samedi 30 avril 2022

Essai - Une reine adorée

Alors que jeudi à l’occasion de l’anniversaire de la reine Elizabeth II (96 ans !) des tirs de canons ont retenti depuis la Tour de Londres et Hyde Park, nombre de Français se demandent encore ce que les Britanniques trouvent à cette vieille dame discrète. 

C’est Louise Ekland, journaliste et animatrice télé et radio, originaire de Liverpool, qui a pris sa plus belle plume pour tenter d’élucider ce phénomène quasi métaphysique.  « J’ai décidé de vous expliquer, avec un humour tout britannique, pourquoi nous, les Anglais, aimons tant notre Queen, » explique-t-elle dans ce livre léger, pas trop sérieux mais bourré d’anecdotes de révélations et de témoignages. 

« God save my Queen » de Louise Ekland, Editions du Rocher, 17,90 €

Fantasy - Au Vieux Royaume


Les amateurs français de fantasy apprécient le Vieux Royaume, le monde imaginé par Jean-Philippe Jaworski. Dans « Le sentiment de fer », on retrouve cinq nouvelles se déroulant dans cet univers alors que la guerre des Grands Vassaux fait rage. Dans le premier texte, on suit le mercenaire et tueur Cuervo Moera, chargé de voler un précieux livre. De la pure action, entre espionnage et joutes de cape et d’épée. On croise aussi des elfes, un meunier devenu détrousseur de cadavres doté d’un incroyable aplomb lors de son procès ou d’une colonne de guerriers nains ou de gnomes perdus dans une cité perdue maudite. 

« Le sentiment de fer » de Jean-Philippe Jaworski, Folio SF, 7,60 €


vendredi 29 avril 2022

Roman - Lluis Llach en son royaume

Chanteur, militant politique pour l’indépendance de la Catalogne, élu… Lluis Llach multiplie les casquettes et en a rajouté une récemment sur son long CV : écrivain. Il quitte la Catalogne théâtre de ses précédents romans pour raconter les luttes de pouvoir au sein du royaume imaginaire de Magens. Échec au destin est un thriller médiéval dont l’intrigue pourrait tout à fait être transposée à notre époque.

Dans ce Moyen Âge qui sort très lentement d’une longue période de profond obscurantisme, certains monarques sont partagés entre leur volonté de progrès social et leur soumission à Rome et au Pape, arc-bouté pour maintenir ses prérogatives et avantages. Le roi de Magens, Ebrard, fidèle au pape, pense déjà à sa succession. Son fils aîné, Jan, fier guerrier, sera parfait. Son second fils, Inian, moins porté sur les choses de la guerre, est le préféré de la reine Bal. Un troisième larron va alors entrer en scène : Orenç. C’est le premier fils du roi, un bâtard car il a répudié la mère qui fut brièvement reine. Orenç revient à Magens après avoir suivi des études à Rome. Il a été nommé chanoine de la chapelle royale. Quelques jours après son arrivée, un drame rebat toutes les cartes : la reine Bal est retrouvée morte. Elle a chuté de la fenêtre de sa chambre, en pleine nuit. Meurtre ou suicide ? Le roi charge Orenç de répondre à la question. Exactement, il lui ordonne de prouver qu’elle a été assassinée car si le suicide est accrédité, elle sera excommuniée et de ce fait ses fils Jan et Inian perdront leur titre de Prince et tout espoir, un jour, de régner sur Magens. 

Une fois ce préambule mis en place, Lluis Llach laisse son imagination voguer au gré des événements et conspirations. Car à Magens, rares sont ceux qui n’ont pas quelque chose à cacher. Pour en apprendre un peu plus, rien de tel que la confession. Orenç va utiliser cette arme pour progresser dans son enquête. L’Église a « transformé la confession publique en confession privée sans en mesurer les avantages. Tout simplement parce que si la confession publique lui permettait juste de prononcer des pénitences, la confession privée, elle, lui donne un pouvoir de contrôle… qualité on ne peut plus fondamentale et intéressante. » Orenç va beaucoup en apprendre sur les complots du passé et ceux du futur. Et comme il est lui aussi un prince, il pourrait monter sur le trône un jour. 

Le roman de Lluis Llach, brillant, passionnant, plonge le lecteur dans ce Moyen Âge où les grands doivent aussi faire avec les petits. Car finalement, à Magens, Orenç comprendra rapidement que la meilleure arme pour résoudre l’énigme  reste la belle et aguichante Brilhéta, la servante de la reine, celle qui l’a découverte morte et qui sait tout des secrets de la cour. Et comme elle a une forte attirance pour le jeune curé, leur action conjointe a un côté fusionnel qui apporte un peu plus de piquant au roman.

« Échec au destin » de Lluis Llach (traduit du catalan par Serge Mestre), Actes Sud, 22,50 €

BD - Dessins au fil du fleuve


Certains dessinateurs de BD aiment les festivals. Pas Angoulême, mais les endroits insolites, chargés de sens. Comme le Mapa Buku Festi qui se déroule sur une semaine le long du fleuve Maroni en Guyane française. Une dizaine d’auteurs sont partis à l’aventure et ont raconté ce qu’ils ont vu ou appris de cette région reculée de la France, aux confins du département français, entre Brésil et Suriname. 


Près de 200 pages où alternent petite histoires (Aude Mermilliod, Joub, Thierry Martin), simples carnets (Tripp, Lepage) ou planches plus explicatives (Joub, Nicoby). Une plongée dans l’enfer vert qui en réalité est de toutes les couleurs comme les superbes planches d’Éric Sagot.

« Maroni, les gens du fleuve », Futuropolis, 23 €


jeudi 28 avril 2022

BD - Fureur imagée


La fantasy c’est de la poésie. Avec des tripes et des monstres… Furioso, écrit par Pelaez et dessiné par Laval Ng, est en réalité l’adaptation d’un poème italien écrit par L’Arioste en 1516. Dans la BD, on suit le retour d’entre les morts de Garalt. 

Chevauchant son cheval-aigle, il sauve Angélique et va tenter de retrouver la femme qu’il aime : la guerrière Bradamante. Entre-temps, il participe à un tournoi (tripes…) et doit éviter la vengeance de Roland, celui qui l’a déjà tué une première fois. Un album ambitieux qui dénote par ses dessins bourrés de détails.

« Furioso » (tome 1), Bamboo Drakoo, 14,50 €

BD - Fantômes errants


Sam aime les cimetières. Cette petite fille, qui a récemment perdu son papa, apprécie la tranquillité de ces endroits. Mais Sam a un pouvoir : elle voit les âmes errantes qui n’ont pas eu la chance de trouver le repos éternel une fois passées de vie à trépas. Voilà comment elle rencontre Louise, vieille dame enterrée anonymement dans le carré des indigents. 

Sam va tenter de retrouver l’identité de Louise et surtout lui permettre de reposer à côté de son mari. Écrite par Carbone et dessinée par Julien Monier, cette nouvelle série fantastique pour les plus jeunes permet d’avoir une vision décomplexée de la mort, simple étape dans un monde où le fantastique a droit de cité.

« Les sauveurs d’esprits » (tome 1), Dupuis, 12,50 €


mercredi 27 avril 2022

BD - Petite guerre


Peut-on rire de la guerre ? Oui affirment en chœur l’Odieux Connard (Julien Hervieux) et Monsieur Le Chien. Dans ce second tome du Petit théâtre des opérations, ils racontent ces anecdotes étonnantes mais rigoureusement véridiques autour de faits de guerre. 


Vous saurez tout par exemple sur Douglas Bader, pilote de chasse anglais qui s’est illustré contre les Allemands alors qu’il n’avait plus… de jambes. L’histoire la plus exemplaire reste celle de Bullard, un Noir américain, porté aux nues par la Légion étrangère et victime de racisme aux USA malgré ses exploits.  

« Le petit théâtre des opérations » (tome 2), Fluide Glacial, 14,90 €

BD - La vie après un AVC


Il suffit parfois de moins d’une minute pour que la vie bascule. Bruno Cadène, journaliste à France Culture le sait parfaitement. Ce 6 février 2017, après une journée de boulot, il rentre chez lui et à peine arrivé, est foudroyé par un AVC. Il sera sauvé par l’intervention de son épouse mais garde de graves séquelles. Tout le côté droit paralysé, incapable de parler. 


Il mettra 3 années pour reprendre son boulot (à mi-temps thérapeutique), 36 mois de souffrances racontés sans pincettes par Xavier Bétaucourt (un ami scénariste), et Olivier Perret, dessinateur. Les moments de désespoir, n l’envie d’abandonner, les tensions avec la famille, l’épuisement des séances de travail, les progrès toujours trop lents : remonter la pente est un marathon qui semble ne jamais prendre fin. 

« Silence radio », Delcourt, 15,95 €


mardi 26 avril 2022

BD - Célèbres mutinés


La petite île de Pitcairn dans le Pacifique sud, longtemps déserte, a été colonisée par les mutinés du Bounty. Cette incroyable histoire de dérive sur l’Océan Pacifique est racontée par Eacersall, Laurier et Nemeth dans une série historique rigoureuse. 


Le récit débute juste après la mutinerie. Fletcher décide de revenir vers Tahiti puis de tenter de s’installer à Tubuai, une île au sud. Mais des affrontements avec les indigènes le poussent à repartir à la recherche d’un autre point de chute pour y vivre une vie paisible. Ce premier album raconte l’errance jusqu’à l’apparition du presque paradis de Pitcairn.

« Pitcairn » (tome 1), Glénat, 14,95 €

Roman - Un film russe qui agit comme une drogue dure

Qui est exactement Alexeï Sobakine ? Selon Aurélien Bedos, l’auteur de ce premier roman pour le moins étrange, Sobakine serait un cinéaste russe maudit, auteur de quelques films considérés par un petit groupe de passionnés comme les plus grandes réalisations du 7e art de tous les temps. Le narrateur, un certain Thomas, est un fan absolu. Un peu plus même. Car on s’aperçoit que cet étudiant est véritablement dépendant du film ultime de Sobakine. Il doit visionner au moins une fois chaque jour Polya (Les Marges en français) pour trouver un petit intérêt à son existence. 

Le lecteur découvre avec effarement l’état dans lequel est tombé ce jeune homme qui a pourtant l’air assez intelligent. Malgré de coûteuses séances de psychanalyse, la pression de sa copine et des efforts notoires de désintoxication, il rechute en permanence. Un rituel immuable, incontrôlable : chercher le boîtier du DVD, mettre le disque dans le rétroprojecteur et rester prostré durant plus de trois heures. 

Lors de la découverte de ce film sombre et moyenâgeux, « j’ai senti une main sortir de l’écran, m’arracher le cœur, littéralement, m’emportant avec elle de l’autre côté de l’écran. » De mystique, l’histoire de Dans l’œil de Sobakine deviendra fantastique puis totalement délirante (avec des côtés complotistes). Un peu fourre-tout, problème des premiers romans, mais qui ne manque pas d’invention et de brio. Avec toujours cette histoire de cœur disparu. 

Pour preuve, Thomas semble persuadé que Polya est un code imaginé par le cinéaste : « Sobakine avait découvert ici même, à Paris, des voies conduisant à un lieu obscur, secret, à l’envers de cette réalité, et dans lequel il ne faisait aucun doute qu’il avait laissé son cœur. » Prêts à vous lancer à sa recherche ? 

« Dans l’œil de Sobakine », Seuil, 20 €