jeudi 1 novembre 2018

Cinéma - L’amour entre la veuve et l’innocent au centre du film "En liberté" de Pierre Salvadori



Présenté comme une comédie loufoque et endiablée, «En liberté » de Pierre Salvadori n’est pas si comique que cela. Les gags s’enchaînent, les situations cocasses et les ré- pliques incisives sont légion mais ce qui ressort avant tout de cette excellente surprise de la rentrée cinéma, ce sont les personnages touchants et leurs histoires d’amour un peu compliquées.



Pour Yvonne (Adèle Haenel), les amours sont au point mort depuis deux ans. Normal, 24 mois auparavant, son mari est mort en service. Ce flic de haut vol (Vincent Elbaz), l’a aidé dans sa propre carrière de policière. Aujourd’hui, mère d’un petit garçon, elle est sur la touche. Les collègues veulent la protéger alors qu’elle voudrait retrouver l’adrénaline du terrain et des interpellations mouvementées. Quand elle apprend, par la confidence d’un prévenu, que sa bague de fiançailles est le fruit du faux braquage d’une bijouterie doublé d’une vraie magouille à l’assurance couverte par son défunt mari, son monde s’écroule. Non seulement elle a vécu avec un ripou durant plus de dix ans, mais en plus il a fait condamner un innocent.

Comme deux aimants  

Justement Antoine (Pio Marmaï) sort de prison. Elle va tenter de le réhabiliter. Mais ce dernier est devenu à moitié fou durant sa détention. Sa femme (Audrey Tautou) ne le reconnaît plus du tout. Par contre, entre la veuve trahie et l’innocent en mal de réhabilitation, le courant passe. Yvonne suit Antoine dans ses divagations. Et lui sauve la mise à plusieurs reprises. Une fois dans une rixe à la sortie d’une boîte de nuit. Une autre quand il tente de se suicider. Enfin quand il met le feu à un restaurant qui refuse de le servir… Il attire les ennuis, comme s’il était bouffé par la volonté de cette fois, mériter sa condamnation. Elle arrange tout, comme pour rattraper les années de magouille du défunt mari.
Deux paumés qui se complètent. Chacun dans leur style, ils sont irrésistibles. De drôlerie. D’incompréhension aussi de la part de notre société beaucoup trop manichéenne.
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Triangle amoureux  

Le meilleur ressort comique dans les comédies reste les quiproquos amoureux. Sans aller jusqu’au vaudeville, « En liberté » de Pierre Salvadori joue en partie sur cette problématique. Dans la distribution, on trouve deux femmes et trois hommes. Largement de quoi mélanger les lignes et proposer un triangle amoureux savoureux. Au centre, Yvonne, policière, veuve trahie. Son cœur balance entre Louis (Damien Bonnard) et Antoine (Pio Marmaï).
Le premier, elle le connaît depuis très longtemps. On devine qu’il craque pour elle. Mais n’ose pas faire le premier pas car c’est la femme de son ancien boss. Lui prétend n’avoir jamais trempé dans les magouilles. On veut bien le croire, car c’est un gentil. Toujours prêt à rendre service. Et à protéger Yvonne par tous les moyens. Jusqu’à jouer au baby-sitter quand la femme de son cœur veut sa soirée pour pister Antoine.



Un Antoine qui tombe vite amoureux de la belle policière. Mais (quiproquos justement…) il est persuadé qu’elle est prostituée dans le civil. Alors, qui va l’emporter, le flic ou l’innocent ? À moins qu’au final le flic ripou (tout en étant mort) gâche tout. Si Adèle Haenel et Pio Marmaï sont omniprésents, le troisième larron, Damien Bonnard, fait plus que s’en tirer avec les honneurs. Son petit sourire, ses reparties hésitantes et sa façon de ne pas écouter quand Yvonne est dans les parages le transforment en atout comique essentiel. Une révélation pour ce comédien vu précédemment dans le tragique « Rester vertical » d’Alain Guiraudie.
➤ « En liberté », comédie de Pierre Salvadori (France, 1 h 48) avec Adèle Haenel, Pio Marmaï, Damien Bonnard, Audrey Tautou et Vincent Elbaz.

mercredi 31 octobre 2018

DVD et bluray - Quand la littérature sauve des vies dans "Le cercle de Guernesey"




Phénomène d’édition, le roman de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates », semblait impossible à adapter au cinéma. Mike Newell a relevé le défi et le résultat, même s’il est à 1 000 lieues du roman, est très concluant.
On y retrouve les grandes lignes (l’histoire d’amour entre une romancière londonienne et un éleveur de cochons de Guernesey ainsi que la disparition de l’initiatrice du cercle), mais une bonne partie de l’humour du texte original a été zappée au profit de l’émotion.
Côté interprétation, les deux acteurs principaux sont excellents (Lili James et Michial Huisman) et les paysages verts et bucoliques de Guernesey apportent un plus indéniable par rapport au livre. Mais une fois cette romance visionnée, on ne peut que vous conseiller de lire (ou relire) le roman original paru en poche aux éditions 10/18. 
➤ « Le cercle de Guernesey », Studiocanal, 19,99 €

mardi 30 octobre 2018

DVD et bluray - « Sans un bruit », effroyable silence


Pas toujours évident de renouveler le genre du cinéma d’horreur. Entre vampires, zombies, poupées maléfiques ou serial killer, tout ou presque a servi à faire peur au public. Quand le scénario de « Sans un bruit » a commencé à circuler dans les milieux hollywoodiens, ils ont été plusieurs à se demander quel était cet objet bizarre contenant en tout et pour tout une dizaine de répliques. Tout le film était silencieux ou en langue des signes. Se lancer dans un tel projet était une gageure. Des producteurs ont relevé le défi aidé en cela par John Krasinski.

L’acteur qui a le vent en poupe (il est le nouveau Jack Ryan dans la série produite et diffusée sur Amazon) est aussi un bon réalisateur. Il accepte le premier rôle, mais à la condition d’être aussi derrière la caméra et de produire le long-métrage. C’est dire s’il croyait à ce projet. Et comme il a réussi en plus d’embarquer sa compagne, Emily Blunt, pour le rôle principal féminin, le succès était quasi assuré. Et mérité tant le film parvient à provoquer une angoisse perpétuelle du fait du silence obligatoire. Dans un futur proche, des monstres ont fait leur apparition sur terre. Ils attaquent les humains dès qu’ils font du bruit.

La famille Abbott (John Krasinski, Emily Blunt et leurs trois enfants) trouve refuge dans une ferme perdue de la campagne américaine. Pour survivre, ils ne font plus le moindre bruit dans routes leurs activités quotidiennes. Mais l’arrivée d’un bébé risque de compliquer cette rigueur. Un making of raconte comment la ferme a été trouvée puis aménagée. On y apprend également que Milicent Simmonds, interprète de l’adolescente de la famille Abbott, est véritablement sourde et muette, compliquant parfois la compréhension au cours des prises de vues. Mais au final, c’est d’un réalisme époustouflant.

➤ « Sans un bruit », Paramount, 16,99 € le DVD, 19,99 € le bluray

lundi 29 octobre 2018

Thriller - L'Islande, ses légendes du passé et d’aujourd’hui


Après la Mongolie et le Brésil, Ian Manook met le cap sur l’Islande. Écrivain français remarqué pour la trilogie « Yeruldelgger » se déroulant dans les steppes mongoles, il continue son périple littéraire en abordant sur les côtes tourmentées de l’Islande. Un thriller se déroulant sur cette île perdue de l’Atlantique Nord, quoi de plus banal depuis le succès des Indridasson et autres Thorarinsson.

Il fallait donc une bonne intrigue pour captiver le lecteur dans ce voyage touristique… et violent. Du tourisme, c’est ce que vient faire en priorité le personnage central de « Heimaey ». Jacques Soulniz, journaliste français, débarque en compagnie de sa fille, Beckie, jeune adulte rebelle. Il veut lui faire découvrir ce pays si singulier.

A 20 ans, il a sillonné ce rocher hostile aux multiples volcans. Mais Beckie n’a pas la tête à ça. Elle n’est pas insensible à la beauté majestueuse des paysages sauvages mais s’intéresse surtout aux jeunes autochtones.

■ Cadavre et nécropant  
La petite Française craque pour Galdur, jeune marin qui n’a pas froid aux yeux. Un peu trop téméraire le jeune homme. Il vient de dérober deux kilos de cocaïne à la mafia locale. Kornelius, le flic, fait son entrée en scène. Il doit retrouver la drogue. Et le voleur. Pas pour le juger mais rendre son bien au parrain auprès de qui il est endetté. Sur cette intrigue du présent, se greffe une autre énigme tournant autour de la mort d’une jeune fille lors du premier séjour de Soulniz.

Dense, construit sous forme de chapitres courts et percutants, ce thriller plonge le lecteur dans certaines légendes islandaises comme celle du nécropant: « on écorche le bas d’un homme pour s’en faire un pantalon de peau et s’approprier sa force ». « Une fois enfilé le nécropant, tu dois glisser une pièce de monnaie entre ton propre scrotum et le pantalon de peau, pour ainsi te garantir que sa bourse vide se remplira pour toi d’or et d’argent. » Une simple légende pour Kornélius. Jusqu’à la découverte d’un cadavre horriblement dépecé.

Un roman foisonnant, aux multiples personnages, audacieux, usés par la vie ou fatalistes, mais toujours sous le charme de ce pays rude où tout est possible. 

dimanche 28 octobre 2018

BD - Black blagues à la sauce Belzebubs


L’humour est sans doute ce qui se propage le mieux dans le monde. Il n’existe pas un peuple, une corporation, une religion ou le moindre groupe de trois personnes qui, à un moment ou un autre, tente une blague. Ahonen, dessinateur tatoué finlandais, a réussi le combo parfait entre humour noir et hard rock. 


Dans « Belzebubs », série de strips diffusés sur les réseaux sociaux, on suit les délires sataniques de la famille Belzebubs. Même s’ils veulent faire les durs, ces « métaleux » sont surtout de doux dingues, asociaux et qui accordent plus d’importance à leur guitare ou leur maquillage qu’aux résultats scolaires des enfants. 
Sans pitié pour le milieu de la musique Métal, ce sont pourtant là que se trouvent la grosse majorité des fans. Comme quoi on peut bramer « Death » d’une voix rauque tout en aimant rire de ses outrances. 
« Belzebubs », Glénat, 9,95 €

samedi 27 octobre 2018

BD - Le meilleur dans l’Alyah reste le falafel


A 20 ans, Michel Kichka, Belge de la région de Liège, a fait son alyah. D’origine juive, il a abandonné famille et études d’architecture pour rejoindre Israël. Il est admis aux Beaux-Arts et devient dessinateur de presse et de bande dessinée. Dans « Falafel sauce piquante », il raconte cette renaissance, le début de sa vraie vie. Ses enthousiasmes du début, sa fierté d’appartenir à un pays unique au monde. Il rencontre sa future femme, se marient, ont des enfants. Autobiographie dessinée, « Falafel sauce piquante » alterne entre joies du début, craintes actuelles et surtout espoir d’une paix plus durable. 


On découvre l’ouverture d’esprit des arrivants. Leur volonté de faire progresser le pays. Mais les multiples guerres obligent tout le monde à faire de longues périodes dans l’armée. Michel Kichka n’y échappe pas, lui qui se retrouvera à bombarder le Liban. Ses fils non plus ne seront pas épargnés, notamment dans Gaza. Et il met en opposition la dérive sécuritaire de son pays et sa fierté de voir ses fils protéger la nation. 
Lui, met toute son énergie à rapprocher les peuples par l’action de l’organisation Cartooning for Peace créé par Plantu. Il sillonnera le monde en compagnie de dessinateurs arabes pour démontrer que l’humour est le meilleur remède aux guerres.

« Falafel sauce piquante », Dargaud, 21,90 €

vendredi 26 octobre 2018

BD - Les risques de la réalité virtuelle avec "Bolchoi Arena"




Bienvenue dans la Bolchoi Arena. Cette plate-forme de réalité virtuelle a remplacé internet dans un futur proche. L’Homme, plutôt que de se lancer à la conquête de l’espace l’a synthétisé et transposé dans un gigantesque programme informatique. Chacun peut y accéder avec des lunettes implants. La conquête spatiale progresse, mais sous forme de jeu vidéo.

Cette idée a germé dans la tête de Boulet, dessinateur virtuose, passionné de nouvelle technologie et d’astronomie. Il est donc le scénariste de ce long roman graphique (160 pages) prévu en trois parties. Il a confié l’illustration à Aseyn, compagnon de blog.


Le lecteur découvre la Bolchoi Arena en compagnie de Marje et Dana, deux étudiantes. Le jour elles bossent dans des bibliothèques, la nuit elles endossent les tenues de leur avatar et se lancent dans la conquête de nouveaux territoires sur des mondes inconnus. On est forcément un peu décontenancé au début, mais une fois compris le passage de la réalité à la virtualité, l’album devient passionnant.

Car Marje, si elle découvre Bolchoi Arena, a tendance à en abuser. Au détriment de sa vraie vie, études et amours avec son petit ami. Entre manga et SF classique, cette nouvelle série bénéficie en plus d’une extension sur l’appli mobile Delcourt Soleil +.   

«Bolchoi Arena » (tome 1), Delcourt, 19,99 €

jeudi 25 octobre 2018

Cinéma - « Quién te cantará » sans fausse note



L’une chante, l’autre ne s’en souvient pas. Lila (Najwa Nimri) est célèbre, Violeta (Eva Llorach) travaille dans un karaoké et se contente de l’imiter en fin de soirée. Deux femmes autour d’une légende de la chanson espagnole. Le film de Carlos Vermut utilise la ficelle usée de la fan face à son idole.

Mais il transforme cette relation, trop souvent binaire et simpliste, en véritable introspection des deux femmes qui, en se reconnaissant un peu l’une dans l’autre, vont se remettre radicalement en cause. Avant d’arriver à ce « duel », le spectateur est plongé dans le monde étrange de Lila.

Cette chanteuse, très célèbre, a cessé de se produire sur scène depuis dix ans. L’argent commençant à manquer, son agent, un comeback est programmé.

Deux femmes et une star   
Mais à deux mois du premier concert à Madrid, Lila est retrouvée inconsciente sur la plage bordant sa belle maison. Quand elle se réveille à l’hôpital, elle est devenue amnésique. Pour lui rendre sa personnalité, sa meilleure amie embauche Violeta, sa plus grande fan, celle qui connaît toutes les chansons de Lila par cœur et le moindre détail de sa vie.


Cette rencontre va radicalement réorienter la vie des deux femmes à un tournant de leur existence. Le film, un peu long parfois, vaut surtout pour l’interprétation des deux comédiennes principales. Elles sont différentes mais doivent pourtant s’accaparer la personnalité de celle qui écrase tout sur son passage : la star. Lila car elle ne se souvient plus de sa vie d’avant. Violeta car de plus en plus elle se rêve à la place de sa chanteuse préférée.

Film noir, à l’ambiance trouble et malsaine, sur une dualité complexe et maladive, il ne donne pas toutes les clés. Dans le dossier de presse, Carlos Vermut, le réalisateur de « Quien te cantara », précise son but : que le spectateur « passe un bon moment, qu’il soit perdu, qu’il soit ému, qu’il nourrisse les blancs du film par son propre imaginaire ou alors qu’il savoure le mystère qui échappe. »

Mystère. C’est le mot exact pour définir la fin, étonnante, déroutante et diablement mystérieuse.

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Duel musical   


La musique tient une place prépondérante dans le film de Carlos Verlut. Si la bande originale est d’Alberto Iglesias, le compositeur attitré de Pedro Aldomovar, il y a aussi nombre de chansons romantiques comme l’Espagne aime en produire. Les amoureux du genre seront comblés avec plusieurs extraits et même une chanson complète à la fin du film, avec un trucage virtuose à la clé pour « boucler » le film. Mais quand Marta (Natalia de Molina) la fille de Violeta intervient, cette boule de nerfs à la violence explosive n’en a cure des romances.

Ce qui lui plaît c’est le défoulement extrême sur des rythmes modernes. Au bord de la plage ou dans sa chambre, place à la techno, brutale, agressive, assourdissante. L’opposé de la musique que sa mère aime. Ce duel musical et de générations passe par une opposition radicale des genres. La douceur, l’émotion et la mélancolie contre l’ardeur, la force et l’abrutissement.

Les deux styles permettent de mieux cerner l’opposition des deux femmes, la mère et sa fille. La plus jeune, autoritaire, exclusive et intransigeante domine littéralement sa génitrice. Mais cette dernière, grâce à Lila, va trouver les forces pour inverser la tendance. Quel qu’en soit le prix à payer.

➤ « Quién te cantará », drame de Carlos Vermut (Espagne, 2 h 02) avec Najwa Nimri, Eva Llorach, Carme Elias.

mercredi 24 octobre 2018

DVD et blu-ray : l'avocat japonais tourmenté de "The Third Murder"

Un avocat japonais est chargé de défendre un homme accusé du meurtre de son patron. Pour tenter d’éviter la peine de mort, l’accusé prétend que c’est la femme du mort qui a commandité l’assassinat. Mais l’avocat doute de la véracité de la version officielle. Ce thriller de Hirokazu Kore-eda raconte avec minutie le travail d’un avocat. Son empathie pour aider le client, ses doutes et failles personnelles.

Un film noir et oppressant, à l’intrigue implacable.

➤ « The Third Murder », Le Pacte, 19,99 €

mardi 23 octobre 2018

Série - The Haunting Hill House, une maison hantée à voir sur Netflix


Depuis le début du mois, vous pouvez voir sur Netflix une de ces séries qui n’en finissent pas de faire parler d’elles. De vous hanter aussi si vous y avez succombé. « The Haunting Hill House », série en 10 épisodes, est signée Mike Flanagan, le nouveau maître incontesté de l’horreur (Pas un bruit, Ouija).

Chaque épisode présente les différents membres de la famille Hill. De Steve, écrivain qui a connu la gloire en racontant l’histoire de la maison hantée à Luke, drogué en perdition en passant par le père ou la fille aînée, devenue croque-mort. Chacun se remémore ces mois passés dans la maison hantée, les hallucinations et nuits cauchemardesques jusqu’à la fuite en pleine nuit.

Toute la réussite du film est de raconter avec les visions multiples une même histoire. Série comportant quelques moments virtuoses comme ce plan séquence de 15 minutes aux obsèques de la sœur jumelle de Luke. Cela vaut largement tous les films d’horreurs programmés dans les cinémas depuis le début d’année…