vendredi 20 mars 2020

BD -  Les voyages immobiles du vieil homme



Abel, le personnage principal de l’album « Le voyage d’Abel » signé Sivan et Duhamel est un peu comme nous : confiné. Mais lui, c’est depuis la naissance dans ce petit village perdu au fin fond de la France.

L’avantage, c’est qu’il peut quand même circuler de sa chambre à son poulailler en passant par la boulangerie et les près où il parque ses brebis sans avoir à monter une attestation dérogatoire. Abel, vieux paysan solitaire qui rêvait de devenir marin.

Alors il commande par correspondance des guides touristiques et sans quitter sa cuisine va du Costa Rica à l’Éthiopie en passant par le Vietnam.
Cette jolie et émouvante histoire dresse le portrait de la solitude dans nos campagnes, avec la mort d’une génération frustrée au bout du chemin.




« Le voyage d’Abel », Bamboo Grand Angle, 14,90 €, disponible en version numérique sur Iznéo

Roman. Les véritables aventures merveilleuses de Taram



Parues dans les années 60, « Les chroniques de Prydain » de lloyd Alexander ont rencontré un immense succès. Essentiellement dans le monde anglo-saxon, plus sensible à ces sagas d’héroic-fantasy.
Dans les années 80, Walt Disney a signé une adaptation des deux premiers tomes dans le dessin animé intitulé « Taram et le Chaudron magique ». Les littératures de genre, notamment quand elles s’adressent aux adulescents devenant très tendance en France (merci Harry Potter), les éditions Anne Carrière ont décidé de rééditer ce classique. Le premier tome est sorti mi-janvier, le second en février. Normalement le 3 est programmé en mai, mais la crise sanitaire et le confinement décidé par le gouvernement avec fermeture des librairies et l’arrêt de toute activité non essentielle, va sans doute chambouler ce programme. 
Que cela ne vous empêche pas de lire les deux volumes parus « Le livre des trois » et « Le chaudron noir », certainement disponible dans la grande surface que vous ne manquerez pas de visiter pour vous réapprovisionner en nourritures terrestres (ces livres ne sont pas disponibles en version numérique). Taram est un jeune apprenti chaudronnier rêvant de gloire et d’actions héroïques. 
Mais pour l’instant il fabrique des fers à cheval et doit garder Hen Wren, « la seule truie divinatrice de Prydain, et la plus précieuse. » Quand elle s’échappe, Taram court après elle dans la forêt. Là il va tomber sur un chevalier terrifiant : « Le masque était constitué d’un crâne humain duquel sortaient de grands bois de cerf menaçants. À travers les orbites dans l’os blanchi, les yeux du Roi Cornu semblaient un brasier. » Une rencontre qui va faire basculer le destin de Taram.
C’est le début de ces aventures merveilleuses et fantastiques qui courent sur cinq volumes. Parfait pour se changer les idées et voyager dans des territoires nouveaux, exempts de confinement, de virus et autres contraintes matérielles si rudes à supporter.


« Les Chroniques de Prydain », tomes 1 et 2, Anne Carrière, 15 €
 

jeudi 19 mars 2020

VOD : découvrez UniversCiné et LaCinétek


Ce n’est pas parce qu’on est confiné que l’on doit forcément passer son temps à consommer des séries Netflix ou Amazon, voire à regarder Hanouna dans son salon comme si de rien n’était. Non, il existe aussi des lieux virtuels où le cinéma de qualité a droit de cité. Deux adresses à découvrir en ce troisième jour de confinement, deux hauts lieux du cinéma d’art et d’essai : UniversCiné et LaCinétek

Si vous avez un abonnement au Castillet de Perpignan, au Colisée de Carcassonne ou au Théâtre de Narbonne, vous vous retrouverez en territoire connu. La programmation est pointue, exigeante, de qualité. 


L’avantage c’est que ce ne sont pas deux ou trois films à heure fixe que vous pourrez regarder mais des milliers de titres, des premiers films muets du début du XXe siècle aux nouveautés de l’an dernier. Et si la crise dure trop longtemps, certains distributeurs indépendants envisagent même de zapper la sortie en salle pour aller directement sur le marché de la VOD.

De l’air au cœur de la nuit

Rien de sûr pour l’instant, mais l’embouteillage des sorties une fois le confinement levé obligera les exploitants à faire des choix de programmation. Dès lors, certaines productions devront passer par la VOD pour exister. 

Sur UniversCiné, vous pouvez louer les films à l’unité ou par lots. Les fans peuvent même acheter la copie avec la possibilité de la revoir sans limite dans le temps. Plusieurs formules sont proposées, la location à l’unité mais également des Pass de 5 à 20 titres pour faire son marché en toute décontraction. Notons qu’UniversCiné propose des sélections thématiques. Depuis deux jours est apparue une rubrique « De l’air » proposant une sélection de longs-métrages filmant les grands espaces. 



LaCinétek se veut la cinémathèque des réalisateurs. Là, c’est le cinéma d’auteur qui est le plus mis en avant.
Pour voir ces films, vous pouvez aussi passer par la location à l’unité ou vous abonner (2,99 € par mois, sans engagement) à la formule sélection du mois, 10 films sur une thématique. En ce moment c’est « Au cœur de la nuit » avec « Ma nuit chez Maud » d’Eric Rohmer, « Le dernier métro » de François Truffaut ou « Night on Earth » de Jim Jarmush. Au final cela risque d’être un peu cher, mais au moins on sait que l’argent dépensé va en grande partie dans l’escarcelle des artistes et pas sur les comptes offshore des multinationales du divertissement.




Roman. Et si le mal arrivait ?


 Dans « Et le mal viendra » de Jérôme Camut et Nathalie Hug qui vient de sortir en poche chez Pocket et qui est disponible en version numérique sur le site de Fleuve Noir on retrouve deux des protagonistes de leur précédent thriller, « Islanova ». Julian Stark, le flic et Morgan Scali, le terroriste. Le récit se déroule avant et après les événements racontés dans « Islanova », roman lui aussi disponible en version numérique.

Au début du roman, Scali, traumatisé par la mort de sa femme dans l’attentat du Bataclan, a tout plaqué. Il vient d’arriver dans une réserve au Congo. Il va utiliser sa science des drones pour tenter de mettre fin au braconnage. Il s’enfonce dans la forêt et se retrouve nez à nez avec un silverback, un gorille, mâle dominant à dos argenté. Les scènes dans la jungle sont comme toujours avec les Camug d’une vérité criante. On s’y croit. Comme on sent les odeurs immondes des bidonvilles qui ouvrent les yeux de Scali. En Afrique, des milliers d’enfants meurent tous les jours en raison de l’eau impure. Il faut changer cette fatalité. Il essaiera en douceur.

Puis de façon plus directive, comme pour donner un électrochoc à l’Occident opulent.

Le récit va de l’Afrique à New York en passant par l’Allemagne et bien sûr l’île d’Oléron. Les auteurs, sans justifier la dérive de Morgan Scali, ont tenté de comprendre comment on peut basculer dans des actions extrêmes. Comment, aussi, on entraîne des hommes et femmes derrière soi. Bref, comme l’expliquent Jérôme Camut et Nathalie Hug « imaginer le parcours d’un humaniste qui finira par prendre les armes pour imposer ses idées. » En cette période de confinement et de pandémie, ces deux romans qui peuvent se lire indépendamment l’un de l’autre dressent le constat d’une société de plus en plus individualiste. Espérons que l’épreuve que le pays (le monde…) traverse actuellement fera un tout petit peu avancer les choses dans ces domaines si précieux de la solidarité, de l’entraide et du partage des richesses. Sinon, effectivement, « Le mal viendra… »

« Et le mal viendra » de Jérôme Camut et Nathalie Hug, Pocket, 8,70 €, disponible en version numérique.




Série télé - "I am not OK whith this", une ddolescente différente sur Netflix



Dans « I am not okay with this », Sydney (Sophia Lillis, vue dans la première partie de Ça) est une jeune fille comme les autres. Invisble, effacée. Tourmentée aussi. Elle tente de remonter la pente après un choc. Son père s’est suicidé dans la cave. Dès lors une psychologue au lycée lui demande de raconter au jour le jour ce qui lui passe par la tête.

Cette série diffusée sur Netflix semble au début une simple histoire pour adolescents un peu déprimés et qui se cherchent sexuellement. Sydney, qui couche avec son voisin geek presque par pitié, se découvre finalement une attirance pour sa meilleure amie qui elle est devenue la petite amie du meilleur sportif du lycée, le plus odieux aussi. Mais rapidement, la personnalité de Sydney transforme l’histoire en vaste introspection du mal-être adolescent. Jusqu’à ce qu’elle n’y tienne plus et craque complètement. Une grosse colère au cours de laquelle elle se découvre des pouvoirs surhumains. 
On comprend alors que la suite va plus ressembler à « Strangers Things » qu’à « Breakfast Club ». Une première saison de 10 épisodes de 30 minutes se terminant par le traditionnel bal du lycée, mais façon Carrie.  

BD - Courses oniriques d'Adam Quichotte


Le jeune Adam a rendez-vous chez son Papy Pierre.  Mais arrivé dans la maison du grand-père, à part le chat, il ne trouve personne. C’est au grenier qu’il trouve un mot de Papy Pierre. Une liste de courses à faire pour préparer des spaghettis. Le gamin de 6 ans va alors se lancer dans une grande quête dans un monde virtuel et dangereux. Il pourra compter sur son chat, malicieux et inventif. Pour au final enfin avoir ce qu’il faut pour confectionner le repas du soir.

Dessinée par Stedho, cette jolie BD muette semble totalement décalée en ces jours compliqués. En effet hors de question qu’un enfant aille chez ses grands-parents. Quant à faire ses courses…  

« Adam Quichotte » de Stedho, Jungle, 12,95 €. Disponible en version numérique.




mercredi 18 mars 2020

Roman policier - Tueur en série et « Cicatrices »


Owen Marker a le corps recouvert de cicatrices. Sans compter les multiples fractures réduites avec des broches dans les jambes. Quant à son cerveau ce n’est guère plus brillant. « J’ai dû tout réapprendre. Même aujourd’hui je ne sais absolument pas d’où je viens, ni qui j’étais avant tout ça, comme si quelqu’un avait réinitialisé mon existence. » Cette confession, c’est à toute récente conquête féminine qu’il la fait.
Jenna est policière. Célibataire à l’esprit ouvert, elle a dragué Owen. Pourtant ce dernier ne sort que très rarement. Vendeur auto dans une petite ville de l’État de Washington, son existence est un véritable enfer. Cela fait deux ans qu’il est divorcé de Sally mais vit toujours sous le même toit. Son ex-épouse affirme toujours l’aimer. Qu’elle ne peut pas vivre sans lui. Que s’il part, elle mettra fin à ses jours. Une menace qu’elle a déjà mise à exécution à plusieurs reprises.
Si Owen ose aller au rendez-vous avec Jenna, c’est que Sally est toujours hospitalisée après l’ingestion d’une forte quantité de médicaments.
Cette partie du roman de Claire Favan intitulé « Les Cicatrices » a tout du roman social contemporain. Mais entre chaque chapitre dévolu à Owen, la romancière insère des scènes ou confidences d’un tueur en série et de certaines de ses victimes. On ne sait pas au début quel est le rapport avec Owen, si ce n’est que les enlèvements se déroulent dans la même région des USA.
La jeune Mary, enlevée et retenue prisonnière dans une cave par le tueur, vit un véritable calvaire dans des chapitres courts et parfois difficiles à supporter : « Quand elle le vit entrer pour la onzième ou douzième fois depuis son arrivée dans cette cage et surtout si rapidement après sa dernière visite, elle sut qu’il avait gagné. » 
Qui est le tueur ? D’où vient Owen ? Que sont devenues les jeunes prisonnières ? Les interrogations légitimes du lecteur sont en partie levées par l’enquête des policiers locaux et du FBI qui travaille sur l’affaire sur des dizaines d’années. Un thriller écrit par une Française mais qui a tout du roman américain de qualité.



« Les cicatrices » de Claire Favan, Harper Collins, 20 € (disponible en version numérique, 12,99 €)

Série télé - Le voisin calamiteux devient un superhéros


Sur Netflix il n’y a pas que des séries américaines. La production espagnole est très bien représentée. Tout le monde connaît « La casa de Papel », mais « Le voisin » mérite lui aussi que l’on se penche sur son cas. Pas de scénario compliqué dans cette parodie d’histoire de superhéros. Ce qui prime, c’est la rigolade. 
Javier est en couple avec Lola. Enfin pas longtemps. 
Ce fainéant de première, menteur et profiteur, est incapable de tenir une promesse et de garder un boulot. Lola, journaliste qui tente de survivre en tenant un blog vidéo. Tout change pour Javier quand un voyageur de l’espace lui donne une combinaison de super héros et des pilules le rendant invincible. Il va devenir Titan. Mais un collant, une cape et le pouvoir de voler peuvent-ils rendre Javier meilleur ? 
On rit beaucoup de ces caricatures d’Espagnols contemporains, du couple qui se déchire au colocataire, provincial trop coincé au voisin dealer, complètement défoncé 24 heures sur 24. Les dix épisodes de 30 minutes ne tiendront pas la durée du confinement mais permettra de passer un bon moment, loin des soucis du quotidien.

VOD. La nouvelle misère anglaise sous la caméra de Ken Loach




Ceux qui pensaient que la vente à distance allait profiter du confinement se sont trompés. Il apparaît que la Poste et les points de retrait, souvent des petits commerces non alimentaires, sont plus que perturbés. Difficile donc de récupérer livres ou DVD achetés sur les plateformes. Une mauvaise nouvelle pour tous les indépendants qui triment comme des esclaves afin livrer chez vous ce que vous avez acheté 48 heures plus tôt.
Ces nouveaux boulots (de merde) sont décortiqués ou plutôt autopsiés par Ken Loach dans « Sorry we missed you », film disponible en DVD depuis trois semaines mais aussi visionnable immédiatement en VOD.
Ricky (Kris Hitchen) cherche du boulot. La quarantaine, il se sent trop vieux pour travailler en hiver sur les chantiers. Il aimerait être son propre boss. Justement il postule pour devenir livreur de colis indépendant. Le dernier adjectif n’est que virtuel. Il bosse pour une seule société qui ne paye que le colis livré, à l’heure et au bon endroit.
Habitué aux films à forte valeur sociale, Ken Loach s’attaque dans cette œuvre à l’ubérisation du travail en Grande-Bretagne. Nous écrivions lors de la sortie du film en salles « Si vous avez l’habitude de commander des produits sur internet de vous faire livrer à domicile, ce film risque de vous dégoûter d’une pratique finalement très insidieuse. Certes vous n’avez plus à vous déplacer, mais dans la chaîne, les quelques euros supplémentaires servent en réalité à maintenir dans la précarité, presque la servilité, des dizaines d’hommes et de femmes qui n’ont plus de vie. » Mais ça, c’était avant le confinement.

« Sorry we missed you », film de Ken Loach disponible en DVD et sur toutes les plateformes de VOD (vidéo à la demande). 

BD - Une journée presque enfermée avec June



Petit format, sous forme de strips de trois cases carrées (idéal pour lire sur smartphone), la série « Hey June » de Fabcaro et Evemarie apporte décontraction et humour dans le quotidien de cette jeune femme déjà pas très réjouissant alors qu’elle n’est pas en confinement, elle.  June a 30 ans, est indépendante, un peu fainéante, irrévérencieuse et caustique.


Son prénom elle le doit peut-être de la chanson des Beatles. Alors chaque gag porte le titre d’un titre des quatre de Liverpool. Reste que si on n’est pas un spécialiste du groupe anglais, on peut aussi savourer l’humour de June.
Que cela soit dans sa cuisine, en terrasse, dans un vernissage ou avec des potes en soirée, elle toujours la réflexion qui tue, le bon mot qui met mal à l’aise et la repartie qui tue. En confinement, elle doit sévèrement déprimer.



« Hey June » de Fabcaro et Evemarie, Delcourt, 9,95 € (version numérique disponible sur Izneo, 6,99 €)