Ils nous manquent ces humoristes qui n’avaient pas de limites. Les Desproges, Jean Yanne et autres comiques qui signaient de fausses pubs dans Hara Kiri. Après le succès de Incorrect, l’an dernier, Le Cherche-Midi remet le couvert avec ce Carrément Méchant ! prouvant combien, dans le temps, on savait se moquer sans craindre offenser. Car ces humoristes partaient du principe que la dérision était la meilleure façon de reconnaître l’existence de certaines minorités. Le politiquement correct ne disait encore pas son nom, le wokisme une invention de pisse-froid en mal d’intégration dans la grande société si triste des bien-pensants. Cette irrévérence on la retrouve au détour de ces pages qui pour certaines ne pourraient plus paraître de nos jours. Après une préface de Richard Malka, plongez dans cette période bénie comprise entre 1960 et 1990, quand se moquer du petit Jésus n’était pas considéré comme un blasphème, quand les hommes politiques étaient passés à la moulinette par des humoristes d’une rare méchanceté, quand pauvres comme riches en prenaient plein les dents sans que des citoyens indignés ne lancent une pétition par l’intermédiaire de Facebook. Si cet esprit existait encore, les premières victimes auraient été ce candidat d’extrême droite qui révisionne l’histoire de France à tour de bras, ces prétendus « journalistes » se contentant de donner leur avis dans des émissions de débats ou ces féministes qui, en faisant pire que les machos dans leurs outrances, discréditent l’immense majorité des femmes.
Mais le livre va un peu plus loin que le simple humour destructeur. Il analyse aussi comment tout ce qui est méchant est finalement si sympathique pour le commun des mortels. Pourquoi le Joker, propulsé au rang de personnage principal, fait autant d’entrées que Batman. Pourquoi justement le candidat révisionniste, avec ses outrances et ses mensonges perpétuels reste aussi populaire auprès d’une population qu’il méprise ouvertement ? C’est la magie (ou la sorcellerie), des méchants.
« Carrément méchant ! », Le Cherche Midi, 35 €