lundi 23 octobre 2023

Rentrée littéraire - L’amour sera toujours l’amour grâce à Dominique Barbéris et François Bégaudeau

Deux romans français présentent des histoires d’amour quelconques mais aussi remarquables, au final, que les grandes romances. Amour contrarié avec Dominique Barbéris, amour simple et linéaire selon François Bégaudeau.


Ecrire sur l’amour en 2023 ! Quelle drôle d’idée alors que les actualités ne nous parlent que de guerre, massacres, génocides, enlèvements, attaques au couteau et exécutions sommaires. Pourtant on a trop tendance à oublier le formidable pouvoir de l’amour sur l’équilibre de nos sociétés. Aimez et vos envies de meurtres, ou de vengeances, passeront au second plan. Saluons donc ces deux écrivains qui pour la rentrée littéraire française consacrent l’entièreté de leurs ouvrages à ce thème sans doute rebattu mais essentiel qu’est l’amour. Un amour impossible avec Dominique Barbéris, un amour simple et linéaire sous la plume de François Bégaudeau.

À Douala, Madeleine n’arrive pas à l’intégrer dans la communauté des colons français. Nous sommes au début des années 60, le Cameroun est sur le point d’accéder à l’indépendance. Madeleine, Nantaise, mère d’une petite fille, mariée à un Breton travailleur et taciturne, croise la route d’Yves Prigent, un aventurier, séducteur, un peu espion et homme de main de la Françafrique. C’est la nièce de Madeleine, Dominique Barbéris, qui tente dans ce roman intitulé Une façon d’aimer (toujours dans la dernière sélection du Goncourt), qui tente de comprendre pourquoi ce coup de foudre, évident, n’a pas eu de suite.

Car à cette époque, rares étaient les épouses qui osaient tromper leur mari.
Alors Yves se contentera d’une cour assidue et respectueuse, Madeleine profitera de quelques moments en sa compagnie, mais au final la passion ne sera pas au rendez-vous. Un roman nostalgique sur les relations entre hommes et femmes. L’occasion aussi de faire revivre les colonies françaises dans leur crépuscule.

Amour compliqué d’un côté, amour simple et linéaire de l’autre. François Bégaudeau, en signant L’amour (présent dans la seconde sélection du Renaudot), court roman percutant, a voulu raconter une histoire qui arrive à des milliers de Français chaque année, et ce depuis presque la nuit des temps. Un homme, une femme, une rencontre, une union et une vie passée à se côtoyer, pour le meilleur comme le pire. Jacques Moreau séduit Jeanne au début des années 70.
Après quelques baisers furtifs au cours des fêtes de village, ils passent aux choses sérieuses dans la chambre de l’hôtel où travaille, de nuit, Jeanne. Enceinte, elle décide de se marier avec Jacques

. Ce dernier est tout content. Et c’est parti pour cinquante ans de vie commune racontée avec humour et lucidité par un François Bégaudeau toujours aussi parfait quand il faut décrire la vie simple des gens d’aujourd’hui.
On rit des manies de Jeanne et des défauts de Jacques. Eux, font des efforts pour les supporter. Et finalement sont heureux dans leur vie que certains qualifieraient d’étriqué, mais qui est en réalité pleine et épanouissante. Il y aura des crises, des remises en question mais ils seront ensemble jusqu’au bout.
L’émotion fait une arrivée remarquée dans la dernière partie du roman, quand seule la mort parvient à les séparer temporairement. Juste temporairement.

« Une façon d’aimer » de Dominique Barbéris, Gallimard, 208 pages, 19,50 €
« L’amour » de François Bégaudeau, Verticales, 92 pages, 14,50 €

 

dimanche 22 octobre 2023

Roman français - Les fous de Goya explorent « Les alchimies »

Quel rapport entre la chirurgie et Goya ? Réponse dans "Les alchimies", roman de Sarah Chiche, où la folie occupe une place prépondérante.


La folie n’épargne pas les hommes et femmes les plus intelligents. Bien au contraire serait-on tenté de constater en refermant le roman Les alchimies de Sarah Chiche. Une folie cachée, secrète, mais destructrice. Encore plus quand elle prend sa source dans les études et la profession des protagonistes de cette histoire : la médecine.

Camille Chambon, petite, autoritaire, déterminée, est une médecin légiste reconnue. Elle a suivi la voie de ses parents, lui déjà légiste, elle officiant dans un cabinet de médecine générale. Le début du roman est une plongée dans le malaise hospitalier. Des services épuisés, sans moyens, devenus rachitiques en raison des démissions. Face à la tempête, Camille fait face. Mais tout va déraper quand elle reçoit un email concernant… le crâne de Goya.

Le roman bascule alors entre l’Histoire, l’horreur et cette folie qui aura bercé l’enfance de Camille. Ses parents ont passé des années à chercher le crâne de Goya, disparu après son inhumation à Bordeaux. Une quête qui les a conduits sur des chemins dangereux pour obtenir des résultats. Ils en sont morts. Un accident de plongée en Espagne.

Camille va retrouver une de leur connaissance et le roman se transforme en quête épique et malsaine. On comprend mieux le mal-être de Camille quand ses parents, découvrant qu’ils s’aiment, décident qu’ils « travailleraient ensemble, chercheraient ensemble le crâne de Goya, auraient un enfant, mais un seul, pour avoir le temps de s’en occuper, qu’il ne fasse pas obstacle à leur carrière. Un petit monstre d’intelligence qu’ils nourriraient patiemment pour le conduire à son tour, non pas à une ambition, car l’ambition c’est vulgaire, mais à l’accomplissement de son destin. »

Un roman au style souvent flamboyant, percutant, bourré de références et de suspense. Passionnant pour tous les curieux des errements causés par la folie humaine.


« Les alchimies » de Sarah Chiche, Seuil, 240 pages, 19,50 € 

Thriller - Des crimes islandais dans l’entourage de « La poupée », roman paru chez Actes Sud

La découverte d’une poupée dans la mer en Islande relance de vieilles enquêtes. Des affaires pour la psychologue Freyja et le policier Huldar, imaginés par Yrsa Sigurdardottir.


Une bonne série policière nordique passe souvent par l’invention de héros récurrents attachants. Yrsa Sigurdardottir maîtrise parfaitement le sujet quand elle lance son duo composé d’une psychologue, Freyja et d’un policier, Huldar. ADN, paru en 2018 en France, rencontre un succès immédiat. Résultat, le cinquième titre de la série vient de paraître.

Au centre de l’intrigue, une poupée. Elle est repêchée au large des côtes islandaises par un pêcheur amateur lors d’une sortie dominicale en compagnie d’une collègue et de sa fille, Rosa. Prise dans le filet, la poupée est assez effrayante : « La bouche était à peine entrouverte, les lèvres de plastique ne se touchaient pas. On aurait dit que le visage était resté figé pour l’éternité à l’instant où le bébé allait poser une question. […] Autour du cou, la poupée portait une fine chaîne dont le médaillon disparaissait sous une carapace de crustacés. »

Quelques mois plus tard, la mère de Rosa trouve la mort chez elle. Une nuit, alors que la poupée disparaît. La fillette va aller de foyer en famille d’accueil, persuadée que la poupée maléfique a tué sa mère. Le roman commence véritablement quand, de nos jours, Huldar et Freyja se retrouvent pour enquêter sur une possible affaire d’abus sexuels dans un foyer pour jeunes en difficulté. Foyer qui aurait accueilli récemment Rosa. Mais cette dernière a disparu depuis quelques semaines.

Où est-elle ? Quel rapport avec l’enquête ? Qui détient aujourd’hui a poupée ? Une multitude de questions que le duo, toujours aussi complice mais n’osant pas aller trop vite dans leur relation personnelle, va devoir résoudre. Non sans découvrir d’autres affaires suspectes comme l’assassinat d’un SDF ou la mort de deux touristes retrouvés en mer, exactement là où la poupée est apparue des années auparavant.

Un thriller tentaculaire, dressant un instantané criant de vérité d’une certaine Islande gangrenée par la drogue et les problèmes psychologiques de la jeunesse.

« La poupée » d’Yrsa Sigurdardottir, Actes Sud, 400 pages, 23,50 €

samedi 21 octobre 2023

BD - Georges Lucas, le tenace


Leçon de ténacité et de cinéma, Les guerres de Lucas est un roman graphique d’une rare intensité. Laurent Hopman, le scénariste, raconte comment Georges Lucas, étudiant à peine sorti de la fac, se lance dans le plus grand projet de film de science-fiction jamais imaginé sur Terre. Renaud Roche, illustrateur reconnu dans le milieu de l’animation et du story-board, apporte son trait léger et précis pour donner du corps à ce qui ressemble à une longue bataille où l’inventeur de l’univers de Star Wars est seul face à une armée de sceptiques toujours prompts à dénigrer son « délire d’adolescent » et à faire capoter le projet.


Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, les deux auteurs ont expliqué d’où vient le jeune Lucas, mauvais élève à l’école, tête brûlée, uniquement intéressé par les histoires qu’il s’invente à longueur de journée. Un doux rêveur, légèrement asocial aussi, mais qui est capable à tous les sacrifices pour arriver à son but. Surtout, il a une vision parfaite de ce qu’il désire obtenir au final.

Même s’il reprend, presque en intégralité et près d’une dizaine de fois le scénario de son film, il sait à l’avance qu’il est en train de construire une nouvelle mythologie, celle du XXIe siècle qui est désormais aussi connue que l’Odyssée ou la légende du Roi Arthur.

Truffé d’anecdotes, ce récit pourrait devenir un livre de chevet de bien des cinéastes ou créateurs en devenir. La preuve que l’obstination alliée au talent paye.

« Les guerres de Lucas », Deman Éditions, 208 pages, 24,90 €

Roman jeunesse - Les promesses de bonheur du « Jaguar aux yeux d’or »

Isabel et Marc Cantin, écrivains installés dans les Pyrénées-Orientales dans le Vallespir, nous font découvrir la vie authentique des Indiens Embéras de Colombie.


En imaginant la vie de Majina, jeune Indienne Embéra (tribu vivant dans la forêt équatoriale en Colombie), Isabel et Marc Cantin ont voulu un peu boucher un trou dans l’existence d’Isabel. Élevée en Bretagne, mariée à Marc et vivant désormais en Vallespir dans les Pyrénées-Orientales, Isabel est une Embéra. Mais bébé, elle a été adoptée et n’a jamais parcouru la forêt vierge à la recherche de citrons ou d’autres trésors encore plus extraordinaires. Elle a redécouvert son peuple d’origine une fois adulte et signe avec ce roman, Le jaguar aux yeux d’or, un roman initiatique sans doute le plus personnel.
La vie de Majina est simple. Toute tracée. Membre de la tribu des Embéras, elle ne va plus à l’école et doit aider sa mère aux taches ménagères. Voilà pourquoi on la découvre dans les premières pages en train de cueillir des citrons sauvages qu’elle revend une misère en ville Car dans cette Colombie gangrenée par la corruption et les pseudo-révolutionnaires, les Indiens sont les laissés-pour-compte de la Nation.

Quand un jaguar lui vole le butin de sa chasse, Majina se rebelle, tente de reconquérir son butin et, après une longue poursuite, découvre ce qui pourrait définitivement améliorer l’ordinaire de la petite communauté. Mais est-ce bien raisonnable. Et surtout, cela ne va-t-il pas attiser des convoitises, déchirer les familles ?
Une histoire simple et en grande partie véridique, fable destinée aux adolescents sur l’utilité de continuer de cultiver son jardin, même s’il est caché dans une clairière entre des arbres centenaires, presque inaccessible et peuplé d’une myriade d’animaux tous plus venimeux les uns que les autres.

« Le jaguar aux yeux d’or » d’Isabel et Marc Cantin, Talents Hauts éditions, 224 pages, 14,90 €
 

vendredi 20 octobre 2023

BD - Bela Lugosi, le vampire parfait


Il a fait hurler de terreur des générations de spectateurs. Sa cape noire doublée en rouge a longtemps hanté les cauchemars des malheureux qui ont découvert son personnage au cinéma. Bela Lugosi est le comte Dracula. Un acteur qui incarne le vampire parfait, au point que toute sa carrière est marquée par l’image de ce buveur de sang à l’accent si particulier. Bela Lugosi nouveau titre de la collection de portraits de cinéma des éditions Glénat.


Philippe Thirault signe le scénario et c’est Marion Mousse qui couche sur papier cette existence vouée au 7e art. Avant d’être célèbre aux USA, Bela Lugosi est un comédien reconnu dans son pays d’origine la Hongrie. Il a brillé au théâtre, dans des rôles romantiques, s’est marié et a été un syndicaliste actif. Un peu trop engagé à gauche. En 1919 il est obligé de s’exiler en Allemagne. Puis aux USA, sans savoir parler anglais. C’est là qu’il prend ce pseudonyme et endosse une première fois la cape de Dracula sur les planches de Broadway.

Ensuite c’est le film de Tod Browning en 1931 et une célébrité qui le met financièrement à l’abri durant quelques années. Drogue et alcool vont lui gâcher la vie. C’est cette partie du roman graphique la plus intéressante. On comprend ainsi comment ce seigneur du cinéma tombe si bas qu’il se retrouve à jouer les faire-valoir d’Ed Wood, réputé (souvent à juste titre), comme le plus mauvais cinéaste de toute l’histoire du 7e art.

Un récit qui n’échappe pas à l’émotion dans les dernières pages. Car ce formidable destin aurait pu être bien plus satisfaisant si Bela Lugosi avait été mieux conseillé à un certain moment de sa carrière. L’acteur n’est plus de ce monde, mais Dracula hantera pour toujours les cauchemars de milliards de Terriens.

« Bela Lugosi », Glénat, 22,50 €

Un roman jeunesse - Les petits explorateurs de la nature en danger


Éveiller les plus jeunes aux sciences et dangers qui menacent notre planète : telles sont les missions de la série de romans des Petits explorateurs de SJ King. Les deux premiers tomes viennent de sortir. Les enfants chargés de protéger la terre vont partir au fond de l’océan pacifique à la recherche des baleines perdues puis dans l’espace pour mieux comprendre la course des comètes.
Des romans qui permettent aux jeunes lecteurs de s’imaginer dans la peau de ces explorateurs en herbe. Mais aussi et surtout de comprendre combien l’équilibre écologique de notre si belle planète est fragile et à protéger de toute urgence.

« Les petits explorateurs » (tome 1 et 2), PKJ, 128 pages, 6,20 €
 

jeudi 19 octobre 2023

Polar - Le roman noir d’un tableau de Salvador Dalí retrouvé à Collioure

Un mystérieux tableau, attribué à Dalí, plusieurs meurtres, à Barcelone et Collioure : Laurence Haloche raconte la Côte Vermeille des années 80 dans ce polar intitulé « L’ombre du temps ».


Collioure est la cité des peintres de la côte catalane. Dans ce roman policier se déroulant en 1985, la découverte d’un tableau attribué à Salvador Dalí provoque un enchaînement d’événements qui prennent leur source dans les années 60 à Madrid, voire quelques années plus tôt. Le premier chapitre raconte comment en ce jour de Noël de 1963, dans un quartier chic de Barcelone, un couple est retrouvé assassiné dans sa villa. Un gynécologue de renom et sa femme. 22 ans plus tard, à Collioure, le commissaire Marianne De Puech, récemment nommée à Perpignan, prépare les obsèques de sa mère. Un tracas pour cette femme qui a sacrifié sa vie privée pour sa carrière. D’autant qu’elle doit également surveiller les écarts de sa sœur, mère de deux enfants, aussi dilettante que Marianne est rigoureuse.

Tableau de jeunesse

A ça s’ajoute l’arrivée de son ancien amour de jeunesse, journaliste de passage à Collioure pour réaliser un documentaire sur la Retirada et la transformation temporaire du château royal en prison. La coupe est pleine ? Non car elle doit également enquêter sur le meurtre d’un religieux espagnol, retrouvé égorgé dans sa chambre d’hôtel. Sans compter l’affaire du tableau de Dalí. C’est sa sœur qui lors d’une émission sur France 3 a prétendu que la toile intitulée « Des anges au-dessus d’un volcan », dans la famille depuis des années, exposée au bar des Templiers, est un Dalí. Une effervescence médiatique dont se serait bien passée la cité balnéaire en pleine fête de la Saint-Vincent et son célèbre feu d’artifice. Un spectacle et une foule qui désespèrent la policière : « Ce déluge d’éclats de couleurs avait toujours profondément ennuyé Marianne. À quoi bon viser les étoiles à coups de pétards aussi tonitruants que vantards ? Elle préférait à ce cirque pyrotechnique le jaune du soleil aveuglant à midi, le rouge d’un crépuscule incandescent, les reflets d’argent qu’allume la lumière sur la mer… Une déflagration naturelle qui avait été pour tant d’artistes de renom une attraction autrement plus inspirante. »

Pour l’intrigue de son premier roman policier, Laurence Haloche, journaliste au Figaro, multiplie les pistes et rebondissements, mais ressuscite surtout la vie typique (et agitée) du Collioure des années 80. Le tout à travers les yeux de Marianne, femme flic en plein doute personnel. Son retour dans sa région natale est plus compliqué qu’elle ne le croyait. Son couple se délite, sa sœur semble de plus en plus compromise dans des affaires louches et ce prétendu tableau revient trop souvent sur le devant de la scène. C’est notamment cette toile que le religieux retrouvé assassiné voulait voir et expertiser.

Dalí et Collioure, le rapprochement est étonnant. Le lecteur en déroulant les fils de l’enquête menée par Marianne, découvrira que ce n’est pas tant la toile, une œuvre de jeunesse de Dalí, que le cadre qui intéresse le religieux. Que ce tableau occupe une importance capitale dans la vie de la mère de Marianne et qu’il explique bien des ombres dans la vie de ses parents, des réfugiés républicains espagnols. En mêlant la grande Histoire à celle très personnelle de Marianne, Laurence Haloche transforme son polar en réflexion profonde sur l’hérédité et la famille.

« L’Ombre du temps » de Laurence Haloche, Les Presses de la Cité, 21 €

Un beau livre - Mieux connaître les plantes sauvages

Pas pratique à amener avec soi en randonnée pour découvrir les plantes répertoriées dans ses 350 pages, ce beau livre, presque une encyclopédie, permet d’identifier, connaître et utiliser les plantes sauvages. Rédigé par Cathy et Emmanuel Roggen, il enchantera les amateurs de dessins grâce aux centaines d’illustrations signées Lorenzo Dotti.

Certaines plantes vous étonneront par leurs vertus, d’autres vous effraieront en raison de leur toxicité. Ne manquez pas le chapitre consacré aux aphrodisiaques qui pourraient toutes appartenir aussi à celui des utiles et des médicinales.

« Les plantes sauvages, Salamandre, 352 pages, 49 €

Les couleurs de la liberté restent dans la mémoire du Passeur



Plus récent que 1984 mais encore plus effrayant, le roman Le passeur de Lois Lowry est adapté en bande dessinée par P. Craig Russell. Un pavé de 184 pages, très fidèle au texte initial, parfaitement adapté au récit qui passe par la perception, ou pas, des couleurs de la vie. Dans ce futur, la société est totalement aseptisée. Les émotions sont contenues, les existences rectilignes. La famille est identique partout. Un couple, deux enfants, un garçon et une fille. Tout le monde travaille et quand le corps lâche, il est délié. En clair, euthanasié sans la moindre hésitation. 



Pour comprendre l'horreur de ce monde, les auteurs racontent comment Jonas, à ses 12 ans, est désigné comme futur receveur de mémoire. C'est lui, et lui seul, qui connaîtra le passé, saura qu'avant les hommes et femmes avaient des émotions, des sentiments. Que le monde n'était pas gris et terne, mais rempli de couleurs, de senteurs, de musique...  

Il va mettre en péril son existence en tentant de sauver un bébé agité. Ce nourrisson dort mal la nuit. Alors la communauté décide de le délier. Un roman glaçant d'effroi, comme si le totalitarisme froid et macabre des nazis avaient gagné toute la société. 

On referme la BD inquiet. Mais il suffit de regarder une fleur, ou un tableau, voire d'écouter un morceau de musique (n'importe lequel) pour se dire qu'on a encore de la marge. 

"Le passeur" adaptation du roman de Lois Lowry par P. Craig Russell, Philéas, 184 pages, 21,90 €