vendredi 14 septembre 2012

BD - Cercles de mystère et symboles cachés


Scénariste prolixe, Makyo explore sans fin les effets du fantastique dans notre quotidien. Après son coup de maître, « Balade au bout du monde », il a multiplié les variations sur ce thème. Pour « Les cercles de mystères » il retrouve un des dessinateurs de la Balade, Laval. L'illustrateur mauricien allège son trait, se rapprochant plus de Rossi que de Vicomte. Gabrielle Flye, le personnage central de l'histoire, fait partie d'un groupe d'études des crop circles. Ces dessins apparaissent dans des champs de céréales et sont de plus en plus nombreux en France. Elle est persuadée qu'ils ont une signification bien précise. Elle partage sa passion avec sa sœur qui va avoir un bébé. 
Deux sœurs très inquiètes pour la santé de leur père. Un peintre victime d'une attaque. Durant de longues minutes tout le monde l'a cru mort. Il est revenu à la vie, mais depuis est mystérieux. Est-il devenu fou où a-t-il véritablement vu l'avenir durant son malaise ? 

En 56 pages les auteurs présentent les personnages, la thématique et surtout plantent une ambiance mystérieuse et fantastique. Une mise en bouche très prometteuse.
« Cercles de mystère » (tome 1), Delcourt, 14,30 €


Billet - Les nouveaux cimetières de l'électronique à Visa pour l'Image de Perpignan


Alors que l'Iphone 5 est attendu avec impatience (voire frénésie) par des milliers de geeks, une exposition de Visa Pour l'Image, à l'église des Dominicains de Perpignan, relativise cet engouement. Stanley Greene a photographié les travailleurs des « Cimetières de l'électronique ». Dans des conditions de pollution maximale, des milliers de personnes décortiquent ordinateurs et téléphones portables pour en extraire cuivre, or ou étain.

Ces déchetteries d'un nouveau genre ont poussé au Nigeria, au Brésil ou en Chine.A Guiyu, un article de Wikipédia nous apprend que 150 000 personnes décortiquent chaque jour « 100 camions qui déchargent des déchets sur 52 km² ». L'eau n'est plus potable, plus rien ne pousse et « 88 % des travailleurs souffrent de problèmes neurologiques, respiratoires, digestifs ou de peau. L'Iphone 5 va accroître ce phénomène. Il rend obsolètes les précédentes versions et pousse des milliers d'utilisateurs à mettre leur ancien smartphone au rebut. Pourtant, souvenez-vous. Il y a deux ou trois ans, votre nouveau « jouet » était le must de la modernité. Vous le couviez comme la prunelle de vos yeux. Sans lui vous étiez comme nu. Et puis cette histoire d'amour s'est étiolée. Un jour il est resté dans un tiroir. Au prochain nettoyage de printemps il partira au recyclage. Et cet objet que vous avez adulé finira dans un de ces nouveaux cimetières. Il ne sera plus que des composants à récupérer, des métaux à fondre, une source de pollution de plus dans un monde qui ne tourne plus rond.


Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue en dernière page de l'Indépendant ce vendredi. 

jeudi 13 septembre 2012

Billet - Ivre-virgule.com


A consommer avec modération. Cet avertissement sur les publicités des boissons alcoolisées n'est pas à prendre à la légère. On le constate tous les jours dans les rubriques faits divers des journaux en ligne.

Dernier exemple en date, cet entrefilet paru en Belgique. Un couple boit plus que de raison dans un café. Ils font du scandale, cassent les toilettes. La police intervient et met l'homme en cellule de dégrisement. Et là, c'est le drame ! « Ivre, il tente de se suicider... avec son dentier ». Il utilise son appareil dentaire pour se taillader les veines. Le titre a rapidement fait le tour de la toile. Encore mieux, un site reprend toutes ces mésaventures débutant par « Ivre, ». On y trouve des perles que même les écrivains les plus imaginatifs n'auraient pu inventer. A Lambé, en Bretagne (région très prolifique dans le genre), « Ivre, il s'endort au rayon alcools ». Il a quand même eu le temps de charger trois cabas de whisky, rhum et apéritif anisé.... En Nouvelle-Zélande, en cherchant un slip : « Ivre, il se coince dans son sèche-linge ». Les pompiers l'ont découvert entièrement nu. En Allemagne, « Ivre, il échappe de peu à la  mort dans un camion poubelle ». Sévèrement imbibé, ce jeune de 22 ans dormait dans une poubelle. Il s'est réveillé dans la benne... 
Bénédiction des « fait-diversiers », ces petites histoires se terminent souvent bien. Et se retrouver acteur d'un « ivre-virgule » doit quand même avoir un effet bénéfique. Le ridicule ne tue pas, mais il fait réfléchir. 
Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant.

BD - Tessa en festival


Épisode entièrement terrien pour Tessa, la jeune agent intergalactique. De retour dans sa famille canadienne, elle reprend sa vie d'adolescente lambda. Collège, sortie avec les copines... Elle accepte d'aller à Montréal assister à une convention de bande dessinée.
En réalité elle a appris aux informations qu'un crop circle est apparu dans cette ville. Le symbole est celui des agents intergalactiques. Avec ses deux meilleurs amis, elle va risquer de dévoiler son identité secrète. Mitric, le scénariste, offre une histoire sur mesure pour Louis qui trouve l'occasion de mettre en scène quelques uns de ses amis dessinateurs. Une grande partie de l'album se déroule dans le festival, notamment durant un concours de cosplay (déguisement de fans dans les costumes de leurs héros préférés). Cela explique l'apparition d'Atalante, l'héroïne de Crisse) en couverture de ce tome 6.
Beaucoup d'humour, des combats pour rire : c'est un album de transition. Que les fans de cette série se rassurent, la suite sera plus dramatique et se déroulera dans l'espace infini.
« Tessa, agent intergalactique » (tome 6), Soleil, 13,95 €


mercredi 12 septembre 2012

Billet - Quand trop d'informations font que tout se brouille dans un cerveau mal réveillé...

Des  milliers de Bernard Arnault, amateurs de bière, demandent l'asile politique à la Belgique. Voilà en résumé ce que je crois avoir compris en surfant lundi matin sur internet. Je ne suis pas bien réveillé et tout s'est un peu mélangé dans mon cerveau.
Tout le monde parle de ce grand patron français sur le point de demander la nationalité belge. Je cherche Bernard et tombe sur une histoire de migration. Il n'est pas seul, mais accompagné de milliers de ses congénères. Et ce n'est pas vers la Belgique mais les îles Vierges, beaucoup plus paradisiaques que le Plat Pays. Il y a même une vidéo. Là je comprend mon erreur car il s'agit d'une « migration de bernard-l’hermite sur une plage ».
Rien à voir avec mon affaire. J'affine ma recherche. « Asile Belgique » me conduit sur une autre voie. Ce sont les membres du site satirique Brave Patrie qui annoncent leur intention de rejoindre la Belgique après l'annonce de la hausse des taxes sur la bière. « On touche là à un breuvage universel, qui assure par ailleurs un rôle sanitaire important dans les régions où l’eau est impropre à la consommation, comme la Bretagne, » explique le président de ce groupe d'iconoclastes. Bernard Arnault est-il un amateur de bière ? Son exil ne serait pas fiscal mais liquide ? Pourtant la bière n'est pas dans le rayon d'action de LVMH. Sa branche spiritueux n'affiche qu'une marque : Moët et Chandon, le champagne qui fait autant de mousse qu'une Kro' bien fraîche, mais pas au même prix.
Bernard, bière, Belgique : tout se brouille.

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue mardi en dernière page de l'Indépendant.

Littérature - Douloureuse séparation dans le roman de Marianne Rubinstein

Seule. La narratrice, Yaël Koppman, double fictionnel de Marianne Rubinstein, l'auteur, se retrouve seule dans son appartement parisien. Son mari la quitte. Il obtient la garde alternée de leur petit garçon, Simon. Une semaine sur deux et certaines vacances, une morbide solitude envahit le foyer habituellement si joyeux.
Dans un journal aux entrées souvent très courtes, Yaël raconte ce bouleversement dans sa vie. Au début, elle cherche à nier cet échec. Et puis elle fait une croix sur ces années de bonheur, accepte que le père de Simon ait refait sa vie avec une femme plus jeune. Elle se raccroche à son travail, professeur et chercheuse à l'université. Surtout elle choisit de se consacrer à fond à son fils.
Le 1er janvier, dans son journal, elle liste ses résolutions : « Du bonheur pour Simon. Plutôt rire que pleurer. Ecrire, oui mais quoi ? Ma peine ? D'abord la décoller de mon corps pour l'observer. En trouver le contrepoint aussi, déplier d'autres lignes méthodiques qui donneront ampleur et rythme au récit. » Le roman s'élabore sous nos yeux. Le lecteur est le témoin privilégié des interrogations et remises en cause de Yaël. Ses tentatives de retrouver une vie sociale. Ne plus être la femme délaissée. Supporter toutes les tentatives d'entremetteuses de ses amies ou simples connaissances.
Un roman vérité, où l'auteur se met à nue. Beaucoup plus fort qu'une simple autofiction d'écrivain nombriliste car les sujets abordés, loin d'être futiles, font tout le sel de la vie d'une femme, d'une mère...
« Les arbres ne montent pas jusqu'au ciel » de Marianne Rubinstein, Albin Michel, 17 €

mardi 11 septembre 2012

Roman - "La cavale de Jennie" pour retrouver frères et sœurs

Tragique histoire de famille sous la plume de Gérard Mordillat. Jennie, séparée de ses frères et sœurs, va tout faire pour les retrouver.

Scène de vie quotidienne en banlieue. Des amis, collègues ouvriers du bâtiment, passent un dimanche dans le jardin du petit pavillon toujours en construction. Ils fêtent l'anniversaire de Mike. Un seul sujet de conversation : l'an 2000. On est à quelques mois de cette date qui, à l'époque, a provoqué une peur bleue à un maximum de crédules. Jennie, adolescente, sorte de petite maman chargée de ses autres demi frères et sœurs, se moque de l'an 2000. Ce qui l'intéresse avant tout, c'est de connaître l'identité de son père. « 
Jennie ne comprenait pas pourquoi Olga (sa mère) refusait de lui dire qui était son père. Elle devinait que c'était un type comme les autres, sans doute ni mieux ni pire que Mike (son beau-père). Juste un type qui avait couché avec une femme et lui avait fait un gosse et avait foutu le camp comme n'importe quel salaud. » Le repas s'éternise, l'alcool coule à flot. Mike reçoit enfin son cadeau. Une moto.

Moto contre TER
Il prend le pari qu'il peut passer par dessus la voie ferrée qui longe le jardinet. Il prend son élan et un « effroyable bruit de choc » surprend l'assemblée. « un coup de gong géant, un ra de tambour géant voilé, une explosion déchirante de grincement, du feu qui prend, du verre qui explose, le vacarme d'un saccage acclamé d'étincelles. (…) Mike avait percuté l'avant d'un TER lancé à pleine vitesse. Tué sur le coup, décapité. » La famille recomposée de Jennie se retrouve décomposée...
Quelques années plus tard, Olga refait sa vie. Une fois de plus. Elle a un petit garçon. Nouveau bébé pour Jennie qui prend de plus en plus son rôle de petite maman à cœur. Des années de presque bonheur dans la maison inachevée. Mais une nouvelle fois, le destin frappe. Olga et son compagnon meurent dans un accident de la route. Jennie comprend immédiatement que la famille va être séparée, que ses petits vont lui être retirés. Sur un coup de folie elle embarque la marmaille dans la remorque de son vélomoteur et tente de prendre la fuite. Peine perdue. Le pire arrive.

Reformer la tribu
Gérard Mordillat, dans la première partie de son roman dresse le portrait d'une adolescente à fleur de peau trop tôt chargée de famille. Sans père, mère complètement déficiente, elle a pris, par la force des choses, les commande du foyer. Mais pour l'administration, elle n'est rien par rapport à ses demi-frères et sœurs. Après la cavale avortée, elle est placée dans une maison de redressement, les autres, beaucoup plus jeunes, sont adoptés.
A ses 18 ans, Jennie est enfin libre. Elle a joué profil bas pour cacher sa rage. Sans nouvelles de ses « petits », elle entame un tour de France pour tenter de reformer son petit cercle familial. Elle recevra l'aide de Quincy, un jeune acteur encore sous le choc du suicide de sa mère, harcelée à son travail. Deux pestiférés qui vont se comprendre et s'aimer. Mais le carcan de notre société bien pensante risque de les broyer.
L'auteur délaisse, durant 220 pages percutantes, ses longues sagas sociales (« Les vivants et les morts », « Rouge dans la brume »). On retrouve quand même en filigrane toute la thématique de son œuvre : pour certaines classes sociales, le bonheur sera toujours une chimère.
 
« Ce que savait Jennie » de Gérard Mordillat, Calmann-Lévy, 17,40 € (disponible également en format poche au Livre de Poche)

lundi 10 septembre 2012

Billet - Chapeau vert : l'hommage à Roland C. Wagner


Le 5 août dernier, un pilier de la science-fiction française s'est dispersé dans les limbes de la psychosphère (un concept de son invention), au détour d'un virage sur une petite route de Gironde. Roland C Wagner, 51 ans, mettait, bien involontairement, un point final à son œuvre. Une énorme émotion s'emparait du milieu de la SF.

Et comme si son concept prenait forme, nombre d'avatars sur Twitter ou de profils sur Facebook subissaient une mutation. Un chapeau vert faisait son apparition, se multipliait à l'infini. En août, ce borsalino vert fluo était un signe de deuil, de ralliement aussi. Il était la marque de fabrique du plus célèbre héros de Roland C Wagner, le détective privé Temple sacré de l'aube radieuse, Tem pour les intimes. Héros de la série « Les futurs mystères de Paris », il promenait sa dégaine dans un Paris futuriste, avec la même nonchalance et perspicacité que Nestor Burma, le héros de Léo Malet.
Un chapeau vert. Cela semble un peu simple pour rendre hommage à l'un des plus brillants « penseurs » de la SF française. Mais cela avait aussi l'avantage d'être énigmatique. Certains ignorants ont moqué cette fantaisie vestimentaire sans comprendre qu'il s'agissait d'une façon pudique de masquer ses larmes. Ce n'est pas parce que l'on aime les récits d'un futur apocalyptique que l'on n'a pas de cœur. On en a même trois, parfois, comme dans cette BD, déclencheur de la vocation de Roland C. Wagner, anecdote racontée dans l'hommage de Serge Lehman publié dans le Monde.

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce lundi en dernière page de l'Indépendant

BD - Péripéties nordiques dans le second tome de "Midgard" de Steven Dupré


Midgard, dans sa première partie, était déroutant. Un album double, à lire dans les deux sens, racontant la rencontre du peuple viking avec un représentant extraterrestre. Si les Vikings pillent, Oon, jeune extraterrestre délinquant s'enfuit d'un vaisseau prison et est poursuivi par toute la police des environs. Oon se posera (pas sans dommages) près du village irlandais que les Vikings sont en train de piller. Les deux histoires se rencontrent et n'en font plus qu'une. Mais Steven Dupré, dans ce second tome, poursuit sa narration à plusieurs niveaux. Une partie des vikings, après avoir massacré des moines et volé joyaux et nourritures, reprennent la mer. Dans leur butin, avec les moutons, Oon, trop bleu pour être un homme. Un troll peut-être ? 
L'autre partie du récit s'intéresse au destin de Snorri, un des vikings abandonné sur terre. Il va tenter de retrouver son village, mais à pied, flanqué d'un gamin orphelin, débrouillard mais un peu collant. Un épisode de 80 pages format comics, en noir et blanc, délaissant un peu le côté science-fiction, mais très instructif sur les croyances des peuples nordiques.
« Midgard » (tome 2), Casterman, 13 €


dimanche 9 septembre 2012

Billet - Pour ou contre Internet ? Un débat sans fin

Pour ou contre internet ? Fabuleuse innovation pour la liberté d'expression ou machine à calomnie ? Le débat n'est pas récent. Il revient sur le devant de la scène après la publication sur Slate.fr, hier, d'un billet de Titiou Lecoq, journaliste blogueuse. « Ma réponse aux « élites » qui détestent internet » est une charge argumentée contre ces personnalités (politiques, artistiques, intellectuelles) qui comparent le web à de « la littérature de concierge », « une poubelle », « Vichy » ou « un drame de l'humanité ». Elle répond sur plusieurs points précis et notamment les dérives de l'immédiateté. « La course à l’info s’est accélérée avec les chaînes d’infos en continu, écrit-elle. Mais ce n’est pas Internet qui est à l’origine de ce malheur. La seule question qui vaille, c’est celle de l’intégrité du journaliste. Une info, ça se vérifie, peu importe le média. » Et de constater « Dans la presse papier, il existe de mauvais journalistes qui ne vérifient pas leurs infos. Sur Internet, il existe de bons journalistes qui vérifient leurs infos. »
Le rejet du web est pourtant parfois très bien argumenté. Comme dans ce passage de l'excellent roman « Chaos brûlant » de Stéphane Zagdanski (Seuil) sur l'affaire DSK. Un personnage du roman y parle de Twitter : « le triomphe du peu ou prou médisant, le bégaiement délationnel à la portée de tous, l'épieur qui pépie pour ne rien dire, le totalitarisme du cancan fragmentaire, l'hyperbolique redondance du creux. » Fermez le ban !

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue en dernière page de l'Indépendant de vendredi.