lundi 17 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Perché et à poil

Tout le monde se réjouit de l'exploit de Renaud Lavillenie. Devenu l'homme le plus haut du monde (6,16 mètres à la perche samedi en Ukraine), même Jean-François Copé doit jubiler. Il y a quelques années, Lavillenie était un des rares athlètes à avoir taclé son collègue Romain Mesnil. En panne de sponsor, Mesnil diffuse sur le net un film où il court, perche en main, dans les rues de Paris. Détail qui tue : il est nu comme un ver.
Copé, grand croisé contre le "tous à poil" depuis une semaine, n'a pas relevé à l'époque. Lavillenie si. Il déclare dans Sud-Ouest : "Je n'adhère pas du tout à ce qu'il fait. Ce n'est pas une démarche sportive, ce n'est pas comme ça qu'on cherche des sponsors. (...) Je ne fais pas de la perche pour qu'on parle de moi, chacun son truc".
C'était en avril 2009. Deux ans plus tard, Lavillenie participe à une publicité pour une marque de slips. Devant appareils photos, caméras et équipe technique, les publicitaires ont la brillante idée de le faire sauter en sous-vêtements. Puis sans… Donc, Mesnil se met à poil pour trouver des sponsors et Lavillenie se retrouve à poil à cause de ses sponsors, après avoir clamé haut et fort que ce n'est pas son truc. Dans un cas comme dans l'autre, le sport est loin, très loin. Par contre, côté régal des yeux, nombreuses (et nombreux…) sont ceux qui ont détaillé sa plastique parfaite.

Et si l'histoire se répète, Jean-François Copé tournera son clip de campagne pour les présidentielles de 2017 dans le plus simple appareil…

Chronique "De choses et d'autres" parue ce lundi en dernière page de l'Indépendant. 

BD - Délicat retour à Berlin pour Miriam Katin

Découverte en 2008 avec « Seules contre tous » le récit de son enfance, Miriam Katin revient à la BD dans « Lâcher prise », album dans lequel elle se raconte, sa vie aux USA et son très temporaire mais difficile retour en Allemagne. Cette graphiste très recherchée dans les studios d'animation des majors américaines, a changé de registre. Après le succès de son premier album, elle se cherche. Difficile d'être un espoir de la BD internationale à 71 ans. Elle revient sur ce succès, les expositions qui ont suivi. 
Fière d'être Juive et Américaine, elle s'étonne quand son fils lui demande d'entamer des démarches pour obtenir la nationalité Hongroise. Cela lui permettra de s'installer plus facilement à Berlin. Cette annonce est un choc pour Miriam. Elle n'a pas encore pardonné à ce pays qui a massacré les siens. 
Malgré ses appréhensions elle ira à Berlin, rendre visite à son fils et sa compagne. Un séjour où elle se rend sur quelques lieux de pèlerinage et comprend que plus rien n'est comme avant. Elle retournera dans la capitale allemande pour une expo au Musée juif. La BD, loin d'être trop sérieuse, montre toutes les coulisses de ces deux voyages : les ennuis de santé, les doutes et errances. Le tout dessiné aux pastels de couleur.
« Lâcher prise », Futuropolis, 22 €

dimanche 16 février 2014

Livre - La dissolution de la campagne dans "Le village évanoui" de Bernard Quiriny

Avec des « si » on refait le monde. Bernard Quiriny dans « Le village évanoui » se contente d'imaginer quelques milliers de provinciaux coupés de la civilisation.

On se souviendra longtemps de ce 15 septembre 2012 à Chatillon, charmant village de la Bierre entre Auvergne et Morvan. Pour certains habitants c'était la fin du monde. Pour d'autres, le début d'une autre ère. Ce 15 septembre, tout a commencé par l'épidémie d'une panne de voitures, au même niveau de la route conduisant à Névry, la capitale économique et départementale de la région. Arrivé à un certain endroit, le moteur cale. Quand certains travailleurs ont tenté de prévenir leurs patrons qu'ils arriveraient en retard, impossible d'avoir du réseau. Par contre ils ont pu téléphoner à familles et amis de Chatillon pour venir les récupérer. Rapidement, les élus et gendarmes se rendent sur place. Et découvrent que le phénomène est généralisé à toutes les routes du canton. Passé un certain périmètre, les véhicules s'immobilisent. Les téléphones ne passent plus. Internet est muet de même que les radios et les télévisions. A la fin de la journée l'évidence s'impose à tous : Chatillon est coupée du monde.

Le Dôme du terroir
Le début du roman de Bernard Quiriny a des airs de thriller fantastique à la Stephen King (on pense à Dôme, notamment). Mais avec un phrasé, des personnages et des réactions plus proches du roman de terroir. Un grand écart parfaitement voulu par cet auteur belge qui a remporte de nombreux prix avec ses recueils de nouvelles. Une fois le postulat de départ accepté par le lecteur (Chatillon n'a plus de contact avec l'extérieur, la communauté va devoir vivre en autarcie pour une durée indéterminée), place aux intrigues, rebondissements et autres péripéties pour ces hommes et femmes qui n'étaient pas préparés à un tel destin. Car en fait, ils vont devoir réinventer la civilisation. Pas moins.
On suit les hésitations du maire, plus gestionnaire que visionnaire. Du chef des gendarmes, bien embarrassé car toute infraction ne peut plus avoir de suite, juges et tribunal ayant disparu du canton. Le curé se réjouit du regain de foi de ses ouailles, si perdus qu'ils s'en remettent au Seigneur. Mais attention aux dérives sectaires.
Certains jouent collectif. D'autres sont d'irréductibles solitaires. Les vivres commencent à manquer. Le désespoir à gagner. Même le retour du printemps ne parvient pas à redonner le moral aux habitants de plus en dépressifs, voire suicidaires.
En fait la vie de la communauté change quand un paysan bourru, Jean-Claude Verviers, refuse de se plier aux injonctions du maire lui ordonnant de partager ses vivres. Car ce travailleur infatigable, célibataire, ne jurant que pour son troupeau de vaches et ses champs, refuse de céder la moindre de ses richesses à cette horde de paresseux vaniteux. Sa philosophie est simple : « La plupart des gens n'ont au fond aucune raison d'être malheureux ; ils ne le sont que parce qu'ils regardent au loin, apprenant ce qu'ils ne devraient pas savoir. Une cause du malaise contemporain était le ressentiment et l'envie qu'inspirait aux humbles le spectacle télévisée de la richesse et du luxe. » Sur ce postulat, il va tout simplement faire sécession, provoquant une véritable tension internationale entre sa ferme et le reste du canton. C'est la partie du roman la plus passionnante. Comment deux communautés s'affrontent, se trouvent des leaders, cherchent à dominer son voisin. Le village de Chatillon, après une année d'isolement, se retrouve à singer les Nations.
A la limite de l'étude sociologique, le roman s'emballe et le lecteur se passionne. Quant au dénouement du livre, mieux vaut ne pas en dire un mot et laisser au lecteur le plaisir de découvrir comment l'auteur se tire brillamment de cette histoire sans fin.

« Le village évanoui », Bernard Quiriny, Flammarion, 17 €

samedi 15 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Quand le moins vaut plus

Toujours plus ! On en veut toujours plus. Mais ce concept a ses limites dans une société de consommation toujours à l'écoute des envies des clients. S'il reste quelques îlots de ce principe (forfait avec SMS illimités ou buffet libre dans des restaurants privilégiant la quantité à la qualité) la mode est plutôt aux moins. Aux "sans" exactement.
Dans l'alimentaire, par exemple, après avoir listé tout ce qui était dommageable pour la santé, les industriels ont trouvé un filon pour lancer de nouveaux produits. Les sodas font grossir ? Pas de problème, les versions light prennent le dessus. Sans sucre, sans caféine... Le produit est quasiment le même. On a simplement enlevé un petit quelque chose. Et comme les grands groupes capitalistes sont pleins de ressources, ils trouvent le moyen de nous faire acheter plus cher ce qui leur coûte moins cher.
La brèche ouverte, ils rivalisent tous d'imagination pour trouver l'ingrédient qui va faire vendre... par son absence. On voit donc fleurir les produits sans gluten ou sans lactose pour des histoires d'allergies pas toujours évidentes. Dans les confitures, ils osent le "sans sucre ajouté" alors que c'est le principe même de la recette... Ne parlons pas des bières sans alcool, parfaitement imbuvables ou des produits sanitaires sans paraben dont je ne connaissais pas l'existence avant qu'il ne disparaisse...
Parfois je rêve d'inventer un cocktail à base de sucre, de gluten, de lactose, de paraben et de caféine. J'en ferai boire une dose à tous ces empêcheurs de consommer en paix. S'ils disent vrai, c'est la mort assurée.

DE CHOSES ET D'AUTRES - La bêtise, cul sec, avec Neknomination

Avec le phénomène Neknomination sur Facebook, les détracteurs des réseaux sociaux ont une nouvelle raison de dénoncer l'effet viral de la bêtise. Neknomination est un défi destiné aux jeunes adultes. Il s'agit de se filmer en train de boire cul sec un verre d'alcool puis de désigner trois de ses amis qui devront faire pareil, voire mieux, dans les 24 heures. Les vidéos Neknomination se propagent de page en page. Certaines restent banales, d'autres deviennent beaucoup plus inquiétantes.

L'alcool et les jeunes n'ont jamais fait bon ménage. Le sempiternel "avec modération" est peu respecté dans ce qui est pour beaucoup un simple jeu. Dangereux quand même. Gare aux effets foudroyants d'un verre d'absinthe à 70 ° bu d'une traite. Les mélanges explosifs ne sont pas sans risque. On peut voir un participant boire le mélange de dix sortes d'alcools forts (du rhum au gin...), le tout dilué dans sa propre urine... Un autre, dans un bar à strip-tease en Thaïlande, s'enfile trente shoots de tequila en moins d'une minute.
Neknomination est marqué aussi par une volonté de transgression. Sur quantité de films, les participants se montrent en slip ou complètement nus. Quand l'exhibitionnisme rejoint la bêtise, le summum de la décadence. Sur la page Facebook de Neknomination France, l'administrateur, face aux critiques, tente de se dédouaner : Boire cul sec "ça n'a jamais tué personne" et "si les gens sont assez cons pour prendre le volant après avoir bu, c'est pas notre problème." Attention, la Justice pourrait avoir un avis différent.
 

Cinéma - Période noire, images grises dans "Ida"

Avec le portrait d'Ida, le réalisateur Pawel Pawlikowski revient sur la Pologne des années 60.

En noir en blanc, personnages souvent immobiles dans un cadre épuré, campagne hivernale et boueuse ou forêts impénétrables : Ida a tout du film graphique à forte teneur artistique. Pourtant son réalisateur a débuté en tournant nombres de documentaires pour la BBC. En s'attaquant à la fiction, il change de registre, conservant cette science du cadrage et de la mise en abîme de ses sujets. Ida se déroule en Pologne durant les années 60. Le pays, après la guerre avec l'Allemagne, la domination soviétique et les purges staliniennes sanglantes, arrive à vivre presque normalement. 
D'autant que le régime, malgré sa sévérité, a toujours préservé les institutions religieuses. Dans un couvent, Ida (Agata Trzebuchowska), jolie novice au sourire rare mais lumineux, va prononcer ses vœux dans quelques jours. Avant ce renoncement, elle part à la rencontre de son unique famille, une tante qu'elle n'a jamais vue. Orpheline, elle a été élevée chez ces sœurs qu'elle désire ardemment rejoindre. Valise à la main, elle débarque un matin chez Wanda (Agata Kulesza), fervente communiste qui a mis sa vie au service du régime. Juge, elle n'a plus trop de pouvoir mais bénéficie d'une appréciable liberté de mouvement. 
Wanda et Ida partent à la recherche de la tombe des parents d'Ida. Une quasi enquête policière car ils étaient juifs. Une révélation pour la jeune fille, qui n'ébranle pas sa foi chrétienne. Pas plus que le sort réservé à ses parents, durant la guerre, par ces « bons catholiques » si vite pardonnés après une confession, deux pater et un « Je vous salue Marie »... 
La force du film réside dans la reconstitution fidèle de cette période. Comme si le périple des deux femmes que tout oppose, était filmé comme un documentaire. Avec sincérité, sans concessions. On est plongé dans un autre monde, partagé entre grands idéaux contraires. Le noir et blanc renforce le côté gris et terne des regrets. Agata Trzebuchowska apporte fraîcheur et spiritualité au rôle d'Ida, qui mettra longtemps avant de choisir la vie qu'elle se réserve.

BD - Collision d'égos à Whaligoë


On n'arrête plus Yann. Le scénariste des Innommables multiplie les projets. Sans distinction de maison d'édition. Cette fois c'est chez Casterman (d'ici à ce qu'on lui propose la reprise de Tintin qui se murmure de plus en plus...) qu'il imagine les péripéties d'un couple improbable en plein romantisme du 19e siècle. Douglas est un dandy, érudit et poète. Speranza, sa maîtresse, est aussi belle que dépendante à la drogue, du laudanum en l'occurrence. Ils sont bloqués à Whaligoë, petite bourgade écossaise. Douglas tente de découvrir qui se cache derrière le pseudonyme d'Ellis Bell, écrivain dont la première publication est d'une extraordinaire beauté. 
Un certain Branwell, brute épaisse, vulgaire et illettrée, prétend être cet écrivain promis à un bel avenir. Douglas ne le croit pas et le défie en duel. 
La dernière partie de ce diptyque dessiné par Virginie Augustin permet à Yann de pondre quelques vers et allégories que Chateaubriand ne renierait pas. Car décidément, l'ancien trublion des Hauts de page de Spirou sait tout faire.

« Whaligoë » (tome 2), Casterman, 13,50 €

jeudi 13 février 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Oiseau flapi

Séisme dans le petit monde des jeux vidéo pour smartphones. Le dernier succès du moment,
Flappy Bird, n'est plus disponible. Une décision, du jour au lendemain, de son créateur le Vietnamien Nguyen Ha Dong. Il s'explique dans un tweet : "Flappy Bird est mon succès mais il a aussi ruiné ma vie simple. Alors je le déteste maintenant." Résultat le jeu n'est plus disponible sur les plates-formes de téléchargement. Gratuit, simple et très addictif, Flappy Bird générait 50 000 euros de revenus publicitaires par jour.
Est-ce cette fortune subite qui a tourné la tête du créateur ? A moins qu'il ne s'agisse d'un coup de pub ? Autre explication, les problèmes juridiques potentiels : Flappy Bird ressemble beaucoup à un autre jeu, Piou-Piou, imaginé par Kek, dessinateur français.
En fait, on se retrouve face à une situation incompréhensible dans tous les domaines. Premièrement, le jeu, en deux dimensions, semble tout droit sorti d'une console Nintendo, première époque. Pourquoi rester hypnotisé des heures devant ce piaf qui monte et descend entre des tuyaux ? Deuxièmement le retrait du jeu en quelques heures au sommet de sa popularité, c'est comme si un gagnant au loto qui a tiré six bons numéros ne voulait en toucher que les gains de cinq. A moins qu'il ne soit encore plus gourmand. Si le jeu réapparaît dans une version payante (juste quelques centimes) ce n'est pas une fois que Nguyen Ha Dong aurait gagné au loto, mais une dizaine de fois... On devrait rapidement le savoir car tout buzz a une durée de vie très limitée.
En bonus, une vidéo sur les conséquences (parfois dramatiques) de ce jeu simple mais addictif. 

Cinéma - Le retour marrant des Inconnus

Les Inconnus se reforment enfin. Après trop d'années d'absence, ils vont nous faire rire dans Les 3 frères, le retour, véritable feu d'artifices de gags et de situations loufoques.


Mais pourquoi ont-ils tant attendu ? Véritable phénomène du rire dans les années 90, le trio des Inconnus, après avoir fait rire la France entière dans des sketches à la télévision, se lancent dans l'écriture d'un film. Le pari est risqué. Remporté haut la main, « Les trois frères » totalisant plus de 6,7 millions d'entrées. Quelques films plus tard, moins réussis il faut le reconnaître, ils se séparent et entament des carrières solo. Bernard Campan s'essaye aux rôles dramatiques. Didier Bourdon prend pas mal de kilos et de bides. Pascal Légitimus joue beaucoup à la télévision et au théâtre, notamment avec Mathilda May la pièce à succès « Plus si affinités ». Sur les planches, un soir, Bourdon et Campan rejoignent Légitimus pour plaisanter. La magie opère. Le trio prend du plaisir, le public en redemande : Les Inconnus annoncent dans la foulée leur intention de se reformer pour réaliser la suite de leur premier succès. Trois années plus tard le résultat est à l'affiche, belle réussite, entre gags nostalgiques et nouvelles trouvailles.

Le film reprend 18 ans après la fin du premier. De nouveau, les trois frères Latour sont réunis autour d'une convocation judiciaire. Après le décès de leur mère, une chanteuse française émigrée aux USA, ils reçoivent une notification pour recueillir ses cendres et régler les deniers détails de la succession. Toujours aussi avides d'argent, il se réjouissent un peu trop vite. En fait ils doivent rembourser à la multinationale américaine une avance sur un disque jamais enregistré. Déjà que les retrouvailles étaient peu chaleureuse, l'annonce qu'ils sont endettés solidairement plombe encore l'ambiance.

Parcours divergents
Mais avant de savourer ce rebondissement, le spectateur découvre avec plaisir ce que sont devenus les trois frères. Didier, marié à une horrible mégère dans l'espoir d'hériter, fait croire qu'il est professeur dans un lycée parisien prestigieux. En réalité il vend des sextoys sur internet depuis sa voiture stationnée sur le parking d'une grande surface en banlieue. Il est odieux, avare prétentieux et mesquin. On retrouve enfin le Didier Bourdon aux répliques implacables. Bernard vit dans une roulotte de cinéma, tentant de percer dans le One Man Show. Sa seule apparition remarquée, pour l'instant, il l'a réalisée, grimé en grosse peluche, dans une publicité d'aliment pour chien. Naïf et optimiste, c'est le seul qui est content de revoir ses frères. Cela ne va pas durer... Pascal semble le mieux loti. Il vit dans une immense villa, roule en voiture de luxe, est habillé avec goût et vit avec une mystérieuse Américaine qui ne cesse de lui donner du « Mon lapinou » au téléphone. Mais là aussi la réalité est moins reluisante qu'en surface.
Rapidement, les trois frères vont voir leur petit monde s'écrouler à cause de l'irruption des cendres de la mère absente. Ruinés, quasiment SDF, ils devront trouver refuge dans la caravane de Bernard, enchanté de passer plus de temps avec ses frères. Et une fois le trio reformé, place aux péripéties toutes plus dingues les unes que les autres, permettant aux Inconnus de se déguiser (Bernard Campan excellent en faux jeune à la banque) ou de ressortir, à bon escient, des phrases cultes comme le réjouissant « 100 patates ! ». Loin d'être exclusivement réservé aux nostalgiques du premier opus, ce « retour » réussi devrait toucher un public très large.
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Mais comment choisir ?

Dans une troupe ou un groupe, le public a toujours un préféré. La force des Inconnus réside dans leur parfaite complémentarité. Naturelle en plus, le trio s'étant formé spontanément au petit théâtre de Bouvard. 18 ans après le premier film, petit exercice critique sur trois fortes personnalités.
Pascal Légitimus a le mieux vieilli. Physiquement du moins. Il ne semble pas avoir changé. A peine quelques cheveux gris. Il joue de sa prestance, de son statut de beau gosse et d'étalon. Mais lui aussi dans le retour a pris les années en pleine face. Pour preuve il abuse de Bois bandé pour permettre à son bonsaï de redevenir le baobab de sa jeunesse...
Bernard Campan, quasi chauve, s'est détourné de la comédie ces dernières années. C'est peut-être la raison pour laquelle il est le plus utilisé dans les situations extrêmes. Déguisé en chien, travesti en femme, seul sur scène... il se donne au maximum. Il est le plus humain, le plus chaleureux. Mais quel boulet parfois !
Didier Bourdon a trop souvent déçu quand il était en solo. Dans le trio, son personnage, rond et bourru, pourrait être très sympathique. Mais le mauvais fond prend toujours le dessus. Cela donne le plus excessif des trois. Le plus incisif aussi. Car le faux prof de philo (dans le film), quand il se lâche, ne mâche pas ses mots. Cette méchanceté, digne des meilleures périodes de Hara Kiri, fait qu'on adore le détester.

mercredi 12 février 2014

Cinéma - Escroc un jour, escroc toujours dans "Abus de faiblesse" de Catherine Breillat


Les artistes ont souvent besoin d'une muse pour enclencher le processus de création. Catherine Breillat, en découvrant Christophe Rocancourt et son histoire d'escroc de haut vol à la télévision a le coup de foudre artistique. Sa présence, son physique, son discours : tout dans cet homme sorti depuis peu de prison l'intéresse.
« Il m'inspire. C'est un personnage formidable » explique-t-elle à ses amis inquiet ce cette attirance. Rocancourt aussi est « inspiré » par cette cinéaste et romancière. Victime d'un AVC, elle est très diminuée physiquement, le côté gauche quasiment paralysé. Par contre sa main droite, celle qui sert à signer des chèques est parfaitement valide. En quelques années Rocancourt se fera « prêter » plus de 800 000 euros. Escroc un jour, escroc toujours.


De cette histoire, véritable descente aux enfers d'une femme faible, comme ensorcelée, Catherine Breillat en a fait un livre. Et maintenant elle vient de porter son histoire sur grand écran. Pour jouer son rôle, elle a fait confiance à Isabelle Huppert, habituée des challenges difficiles. De la première scène, son réveil après l'attaque, chute du lit, appel des secours avec cette affirmation déconcertante « Je suis à moitié morte » à l'acceptation de sa déchéance face à ses proches, elle est parfaite. Même les passages où l'excès doit être de mise sonnent juste.
Débutant brillant
Si Isabelle Huppert explose à l'écran par son professionnalisme, sa science du jeu, elle ne peut pourtant pas porter le film seule. Il lui fallait un partenaire à la hauteur. Catherine Breillat a choisi Kool Shen, ancien chanteur de NTM. Quasiment son premier rôle. La réalisatrice, comme au temps de Rocancourt (elle voulait l'avoir comme acteur dans un film avec Naomie Campbell qui ne se fera finalement pas) a certainement eu le coup de foudre artistique pour un débutant brut de décoffrage. Kool Shen ne joue pas l'escroc. Il est l'escroc. Tout dans ses répliques, ses attitudes, ses grandes tirades sur ses déboires financières transpirent l'homme manipulateur, sans foi ni honneur. En face, la victime se laisse faire. Surtout car il lui permet de retrouver ce qui lui le plus manqué durant sa rééducation : le rire. Un petit rire aigu, comme la fillette que la réalisatrice redevient quand elle est en présence de ce flambeur arrogant, vulgaire et sans limite.