jeudi 23 décembre 2010

BD - Jeunes et pirates


Tous les genres intéressent Jean Dufaux. Scénariste prolifique, à la formation cinématographique affirmée, il n'est pas étonnant qu'il s'attaque à son tour à un classique : le récit de pirates. Il l'assaisonne à sa sauce, avec évidement quelques jolies filles maltraitées. 

Barracuda n'est pas le nom du pirate mais de son bateau. Un galion mené par le sanguinaire Blackdog et son jeune fils, Raffy, adolescent n'ayant rien à envier à son père côté barbarie. Ils attaquent un navire espagnol, tuent tous les hommes et capturent les femmes et enfants, très recherchés sur le marché prospère de l'esclavage. Dans la cage Maria, jeune descendante d'une grande famille d'Espagne et Emilio, son domestique. Emilia exactement puisqu'il s'est grimé en fille afin d'être épargné. Raffy, Maria, Emilio débarquent sur l'île de Puerto Blanco et vont être séparés. 

Ce sont leurs trois parcours parallèles que Dufaux va raconter dans ce triptyque dessiné par Jérémy, jeune dessinateur réaliste qui s'est formé en coloriant les planches de Delaby.

« Barracuda », Dargaud, 13,50 € 

mercredi 22 décembre 2010

Récit - Genet et Sebhan : passions parallèles

Comprendre sa propre histoire d'amour en retraçant l'œuvre et la vie de Jean Genet. Gilles Sebhan s'interroge dans cette biographie mâtinée d'autofiction.

Abdallah et Majed. Jean Genet et Gilles Sebhan. Deux couples, deux histoires d'amour intenses et tragiques. Gilles Sebhan, qui avait exhumé le fantôme de Tony Duvert l'an dernier dans un récit remarquable, poursuit son exploration de littérature française sulfureuse en traçant un parallèle entre la relation de Jean Genet avec Abdallah et celle que l'auteur a entretenue avec Majed, un sans-papier rencontré à Amsterdam. Tout commence par un épisode rarement relevé de la vie de Jean Genet. Au printemps 1967, il a tenté de se suicider dans une chambre d'hôtel. C'était à Domodossola, une ville du nord de l'Italie.

Ce suicide raté, Gilles Sebhan va tenter d'en trouver la cause en retraçant les amours tumultueuses du grand écrivain avec son jeune amant, Abdallah, un funambule rencontré dans un cirque au milieu des années 50. Abdallah qui s'est suicidé à Paris en 1964.

Pieds péniches

Gilles Sebhan, alterne les scènes racontant Genet et ses propres soucis du quotidien : notamment l'emprisonnement de son jeune amant, Majed. Presque un SDF, regardant les passants, place Dam, fumant goulument des cigarettes, « essayant d'attirer par le regard des créatures qui viendraient l'aimer malgré la malédiction de ses pieds crevés. » . « Majed avec ses pieds condamnés, ses pieds d'ordures de puanteur de cadavre, ses pieds d'absent de contradiction de tristesse, ses pieds qu'il faut mettre à l'écart pour contempler sa beauté, ses pieds péniches pour ce grand garçon mince aux allures de fille et aux manières brusques. » Majed serait donc le miroir actuel d'Abdallah, l'amant de Jean Genet. Gilles Sebhan en décrivant leur rencontre et leur relation n'est pas tendre pour l'écrivain qui a passé sept années derrière les barreaux avant de connaître la gloire littéraire. Jean Genet « a hérité d'un lui-même qui a écrit les romans du début et qui a fini par lui causer une honte étrange, d'autant plus que c'est le meilleur de lui, ce moment où son écriture est déjà infiniment concertée et son désir encore brûlant et sa colère encore juvénile. On peut dire qu'ensuite, assez vite, Genet a viré au vieux con. » Genet insaisissable, « jouant au clochard céleste dans ses errances à travers l'Europe. » Un jour, il a voulu que cela s'arrête. A Domodossola, en Italie. Il s'est raté.

Retenu prisonnier

En se rendant dans la ville, pour en ressentir l'ambiance, Gilles Sebhan se souvient. De son amour fou pour Majed. Comment il a angoissé quand il a perdu sa trace durant des mois quand le SDF a été retenu prisonnier dans un bateau-prison. De la joie des retrouvailles, des longs moments passés l'un contre l'autre. Et du basculement, quand l'auteur est devenu méchant et que Majed a viré au vieux con. « Cette nuit-là, il a beaucoup remué dans son sommeil, je l'ai regardé dormir, j'ai décidé d'inverser le cours du monde. J'ai accompli cette folie. » C'est l'autre facette de ce texte brillant d'un écrivain ayant trouvé son style, un auteur à découvrir.

« Domodossola », Gilles Sebhan, Denoël, 13,50 €

mardi 21 décembre 2010

BD - Buck Danny en intégrale : genèse d'un aviateur sans peur


Les éditions Dupuis n'en finissent plus de redécouvrir les vieilles BD qui ont fait leur succès au cours de ces dernières décennies. C'est un revenant qui réapparait sous forme de belles et luxueuses intégrales. Buck Danny a marqué plusieurs générations d'enfants (essentiellement des garçons) qui s'imaginaient au commandes d'un avion de chasse américain. I

l faut replacer les débuts de cette série dans son contexte historique. Charlier et Hubinon, ont surfé sur cette vague de patriotisme occidental né avec la fin de la guerre. Un important dossier en début d'album permet aux plus jeunes de mieux comprendre la mentalité de l'époque. 

Dans ces 180 pages, vous pourrez lire notamment les deux premières aventures de Buck Danny, parues dans les pages de l'hebdomadaire Spirou de 1946 à 1948.

« Tout Buck Danny » (tome 1). Dupuis. 19 euros 

lundi 20 décembre 2010

BD - Erma en liberté, sans le moindre tabou


La bande dessinée érotique, et même un peu plus osée, semble de nouveau plaire au public. Une bonne occasion pour ressortir l'intégrale des aventures d'Erma Jaguar, une série datant de la fin des années 80 et signée Alex Varenne. Ce maître du noir et blanc et des femmes fatales propose le portrait d'une rêveuse bien décidée à transformer ses désirs en réalités. 

Erma Jaguar sort dans la ville vivre ses rêves, assouvir ses fantasmes. Entre camionneurs vulgaires et jeunes vierges effarouchées, les rencontres seront nombreuses, mystérieuses, enrichissantes ! Ces 150 pages sont bien évidemment réservées à un public averti qui pourra également redécouvrir (aux Humanoïdes Associés), la réédition des « Larmes du sexe », un chef d'œuvre de sensualité.

« Erma Jaguar ». Drugstore. 22 euros



dimanche 19 décembre 2010

BD - Moebius métallique


Au cours du tournant des années 1970, Jean Giraud alias Gir, jusque-là auteur classique d'un western traditionnel, s'invente une nouvelle personnalité, celle de Moebius, et prend une part majeure dans la révolution qui touche la bande dessinée adulte, sous l'influence de l'underground américain et de la vague de la "contre culture". 

Cofondateur du magazine Métal Hurlant et des Humanoïdes Associés, Moebius change profondément l'esthétique de la science-fiction et les modes narratifs du genre bande dessinée. Avec Arzach, Le Major Fatal et des dizaines d'histoires (La Déviation, Cauchemar Blanc), l'œuvre de Moebius aura un retentissement mondial. Dans ce gros album de 420 pages, vous pourrez retrouver ces BD mythiques, affranchies de toute contrainte. 

Des classiques ainsi que des récits courts, moins connus, voire oubliés.

« Moebius Œuvres ». Les Humanoïdes Associés. 99 euros

mercredi 15 décembre 2010

Jeunesse - Méchant lion

Ce petit album, sous des airs de conte pour enfant, est en fait une belle parabole sur le pouvoir et son aveuglement. Son auteur, Caryl Férey en a fait un résumé très évocateur au cours d'une interview : « Le roi, un tyran, veut marier son fils Pupus à une princesse pour garder sa dynastie, mais le jeune prince préfère courir dans la savane avec de jeunes guépards tandis que des hyènes enlèvent la princesse. Krotokus demande au renard Goupille, seul marin qu'il a sous la main, de poursuivre avec lui les hyènes pirates à travers les îles mystérieuses... » 

L'autre intérêt de ce livre accessible dès 10 ans est de découvrir une autre facette du talent d'illustrateur de Christian Heinrich, le créateur des P'tites poules. Il abandonne la couleur directe pour des dessins au trait précis et très évocateurs. Il excelle dans les bêtes à crocs, du lion, bien évidemment, au dinosaure en passant par les hyènes, particulièrement réussies.

« Krotokus 1er, roi des animaux », Caryl Férey, Pocket Jeunesse, 14,90 €

mardi 14 décembre 2010

Beau livre - La porte des dragons


Si vous doutez encore du pouvoir des livres, plongez dans « La roue des vents » écrit et illustré par Vincent Joubert. Ce bel objet va vous entraîner loin, très loin de votre blafarde réalité. Un récit fantastique dans lequel vous aurez l'impression, comme le héros Joachim Fendl'or, qu'il est possible de chevaucher un dragon. 

Des dragons il y en a beaucoup question dans ce roman qui peut être offert au jeunes à partir de 10 ans. Notamment Clovis : il est affectueux, grincheux et chante faux. Il est menacé aussi de disparition après des siècles d'existence. Le récit devient alors aventureux, Joachim, avec Clovis et Maître Gontran, se lançant à la recherche de graines magiques ouvrant la roue des vents, une porte vers le sanctuaire des dragons. 

On s'extasie devant la richesse des illustrations. Vous resterez parfois plusieurs minutes à détailler un dessin pleine page venant renforcer l'action relatée quelques pages plus tôt.

« La roue des vents ». Ankama éditions. 19,90 euros 

lundi 13 décembre 2010

Roman illustré - Alger en 4L


Youcef, réalisateur à la télévision nationale algérienne, vit toujours chez ses parents à bientôt 38 ans. Il ne travaille pas beaucoup. Son indépendance et son imagination l'ont propulsé directement dans un placard généreusement trouvé par la bureaucratie d'Etat. 

Finalement, il en profite : « au moins je suis peinard. J'ai la liberté et le fric. » Son salaire il en garde un tiers pour lui, un autre tiers est versé à ses parents, le dernier sert à entretenir Zoubida. Ce n'est pas sa maîtresse, mais sa 4L chérie. Cette vieille voiture est le personnage pivot de ce roman de Fellag richement illustré par Jacques Ferrandez. 

Une histoire entre insouciance, drague et réalité de l'Algérie des années 80, celle qui n'était pas encore déchirée par une guerre religieuse larvée. Les superbes dessins, aux couleurs pastel, chaudes comme le soleil du Maghreb, donnent encore plus de force à ce récit mélangeant amour des belles mécaniques et désir des belles du mécano.

« Le mécano du vendredi ». Lattès. 24 euros

dimanche 12 décembre 2010

Tradition - Plongez dans les "Légendes d'ici et d'ailleurs"

Dans chaque région de France, contes et légendes se transmettent de génération en génération. Des histoires sans auteur qui perdurent dans la tradition orale. Les plus belles d'entre elles sont réunies dans un luxueux volume de plus de 330 pages enluminées d'aquarelles de Sandrine Bonini. 

De notre région, le Languedoc-Roussillon, on retiendra plus spécialement « La quenouille de fer » se déroulant entre Saissac et Montolieu dans l'Aude. Jeanne, une jeune femme simple et appréciée de ses amis, change quand elle entre en possession d'un anneau magique que lui donne un mystérieux moine. Elle va se transformer du tout au tout, l'anneau lui permettant de devenir comtesse de Saissac, un titre qui va décupler son ambition. L'histoire finit mal et de nos jours encore, le château de Saissac n'est que ruines...

« Les plus belles légendes de France ». Omnibus. 28 euros

samedi 11 décembre 2010

BD - Exhibitionnisme dessiné pour Frédéric Boilet et Aurélia Aurita

Une histoire d'amour est incomplète si les deux composantes du couple ne s'épanouissent pas sexuellement. Et parfois, pour permettre la réalisation de tous ses fantasmes, une petite dose d'exhibitionnisme est nécessaire. C'est un peu la finalité de cette BD-témoignage d'Aurélia Aurita. 

La jeune illustratrice raconte sa belle histoire avec Frédéric Boilet, dessinateur français installé au Japon. Le premier tome avait posé les jalons, le second vient conforter l'impression de découvrir une créatrice au ton nouveau, une sorte de Virginie Despentes du 9e art. A Paris, en tournée de dédicaces ou dans la vie quotidienne à Tokyo, Chenda se dévoile au lecteur. Ses humeurs, ses envies, ses malheurs. Elle se sent trop jeune pour un amoureux de 20 ans son aîné. 

Elle redoute aussi que l'on croit qu'elle ne couche que pour réussir dans un milieu très masculin. Elle découvre aussi la jalousie et la peur. La peur de ne pas pouvoir vieillir avec son amoureux, la peur de le perdre, de lasser... Ce pourrait être déprimant, au contraire c'est joyeux et jouissif. Car quand Chenda doute, elle se précipite sur Frédéric et oublie tout dans ses longues caresses et coups de reins. 

L'amour c'est bien, avec le sexe c'est mieux, semble nous expliquer Aurélia Aurita.

« Fraise et chocolat » (tome 2), Pocket, 6,90 euros