dimanche 9 août 2015

BD - Maggy rime avec ennuis


Les meilleurs scénaristes humoristiques deviennent excellents quand il leur prend l'envie de changer de registre. Yann ou Tome en sont les meilleurs exemples. Lewis Trondheim marche sur leurs pas en imaginant les enquêtes de Maggy Garrisson, jeune détective privée londonienne, un peu replète, pas toujours très honnête et présentement amoureuse. Stéphane Oiry dessine toujours le second volet de ses aventures. 
Maggy, tombée sous le charme du beau mais très voyou Alex. Ensemble ils ont délesté deux flics ripoux de 30000 livres. Dont l'inspecteur Sheena, la meilleure amie de Maggy. L'histoire est composée de deux intrigues indépendantes : un contrat pour découvrir qui a dérobé les bijoux d'une femme récemment décédée et les soupçons de Sheena sur l'identité de ses agresseurs, avec l'envie de retrouver le pactole, mal acquis mais bien utile en ces temps de crise. 
Trondheim parvient à distiller une ambiance très particulière, entre filature classique et montée de la paranoïa autour des liasses de billets. La séquence au cours de laquelle Maggy se creuse les méninges pour trouver une cachette indétectable vaut à elle seule de lire cet album.

« Maggy Garrisson » (tome 2), Dupuis, 14,50 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - Du cinéma à la réalité

Succès cinématographique de cet été, les Minions quittent les écrans pour s'immiscer dans la vraie vie. Et de réussir à pourrir le quotidien des gens, but premier de leur existence. Ces bestioles idiotes, apparues une premier fois dans le film « Moi, moche et méchant », ont pris leur liberté dans un long-métrage d'animation hilarant. 
Une grosse production qui bénéficie de moyens de promotion considérables. En Irlande par exemple, un Minion géant (pas moins de dix mètres de hauteur) gonflé à l'hélium flotte dans le ciel de Dublin. Qui a eu la mauvaise idée de sectionner un des câbles retenant la structure au sol ? Peut-être quelques Minions en mal de bêtises... Toujours est-il que le gros bonhomme jaune, poussé par le vent, s'est couché sur le sol. En plein au milieu d'une route très fréquentée. 
Conséquence, nombres d'Irlandais ont pu appeler leur boulot ou leur conjoint pour s'excuser d'un retard imprévu. Par contre, la cause a dû en étonner plus d'un : « Je suis bloqué par un Minion couché en travers de la chaussée... » Cette mésaventure pourrait donner des idées à certains en mal d'imagination. Vous avez boulotté tout le Nutella en cachette une nuit de fringale ? « Incroyable, Ant-Man a envahi le placard et emporté le pot de Nutella ! » 
Une bosse au pare-choc de la voiture ? « Tu me croiras si tu veux, mais La Chose, des « 4 Fantastiques » a traversé devant moi au feu vert... » Et pour les plus jeunes, l'échec au brevet ou au bac pourra sans difficulté être mis sur le dos des « Profs », un autre des films vedettes de l'été.

samedi 8 août 2015

DVD - Morck et Assad, flics danois atypiques du Département V


Adaptés des thrillers de Jussi Adler-Olsen, 'Miséricorde' et 'Profanation' sont deux enquêtes du Département V.Affaire classée ? Pas pour Carl Morck (Nikolaj Lie Kaas) dont c'est justement le fonds de commerce. Ce flic danois d'élite est à la tête du plus petit service du pays. Il doit se contenter d'un assistant, Assad (Fares Fares), un Syrien, touche exotique dans un thriller très noir. Les romans de Jussi Adler-Olsen, parus en France chez Albin Michel, ont rapidement rencontré un grand succès auprès des lecteurs amateurs de littérature policière scandinave.

Logiquement, cette autre pépite nordique, comme Millénium, a intéressé des producteurs de cinéma. C'est Mikkel Norgaard, jeune réalisateur danois, qui a hérité du projet. Il s'est plongé dans les romans et après de longues réflexions (racontées en détail dans le making-of), il s'est approprié cet univers. Résultat les lecteurs seront un peu déboussolés car si les personnages et les intrigues sont respectés, les caractères sont un peu modifiés.

L'autre Assad
Morck reste le flic détruit par une grosse bavure qui a causé la mort d'un collègue et provoqué la paralysie de son meilleur ami. Dépressif, alcoolique, totalement asocial, il hérite du département V, un service chargé de classer les affaires non résolues. Sa feuille de route est simple : clôturer trois affaires par semaine. Mais ce limier, infatigable chercheur de vérité, à l'encontre de sa hiérarchie, préfère rouvrir des dossiers mal ficelés. Dans Miséricorde, le premier volet, il tente de tirer au clair la disparition d'une jeune femme politique. Il y a cinq ans, Merete Lynggaard (Sonja Richter), prend un ferry avec son frère handicapé mental. À l'arrivée, elle a disparu. Les policiers concluent à un suicide. Morck n'y croit pas et va finalement retrouver Merete.

Le second film, Profanation, une bande de jeunes aisés, pour se procurer quelques pics d'adrénaline, laissent libre cours à leur violence. Passages à tabac puis meurtres les transforment en tueurs sans la moindre empathie. Devenus adultes, personnalités influentes, ils voient d'un très mauvais œil l'arrivée de Morck dans leurs affaires de jeunesse. Les films, un peu moins sombres que les romans, perdent un peu de leur saveur avec la modification des caractères d'Assad et Rose. Le premier, de petit, bedonnant et chauve, devient un grand flic baraqué, toujours musulman mais beaucoup plus sûr de lui. Quant à Rose (Johanne Louise Schmidt), exit la gothique provocatrice imaginée par Jussi Adler-Olsen. Elle laisse la place à une secrétaire timide et insipide, juste identifiée par une chevelure rousse là où l'originale avait "une coiffure ébouriffée ultra-courte et noire, des yeux de jais et des vêtements plus sombres que sombres.".
Les deux films sont cependant très efficaces, bien menés, avec un tempo haletant. Mais là où les films adaptés des romans de Stieg Larsson conservaient la force de l'original, ces enquêtes du Département V semblent beaucoup plus quelconques. Dommage, le duo Morck Assad aurait certainement pu devenir aussi célèbre que celui formé par Blomkvist et Lisbeth.
"Miséricorde" et "Profanation", Wild Side, 12,99 euros les DVD, 17,99 euros les blu-ray (sortie le 8 août).

vendredi 7 août 2015

BD - Le rock en famille de Jano et Baru


Dix ans que Jano n'avait pas publié de BD. Le créateur de Kébra, après quelques aventures en Afrique, semblait retiré des affaires. Heureusement Baru l'a sorti de sa retraite anticipée en lui écrivant un superbe scénario bourré de rock, de baston et d'ambiances américaines. Retour gagnant avec la rencontre de ces deux anciens, icônes de la BD rock des années 80. Tout commence par la découverte dans un grenier d'un vieil électrophone et de quelques 45 tours des années 50. 
Jérémie, alias King Automatic, musicien à ses heures perdues, va se lancer sur les traces de sa grand-mère, mystérieusement disparue au début des années 60. En fait, la jeune femme, mère de famille en mal de sensations, a craqué pour un de ces GI's venus libérer l'Europe. Elle a tout plaqué pour suivre Johnny Jano, chanteur de rockabilly de Louisiane. 
Avec une simple adresse découverte sur une vieille carte postale, Jérémie et son frère vont mener l'enquête et se découvrir une seconde famille, « The Four Roses ». 
Ces 70 pages, entre concerts rétro et plongée dans le bayou actuel sont un pur délice que l'on peut prolonger en écoutant un 45 tours offert dans la première édition de cet album qui passionnera les nostalgiques du rock simple et basique.

« The Four Roses », Futuropolis, 20 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - Parking trop étroit

Évidemment, à force de me moquer, ça me pendait au bout du nez. Un retour de bâton carabiné qui fait réfléchir. Hier matin, je découvre une information qui me réjouit. Outre qu'elle me fait sourire, elle me donne un sujet de chronique rêvé. L'aéroport de Francfort suscite la polémique outre-Rhin après avoir installé dans son parking des places plus larges destinées aux conductrices
Dans le genre cliché misogyne, difficile de faire pire. De plus, ces places sont signalées par un rose vif, comme pour renforcer la caricature. Et de me remémorer toutes ces maximes négatives, « Femme au volant... » Je me mets à ruminer sur ce thème, à collecter des vidéos de conductrices maladroites qui, en se garant emboutissent une dizaine de voitures ou cette autre qui défonce une barrière de parking souterrain après avoir mis son ticket dans la borne. 
Mais avant de me lancer dans la rédaction d'un texte drôle et incisif, je me rappelle que je dois faire une course urgente. Je prends donc la voiture, file au supermarché (à 700 mètres de la maison, mon empreinte carbone est abominable), conduit distraitement, obnubilé par l'invention de jeux de mot autour des femmes au volant. 
Pas assez concentré, arrivé sur le parking quasi vide, j'évalue mal la distance avec l'arête d'une bordure. Boum ! Le pneu avant droit explose. En plein cagnard je change la roue et me maudis. Comme si toutes les femmes (dont la mienne qui effectue des créneaux impeccables) s'étaient vengées par anticipation de mes intentions moqueuses. 
Et de songer que si la place avait été plus large, mon pneu n'aurait pas fini en lambeaux. 

jeudi 6 août 2015

Roman - Hawaï et son singe d'or

Humour non stop dans ce roman tropical déjanté de Jack Handey, célèbre gagman américain.

Hawaï, pour une majorité de Français ce sont des images de cartes postales. Des surfers bronzés, des vahinés peu vêtues voire des policiers télégéniques pour les adeptes des séries américaines du samedi soir sur M6. Il existe un autre Hawaï, celui décrit dans le roman de Jack Handey, auteur américain devenu célèbre après avoir multiplié les brèves anecdotes absurdes dans le revue d'humour « National Lampoon » puis en prêtant sa plume à l'émission satirique « Saturday Night Show », véritable institution télévisée outre-Atlantique. Ce roi du bref, de la réplique cinglante, de la situation absurde s'essaye pour la première fois au roman. Une histoire découpée en courts chapitres (plus de 80) eux-mêmes truffés de dizaines de situations cocasses et invraisemblables. Au total 200 pages et pas moins de 1000 images ou scènes incongrues. On en a pour son argent.
A la base, le narrateur, à priori Jack Handey himself, raconte comment il fait l'acquisition d'une mystérieuse carte indiquant la cachette d'un singe d'or caché dans la jungle près d'Honolulu. Comme il est passablement fauché il saute sur l'occasion. Il est vrai qu'il est au bout du bout au niveau social : « Je songeai un instant à aller réclamer une aide sociale, mais j'étais trop fier pour cela. Je décidai de mendier. Mais il faut se lever de bonne heure pour pouvoir concurrencer les lépreux, les amputés, sans parler des orphelins affamés. » Arrivé à Hawaï, il dégote un boulot de « gardien de crabes sur la plage ». Très fatigant : « Chaque soir, je revenais en marchant de travers comme on dit dans le métier ».

Cannibales et hommes-tortues
Vient le grand départ pour la quête du singe d'or. Mais on ne s'improvise pas Indiana Jones quand on ne fait pas la différence entre une antiquité et un simple bibelot pour touristes comme cette danseuse de hula fabriquée en « puantoxite, la forme solide de la puanteur. L'essence pure et cristalline de la puanteur ». Une statuette qui a de plus le pouvoir de « déclencher des catastrophes en chaîne quand on la dépose sur (je ne me rappelle plus quoi). »
Voilà donc notre aventurier en train de remonter les méandres d'une rivière hawaïenne ressemblant plus à l'Amazone qu'à un paisible cours d'eau. Les dangers sont multiples, du diabolique docteur Ponzari, lui aussi à la recherche du singe en passant par les hommes-tortues ou la bizarre tribu des Patangis, aux dictons étonnants comme « Purée de pois au réveil, matelot au dîner. » Il est vrai que « comme beaucoup d'autres tribus, ils pratiquaient le cannibalisme, mais ils n'obligeaient personne à les imiter. » Le roman, bourré de running gags (avec la danseuse de hula ou le docteur Ponzari) est mené à un train d'enfer, multipliant les invraisemblances donnant tout son sel à ces histoires totalement tarabiscotées. Un régal pour les amateurs de non sens. 

« Mésaventures à Honolulu », Jack Handey, Seuil, 16 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES - Indignations fluctuantes

L'été est propice aux indignations. Cette année n'échappe pas à la règle. Depuis quelques jours, les sujets ne manquent pas, comme si les gens, en vacances, n'avaient rien d'autre à faire que de juger leurs voisins. Indignations à géométrie variable, pas toujours compréhensibles. Ainsi tout le monde s'émeut de la mort de Cécil, le lion à la crinière noire, abattu par un chasseur américain. Ils sont moins nombreux à lancer des pétitions sur le net ou réclamer la peau des responsables pour les centaines d'Africains noyés en tentant de rejoindre l'Europe ou tués dans leur fuite vers l'Angleterre via le tunnel sous la Manche. Étrange monde qui ressent moins d'empathie pour les migrants que pour un fauve. 
Dans la même veine, il semble ne pas y avoir photo entre le sort d'un enfant rom de cinq ans et Hitchbot, un robot auto-stoppeur canadien. Le premier a trouvé la mort mardi soir dans une rue de Paris. Le conducteur de la camionnette n'a même pas daigné s'arrêter... Quelques voix s'élèvent, mais rien qui émeuve vraiment. 
Par contre tout le monde verse une larme sur Hitchbot. Ce bidule, inventé par des chercheurs canadiens, sillonne les routes d'Amérique du Nord en stop. Les automobilistes le prennent à bord et le déposent un peu plus loin. Il a traversé le Canada (6000 kilomètres sans encombre) et tenté de rejoindre la Californie. Fin du voyage à Philadelphie où il vient d'être retrouvé vandalisé et démembré au bord de la route. « Pauvre petit robot... » se lamente le chœur des pleureuses. Pauvre Humanité plutôt ! 

mercredi 5 août 2015

BD - Une certaine France caricaturée par Diego Aranega

Si vous avez la chance de vivre dans un hameau perdu au fin fond de la campagne française, sans télé, radio ni internet depuis une dizaine d'années, cet album de Diego Aranega vous permettra en 100 pages de comprendre la France du XXIe siècle. Enfin une certaine France, celle que l'auteur, soit-disant « titulaire d'une chaire de psycho-morphogenèse à l'université de Princeton », imagine dans ses pires cauchemars. Grâce au SMD (le self made defense) vous pourrez résister aux pires des agressions des « cailleras » de banlieue, mieux que si vous maitrisez le Krav maga israélien
La technique de l'ongle pointu avec du sang caillé porteur de la fièvre ébola fera fuir tout agresseur. Sur la théorie du complot, très en vogue depuis les attentats du 11 septembre 2001, Aranega révèle les visées du groupe de Pilderberg, hydre moderne en mal de domination du monde civilisé. Mais la meilleure histoire reste celle sur les fans des années 80. Notamment les collectionneurs de la revue OK Magazine, quintessence de l'esprit « eighties ». Rien que pour les extraits du courrier des lecteurs cet album est indispensable pour tout véritable amateur de monstruosités.

« Anthroporama », Fluide Glacial, 14 €

DE CHOSES ET D'AUTRES - Plage royale

Vallauris, ses résidences de luxe, sa plage publique. Cette commune idéalement située entre Cannes et Antibes se passerait bien de la publicité générée par la venue du roi Salmane d'Arabie saoudite, présentée au début comme une manne pour le tourisme local. Le monarque se déplace avec sa cour de mille personnes. Point de laquais payés au smic. Plutôt des milliardaires en Ferrari qui écument les boutiques de luxe comme le touriste lambda les rayons des hard-discount. Mais en France rien n'est jamais simple. Le roi, installé dans sa résidence en surplomb de la plage, décide de privatiser ces quelques dizaines de mètres. 
Avant même son arrivée, on installe un ascenseur provisoire et des grilles aux différentes entrées. Qu'il dépense ses milliards chez Chanel ou Hermès, d'accord, qu'il spolie le peuple de sa bronzette gratuite, pas question. Une pétition sur le net plus tard, le messie financier fait ses valises et poursuit ses vacances au Maroc. Les commerçants de Vallauris et de Cannes vont subir un sacré manque à gagner. J'aurais presque tendance à défendre le souverain. Après tout, le moindre sou est bon à prendre en période de crise. Quoique franchement, qui regrettera son départ, quand on connaît l'odeur nauséabonde des pétrodollars de sa majesté. 
Pendant que Salmane faisait route vers Tanger, le blogueur Raif Badawi toujours en prison, attendait d'être fouetté en public (encore 950 coups) pour son crime : la création d'un site critique contre le gouvernement et la religion.

DE CHOSES ET D'AUTRES - Cher Maître Gims


L'affaire du concert de Maître Gims à Ille-sur-Têt fin juillet continue de provoquer des vagues. Rappel pour les absents : le rappeur a chanté en playback durant 45 minutes devant des fans déçus de ne pouvoir le rencontrer à la fin du concert. Un groupe de mécontents se monte sur Facebook, les organisateurs y jettent leur grain de sel et finalement l'artiste répond dans un communiqué qui, je l'avoue, m'a fait me gondoler de rire. Je ne connais pas Maître Gims, et encore moins ses chansons. Il semble cependant avoir, comme on disait dans ma jeunesse, « chopé le melon ». Déjà, le « Maître » aurait dû me mettre en alerte. 
Le communiqué, présenté comme une réponse personnelle à ses détracteurs, est rédigé à la troisième personne. Comme un roi (ou Alain Delon). « Maître Gims tient à clarifier la situation avec ses fans. Il a assuré sa prestation avec tout le professionnalisme qui est le sien. » Et de promettre une tournée « spectaculaire ». 
Mais les soucis estivaux du Maître ne font que commencer. Le 14 août il doit se produire à Saint-Avold en Moselle dans le cadre de la Fête de la piscine. Problème : l'opposition municipale demande l'annulation du contrat, jugé trop onéreux. 74 000 euros de cachet. S'il ne chante que trois-quarts d'heure comme à Ille, il empoche plus d'un smic par minute. 
Qui a dit que la poésie n'a plus d'avenir ? Rien que ces deux vers de Maître Gims, « Mais quand je la vois danser le soir / J'aimerais devenir la chaise sur laquelle elle s'assoit » lui rapportent pas loin de 100 euros.