vendredi 29 avril 2022

Roman - Lluis Llach en son royaume

Chanteur, militant politique pour l’indépendance de la Catalogne, élu… Lluis Llach multiplie les casquettes et en a rajouté une récemment sur son long CV : écrivain. Il quitte la Catalogne théâtre de ses précédents romans pour raconter les luttes de pouvoir au sein du royaume imaginaire de Magens. Échec au destin est un thriller médiéval dont l’intrigue pourrait tout à fait être transposée à notre époque.

Dans ce Moyen Âge qui sort très lentement d’une longue période de profond obscurantisme, certains monarques sont partagés entre leur volonté de progrès social et leur soumission à Rome et au Pape, arc-bouté pour maintenir ses prérogatives et avantages. Le roi de Magens, Ebrard, fidèle au pape, pense déjà à sa succession. Son fils aîné, Jan, fier guerrier, sera parfait. Son second fils, Inian, moins porté sur les choses de la guerre, est le préféré de la reine Bal. Un troisième larron va alors entrer en scène : Orenç. C’est le premier fils du roi, un bâtard car il a répudié la mère qui fut brièvement reine. Orenç revient à Magens après avoir suivi des études à Rome. Il a été nommé chanoine de la chapelle royale. Quelques jours après son arrivée, un drame rebat toutes les cartes : la reine Bal est retrouvée morte. Elle a chuté de la fenêtre de sa chambre, en pleine nuit. Meurtre ou suicide ? Le roi charge Orenç de répondre à la question. Exactement, il lui ordonne de prouver qu’elle a été assassinée car si le suicide est accrédité, elle sera excommuniée et de ce fait ses fils Jan et Inian perdront leur titre de Prince et tout espoir, un jour, de régner sur Magens. 

Une fois ce préambule mis en place, Lluis Llach laisse son imagination voguer au gré des événements et conspirations. Car à Magens, rares sont ceux qui n’ont pas quelque chose à cacher. Pour en apprendre un peu plus, rien de tel que la confession. Orenç va utiliser cette arme pour progresser dans son enquête. L’Église a « transformé la confession publique en confession privée sans en mesurer les avantages. Tout simplement parce que si la confession publique lui permettait juste de prononcer des pénitences, la confession privée, elle, lui donne un pouvoir de contrôle… qualité on ne peut plus fondamentale et intéressante. » Orenç va beaucoup en apprendre sur les complots du passé et ceux du futur. Et comme il est lui aussi un prince, il pourrait monter sur le trône un jour. 

Le roman de Lluis Llach, brillant, passionnant, plonge le lecteur dans ce Moyen Âge où les grands doivent aussi faire avec les petits. Car finalement, à Magens, Orenç comprendra rapidement que la meilleure arme pour résoudre l’énigme  reste la belle et aguichante Brilhéta, la servante de la reine, celle qui l’a découverte morte et qui sait tout des secrets de la cour. Et comme elle a une forte attirance pour le jeune curé, leur action conjointe a un côté fusionnel qui apporte un peu plus de piquant au roman.

« Échec au destin » de Lluis Llach (traduit du catalan par Serge Mestre), Actes Sud, 22,50 €

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