jeudi 25 octobre 2018

Cinéma - « Quién te cantará » sans fausse note



L’une chante, l’autre ne s’en souvient pas. Lila (Najwa Nimri) est célèbre, Violeta (Eva Llorach) travaille dans un karaoké et se contente de l’imiter en fin de soirée. Deux femmes autour d’une légende de la chanson espagnole. Le film de Carlos Vermut utilise la ficelle usée de la fan face à son idole.

Mais il transforme cette relation, trop souvent binaire et simpliste, en véritable introspection des deux femmes qui, en se reconnaissant un peu l’une dans l’autre, vont se remettre radicalement en cause. Avant d’arriver à ce « duel », le spectateur est plongé dans le monde étrange de Lila.

Cette chanteuse, très célèbre, a cessé de se produire sur scène depuis dix ans. L’argent commençant à manquer, son agent, un comeback est programmé.

Deux femmes et une star   
Mais à deux mois du premier concert à Madrid, Lila est retrouvée inconsciente sur la plage bordant sa belle maison. Quand elle se réveille à l’hôpital, elle est devenue amnésique. Pour lui rendre sa personnalité, sa meilleure amie embauche Violeta, sa plus grande fan, celle qui connaît toutes les chansons de Lila par cœur et le moindre détail de sa vie.


Cette rencontre va radicalement réorienter la vie des deux femmes à un tournant de leur existence. Le film, un peu long parfois, vaut surtout pour l’interprétation des deux comédiennes principales. Elles sont différentes mais doivent pourtant s’accaparer la personnalité de celle qui écrase tout sur son passage : la star. Lila car elle ne se souvient plus de sa vie d’avant. Violeta car de plus en plus elle se rêve à la place de sa chanteuse préférée.

Film noir, à l’ambiance trouble et malsaine, sur une dualité complexe et maladive, il ne donne pas toutes les clés. Dans le dossier de presse, Carlos Vermut, le réalisateur de « Quien te cantara », précise son but : que le spectateur « passe un bon moment, qu’il soit perdu, qu’il soit ému, qu’il nourrisse les blancs du film par son propre imaginaire ou alors qu’il savoure le mystère qui échappe. »

Mystère. C’est le mot exact pour définir la fin, étonnante, déroutante et diablement mystérieuse.

______________________

Duel musical   


La musique tient une place prépondérante dans le film de Carlos Verlut. Si la bande originale est d’Alberto Iglesias, le compositeur attitré de Pedro Aldomovar, il y a aussi nombre de chansons romantiques comme l’Espagne aime en produire. Les amoureux du genre seront comblés avec plusieurs extraits et même une chanson complète à la fin du film, avec un trucage virtuose à la clé pour « boucler » le film. Mais quand Marta (Natalia de Molina) la fille de Violeta intervient, cette boule de nerfs à la violence explosive n’en a cure des romances.

Ce qui lui plaît c’est le défoulement extrême sur des rythmes modernes. Au bord de la plage ou dans sa chambre, place à la techno, brutale, agressive, assourdissante. L’opposé de la musique que sa mère aime. Ce duel musical et de générations passe par une opposition radicale des genres. La douceur, l’émotion et la mélancolie contre l’ardeur, la force et l’abrutissement.

Les deux styles permettent de mieux cerner l’opposition des deux femmes, la mère et sa fille. La plus jeune, autoritaire, exclusive et intransigeante domine littéralement sa génitrice. Mais cette dernière, grâce à Lila, va trouver les forces pour inverser la tendance. Quel qu’en soit le prix à payer.

➤ « Quién te cantará », drame de Carlos Vermut (Espagne, 2 h 02) avec Najwa Nimri, Eva Llorach, Carme Elias.

Aucun commentaire: