mercredi 12 décembre 2012

BD - Yves Sente, le serial-repreneur

Quel est le point commun entre Blake et Mortimer et XIII ? La première est une série mythique des années 50, la seconde un feuilleton d'espionnage dans l'Amérique contemporaine. Outre des tirages astronomiques, Blake et Mortimer ont le même scénariste, Yves Sente. Un spécialiste de la reprise. Il sait parfaitement se couler dans un univers mis en place par un autre. Entre hommage et véritable innovation, il est parvenu à imposer son style à ces monuments de la BD.

« On ne fait pas du Jacobs, on fait du Blake et Mortimer, c’est une nuance de taille. Jacobs, il n’y a que lui pour en faire » (1), déclarait-il en 2008. L'arrivée de Yves Sente dans le monde du scénario de bande dessinée est un peu dû au hasard. Ce Bruxellois, diplômé aux USA, devient directeur éditorial des éditions du Lombard. Chargé de relancer le catalogue de la vieille maison d'édition belge, il écrit, sous le couvert de l'anonymat, le scénario d'un Blake et Mortimer en prévision de la reprise de ces personnages par Van Hamme et Ted Benoit. Ce sera « La machination Voronov » dessinée par Juillard. Coup d'essai, coup de maître. Rapidement les titres se multiplient et les ventes s'envolent. « Ces ventes sont pour moi le reflet de ce besoin qu’on les gens de prolonger l’enfance, de prolonger leurs rêves d’enfants » explique Yves Sente. « Nous ne sommes pas là pour soigner notre égo mais pour se mettre au service de la série. »

Un état d'esprit qu'il ne quitte pas pour donner une suite aux aventures de XIII avec Jigounov au dessin ou de Thorgal. Ce serial-repreneur est l'assurance de solides intrigues pour des héros en ayant déjà vu de toutes les couleurs.

Derniers albums parus : « Le serment des cinq lords » (Blake et Mortimer 21), 15,25 €. « L'appat » (XIII 21), Dargaud, 11,99 €.

(1) : entretien paru sur « La Marque Jaune », site dédié à l'univers de Jacobs. http://www.marquejaune.com/  

mardi 11 décembre 2012

BD - Les héros font de la résistance

Blake et Mortimer, Alix, Michel Vaillant, Lucky Luke... Cela fait plus d'un demi-siècle que ces personnages de BD vivent des aventures trépidantes. Ils n'ont pas pris une ride. Leurs créateurs par contre ont tous passé la main à des auteurs plus jeunes. Ces derniers ont modernisé les séries tout en restant fidèles à l'univers d'origine.  


Que sont devenus les héros des bandes dessinées de notre jeunesse ? Ils n'ont pas pris une ride, toujours prêts à partir à l'aventure pour mettre hors de nuire les « méchants ». Le temps n'a pas de prise sur les personnages de papier. De Blake et Mortimer à Alix en passant par Astérix ou Spirou, ils ont normalement l'âge de partir à la retraite mais n'ont toujours pas raccroché. Leurs « papas » d'origine ont souvent raccroché leur plume depuis des lustres, mais succès oblige les maisons d'éditions ont trouvé des accords avec les ayants-droit pour prolonger les sagas, à l'exception notable de Tintin, Hergé a refusé que son personnage lui survive. 

En cette fin d'année 2012, une salve de titres de « grands anciens » envahit les rayons des librairies. Premier à tirer (toujours plus vite que son ombre), Lucky Luke dès octobre. Le cowboy solitaire animé par Morris durant près de 70 aventures, a changé de dessinateur. Achdé se charge de faire vivre l'éternel duel entre le héros et l'irrésistible quatuor des Dalton. Le succès d'une reprise doit beaucoup à la qualité du scénario. Lucky Luke à ce niveau bénéficie de ce qui se fait de mieux avec le duo Pennac Benacquista. Deux écrivains de renom au service d'une série où l'ombre de Goscinny plane toujours. 

Les deux autres grosses sorties de la fin d'année (le tirage de base est largement supérieur à celui du prix Goncourt) est à mettre à l'actif de Yves Sente, repreneur attitré des plus gros best-sellers du 9e art. En moins d'un mois il aligne un Blake et Mortimer (« Le serment des cinq lords ») et un XIII (« L’appât »). Les deux héros de Jacobs, nés en 1946 dans les pages de l'hebdomadaire Tintin, symboles du style british, sont figés dans les années 50. Juillard dessine cet épisode après Ted Benoit ou René Sterne. 

Plus jeune, XIII a pulvérisé des records de vente durant les années 80. L'espion imaginé par Van Hamme et Vance, a repris du service toujours grâce à Yves Sente et Jigounov au dessin.

Si la BD est un secteur économique florissant, elle le doit beaucoup à ces héros indémodables. Pour preuve la résurrection de Michel Vaillant ou  Iznogoud cette année. Et le meilleur est à venir en 2013. Spirou fête ses 75 ans dans un feu d'artifices de parutions alors qu'Astérix, pour la première fois ne sera plus dessiné par Uderzo. Ferri (scénario) et Conrad (dessin) auront la lourde tâche de relancer le Gaulois le plus célèbre de la planète.   

Dossier paru dans Bol d'Air, supplément culturel de l'Indépendant. 

- Yves Sente, le serial-repreneur 

- 2013, l'année Groom 





lundi 10 décembre 2012

BD - Monstres au lycée et "Pleine Lune"

Dans le petite monde très masculin des scénaristes de BD, Isabelle Bauthian est l'exception qui confirme la règle. Déjà remarquée dans « Effleurée », elle multiplie les projets et chaque nouveauté confirme son talent, son éclectisme et sa parfaite connaissance des goûts du public d'aujourd'hui. « Pleine Lune » est un subtil mélange de fantastique et de romance au lycée.

 Koline, adolescente romantique, en pince pour Aurel, un garçon secret. Lors de la fête d'anniversaire d'une amie, ses copines boivent une supposée potion magique. L'effet n'est pas immédiat mais le lendemain, c'est un véritable cauchemar qui s'abat sur le lycée. Aurel révèle alors son véritable visage. Cela ne va qu'amplifier l'amour de Koline. Loin d'être réservée aux adolescentes fan de Twilight, cette BD dessinée par Saponti peut intéresser tous les publics.

« Pleine Lune » (tome 1), Dargaud, 9,99 € 

dimanche 9 décembre 2012

BD - Le Che à l'Eden hôtel



L'engagement politique du Che débute en pleine seconde guerre mondiale. Le jeune Argentin fait partie, avec son père, de Action Argentina, une organisation dénonçant les agissements de l'Allemagne fasciste en Amérique du Sud. Sur cette base historique, Diego Agrimpau imagine une « folle rencontre » près des ruines de l'Eden Hôtel dans la province de Cordoba. Cet hôtel est la tête de proue de la communauté allemande de la région. Depuis les années 30, on y vénère le culte du Fuhrer. 
Le Che va infiltrer cette communauté pour le compte des Alliés. Il y nouera une brève histoire d'amour avec l'autre héroïne de l'histoire, Helena Werber, sublime jeune fille sous le pinceau de Gabriel Ippoliti, le dessinateur de cette brillante fiction historique.
« Eden Hôtel », Casterman, 13,50 €


samedi 8 décembre 2012

BD : Pilotes du futur dans "Red Wing"


Le temps, à l'image de notre existence, semble composé d'un début et d'une fin. Il est linéaire. Erreur vous répondra tout scientifique un peu porté sur la question. Pour mieux comprendre ce concept, il suffit de se plonger dans Red Wing, une BD américaine de Hickman (scénario) et Pitarra (dessin). Et comme souvent avec les USA, la compréhension passe par les armes. Les héros sont des pilotes d'intercepteurs temporels. Des avions de chasse passant d'une époque à une autre. Ils combattent des machines venues on ne sait d'où, piller les richesses naturelles de la terre. 
Des combats, des dilemmes de générations, des trahisons : ces 130 pages se dévorent en plus de temps qu'il n'en faut pour détruire des siècles de civilisation.
« Red Wing », Delcourt, 14,30 €


vendredi 7 décembre 2012

BD - Sacrifice dans le groupe des "Luminae" de Bengal



Amateurs de guerrières sexy, ne manquez pas cette série fantastique écrite et dessinée par Bengal. Luminae est une mystérieuse femme de lumière. Elle est entourée de six dames, ses protectrices, sortes de mercenaires au service du bien. Dans le royaume de fantasy cadre de l'histoire, une ancienne protectrice, devenue démoniaque, affronte ses anciennes amies.Un combat déséquilibré car les Luminae viennent de guerroyer toute une nuit contre des centaines de morts vivants. 
Dans cet affrontement inégal, il ne reste plus qu'une solution : que l'une d'entre elles se sacrifie. Une solution d'autant plus recommandée que Luminae vient de désigner une nouvelle dame parmi le peuple des hommes chiens. Bengal fait partie de ces rares dessinateurs du mouvement total. Chaque case de ses planches semble bouger au gré des passes d'armes, bonds et courses de ses héroïnes félines. 80 pages de pure action sans le moindre tic graphique ou la plus petite répétition.
« Luminae » (tome 2), Ankama, 14,90 €

jeudi 6 décembre 2012

Roman - "Nos cœurs vaillants" de Jean-Baptiste Harang

Jean-Baptiste Harang admet sa « vieillesse » et ses signes ostentatoires comme surcharge pondérale ou cheveux gris. Mais l'auteur ne fait pas dans la nostalgie, au contraire, il doit se forcer pour se souvenir, « L'oubli est un animal sauvage, furtif, incontrôlable et invisible », de ces étés passés aux Crozets, colonie de vacances située dans le Jura. La colonie des Cœurs vaillants, patronage du quartier du jeune Jean-Baptiste. Il profite d'un séjour dans le Jura pour retourner aux Crozets. Il décrit les bâtiments, aujourd'hui à l'abandon. Et s'interroge sur ce besoin de souvenir, de retour sur un passé révolu.
(Le Livre de Poche, 5,60 €)

mercredi 5 décembre 2012

Roman - Vampire historique dans "La Maison de la nuit"

« La maison de la nuit », saga vampirique de Kristin Cast, s'enrichit d'un épisode historique, entre France et Nouvelle Orléans, au XVIIIe siècle.

Les vampires sont devenus les symboles absolus du romantisme. Étonnant comme ces suceurs de sang ont changé leur image de marque en quelques années. La faute à la saga « Twilight » et d'autres romans du genre bit-lit (anglicisme pour parler de littérature mordante) réservés aux jeunes filles gothiques. P. C. et Kristin Cast (mère et fille) ont surfé sur la vague avec « La Maison de la nuit ». Sept titres des aventures de Zoey sont parus chez Pocket Jeunesse et un petit hors-série historique permet aux milliers de passionnées d'attendre le 8e tome annoncé en février 2013.

« Le serment de Lenobia » débute comme un roman sentimental classique sur fond historique. Il faut attendre les deux derniers chapitres pour que magie et fantastique reprennent le dessus. Ce court récit, paru initialement aux USA, intéressera d'autant le public français qu'il débute dans le royaume de Louis XVI en 1788. Lenobia est une adolescente, une bâtarde exactement. Son père est un noble, mais il ne l'a jamais considérée à l'égal de sa demi-sœur. Désargenté, il a accepté de vendre sa fille Cécile à un riche planteur de la Nouvelle-Orléans. La vie de Lenobia bascule quand Cécile meurt dans un accident, la veille de son départ vers le Nouveau Monde. La mère de Lenobia y voit une opportunité unique pour offrir un avenir différent à sa fille. Elle va lui ordonner de prendre la place de Cécile. En moins de 24 heures, la bâtarde, plus habituée aux cuisines et aux écuries, doit se grimer en jeune femme distinguée.

Huis-clos maritime

Le reste du roman se déroule sur le bateau voguant vers l'Amérique. Lenobia constate avec effroi qu'un évêque fait partie du voyage. Un religieux aux mœurs dissolues, muté d'autorité le plus loin possible de Rome. Lui seul pourrait dévoiler la supercherie car il a déjà tenté d'abuser de Lenobia. La jeune fille va prétendre souffrir du mal de mer pour rester cloîtrée dans sa cabine, sous la surveillance bienveillante de sœurs ursulines. Lenobia ne s'autorise que des escapades matinales dans la cale, pour admirer deux percherons. Elle croise aussi Martin, un métis chargé de soigner les chevaux. Dans cet environnement improbable, l'amour va frapper avec toute sa puissance.

Un volet fleur bleue un peu déconcertant au début. Mais les auteurs, sûres de leur métier, vont rapidement transformer la gentille idylle naissante en choix de vie. L'évêque se révèle beaucoup plus malfaisant. Mais Martin, aux ancêtres haïtiens, saura utiliser les formules magiques de sa grand-mère pour protéger Lenobia, vouée elle aussi à être marquée par la déesse Nyx et à rejoindre une Maison de la Nuit où elle apprendra sa nouvelle existence de vampire.

Variation historique des romans originaux, « Le serment de Lenobia » est une parfaite respiration pour les fans, mais aussi une première expérience pour ceux et celles qui ne connaissent pas encore la saga.

Autre façon de découvrir l'univers mis en place par P. C. et Kristin Cast, l'adaptation en BD sous forme de comics. Le premier album vient de paraître chez Delcourt.

« Le serment de Lenobia », P. C. et Kristin Cast, Pocket Jeunesse PKJ, 9,90 €

« La maison de la nuit » (La Marque, tome 1), Delcourt, 14,95 €

mardi 4 décembre 2012

BD - Cinéaste engagé avec "Un homme est mort" de Kris et Davodeau

C'est l'histoire d'un film, d'une lutte, d'un homme. En 1950, la grève générale paralyse la reconstruction de Brest. Régulièrement la CGT organise des manifestations pour demander des augmentations et surtout du lait pour les enfants. Le 17 avril, un dimanche, la police titre sur la foule. Edouard Mazé, militant CGT, est tué d'une balle dans la tête. De cette histoire des luttes sociales, il ne reste plus que des souvenirs. Pourtant, un film retraçait les faits. Un documentaire d'un peu plus de 15 minutes, tourné par René Vautier et diffusé dans la foulée sur les piquets de grève. Un témoignage unique, totalement disparu aujourd'hui. C'est l'histoire de ce film que Kris (scénario) et Davodeau (dessin) racontent une BD. La version poche chez Folio s'enrichit d'un dossier complet sur l'histoire du mouvement et les témoignages des rares survivants.
« Un homme est mort », Folio BD, 7,65 €


lundi 3 décembre 2012

BD - Retour du Bouncer, le manchot justicier de Boucq et Jodorowsky



Trois ans d'attente. Trois ans sans avoir de nouvelles du Bouncer, ce héros manchot imaginé par Jodorowsky et Boucq. Du western pur et dur, avec poussière et sueur. Le justicier est de retour chez Glénat après 7 premiers tomes aux Humanoïdes Associés. « To Hell » débute par un massacre. Pretty John, fils du directeur du pénitencier de Deep-End, arrive en ville pour récupérer un condamné. 
Avec son escorte, il va dans le saloon et déchaîne son sadisme sur des prostituées. Le barman et sa femme, une Indienne, interviennent. Pretty John les assassine. Bouncer est chargé par les autorités de la ville de le ramener pour qu'il soit jugé. Mais ce fou, bossu et arborant un chapeau de femme, se réfugie chez son père. Comment le Bouncer va-t-il capturer un homme déjà derrière les murs d'un pénitencier ? Le western ultime à ne pas manquer.
« Bouncer » (tome 8), Glénat, 14,95 €