samedi 14 juillet 2018

Série Télé - Kimmy, femme taupe à New York


Il y a un peu de Candide de Voltaire dans « Unbreakable Kimmy Schmidt », série de Robert Carlock et Tina Fey. Kimmy (Elie Kemper) est enlevée par un révérend fou au fin fond de l’Amérique profonde.

Il lui fait croire que la fin du monde arrive et pour la « protéger », l’enferme dans un bunker avec trois autres malheureuses.

15 ans plus tard, elle est libérée et devient célèbre en tant que « femme taupe ». Mais au lieu de rentrer dans sa cambrouse, elle reste à New York pour rattraper sa jeunesse perdue.

Kimmy la naïve, mais à la volonté de fer se met en colocation avec Titus (Tituss Burgess) dans un appartement miteux propriété de Lilian (Carol Kane). Toute l’alchimie de la série réside dans ces trois personnages antagonistes. Lilian est paranoïaque, vivant encore dans le passé quand elle était mariée à un musicien noir. Titus, gros, maniéré est la quintessence de l’artiste gay incompris.

Comment Kimmy​​​​​​​ peut-elle comprendre notre société elle qui en est restée aux premiers épisodes de Friends ? Tina Fey (qui s’offre un rôle de psy déjantée), produit et insuffle un second degré dévastateur à une série qui fait la part belle à la musique (Titus chante très bien et à tout bout de chanp) et au vivre ensemble, malgré nos différences.

Les quatre saisons sont diffusées sur Netflix

mercredi 11 juillet 2018

Polar - Surveillance abusive


Un lieu clos, une dizaine de personnages, une angoisse allant crescendo : « Sécurité » de Gina Wohlsdorf marque par son économie de moyen. Cette histoire de massacre dans un grand hôtel sur la côte américaine à trois jours de son ouverture officielle est racontée au présent, dans un style direct, percutant. Un peu comme si l’on assistait à un film réalisé avec les images issues des centaines de caméras de vidéo surveillance voulues par le milliardaire à l’origine du projet.

Pour organiser cette réception majestueuse, Tessa est aux manettes. «Tessa est jolie mais pas d’une séduction évidente». «Tessa est le genre de personne qui se jette sur les critiques avec reconnaissance et considère les compliments comme une insulte. C’est exaspérant.» Longtemps on ne sait pas qui est le narrateur. Seule certitude, il est dans le poste de contrôle de la sécurité à scruter les membres du personnel. Un chef français (caricatural mais hilarant, il faut l’admettre), un couple chargé de la décoration et quelques femmes de ménage.

Et puis l’élément extérieur, Brian, le presque frère de Tessa, cascadeur à moto, si protecteur pour celle qui comme lui a vécu une dizaine d’années dans la même famille d’accueil. Tout bascule quand un tueur entre en jeu. Un pro, méthodique. Sadique aussi. Un excellent thriller qui vous dégoûtera des grands hôtels et des labyrinthes végétaux. 

« Sécurité » de Gina Wohlsdorf, Actes Sud, 21,80 €

lundi 9 juillet 2018

BD : Se soigner par les voyages

Entre les châteaux Cathares et ceux d’Espagne, que choisissez-vous ? La question se pose aux membres de ce voyage organisé peu commun raconté par Louis (scénario) et Marty (dessin) dans « Road Therapy ». Thérapie car les excursionnistes sont des patients d’une clinique psychiatrique.

Une anorexique, une maniaco-dépressive, une autre atteinte du syndrome de la Tourrette : le voyage vers les Pyrénées s’annonce mouvementé.


Du moins si le chauffeur daigne arriver. Malade, il est remplacé au pied levé par Igor, inconnu et donc forcément suspect aux yeux des deux infirmiers encadrants.

Igor un peu trop enthousiaste pour ces malades craignant la nouveauté ou la vitesse.

Mais dès qu’il évoque les fameux châteaux en Espagne, mirage qui parle à ces zinzins, les ruines cathares perdent de leur attrait.

Ce roman graphique, très dialogué, donne l’occasion aux auteurs de mettre en lumière ces « patients », « malades de la tête », mais conscients de tout ce qui les entoure et souvent plus sensibles aux thérapies alternatives que les bonnes vieilles recettes des infirmiers expérimentés.

« Road Therapy » de Louis et Marty, Bamboo, 72 pages, 16,90 €

mercredi 4 juillet 2018

BD - Dernier rendez-vous au phare



Les récits d’angoisse et d’horreur sont à la mode. L’action de « Ni terre, ni mer » se déroule dans un phare sur un caillou rocheux au large. Un voilier y fait naufrage. Ses cinq passagers, trois filles et deux garçons de très bonnes familles, sont recueillis par les deux hommes qui gardent le phare. 
Deux cadavres plus tard, on retrouve les survivants pour la seconde partie de cette intrigue imaginée par Olivier Mégaton et dessiné par l’Italien Genzianella au dessin épuré, un peu à la Paul Gillon. 


L’ensemble est plus que convaincant, logique car Mégaton est un as de la mise en scène qui s’est illustré sur des productions Besson comme Taken ou le Transporteur. 

« Ni terre, ni mer » (tome 2), Dupuis, 14,50 €

lundi 2 juillet 2018

DE CHOSES ET D’AUTRES - Tombée du ciel

Quand je suis en stand-by comme la semaine dernière, me balader sur internet sans but précis fait partie de mes occupations favorites. « Pure perte de temps » me glisse perfidement mon épouse, toujours prompte à me trouver des activités plus utiles à la bonne marche du foyer.
 Reste que j’y trouve des images incroyables. Comme cette vidéo de cinq secondes découverte samedi. Tirée d’une caméra de vidéo surveillance d’un magasin situé à Alberta au Canada. On y voit un présentoir de produits ménagers. Tout à coup des morceaux de plafond s’écroulent, suivis par une femme qui chute lourdement sur le dos, roule sur le sol, se relève et court vers une porte, les bras en l’air. 
D’où sort cette femme « tombée du ciel » ? Par quelle incroyable circonstance a-t-elle été filmée en pleine chute et surtout, pourquoi ces images sont-elles diffusées ? J’ai parcouru péniblement (merci Google traduction) plusieurs articles en anglais pour comprendre qu’il s’agissait d’une voleuse présumée. Elle paye ses achats avec une carte bancaire volée. Découverte, elle tente de se cacher dans le faux plafond de la boutique à l’arrivée de la police. On la voit grimper sur les rayons et disparaître dans une ouverture. 
La vidéo a connu un beau succès. Mais je m’interroge sur le côté voyeur du fait divers. Car la présumée voleuse semble se faire mal en tombant. Et la suite de l’arrestation est assez musclée. 
Peut-on rire du malheur des autres même si, sur le coup, on trouve la scène cocasse ? 
Enfin, il faut avouer que toutes les situations comiques partent du même principe. Du jardinier qui se prend un râteau (au sens propre) au célèbre arroseur arrosé des débuts du cinéma. 
N’empêche. Dans ce cas précis, j’ai ri jaune. 

Chronique parue le lundi 2 juillet 2018 en dernière page de l'Indépendant

BD - L’éducation par l’enfermement



Paru chez Syros, la trilogie de Méto d’Yves Grevet inaugure la nouvelle collection « Log’In » de chez Glénat. Un premier volume qui campe le décor. Angoissant. 
Dans une maison sur une île quasi déserte, 64 garçons vivent dans un pensionnat aux règles draconiennes. Ils dorment tous dans un immense dortoir et si, par malheur, l’un d’entre eux détériore les parois de son lit, la nuit venue, des créatures de métal viennent l’enlever pendant que ses camarades doivent fermer les yeux et rester immobiles. 

Le lendemain, il sera remplacé par un plus jeune. 
L’histoire débute par le départ de Quintus et l’arrivée de Crassus.
 Il est placé sous la responsabilité de Méto, obligé de lui apprendre les règles. Adapté par Lylian, dessiné par Nesmo, cet album qui ressemble par certains aspects à un comic, en impose par sa virtuosité graphique mise entièrement au service de l’histoire. 

«Méto » (tome 1), Glénat, 16,90 €

dimanche 1 juillet 2018

BD - Solution finale, avant, pendant et après avec Wannsee et Irena


La bande dessinée comme outil de mémoire. Loin de n’être qu’un genre réservé aux plus jeunes ou à la distraction, la BD a gagné depuis longtemps ses lettres de noblesse. Ces deux albums sont l’exemple même d’un vecteur de communication grand public permettant de mettre en lumière des pans de notre histoire qu’il ne faut surtout pas oublier, les derniers développements de l’actualité (crise migratoire, populisme au pouvoir en Italie ou en Pologne) montrant que rien n’est gagné en ce qui concerne la paix en Europe. 

Fabrice Le Henanff aborde de façon frontale l’histoire de la solution finale des nazis contre les Juifs. Tout a débuté, de façon « pratique » et « matérielle », le 20 janvier 1942 dans une villa cossue de la banlieue de Berlin. 
À Wannsee, une vingtaine de cadres au cours d’une réunion voulue par Heydrich et dont le compte-rendu est rédigé par Heichmann. Là, dans un milieu bourgeois, entre champagne et buffet de charcuterie, sera élaborée la solution finale voulue pas Hitler : « nettoyer » l’Europe. Un plan pour évacuer puis exterminer dans des camps dotés de fours crématoires reliés aux chambres à gaz des millions de Juifs. 
La froideur du récit, donne l’ampleur de l’horreur de ces hommes dont certains échapperont longtemps à la justice. Un album à montrer dans toutes les écoles. 

Irena, la «Juste» Autre style avec « Irena » écrit par Morvan et Trefouël et dessiné par Evrard. Dessin « enfantin » pour montrer l’horreur de la mise en place des décisions de Wannsee. En Pologne, le ghetto est vidé de ses milliers d’habitants. Direction les fameux camps, sans espoir de retour. Sauf si vous avec la chance de croiser la route d’Irena Sendlerowa. 


Cette Polonaise, catholique, a sauvé des milliers d’enfants en les plaçant dans des familles polonaises sous de fausses identités. 
Dans cette troisième partie, on retrouve une de ces petites rescapées, aujourd’hui maman dans l’État d’Israël. L’histoire de cette Juste, exemplaire à bien des égards, ne peut qu’émouvoir. Surtout quand la vielle dame se retrouve confrontée aux milliers de fantômes de ceux qu’elle n’a pas réussi à sauver de la barbarie nazie. 
Là aussi, la lecture en classe devrait être obligatoire. 

➤ «Wannsee», Casterman, 18 €

➤ « Irena » (tome 3), Glénat, 14,95 €

BD - Vacances et mensonges



Les vacances dans la France profonde des années 80 ne sont pas toujours très passionnantes. Hervé et Romuald s’ennuient à mourir. La journée, ils ont pour seule occupation de zoner sous les piliers en béton du projet d’aérotrain abandonné au milieu des années 70 au détriment du TGV. Hervé, l’aîné, vient de tripler sa 3e. Romuald, par contre, a brillamment réussi son année scolaire. Mais il n’a pas osé le dire à son pote. La crainte de le décevoir. Surtout de ne plus aller en cours avec lui...
 Un duo qui, le soir, retrouve Mathilde. Caissière dans le supermarché du coin, elle compense son surpoids par un bagou d’enfer. Des amis sans véritable avenir quand ils tombent sur Lucie. Blonde, filiforme, audacieuse elle va les faire rêver à tour de rôle. Mais attention, Lucie semble une experte en mensonge. 
Ce roman graphique de Ducoudray, illustré par Corgié, s’achève dramatiquement. Un peu comme le destin de cet aérotrain, prometteur mais abandonné car trop coûteux et rouillant dans un hangar. 

« Les lumières de l’aérotrain », Bamboo, 16,90 €

lundi 11 juin 2018

BD - Une bande dessinée retrace l'oeuvre et le parcours d'Edouard Luntz, cinéaste maudit


Un cinéaste peut-il disparaître ? Du moins son œuvre ? La question est lancinante dans cette BD de Julien Frey et Nadar. Édouard Luntz a signé une dizaine de courts-métrages avant de passer au long. Rapidement il rencontre le succès. Au point de signer avec la Fox. Ce sera « Le grabuge », tourné au Brésil. Un autre film maudit. Budget dépassé, trop long, remonté par le producteur. Procès, victoire du réalisateur français, mais sortie confidentielle et copie à jamais perdue.

Julien Frey est allé jusqu’au Brésil pour tenter de voir ce film. Étudiant en cinéma, il a failli travailler avec Luntz.. C’est un peu pour rattraper cette occasion manquée qu’il a écrit cette BD passionnante sur le milieu du cinéma, impitoyable.

➤ « Avec Édouard Luntz », Futuropolis, 23 €.

dimanche 10 juin 2018

DVD et blu-ray - Après "Pentagon Papers", la liberté de la presse, inscrite dans la constitution... américaine


Steven Spielberg est un surdoué du cinéma. À l’aise dans les films d’aventures, visionnaire dans la science-fiction, il sait aussi raconter des histoires vraies avec un sens du suspense inégalable. Dans « Pentagon papers », le sujet n’est pas spécialement cinématographique. Pourtant on est happé par le rythme, la tension et les rebondissements de ce film sur le rôle de la presse dans une démocratie. L’action se dé- roule au début des années 70. Nixon est président des ÉtatsUnis et continue la guerre du Vietnam, débutée depuis des années. Les forces américaines, malgré la mobilisation de milliers de jeunes recrues, ne parviennent pas à contenir les révolutionnaires vietnamiens. En fait, depuis des années, des rapports secrets annoncent la défaite US. Mais pour ne pas perdre leur « honneur », les présidents successifs s’entêtent.

L’opinion gronde, la jeunesse se rebelle. C’est à ce moment que les rapports secrets sont exfiltrés et communiqués à la presse. Le film raconte dans un premier temps la rivalité entre le Washington Post et le New York Times. Le second sort le scoop. Mais Nixon obtient de la justice la suspension de la série d’articles.

Quand Ben Bradlee (Tom Hanks), le rédacteur en chef du Post, récupère à son tour l’intégralité des rapports, il veut se lancer dans leur analyse. Mais pour cela il doit obtenir l’aval du patron de son journal. En patronne en l’occurrence, Kay Graham (Meryl Streep).

Ce film, qui a multiplié les nominations aux Oscars et Golden Globes, aborde plusieurs thématiques. La première du lanceur d’alerte, les Pentagon Papers étant récupérés et divulgués par un ancien marine. Celui du pouvoir des femmes, Kay Graham devant sans cesse se battre pour imposer ses choix face à un conseil d’administration entièrement masculin. Il est aussi question de concurrence mais surtout de liberté de la presse. Et sur ce dernier point, saluons la décision de la cour Suprême qui a clairement soutenu les journalistes face à un pouvoir, même élu démocratiquement.

Bref, un biopic totalement dans l’actualité.

➤ « Pentagon Papers », Universal, 19,99 € le DVD, 22,99 € le blu-ray