 14e titre intitulé les Protecteurs, premier d'un nouveau cycle, trouve refuge aux éditions Rue de Sèvres. Les 13 premiers titres restent chez Dupuis. Pas de modification de maquette ni de format, les collectionneurs apprécieront.

Les auteurs ont cependant voulu faire en début d'album un rapide résumé en trois pages des précédentes péripéties de ces cinq enfants, tous morts la même nuit et retenus depuis dans les Limbes. Ils se retrouvent au centre d'une lutte entre clans, familles et sortes de dieux dans un univers fantastique d'une extraordinaire richesse.

Et ce n'est pas terminé car en fin de volume, un arbre généalogique des Limbes précise les rôles de certains (protecteurs, cerbères, éclaireurs, magister) et signale l'existence d'autres qui ne sont pas encore intervenus comme les Charbonneux, les Cauquemaures ou les Archanges. Des « bonus » offerts aux lecteurs qui apprécient ces précisions.

Dans ce 14e titre, la bande est de nouveau au complet, Camille est redevenue gentille et entre Dodji et Leïla, l'amitié se transforme de plus en plus en amour. Quant à Terry, le plus jeune et facétieux, il permet d'insuffler un peu d'insouciance et d'humour dans cette aventure où les « méchants » lancent aux trousses des enfants un protecteur, immense statue de métal animée qui semble indestructible.

Et au final, un renversement d'alliance va rebattre les cartes. Scénario au cordeau de Vehlmann qui distille au compte-gouttes les révélations et surtout dessin toujours aussi épanoui d'un Gazzotti qui semble retrouver le plaisir à animer une série qui continue à remporter un beau succès en librairie.

Abandonner son enfance



Présenté comme une suite indirecte (et totalement indépendante) de La craie des étoiles du même Raphaël Drommelschlager, le roman graphique L'île où le roi n'existe pas a pour personnage principal Max Pérac. Mais ce n'est plus un enfant qui pouvait, avec une simple craie, ouvrir des portes sur des mondes imaginaires. Il est adulte et survit en tenant une librairie spécialisée dans les ouvrages portant sur les voyages, lui qui a peur de l'avion et refuse de quitter la ville.

Il va avoir 30 ans. Un cap. Une crise. Solitaire, mal dans sa peau, il est affolé en voyant toutes les injustices du quotidien. Il a trois amis, deux filles (dont une qui est amoureuse du beau et taciturne Max) et un garçon. Ils l'invitent au restaurant pour son anniversaire, mais face à tant de sollicitude, il fait un scandale, comme s'il ne méritait pas cette amitié.

La suite de la nuit va être mouvementée mais elle lui donne surtout l'opportunité de fuir loin de ce monde qui ne le satisfait pas. Il va partir sous une autre identité vers cette île perdue en Méditerranée. Un monde onirique qui permet à l'auteur de signer quelques planches d'une extrême beauté. Nouveau départ ou simple pause ? Max ne comprend pas véritablement ce qui lui arrive. Il va devoir aussi régler quelques comptes avec d'anciennes connaissances et tenter de trouver un terrain d'entente avec le jeune Max, le rêveur de la craie des étoiles.

Une histoire merveilleuse dans tous les sens du terme.

L'enfant et l'ours



Paru en 2023, cet album de Boris Sabatier s'adresse aux plus jeunes. Un dessin stylisé, épuré, donne toute sa force à cette histoire de nature sauvage dans une montagne qui ressemble étrangement à nos Pyrénées.

Tout commence par la folie meurtrière d'un chasseur. Il tire sur les loups, abat une ourse et s'apprête à achever son ourson. Mais le grand-père de Milo intervient. C'est un guérisseur, presque sorcier dans cette époque pas véritablement identifiée mais où la science est encore balbutiante. Le petit orphelin de la forêt est adopté et deviendra le meilleur ami de l'enfant, lui aussi sans père ni mère.

Quelques années plus tard, Milo court dans les bois en confiance avec son ami à ses côtés, une énorme bête constituée de poils de muscles, de dents et de griffes. C'est Welles, l'ourson devenu force de la nature et fauve redoutable pour qui oserait s'attaquer à son ami Milo. Tout change quand le grand-père de Milo meurt. L'enfant va être placé, l'ours sera vendu à un zoo.

Pas question. Milo et Welles vont donc fuir, en pleine nuit, à la recherche de la Vallée des Lucioles, ce lieu magique qui, d'après le grand-père, serait l'écrin d'un trésor précieux. Une belle histoire d'amitié, de courage et de quête personnelle pour comprendre ce qui est essentiel dans nos vies.

« Seuls » (tome 14), Rue de Sèvres, 56 pages, 12,95 €
« L'île où le roi n'existe pas », Bamboo Grand Angle, 96 pages, 18,90 €
« La vallée des lucioles », Michel Lafon, 64 pages, 20 €

 

samedi 20 janvier 2024

Poches. Destinations Outreterres


Publié une première fois à la fin des années 50, ce roman de science-fiction de Robert Heinlein est le prototype du récit d’aventure. Le jeune Rod, pour obtenir le droit de coloniser les planètes d’Outreterre, doit passer un examen de survie. Plongé dans un monde hostile, il va se révéler, face à la faune locale mais surtout aux autres humains. 

Tant et si bien que rapidement « L’examen de survie ne l’intéressait plus, seule la survie importait. » Un texte à redécouvrir dans une version plus adulte, remaniée dans les années 80 par cet auteur américain à qui l’on doit les fameux Starship troopers.

« Destination Outreterres », Le Livre de Poche, 352 pages, 9,20 €

vendredi 19 janvier 2024

Bande dessinée - Les armes sont de sortie

Seconde sélection des westerns dessinés parus en cette fin 2023. Avec sans doute les trois meilleurs albums du moment : The Bouncer, Undertaker et Gunmen of the West.


Bouncer à l’épreuve

À la fin du précédent album, le lecteur a laissé le Bouncer, ce manchot taciturne, presque heureux et apaisé. Il riche, a des amis, une femme qu’il aime et une affaire prospère à Barro City. Mais c’est mal connaître Jodorowski, le scénariste, qui va rapidement apporter du noir dans ce tableau enchanté. Cela arrange Boucq, le dessinateur, qui excelle quand la tension est au maximum.

Les problèmes arriveront par l’intermédiaire de l’or ramené du Mexique. L’armée américaine vient le récupérer. Un détachement commandé par le colonel Carter, héros de la guerre, reconnaissable grâce à son œil de verre. Ensuite tout s’enchaîne rapidement. La fièvre de l’or… Bouncer va voir la mort frapper tout ce qu’il aime.

Le titre de ce 12e album, Hécatombe, est tout sauf mensonger. Une histoire au long cours, de 144 pages, planches d’une grande beauté et expressivité signée par un François Boucq qui est depuis quelque temps au niveau des plus grands, de Giraud à Hermann.


Undertaker retrouve Rose

Autre dessinateur de western qui vaut largement ses grands anciens : Ralph Meyer. Installé à Barcelone depuis quelques années, il poursuit les aventures graphiques de Jonas Crow, l’Undertaker ambulant, un croque-mort qui se déplace de ville en ville avec son corbillard et son animal de compagnie si symbolique : un vautour.

Jonas qui déprime sérieusement. Il a perdu la trace de la femme qu’il aime, Rose Prairie. Quand il reçoit une lettre de la petite d’Eden City au Texas, signée de sa belle, il reprend espoir. Patatras, si Rose a disparu, c’est pour retrouver… son mari, Mister Prairie, médecin. Et si elle a besoin de Jonas, c’est pour une sépulture particulière : celle du bébé d’une femme qui veut avorter.

La première partie de ce nouveau cycle toujours écrit par Xavier Dorison plante le décor : Texans arriérés, folie religieuse, envie de lynchage. L’Ouest sauvage légendaire, celui où les armes font office de code civil.


Haut les flingues !

Nouvelle livraison d’histoires courtes peaufinées par Tiburce Oger et illustrées par de grands dessinateurs. Cette fois il raconte le destin de quelques gunmen, ces hors-la-loi qui ont fait parler la poudre.

Certains très connus comme Billy The Kid (illustré par Bertail), d’autres plus anonymes comme la redoutable Black Evil (dessins de Vatine) à l’improbable Mary, vedette d’un cirque, pendue en place publique pour meurtre bien qu’elle soit… un éléphant.

« Bouncer » (tome 12), Glénat, 144 pages, 24,95 €

« Undertaker » (tome 7), Dargaud, 64 pages, 16,95 €

« Gunmen of the West », Bamboo Grand Angle, 112 pages, 19,90 €. Il existe une édition luxe en noir et blanc de 120 pages à 29,90 €


jeudi 18 janvier 2024

Bande dessinée - Histoires indiennes et de l’Ouest américain

Géronimo avec Christian Rossi, Chef Joseph par Corteggiani et Andrade : l’histoire indienne est une mine d’or pour la bande dessinée. Mais l'Ouest sauvage américain est aussi un terrain propice pour voir naître de belles histoires d'amour comme "Western Love" d'Augustin Lebon.


Géronimo le chaman

Très attendu, le nouvel album de Christian Rossi ne déçoit pas. Il a mis des années à finaliser cette somme colossale (plus de 170 pages !) racontant une partie de la vie du chef indien Géronimo. Un roman graphique grand format, tout en couleur, qui mêle fiction et Histoire.

Le chef Apache prend sous son aile un jeune Indien rejeté par sa tribu. Ensemble ils vont sillonner cette région aride située le long de la frontière mexicaine. Une quête initiatique qui se termine mal, au cours de laquelle Christian Rossi met en lumière les talents de chaman du rebelle.

C’est assez mystique parfois, un peu dans le style des Jean Giraud, le maître absolu du western dessiné, celui avec qui Christian Rossi a longtemps collaboré pour signer les aventures de Jim Cutlass. Une série qui ressort dans une superbe intégrale, cadeau parfait pour les fêtes de fin d'année.


L’errance de Chef Joseph

Autre figure de la résistance indienne face aux soldats américains : chef Joseph. À la tête des Nez-Percés, il espère vivre en paix et en harmonie dans la vallée de la Wallowa, terre de ses ancêtres. Mais des colons convoitent les terres et quand de l’or est trouvé, c’est la ruée.

Il est décidé de transférer la tribu dans une réserve au nord. Refus des jeunes guerriers et c’est la guerre. Chef Joseph fera tout pour trouver un point de chute à son peuple.

Une longue errance durant l’été 1877 racontée avec minutie par François Corteggiani (son ultime scénario, il est mort subitement l'été 2022) et dessiné par Gabriel Andrade. De plus, on retrouve en fin de volume une partie pédagogique avec documents d’époque renforçant encore la légende de ce grand chef indien, poussé à la guerre par les circonstances.


Amour, bonne bouffe et... pistoleros

Ils sont adorables ces deux héros imaginés par Augustin Lebon. Pas forcément fréquentables, mais touchants dans leur façon de ne pas vouloir admettre que malgré les circonstances, ils ont succombé au fameux coup de foudre. Une histoire d'amour dans un cadre particulier puisqu'il frappe en plein Ouest sauvage.

Molly, rousse surnommée à juste titre « La Teigne », est une excellente cuisinière. Elle vit de ce talent dans une petite ville du Nouveau-Mexique. On est en pleine conquête de l'Ouest et les outlaws sont légion. Justement arrive en ville le dénommé Gentil, également connu sous le sobriquet moins reluisant de « Crevard ». Il remarque immédiatement Molly. Pourtant il ne doit pas oublier sa mission. Il doit faire les repérages avant le braquage de la banque locale. Un western humoristique et romantique, avec son lot d'action. Car Gentil va décider de trahir sa bande pour sauver Molly.

Une Teigne qui au passage retrouve les traces de sa mère, partie alors qu'elle était encore un bébé et, c'est plus problématique, une demi-sœur presque chef de la bande de Gentil. La suite de la série sera d'ailleurs axée sur ce trio avec des relents de vaudeville...

« Golden West », Casterman, 176 pages, 34,90 €.

« Jim Cutlass » (intégrale), Casterman, 448 pages, 59 €

« Chef Joseph », Glénat, 56 pages, 14,95 €

« Western Love (tome 1), Soleil, 56 pages, 15,50 €


mercredi 17 janvier 2024

Cinéma - Emma Stone, la pépite de “Pauvres créatures”

En plus du Lion d’or à Venise, le film de Yórgos Lánthimos vient d’être doublement primé aux Golden Globes : meilleure comédie mais surtout meilleure actrice pour Emma Stone qui rayonne dans son rôle de Bella.



Il y a le cinéma du réel, celui qui filme notre monde tel qu’il est. Et puis le cinéma de l’imaginaire, celui qui permet au spectateur de s’évader dans une nouvelle dimension. Et parfois, l’imagination permet encore mieux de dénoncer les injustices du présent. Pauvres créateurs de Yórgos Lánthimos est l’exemple même du film politique qui n’en a pas l’air. Car derrière une histoire à forte connotation fantastique dans un monde steampunk, se cache un brûlot contre les hommes et pour l’émancipation des femmes.

Avant de saisir la portée politique du film, le public déguste, les yeux gourmands, la présentation de ce Londres entre passé et futur. Le docteur Godwin Baxter (Willem Dafoe), éminent chirurgien, héberge dans sa demeure une jeune femme un peu simplette. Bella (Emma Stone) a le corps d’une adulte, mais son esprit ressemble plus à celui d’une enfant de quelques années. On n’en dit pas plus pour ne pas gâcher le plaisir de la trouvaille du roman originel d’Alasdair Gray. Par chance elle progresse vite.

Pour noter cette évolution au jour le jour, Baxter embauche un étudiant en médecine, Max McCandless (Ramy Youssef). Max tombe amoureux de Bella, séduit par sa spontanéité son côté naïf. Cette dernière, cloîtrée, veut découvrir le monde. Elle va saisir l’opportunité de s’enfuir avec un séducteur frivole, Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo).

Un périple sur un paquebot qui passe par Lisbonne, Alexandrie et Paris. C’est au cours de cette odyssée que Bella va prendre conscience des limites de la société trop formatée. Notamment pour tout ce qui est du domaine de la sexualité. Bella, dénuée de sentiment, aime profiter de tous les plaisirs. Au grand désespoir de Duncan. Elle comprendra que ce corps, en plus de lui permettre de s’épanouir, est une véritable arme contre les hommes. Toute la difficulté est d’en garder la maîtrise.

Renversant par son propos, époustouflant graphiquement, attachant par l’amour toujours un peu présent, édifiant par son message, Pauvres créatures est un ovni cinématographique dans une production de plus en plus formatée. Emma Stone y livre une prestation saluée par le Golden Globe de la meilleure actrice.

Le sexe y est traité de manière frontale et sans pudeur, les femmes sont belles et conquérantes, intelligentes et beaucoup plus sages que les hommes qui semblent obnubilés par ce désir de possession, preuve selon eux de leur amour indéfectible pour leur bien-aimée. Alors que l’amour ne peut s’épanouir que dans un milieu baignant dans la liberté.

Film de Yórgos Lánthimos avec Emma Stone, Mark Ruffalo, Willem Dafoe,

Cinéma - L’horreur cachée dans “Les chambres rouges”

Film de Pascal Plante avec Juliette Gariepy, Laurie Fortin-Babin, Elisabeth Locas.



Encore un film sur un serial-killer ! Mais les amateurs de reconstitutions gore en auront pour leur argent. Le scénariste et réalisateur canadien Pascal Plané aborde le problème à travers le prisme de deux jeunes femmes, « fans » d’un homme accusé d’avoir torturé, violé, et dépecé trois adolescentes. Tout en filmant ses actes et en les diffusant sur le dark web au sein de ces « chambres rouges » de sinistre réputation. Le réalisateur dans ses notes de production annonce la couleur : « Au terme de cette plongée au plus sombre de la nature humaine, je ne peux que souhaiter que Les chambres rouges vous colle à la peau. Qu’il vous surprenne. Qu’il vous hante. » Un pari gagné même si, il faut bien le reconnaître, on sort de la séance assez déstabilisé.

À l’ouverture du procès elles sont deux à faire la queue pour avoir une place dans le public. Kelly-Anne (Juliette Gariepy) et Clémentine (Laurie Fortin-Babin). Si la seconde, amoureuse de l’accusé, exubérante, clame haut et fort sa certitude qu’il est innocent, la seconde, mutique, semble plus impénétrable dans ses buts.

C’est pourtant bien pour le tueur présumé (sur les vidéos retrouvées par le FBI, le tueur est toujours cagoulé, mais l’accusation affirme que ses yeux l’ont trahi) que ce mannequin, riche, solitaire, vivant dans le luxe en gagnant des sommes folles en jouant au poker en ligne, met son quotidien en stand-by.

Un film glaçant, du début à la fin. Virtuose quand il s’agit de filmer le procès, effrayant quand on pénètre dans l’intimité des deux jeunes fans. Reste les quelques images des séances dans les chambres rouges, entraperçues à travers les écrans. Elles vous hanteront. À jamais.

 

La chasse aux mauvais monstres continue



Pas toujours évident de réussir le tome 2 d'une série. Enzo Berkati semble avoir eu plus de difficulté à aborder la suite du premier tome de la série Mauvais monstre. Il perd la nouveauté de cet univers unique. 

Dans sa BD, il imagine un onde en tout point semblable au notre, une petite ville, des forêts et des jeunes qui vont au collège. La seule différence notable : à l'adolescence, chaque habitant voit l'éclosion d'un œuf dans lequel est son monstre. C'est "la manifestation physique de l'âme de son propriétaire.


Eloïse, l'héroïne de la série, découvre que son monstre serait "mauvais". Elle pensait que c'était une légende urbaine, que les mauvais monstres n'existaient pas. Elle va devoir s'habituer. Et se méfier. Car une police secrète détecte ces anomalies et les capture (avec leur propriétaire), pour les enfermer dans des centres secrets. Dans le second album, Eloïse et son petit monstre vont tout faire pour échapper à un couple de policiers intransigeants. 

Une longue course poursuite, où  le lecteur n'apprend pas grand chose si ce n'est que d'autres mauvais monstres existent et se cachent. Un peu léger pour une intrigue qui s'étale sur 80 pages. 

Une histoire quasiment revenue au départ de l'album, la dernière page annonce cependant un tome 3 qui sera, on l'espère, plus concluant et apportera un peu plus de précisions sur les centres de rétention et les fameux pouvoirs de mauvais monstres.

"Mauvais monstre", (tome 2), Glénat, 80 pages, 15,50 €   

mardi 16 janvier 2024

En vidéo, “Anti-squat”, un film sur la crise du logement

 


Jusqu’où peut-on aller pour se loger ? C’est le thème central du film Anti-squat de Nicolas Silhol, sa seconde réalisation qui vient de sortir en vidéo chez Diaphana. Inès (Louise Bourgoin), mère célibataire, après l’échec de son agence immobilière, se retrouve au pied du mur.

Sans revenu, elle est menacée d’expulsion de son appartement. Elle va accepter l’offre de la société Anti-Squat empêcher l’arrivée de squatteurs dans un immeuble de bureaux inoccupés. Elle sera chargée de recruter et de vivre avec six « faux » locataires, eux aussi dans une situation tout aussi précaire. Mais à une condition (qui vaut aussi pour les recrutés) : pas de visite, pas de fête et surtout pas d‘enfants. Or, Inès a un fils adolescent…

Un film sombre mais édifiant sur une réalité urbaine qui risque de se détériorer de plus en plus.

Thriller - Aller au plus loin dans l’horreur en lisant "Les entrailles du mal"

 Le commandant Grimm, héros policier récurrent imaginé par Olivier Merle, vit sa troisième aventure. Il va descendre dans « Les entrailles du mal » affronter un adversaire surgit de son passé.


Pour certains policiers, combattre les méchants, les gangsters et autres trafiquants est une évidence. D’autres ont une bonne raison de se battre contre les forces du mal. C’est le cas d’Hubert Grimm, commandant de police à Rennes après avoir officié à Montpellier. Enfant, il a été confronté au mal absolu et s’est juré depuis de tout faire pour sauver d’autres vies et empêcher de nuire les coupables.

Un secret jalousement gardé. Il n’en a jamais parlé aux membres de son groupe ni à Amandine, la femme qu’il aime. Comme dans une série télévisée qui comporte plusieurs arcs narratifs, Olivier merle poursuit l’exploration de la psyché de Grimm et des différents protagonistes tournant autour de son milieu familial ou professionnel. Grimm, grand inquiet devant l’éternel, a des raisons de se faire du mouron. Il vint de recevoir des lettres de menaces et des SMS qui annoncent froidement qu’il « va mourir dans d’atroces souffrances » car « l’heure des comptes a sonné ».

Combat solitaire

Habitué à traquer les voyous, Grimm se retrouve d’un coup d’un seul dans le rôle du gibier. Car celui qui lui en veut personnellement, en plus de parfaitement connaître son passé, est renseigné sur les moindres détails de ses enquêtes en cours et de ses déplacements. Il semble y avoir une taupe dans le commissariat de Rennes.

Olivier Merle, dans la première partie de ce roman policier teinté de thriller, raconte cette guerre des services dans la police locale. Grimm, aux méthodes solitaires et peu orthodoxes s’est fait beaucoup d’ennemis parmi, ses collègues. Mais le flic n’en a cure. Il veut avancer, tel un bulldozer, rasant tout sur son passage, au risque de faire des dégâts chez ses amis. Cette plongée dans « Les entrailles du mal », titre du roman, prend toute sa signification dans la seconde partie, plus dramatique.

Acculé par son adversaire invisible, Grimm est obligé de se mettre en congé et se battre seul. Un changement de stratégie non voulu mais obligatoire pour protéger sa famille. Amandine à Montpellier et le petit Louis, leur fils, que Grimm ne voit que les week-ends depuis les dramatiques événements racontés dans le précédent roman, Le manoir des sacrifiées. Une chasse à l’homme va être lancée dans la région, de Latour-de-France dans les Pyrénées-Orientales à la Haute-Vallée de l’Aude. Région décrite ainsi par Grimm, retenu prisonnier dans une vieille maison : « Face à lui, une forêt de conifères couvrait une pente assez forte qui se terminait par une crête molle se détachant sur un ciel gris. Paysage de moyenne montagne, qui lui fit penser aux contreforts des Alpes ou des Pyrénées. S’il réussissait à s’échapper, nu comme un ver, il allait devoir parcourir sans chaussures, des sentiers obscurs à la recherche des secours. » La confrontation finale sera d’une rare violence, Olivier Merle dévoilant qui est cet être maléfique qui en veut tant à Grimm.

Le policier n’en sortira pas indemne, l’occasion sans doute pour l’auteur de se lancer dans un quatrième roman tout aussi sombre.

« Les entrailles du mal » d’Olivier Merle, XO Éditions, 248 pages, 20,90 € (« Le manoir des sacrifiées » vient de paraître en poche chez Pocket)

lundi 15 janvier 2024

Cinéma - Avec Miss Fran, plus beaux les rêves

Film de Rachel Lambert avec Daisy Ridley, Dave Merheje, Parvesh Cheena. 

 


Une petite vie simple et modeste. Effacée. Insignifiante. Fran (Daisy Ridley) vivote dans une ville portuaire de l’Oregon. Seule dans son minuscule appartement, elle travaille dans une entreprise dont le fonctionnement et l’environnement ressemblent à ceux de The Office, série comique US. Sauf que c’est un travail mortifère pour le commun des mortels, que Fran ne sourit jamais aux plaisanteries de ses collègues et ne participe pas aux petites réjouissances ou ragots autour de la machine à café.

Fran peut passer une journée sans dire un mot, se contentant de remplir ses classeurs excel, puis ses grilles de sudoku, le soir dans son canapé. Mais comment Rachel Lambert parvient à transformer cette morne vie en film poétique à la beauté picturale sans égale, excepté les réalisations de Kelly Reichardt ?

Tout simplement en explorant les rêves de Fran. La nuit, comme la journée, la jeune femme s’évade. Des songes rarement joyeux. Elle aime s’imaginer morte (tuée dans un accident, pourrissant dans la forêt, noyée sur une plage glaciale). Autant de façons de mourir qui expliquent le titre en version originale, Parfois je pense à la mort.

Mais même quand on s’obstine à vivre en retrait du monde, obsédée par sa propre perte, le quotidien peut vous jouer des tours. La vie rêvée de Miss Fran change quand l’entreprise recrute Robert (Dave Merheje), parfait collègue boute-en-train, seul à oser rompre la glace avec la froide Fran. Ce film, salué au festival Sundance, apporte une vision implacable du réel, doublée d’un imaginaire fantastique envoûtant. Un grand écart cinématographique parfaitement maîtrisé pour une seconde réalisation.