vendredi 20 juin 2008

Polar historique - Terreur à l'abbaye

Plusieurs meurtres inexplicables sèment le trouble dans l'abbaye des Clairets. La mère abbesse Plaisance de Champlois mène l'enquête.


Toute l'intrigue de ce roman policier historique d'Andrea H. Japp se déroule en 1308 dans les murs de l'abbaye des Clairets placée sous la responsabilité de la jeune mère abbesse Plaisance de Champlois. Sauf le premier chapitre. Nous sommes en 1209 au cours du sac de Béziers . Les croisés, pour lutter contre l'hérésie cathare, vont massacrer une grande partie de la population. A leur tête Arnaud Amalric. Un homme très puissant et très déterminé. Il participe à la curée tout en ne quittant pas une croix rapidement maculée de sang. « Arnaud Amalric plaqua la croix contre lui, comme s'il redoutait qu'on la lui arrachât. Il s'émut fugacement se la pression du long Christ d'argent contre son torse. Ils ne firent qu'un durant un court instant. » Cette croix est au centre de l'intrigue de ce roman, suite de Monestarium paru en 2007. Le lecteur y retrouve de nombreux personnage, mais il n'est pas obligé de lire ce précédent titre pour apprécier ce petit monde à part.

Un meurtre peu avant vigiles

Andrea H. Japp prend beaucoup de soin à décrire les différents protagonistes de cette histoire qui pourrait apparaître complexe avec ses nombreux termes passés d'usage (une notes en bas de page sont légion). Mais on se surprend à adopter le rythme de vie des moniales rythmées par les prières à différents heures, des laudes (avant l'aube, entre 5 et 6 heures) aux complies (dernier office du soir vers 18-20 heures en passant par sexte (vers midi). C'est d'ailleurs très tôt le matin, peu avant vigiles (vers 3 heures) que Thibaude Santenet découvre Blanche de Cernaux, jeune novice, morte, la tête fracassée par un fer à repasser. Le corps est pendu par un pied à un chandelier et une croix est tracées sur son front. Emoi dans

l'abbaye. Plaisance se rend sur place ainsi que quelques soeurs ayant des postes importants.

Les deux apothicaires

On retrouve autour de la scène du crime Hermione de Gonvray, l'ancienne apothicaire qui va prochainement quitter l'abbaye, Plaisance ayant découvert son secret. Elle est accompagnée de Mary de Baskerville, sa remplaçante, mystérieuse et perspicace, arrivée depuis moins d'une journée en compagnie d'Arnoldus de Villanova. Ce dernier plus connu sous le nom d'Arnaud de Villeneuve dit le « Catalan » est médecin. Il fut un temps menacé par l'Inquisition, mais il a conquis son rachat en guérissant le pape Boniface VIII.

Qui a tué Blanche ? Pour quelle raison ? La mise en scène signifie-t-elle qu'on se trouve en présence d'un rite satanique ? Ces questions vont tourmenter les héroïnes de cette enquête policière peu banale. D'autant que d'autres meurtres seront commis dans l'édifice. L'ambiance va se détériorer, Plaisance ayant accepté quelques semaines plus tôt d'accueillir un groupe de "monstres" errant sur les routes. Il est composé d'un enfant loup, de deux nains et de Claire, une fillette ne supportant pas la lumière du jour. Le suspense est à son comble quand Arnaud Amalric refait son apparition, à la recherche de cette fameuse crois de perdition...

L'intrigue imaginée par Andrea H. Japp puise ses racines dans les croyances les plus profondes. Dans ce monde de femmes et de pureté, la mort va frapper, les plaies seront difficiles à cicatriser.

« La croix de perdition », Andrea H. Japp, Calmann-Lévy, 20,90 €

jeudi 19 juin 2008

BD - Trop rare énergie


Nävis, dernière petite humaine, naufragée sur une planète hostile, passe ses journées entre l'amusement avec son fauve adoré Houyo et l'éducation dispensée par son robot Nsob. Un robot qui a depuis quelques temps une baisse de régime. Une perte d'énergie qui n'est pas du goût de la bouillonnante petite fille. Elle branche l'engin sur le générateur principal et la machine... explose. 

Seule solution pour Nävis : rejoindre l'épave et y dénicher des pièces de rechange. Mais c'est très dangereux car le mal absolu règne dans les couloirs délabrés : un robot détraqué qui tue toute forme de vie pour lui soutirer la moindre parcelle d'énergie. Le trio va recevoir l'aide d'autres robots restés loyaux aux humains. Histoire très actuelle écrite par Morvan, l'énergie étant de plus en plus rare et chère, nos portefeuilles peuvent en attester depuis quelques mois. Il y greffe une intrigue jouant beaucoup sur la force de l'amitié. 

Munuera, au dessin, s'en donne à cœur joie dans les décors forestiers et tropicaux et les machines aux formes alambiquées. Une série à l'univers de plus en plus riche, pour les plus jeunes, mais idéale pour se « préparer » à découvrir des BD plus adultes comme Sillage, où on retrouve la même héroïne, mais plus vieille de 15 ans.

« Nävis » (tome 4), Delcourt, 12,90 € 

mercredi 18 juin 2008

BD - La brousse ou la vie pour le Choucas de Lax


Lax, tout en adaptant des classiques du polar dans la collection Casterman Rivages Noir, y va de ses histoires personnelles de détective blasé et malchanceux. Son Choucas est plus digne de la Série Noire. Une collection qu'il affectionne particulièrement, la dévorant quand il n'est pas sur une enquête. 

Le Choucas lit beaucoup... Il voyage de plus en plus également. Dans le précédent album il sillonnait le Népal. Cette fois, il va au Mali puis au Burkina Faso. Mais tout débute en France, à Paris. La police se sent de plus en plus « libre ». Les bavures pour délit de faciès sont de plus en plus fréquentes. Mais ce n'est pas la défense et de la veuve et de l'orphelin noirs qui pousse le Choucas à prendre l'air, mais une banale fuite de lavabo. Il se retrouve malgré tout embringué dans une affaire de fugue d'un jeune adolescent. Benoît, originaire du Mali, adopté très jeune, ressent de plus en plus sa différence. 

Surtout quand il croise une patrouille. IL décide donc de rejoindre le pays de ses ancêtres, au grand désespoir de ses riches parents. Commence un périple au pays de la bière de mil épique et dangereux. Une façon très habile pour dénoncer une certaine ambiance dans les grandes villes.

« Les tribulations du Choucas » (tome 2), 13 € 

mardi 17 juin 2008

BD - La guerre à nos portes


Depuis quelques années les tensions communautaires en Irlande du Nord ont quasiment disparues. Mais il n'y a pas très longtemps, vivre à Belfast c'était un peu comme se balader dans un camp militaire assiégé. Kris l'a vécu à 14 ans. Heureux de décrocher un mois de séjour linguistique pour perfectionner son anglais, il part pour l'Irlande avec son copain Nicolas. Après avoir fait un stock de chocolat et de préservatifs, les deux compères se lancent dans un périple de 24 heures via Paris, Londres et l'Ecosse. Arrivés sur place, ils sont accueillis par une famille de catholiques, pauvres mais joyeux. Le paradis. Mais pour un seul jour. 

Car Kris découvre avec effroi qu'il n'est pas prévu qu'il reste dans cette famille. Il est récupéré par une famille de protestants. Riches, froids et déprimants. Les eux copains peuvent cependant passer leurs journées ensemble, jusqu'au jour où la tension remontant, les déplacement entre les quartiers devient impossible. Kris va fuguer, traversant toute la ville à ses risques et périls. 

De ces vacances inoubliables, le scénariste en a tiré un récit romancé, mêlant souvenirs personnels et faits divers réels, illustré par Vincent Bailly qui a utilisé une large palette de couleurs pour retranscrire toutes les ambiances de ces « Coupures irlandaises ».

« Coupures irlandaises », Futuropolis, 16 € 

lundi 16 juin 2008

BD - Long et mystérieux coma


Dix années de coma. Dix années de perdues pour Zack Kosinski. De 10 à 20 ans, il est resté dans un lit médicalisé. Son père, un chercheur, a été quelques temps à son chevet. Puis il a disparu. A 20 ans, Zack se réveille. Le jeune garçon émerge de sa longue absence dans un corps d'adulte, en partie amnésique. Son retour à la vie se déroule sous la férule de son infirmière, la jeune et très belle Tia Brown.

 Zack se pose beaucoup de questions et lentement va découvrir les nombreux mystères existant autour de son cas. Première interrogation, d'où vient la fortune que lui lègue ses parents. Son père a disparu, mais sa mère s'est suicidée. Instalé dans le vaste duplex newyorkais, Zack embauche Tia pour qu'elle s'occupe de lui à plein temps. Et entre les deux jeunes gens, l'amour va compliquer les choses. Au moment où Zack apprend qu'il a des pouvoirs psychiques surnaturels, Tia découvre des micros dans l'appartement. Ils sont espionnés par la CIA... 

Ce troisième volet de la série « Uchronies » de Corbeyran se déroule à New York et est dessiné par Defali avec qui il a déjà travaillé sur « Asphodèle ».

« New York » (tome 1), Glénat, 12,50 € 

dimanche 15 juin 2008

BD - Casterman offre de nouveaux « Rivages » au polar en BD

Nouvelle collection présentant des adaptations en BD de romans policiers. Première fournée avec Jim Thompson, Donald Westlake, Miles Hyman, Lax...


Lancée en 1986, la collection Rivages/Noirs est devenue une référence en matière de littérature policière, détrônant la Série Noire. Une collection de poche dirigée par François Guérif qui va maintenant se décliner en bande dessinée grâce à un partenariat avec les éditions Casterman. Les quatre premiers titres (il devrait ne pas y en avoir une demi-douzaine par an) permettent à quatre dessinateurs confirmés de s'approprier l'univers d'auteurs français et américains. Et logiquement c'est par un roman de Jim Thompson que tout débute.

 Nuit de fureur. Peardale, années 40, quelque part dans l’Amérique profonde. Un homme à l’allure juvénile débarque dans cette petite ville tranquille, pour y suivre de sages études, dit-il à Mme Winroy, la séduisante logeuse qui l’accueille dans sa pension de famille. Mais évidemment, la réalité est tout autre. Carl Bigelow, alias Charlie “Little” Bigger, tueur à gages officiellement reconnu coupable d’au moins seize assassinats, est en repérage pour le compte d’un ponte de la pègre new-yorkaise, afin de préparer la liquidation en douceur d’un escroc repenti. Miles Hyman peint cette Amérique profonde des années 40 avec talent. Il déshabile les quelques femmes de l'histoire avec un brio étonnant. Le héros, froid et sinistre, se bat avec son absence totale de moralité. Il se sait condamné, par la maladie et son employeur, mais honore son contrat quand même. Une désespérance typide des romans de Jim Thompson adapté par Rodolphe.


 Pierre qui roule.
New York, juin 1969. Fraîchement sorti de prison, John Dortmunder se voit proposer un “coup” par l’un de ses anciens complices, Kelp, spécialiste du vol de voitures : profiter d’une exposition d’art africain à New York pour dérober le clou de la manifestation – une émeraude d’une valeur d’un demi-million de dollars – au bénéfice d’un obscur état africain dont la pierre précieuse constitue le totem. L'adaptation de Lax (auteur du Choucas) est aussi délirante que le récit original. Elle souligne à la perfection la démesure progressive des plans imaginés par le sympathique mais très malchanceux cambrioleur. Les dessinateur, plus habitué aux décors parisiens ou exotiques (le dernier Choucas se déroule au Mali après une aventure népalaise), est très à l'aise avec les décors très verticaux de Big Apple.

« Nuit de Fureur » de Jim Thompson (adaptation Matz, dessin Miles Hyman), 16,95 €

« Pierre qui roule » de Donald Westlake (adaptation et dessin Lax), 16,95 € 

samedi 14 juin 2008

BD - Le plus grand, le plus fort et le plus remarquable de tous les héros tricolores !

Tremblez adeptes du langage SMS et du franglais, Superdupont est de retour et il sera sans pitié pour ces massacreurs du français. Le super héros 100 % français, imaginé par Lob et Gotlib et qui a débuté ses aventures sous le pinceau d'Alexis, est de retour après une trop longue absence. 

La mort de Lob a beaucoup nuit à la poursuite des aventures, les lenteurs légendaires de Gotlib et Solé (le dessinateur repreneur) y sont aussi pour beaucoup. Il aura fallu l'arrivée d'un jeune et dynamique scénariste pour relancer les histoires courtes de l'homme au béret. Lefred-Thouron a donc pris le risque de s'associer à deux monstres sacrés de la BD pour animer un personnage de légende. Pas évident, mais à l'arrivée l'ensemble est fidèle à l'esprit d'origine. Superdupont, qui coûte plus cher à l'état en réparation de fenêtres qu'en salaire brut, affronte divers adversaires composant l'axe du mal. 

Du camembert fabriqué avec du lait de chamelle, aux faux académicien français qui dénature notre belle langue, il a fort à faire. Il s'autorise une incursion sur la toile dans un épisode très chaud où il retrouve la belle Georgette qui vend ses charmes par webcam interposée. 

L'occasion pour Solé de dessiner quelques images psychédéliques et des femmes aux rondeurs provocantes. Un régal pour les yeux.

« Superdupont » (tome 6), 9,95 € 

vendredi 13 juin 2008

BD - Ils sont "Seuls" face au clan du requin


« Seuls » fait partie des quelques séries qui marqueront la BD de ces dix dernières années. Dessin léché et efficace de Gazzotti au service d'un scénario particulièrement original de Fabien Vehlmann. Un matin, cinq enfants se réveillent seuls dans une grande ville totalement déserte. Tous les adultes ont disparu. Ils vont devoir apprendre à vivre dans un monde retourné à l'état sauvage. Au volant d'un bus à l'impériale transformé en camping car, ils sillonnent le pays à le recherche d'autres survivants. Ce troisième épisode débute par l'attaque d'une meute de chiens affamés. 

Presque à bout de carburant, les enfants trouveront refuge dans un parc d'attraction à thème (la piraterie) transformé en camp retranché par une vingtaine de survivants commandé par Saul, un adolescent blond, un peu trop fasciné par l'ordre imposé par Hitler en son temps. Saul, après avoir emprisonné Dodji, trop rebelle, tente de retourner les autres membres du groupe. Sa solidarité est mise à mal mais les exactions du chef tyrranique facilite grandement les choses. 

Un épisode au suspense haletant jouant avec nos peurs les plus profondes. Avec une dernière planche donnant enfin une toute petite clé pour comprendre ce qui s'est passé durant la nuit de la disparition.

« Seuls » (tome 3), Dupuis, 9,20 € 

jeudi 12 juin 2008

BD - IR$ : La loge des assassins


Larry B. Max, agent de l'Internal Revenue Service (I. R. S.), les services fiscaux américains, s'attaque à un très gros gibier. Un cardinal placé à la tête de la banque du Vatican semble couvrir des opérations de blanchiment d'argent d'une autre banque italienne liée à la mafia. Une enquête qui mène Larry en Jamaïque, sur les traces d'un ancien officier nazi protégé par l'Eglise. Le vieillard, qui vient de mourir de sa belle mort, aurait des documents compromettants prouvant la collaboration du pape avec le pouvoir d'Hitler. La seconde partie de ce diptyque se passe logiquement en Italie. Larry, un tueur à ses trousses, tente de mettre la main sur des preuves impliquant le cardinal Marcus Scailes. Il devra faire un détour par le Kenya pour découvrir les véritables agissements de cette partie de l'Eglise catholique. Desberg signe un scénario très réaliste et qui fait froid dans le dos. Il y dénonce l'aveuglement religieux, expliquant que les croisades, tout en étant plus modernes, n'ont jamais cessé de faire s'entretuer les fanatiques des différentes confessions. Vrancken au dessin assombrit de plus en plus ses ambiances. Il est vrai que le monde qu'il doit représenté est tout sauf réjouissant.

« I.R.S. » (tome 10), Le Lombard, 10,40 € 

mercredi 11 juin 2008

BD - Zorn, Dirna et des Zombis dans la brume


Des multiples séries imaginées par Jean-David Morvan, Zorn et Dirna n'est peut-être pas la plus connue mais indéniablement une des plus originales. Le scénariste a conçu un monde fantastique où la mort n'a plus la parole. C'est le roi qui a chassé la grande faucheuse, effrayé de sa fin prochaine. Problème, ses sujets sont devenus immortels, mais leurs corps continuent à vieillir. Et quand ils tombent complètement en lambeaux, les âmes se glissent dans le corps d'un bien portant. 

Dans ce monde rempli de charogne où plusieurs esprits cohabitent dans une même enveloppe charnelle, Zorn et Dirna, deux enfants jumeaux, sont les seuls à avoir le pouvoir de donner la mort. Une menace pour certains, la délivrance pour d'autres. Les deux enfants poursuivent leur fuite dans ce 5e tome, escorté par leur père et leur mère qui ont changé d'enveloppe charnelle et de ce fait de sexe. Cela donne une scène d'amour torride où tout est inversé... Un petit groupe qui se retrouvera aux mains d'une communauté de zombis cachés dans la brume. Une bande cruelle et terrifiante poursuivant une impossible vengeance. 

Dessinée par Bessadi, cette série regorge de monstres en tout genre tous plus effrayants les uns que les autres.

« Zorn & Dirna » (tome 5), Soleil, 12,90 €