Pas besoin d’être un grand spécialiste de l’agriculture pour se douter que l’épidémie de grippe aviaire a durement touché le marché du foie gras. Il suffit d’aller faire ses courses dans une de ces grandes surfaces qui offrent des rabais sur les produits frais dont la date de péremption approche pour constater l’ampleur des dégâts. Dans un bac, des dizaines de blocs n’ont pas trouvé preneur au prix fort. Et ne semblent pas remporter plus de succès malgré la réduction de 50 %. Les annonces rassurantes du ministère de l’Agriculture restent lettre morte, nombre de consommateurs boudent ce produit traditionnel. Sans compter les campagnes des associations de protection des animaux qui dénoncent le gavage. C’est pour cette raison que j’ai moi aussi été privé de foie gras pour les fêtes. Ma femme trouve la pratique barbare. A la place elle a privilégié les huîtres.
L’avantage du foie gras par rapport à ces bestioles, c’est la préparation. Couper une tranche moelleuse n’a rien de comparable avec l’ouverture de coquillages récalcitrants. Pourtant ce sont trois douzaines de mises à mort que j’ai à mon actif. Car l’huître se doit d’être fraîche. Vivante en clair. Pour preuve, une fois ouvertes, j’ai la manie de leur effleurer le bord de la membrane pour vérifier si elle se rétracte. Qu’elles souffrent quoi. Que de tortures non dénoncées. Mais il est vrai que le cri de l’huître que l’on ouvre est moins éprouvant que celui du canard qu’on égorge.
Coup de cœur de nombreux festivaliers lors de la dernière édition de Cannes, « Divines » de Houda Benyamina a finalement remporté la Caméra d’or. Le film a des airs de documentaire. Pourtant ce sont bien des actrices professionnelles qui portent cette histoire forte et prenante. Dounia (Oulaya Amamra) est surnommée la Bâtarde. Sa mère, vivant dans un camp de roms, multiplie les aventures. L’adolescente de 16 ans, pour survivre à cette réalité, se forge une carapace. Dure, méchante, intransigeante, elle est le plus souvent habillée comme un garçon, tête cachée par une capuche.
■ Gentille Maimouna
Sa meilleure amie, Maimouna, (Déborah Lukumuena) cache elle aussi ses cheveux. Mais pas pour la même raison. Cette grande et forte noire, à la candeur touchante, fille d’imam, va régulièrement à la mosquée vê- tue de la burqa. Mais au lycée, en situation d’échec comme 80 % de ses camarades, elle se dévergonde, notamment au contact de Dounia, obsédée par l’envie de gagner de l’argent. Beaucoup d’argent, le signe de réussite ultime dans les quartiers. Ce ne sera pas avec son BEP d’hôtesse d’accueil qu’elle pourra se payer des vacances à Phuket. Alors elle regarde autour d’elle et constate que certains s’en sortent plutôt pas mal. Comme Rebecca (Jisca Kalvanda), plus grosse dealeuse de la région. Au culot, avec le renfort de Maimouna, elle propose ses services à cette femme tigresse, collectionnant les amants « bogosse » aux abdos de fer comme d’autres les pin-up aux lèvres refaites. Le film raconte dans le détail cette plongée dans la délinquance, l’argent facile et les risques inhérents. Dounia prendra beaucoup de coups dans l’aventure, mais ne déviera jamais de son but. Même l’amour (Dounia tombe sous le charme d’un jeune danseur) ne parvient pas à la remettre sur le « droit » chemin. Les bonus du DVD, en plus de quelques scènes coupées dont une longue balade amoureuse dans un supermarché vide, donnent beaucoup la parole à la réalisatrice qui explique sa démarche.
➤ « Divines », Diaphana vidéo, 19,99 €
Les mauvais esprits du Gorafi ont encore frappé. Comme pour mieux remuer le couteau dans la plaie de tous les progressistes qui espèrent encore une autre solution qu’un duel Fillon - Le Pen au second tour de la présidentielle, ils ont imaginé le témoignage d’un homme choisissant «la cryogénisation pour enfin voir un président de gauche».
Certes le Parti socialiste, en pleine primaire, n’est pas à son meilleur niveau côté sondage. Mais il ne faut pas non plus exagérer. L’intérêt de se faire cryogéniser, c’est de se réveiller quelques siècles plus tard, au minimum. Histoire de pleinement profiter des progrès accomplis par la science. A priori, cinq années d’hibernation devraient suffire aux partisans de gauche. Car on fait confiance à la droite française pour raccourcir l’échéance si elle assurait cette fameuse alternance.
Par contre, pour ceux qui voudraient véritablement se congeler pour ne pas voir la catastrophe annoncée, j’ai la solution miracle: écouter minutieusement le programme de François Fillon ou de Marine Le Pen. Dans un premier temps ça fait froid dans le dos, puis on est saisi de la tête aux pieds, comme figé par un blizzard venu directement de la période glaciaire. Alors si le peuple de gauche ne veut pas grelotter en mai prochain, il devra se mobiliser fin janvier.
Sara Forestier incarne une institutrice passionnée par son travail dans « Primaire », film de Hélène Angel. Une femme déchirée par l’évolution de son métier et ses difficultés personnelles.
Lieu préservé entre tous, l’école primaire doit être protégée. Pour s’en persuader, il suffit d’aller voir « Primaire », en salles ce mercredi. Un film qui fait du bien, d’où l’on ressort les yeux baignés de larmes, rempli d’émotion, le cœur plein d’espoir. De ces œuvres qui ne paient pas de mine mais dont on se souvient longtemps car elles nous font mieux comprendre la chance que l’on a de vivre dans un pays qui fait beaucoup pour sa jeunesse. Florence (Sara Forestier) est professeur des écoles. Institutrice dans sa tête. Elle est jeune mais n’a pas encore accepté le nouveau verbiage de l’Éducation nationale. Cette année elle a la classe de CM2. Difficiles les CM2 car c’est leur dernière année dans ce cocon qu’est l’école primaire. La rentrée suivante se fera au collège. Là, rien ne sera pareil.
■ Émouvant spectacle de fin d’année
Alors Florence, sans trop s’attacher, donne le maximum pour qu’ils ne soient le mieux formés possible. Dans cette classe, il y a Denis. Il lève toujours la main pour répondre. Elle ne l’interroge jamais. Denis en veut à sa maî- tresse. Encore plus à sa mère quand il la voit, dans l’appartement de fonction qu’ils occupent au-dessus des classes, préparer ses cours ou corriger sa copie. La très bonne idée du film est d’opposer cette maîtresse exemplaire à son fils qui se sent dé- laissé. Au point qu’il fait des pieds et des mains pour rejoindre son père qui travaille en Indonésie. De père, Sacha n’en a pas. Sacha quasiment abandonné par sa mère et qui au bout d’une semaine de vie en solitaire est confié à Mathieu (Vincent Elbaz) l’ancien petit ami de la mauvaise mère. Une relation particulière va s’instaurer entre Florence et Sacha, comme si elle avait besoin de s’occuper de cet enfant dé- laissé alors qu’elle n’arrive pas à voir que son fils a besoin de plus de présence maternelle. Denis va repousser Sacha dans un premier temps, puis devenir son meilleur ami quand il comprendra que sa mère est attirée par Mathieu.
Un embryon de romance qui n’enlève rien à la force du scénario, axé essentiellement sur la vie dans cette classe de CM2. On se régale de leurs préparatifs du spectacle de fin d’année, notamment quand intervient Carlie, une autiste intégrée au groupe. Ce film, véritable plaidoyer en faveur du corps enseignant, nous permet de retrouver nos années de primaire, quand la maîtresse (ou le maître) était le centre de notre petit univers.
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"Un animal sauvage"
Dans ses notes de production, Hélène Angel explique pourquoi elle a rapidement choisi Sara Forestier pour interpréter cette institutrice, si fragile dans sa vie privée, si forte face à ces gamins. « J’ai eu le coup de foudre. Sara, c’est un animal sauvage ! En tant que femme, elle n’est pas dans des rapports de séduction codés. En tant qu’actrice, elle ne « fabrique » pas. Elle vibre, elle a donné force et souffle au personnage. » Un portrait que ne doit pas renier la principale intéressée.
Cette comédienne de 30 ans, dans le métier depuis ses 15 ans, a déjà deux césar à son palmarès. Sa fraîcheur lui permet de tout oser. Du drame social comme « La tête haute » au mauvais film d’horreur « Humains » en passant par le polar psychologique « L’amour est un crime parfait », elle a déjà touché à tous les genres. Même les plus inclassables quand elle interprète une jeune femme qui se bat avec son partenaire et amant (souvent dans de la boue) dans « Mes séances de lutte » de Jacques Doillon. Sans oublier ses débuts fracassants dans « L’esquive » d’Abdellatif Kechiche.
Mais la belle ne se contente pas d’un seul côté de la caméra. Après une première expérience sur un court-métrage, elle s’est lancée dans la réalisation de son premier long-métrage. « M », dont elle signe aussi le scénario, est l’histoire d’une fille bègue qui s’épanouit au contact d’un pilote kamikaze. Le film est en cours de montage et pourrait sortir pour la fin de l’année.
Une nouvelle espèce d’araignée découverte récemment en Inde a été nommée « Eriovixia gryffindori » en référence au mage Godric Gryffindor des romans de la saga Harry Potter. Le corps de cet insecte a la forme du fameux « choixpeau », un chapeau ensorcelé pour répartir les nouveaux élèves de Poudlard.
Ce n’est pas la première fois qu’une petite bestiole est baptisée en hommage à une célébrité. On apprend ainsi selon « Le carnet scientifique » (éditions Grasset) de Mathieu Vidard que les araignées, très nombreuses, ont déjà dans leurs rangs de nouvelles venues dont le nom très rock est tiré des patronymes de Bono, Lou Reed ou David Bowie. Plus étonnant ce scarabée, dont le nom est une référence à Arnold Schwarzenegger car « le fé- mur de ses pattes médianes, particulièrement développé, rappellerait les biceps de l’acteur ». Les guêpes ne sont pas en reste : leurs piqûres sont plus ou moins graves si elles sont de la famille de Pink Floyd, Muse, Metallica ou Elvis Presley.
Reste la plus étonnante des petites bêtes, la Norasaphus monroeae baptisée en référence à Marilyn Monroe. Sa tête a une forme de sablier qui ressemble à la silhouette de la star hollywoodienne. Dernière précision, le Norasaphus monroeae est un trilobite, soit un « arthropode marins fossile ayant vécu durant le Paléozoïque ». Franchement, beaucoup moins sexy que l’interprète de « Certains l’aiment chaud »...
Infatigable Serge Brussolo, toujours à chercher de nouveaux mondes à explorer. Le voilà lancé dans une grande saga de pirates. Du moins c’est ce que laissent entendre le titre et la couverture du roman, mais il semble avoir oublié en cours de route de faire vivre le vaisseau baptisé « L’oiseau des tempêtes ». Ce sera pour la suite des aventures de la belle Marion, véritable héroïne et fil rouge de ces multiples péripéties.
On a droit à des naufrageurs, un peu de bagne en Bretagne, des larcins à Marseille puis une vie de recluse, avec des araignées, sur une île des Caraïbes. Bref, en 400 Pages, l’auteur français le plus prolifique utilise autant de personnages et de lieux qu’un collègue en cinq romans. Direct et sans fioritures, le style Brussolo fait toujours merveille.
➤ « L’oiseau des tempêtes » de Serge Brussolo, Fleuve éditions, 19,90 €
Certains faits divers ne méritent que trois lignes dans le journal, mais permettent au lecteur un peu imaginatif d’en entrevoir toutes les conséquences. Exemple vendredi dernier. Le système d’éclairage des jacuzzi et de la piscine situés sur la terrasse d’un bâtiment prend feu. Les flammes sont impressionnantes, tout l’immeuble est évacué, 140 personnes au total. Rien d’exceptionnel ? Erreur car le bâtiment en question est celui du Paradise à la Jonquère. Et les évacués sont les clients et prostituées de cette célèbre maison close.
Alors j’imagine ces naufragés d’un jour, dans la rue, à 18 heures un 30 décembre, certains en petite tenue, grelottants et moins triomphants que dans les alcôves du Paradise. Surpris en pleine action, ils doivent sérieusement regretter ce petit désir d’évasion et de transgression. Surtout si ces amateurs de sexe tarifé croisent à ce moment gênant des voisins venus acheter cigarettes et alcool, autres vices mais moins voués aux gémonies. Le principal attrait des maisons closes reste leur discrétion. Sauf quand il y a le feu et que toute la clientèle doit se masser en bord de route...
Le fait divers, relaté de façon quasi clinique dans le journal local Diari de Girona, se veut rassurant. Pas de blessés et peu de dégâts. Seule la fin de l’article laisse deviner une petite allusion au caractère inhabituel de cette péripétie : « L’incident a provoqué beaucoup d’excitation dans la région. »
L’année 2017 commence sous de meilleurs auspices que 2016. Obligatoirement. Non je n’ai pas passé mon BEP de voyance entre Noël et nouvel an, j’ai simplement bien regardé le calendrier. Alors que 2016 battait des records de jours fériés pendant le week-end, 2017, au contraire, offre à six reprises des possibilités d’évasion de trois jours.
Avouez, Noël ou le 1er janvier un dimanche, ce n’est pas très sympa pour ceux qui se sont lâchés pour le réveillon. Du coup, ce 2 janvier devient un lundi encore plus pénible, migraine en prime. 2017 sera plus cool. Noël et 1er janvier tombent un lundi. Donc week-end prolongé en perspective. Le 14 juillet, vendredi, on va pouvoir danser aux bals populaires encore plus longtemps.
Reste le cas du mois de mai. Le jeudi de l’Ascension débarque, ça alors, un jeudi. Voilà un jour férié qui fait pester depuis toujours. Mais pourquoi Dieu dans sa grande miséricorde n’a-t-Il assigné le vendredi et l’Ascension ? Peut-être pour rattraper les conséquences du Lundi de Pâques vénéré par les adeptes du week-end à rallonge. Mai 2017 débute bien avec un lundi 1er. Et se prolonge tout aussi bien avec le lundi 8 mai.
A une nuance près, dimanche 7 votre esprit civique en empêchera de partir en villégiature. Ce jour-là, vous devrez élire le nouveau président de la République. Et quel qu’il soit, pour beaucoup, il aura débuté son mandat en gâchant un week-end de trois jours.

Le nouvel album de Blake et Mortimer signé Yves Sente (scénario) et André Juillard (dessin) va ravir tous les passionnés de Shakespeare. Nos deux héros se retrouvent lancés dans une course contre la montre trépidante. Si l’aventure débute à Londres, l’intrigue principale se déroule à Venise. Quelques riches lettrés, lors d’une soirée, tentent de résoudre un mystère lié à la vie de Shakespeare. Blake et Mortimer s’y retrouvent mêlés en raison de leur amitié pour Sarah Summertown, par ailleurs présidente de la William Shakespeare Defenders Society. Le professeur va notamment enquêter en Italie, pays qui aurait une importance capitale dans la vie et l’œuvre du grand dramaturge anglais. Si l’album manque un peu d’actions spectaculaires et d’inventions étonnantes, il est cependant passionnant, un peu dans la lignée de « L’affaire du collier », avec un gros volet historique tout à fait crédible, bien qu’entièrement inventé par Sente. Juillard au dessin, est toujours aussi fidèle et Jacobs, tout en arrondissant, voire humanisant ces personnages désormais immortels.
➤ « Les aventures de Blake et Mortimer » (tome 24) , éditions Blake et Mortimer, 15,95 €.
La gaieté factice des fêtes vous insupporte ? Les deux derniers romans de Barbara Abel vous raviront.
Sortis l’un chez Pocket, l ‘autre chez Belfond, « L’innocence des bourreaux » et « Je ne sais pas » ont ceci en commun de remarquable la prise de position affichée de Barbara Abel de dédaigner carrément le gentil héros sauvé in extremis par le flic futé. Au contraire, elle choisit de regarder l’intrigue par l’autre bout de la lorgnette et de transformer les méchants en gagnants.
Difficile d’imaginer plus glaçant que l’histoire d’Emma dans « Je sais pas ». Au cours d’une sortie scolaire la petite disparaît dans la forêt. Les instituteurs sont sur les dents, la gendarmerie avertie de même que Camille et Patrick Verdier, ses parents. Élément clé dont les enquêteurs devront prendre en compte, loin de correspondre à l’image angélique que sa beauté renvoie, Emma possède un sacré caractère et du haut de ses cinq ans mène parfois la vie dure à ses camarades d’école comme à son institutrice Mylène de même qu’à ses parents.
■ Culpabilité
Mylène justement se sent affreusement coupable de la disparition de sa petite élève et s’engage loin dans la forêt pour tenter de la retrouver. Jusqu’à atterrir dans un endroit où son portable ne trouve plus de ré- seau. Camille elle aussi se torture pour une toute autre raison. Quelques jours avant la sortie scolaire, la petite Emma l’a surprise dans le hall d’entrée et les bras de son amant... Les gendarmes aidés de chiens et tous les adultes présents poursuivent les recherches jusqu’à la nuit tombée et là le soulagement est indicible quand on retrouve finalement la gamine. Par contre, les enseignants finissent par se rendre compte que Mylène ne répond plus au téléphone depuis plus de deux heures.
Barbara Abel utilise un schéma récurrent au niveau de l’écriture et de la construction du scénario dans « L’innocence des bourreaux ». Un junkie en manque braque une supérette de quartier où des gens sans histoire font leurs courses. Le pauvre gars, qui pensait récupérer la caisse et s’enfuir, voit la situation lui échapper complètement. On finit par compter les morts et les gendarmes mis sur le coup ont la surprise de leur vie en cherchant les empreintes relevées dans le fichier des personnes recherchées.
Autant dire que si vous avez la chance de recevoir pour Noël ces deux petits bijoux de noirceur et d’idées tordues, croyez-moi vous passerez à coup sûr une nuit blanche sans paillettes mais frissons assurés !
Fabienne Huart
➤ « Je sais pas », Belfond 19,90 euros et « L’innocence des bourreaux », Pocket, les deux de Barbara Abel.