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mardi 26 avril 2022

Roman - Un film russe qui agit comme une drogue dure

Qui est exactement Alexeï Sobakine ? Selon Aurélien Bedos, l’auteur de ce premier roman pour le moins étrange, Sobakine serait un cinéaste russe maudit, auteur de quelques films considérés par un petit groupe de passionnés comme les plus grandes réalisations du 7e art de tous les temps. Le narrateur, un certain Thomas, est un fan absolu. Un peu plus même. Car on s’aperçoit que cet étudiant est véritablement dépendant du film ultime de Sobakine. Il doit visionner au moins une fois chaque jour Polya (Les Marges en français) pour trouver un petit intérêt à son existence. 

Le lecteur découvre avec effarement l’état dans lequel est tombé ce jeune homme qui a pourtant l’air assez intelligent. Malgré de coûteuses séances de psychanalyse, la pression de sa copine et des efforts notoires de désintoxication, il rechute en permanence. Un rituel immuable, incontrôlable : chercher le boîtier du DVD, mettre le disque dans le rétroprojecteur et rester prostré durant plus de trois heures. 

Lors de la découverte de ce film sombre et moyenâgeux, « j’ai senti une main sortir de l’écran, m’arracher le cœur, littéralement, m’emportant avec elle de l’autre côté de l’écran. » De mystique, l’histoire de Dans l’œil de Sobakine deviendra fantastique puis totalement délirante (avec des côtés complotistes). Un peu fourre-tout, problème des premiers romans, mais qui ne manque pas d’invention et de brio. Avec toujours cette histoire de cœur disparu. 

Pour preuve, Thomas semble persuadé que Polya est un code imaginé par le cinéaste : « Sobakine avait découvert ici même, à Paris, des voies conduisant à un lieu obscur, secret, à l’envers de cette réalité, et dans lequel il ne faisait aucun doute qu’il avait laissé son cœur. » Prêts à vous lancer à sa recherche ? 

« Dans l’œil de Sobakine », Seuil, 20 €

vendredi 29 mai 2020

Avec Guy Bedos, l’humour vache perd son maître


Il est de plaisanteries dont on se passerait. Ainsi la mort de Guy Bedos hier à 85 ans ne fait pas rire. Pourtant, celui qui a érigé la méchanceté ou l’humour vache au rang d’art absolu aura beaucoup fait rire les Français durant les plus de 50 ans où il se produisait sur scène, seul ou accompagné de Sophie Daumier à ses débuts. Un pur saltimbanque, à la parole libre, se revendiquant de gauche et pas tendre pour les hommes (ou femmes) politiques de droite. Sa mort a été annoncée hier par son fils Nicolas : « Il était beau, il était drôle, il était libre et courageux. Comme je suis fier de t’avoir eu pour père. Embrasse Desproges et Dabadie vu que vous êtes tous au Paradis. »

Guy Bedos, né le 15 juin 1934 à Alger, était Juif et Pied-Noir. Deux origines qu’il revendiquait ouvertement. Revenu en France avant l’indépendance, il a débuté comme comédien dans divers films, dès les années 50. Le succès et la célébrité, il la rencontre dans les années 60 quand il passe régulièrement dans les music-halls de la capitale. Il forme un duo avec Sophie Daumier et on les voit régulièrement dans les émissions de variétés. Se lançant dans une carrière solo, Guy Bedos fait rire toute la France dans ses caricatures de « beaufs » avant la lettre. Sa plume, acerbe, lui permet d’aborder tous les problèmes de notre société. Des sketches devenus des classiques qu’il présentait sur toutes les scènes du pays. 

Comique subversif

Dans les années 70, en plus du cinéma, il peaufine son image de trublion cathodique. Ses interventions en direct sont attendues par certains, redoutées par d’autres. Sur scène, il commence à commenter l’actualité dans des revues de presse où il donne libre cours à une méchanceté devenue sa marque de fabrique. Il fait sans doute partie de ces artistes qui ont permis à la France d’oser le vote Mitterrand en 1981. Cette vie politique qui lui a donné tant d’occasions de brocarder les pratiques de certains. Il avait ses têtes de Turc. Dernière en date Nadine Morano qu’il avait qualifiée de « conne » et de « salope » dans une de ses improvisations sur scène à Toul en 2013. Un procès très médiatique sur la liberté de parole des artistes s’achevant par une victoire nette et sans bavure de l’humoriste. Comme un dernier pied de nez à tous ceux qui l’ont redouté quand ce « comique subversif » comme aimait le désigner Pierre Desproges, leur dressait des portraits au vitriol. Franck Riester, ministre de la Culture a d’ailleurs mis en avant cette spécificité saluant dans un communiqué « la parole libre » de Guy Bedos. Libre, mordant, mais aussi humain. Bedos était tout cela à la fois, concentré d’intelligence critique qui va nous faire défaut à l’avenir.   

Au cinéma, il était célèbre pour avoir interprété Simon Messina, le médecin harcelé par sa mère, un des membres de la bande de copains d’Un éléphant ça trompe énormément, film d’Yves Robert. Par un étrange concours de circonstances, il est mort la veille des obsèques de son complice de toujours Jean-Loup Dabadie, celui-là même qui a signé le scénario du film d’Yves Robert et sa suite judicieusement intitulée On ira tous au paradis. Tous, pas sûr. Lui, sans doute.