dimanche 4 mai 2008

BD - A quatre, c'est mieux


Catel, dessinatrice pour la jeunesse, a changé de registre en dessinant l'histoire de Kiki de Montparnasse sur un scénario de Jean-Luc Fromental. Elle reprend un peu cette veine en proposant « Quatuor », recueil de quatre récits mettant des femmes en vedette. Des nouvelles d'auteurs venant de divers horizons. J

acques Gamblin explore la danse, la valse exactement et sa communion entre les deux partenaires, José-Louis Bocquet nous entraîne a 100 à l'heure sur des routes sinueuses au volant de bolides, objets sexuels de plaisir ultime, Thierry Bellefroid raconte de façon détournée comment il est tombé amoureux du dos de la princesse Mathilde, future reine des belges et Pascal Quignard nous emmène dans une vieille histoire d'amour entre un tailleur et une belle brodeuse. Chaque histoire est en bichromie, rouge pour la danse, bleu pour les voitures, verte pour la princesse et jaune pour la brodeuse. L'ensemble, malgré l'impression de disparité est très cohérent. 

J'avoue avoir un faible pour l'histoire de Thierry Bellefroid. Ce journaliste à la RTBF a parfaitement rendu la fascination que l'on a parfois pour des personnages publics et totalement inaccessibles. Une histoire douce amère sur la passion, la fatalité et la résignation. Les illustrations de Catel se mettent au service de ces histoires que la dessinatrice a adapté elle même.

Catel et Jean-Luc Fromental (qui signe la préface) préparent une nouvelle biographie dessinée consacrée à Marie-Olympe de Gouges, l’une des figures marquantes du dix-huitième siècle, intellectuelle ayant beaucoup fait pour l'émancipation des femmes.

« Quatuor », Casterman, 17,95 €



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samedi 3 mai 2008

Roman jeunesse - Dans les coulisses avec Molière

« L’homme qui a séduit le Soleil » de Jean-Côme Noguès plonge les jeunes lecteurs dans le monde du théâtre, le devant de la scène comme les coulisses obscures.


« Si certaines scènes de ce roman semblent si vivantes, c’est qu’il y a beaucoup de vécu dedans.
» Jean-Côme Noguès, l'auteur de « L'homme qui a séduit le Soleil », n’a pas été dans la troupe de Molière. Par contre durant les années 50, il faisait partie de la compagnie Renaud-Barrault. « Le théâtre était une vraie vocation pour moi, se souvient-il. J’ai débuté à Carcassonne avec Henri Gougaud puis j’ai suivi les cours d’Andrée Bauer-Thérond à Paris. Après une expérience avec la troupe du théâtre du Peuple, j’ai rejoint la célèbre compagnie. Mais je n’y ai jamais que porté des hallebardes… » Il a également participé à des tournées à l’étranger, mais à 30 ans, ayant charge de famille et peu d’espoir de faire une réelle carrière, il a préféré retourner dans l’enseignement et s’est mis à écrire pour la jeunesse. Avec le succès que l’on sait, son « Faucon déniché » étant un best-seller depuis plus de 20 ans.

Souvenirs sur les planches

Ce nouveau roman, raconte, en 1661, la découverte par un jeune homme impétueux du milieu du théâtre. La boucle est bouclée. Il aura, avec près d’un demi-siècle d’attente, mis un peu de ses souvenirs dans ce texte, hommage au théâtre, à Molière et aux saltimbanques osant prendre la route pour présenter, de village en village, leurs comédies sources de rires et de détente.

Gabriel, le jeune héros du roman, subsiste dans Paris en donnant la réplique à un comédien dans des improvisations qui font rire les passants sur le Pont-Neuf. Dans la foule, un certain Molière repère ce sacripant si leste de la langue et aux mimiques expressives. Il lui propose de le prendre dans sa troupe. Gabriel se voit déjà, donnant la réplique aux célèbres actrices que sont Armande ou Madeleine Béjart. Mais il sera finalement moucheur de chandelles. Un rôle aussi ingrat que celui de porteur de hallebardes…

Devant le Roi Soleil

Mais en intégrant la compagnie du Palais-Royal, Gabriel va vivre avec cette communauté, bouillonnante, joyeuse et novatrice. Il y apprendra beaucoup et pourra enfin s’extraire de la vie de misère qui lui semblait promise. Il aura ainsi l’occasion de jouer les figurants, devant le roi Soleil en personne, dans une pièce créée par Molière spécialement pour l’inauguration du château de Vaux-le-Vicomte, petite folie de Fouquet, surintendant de Louis XIV, ce dernier y trouvant l’inspiration pour imaginer Versailles.

Ce roman, en plus de faire découvrir les coulisses du théâtre de Molière, apprend beaucoup au lecteur sur quelques épisodes de l’Histoire de France comme l’arrestation de Nicolas Fouquet et la mise en place, par le roi Soleil, d’une monarchie totale de droit divin. Un volet historique encore plus développé à l'avenir car le roman sera réédité, dès cette rentrée, en format livre de poche avec un cahier pédagogique supplémentaire de 40 pages.

« L’homme qui a séduit le Soleil » de Jean-Côme Noguès, Pocket Jeunesse, 16 euros 

vendredi 2 mai 2008

BD - Le cœur battant de New York


Impossible de dissocier l'œuvre de Will Eisner de la ville de New York. Nouvelle preuve avec la réédition dans la collection Contrebande de chez Delcourt de la première partie de cette trilogie newyorkaise parue une première fois en 1985. Ce recueil d'histoires courtes, parfois muettes, sont classées par grand thèmes comme les perrons, postes d'observations privilégiés, les transports en communs, idéaux pour s'imaginer des rencontres follement romantiques, ou la musique des rues, qui va du marteau piqueur aux chanteurs amateurs faisant la manche dans les grandes artères. 

Mais avant tout, il y a les habitants, leurs petits bonheurs ou gros désespoirs. Des hommes et des femmes tentant de survivre dans cette ville qui tout en étant très peuplée, est une fabrique continue de solitude. Des histoires humaines, superbement dessinées, en noir et blanc mais avec des dizaines de nuances de gris, par ce géant de la BD américaine, presque l'inventeur du roman graphique. 

Le second volet paraîtra en juillet prochain et la dernière partie avant la fin de l'année.

« New York trilogie » (tome 1), Delcourt, 14,95 € 

jeudi 1 mai 2008

BD - La France déchirée


« Guerres civiles » est le prototype de la série d'autofiction poussée à son paroxysme. Les trois auteurs de ce projet original, Jean-David Morvan et Sylvain Ricard, scénaristes, et Christophe Gaultier, dessinateur, se mettent en scène dans des conditions extrêmes en tentant de trouver la réponse la plus honnête possible à cette question ; « Quel genre d'homme serions-nous en temps de guerre ? » 

La France est devenue le théâtre de plusieurs guerres civiles entre factions régionalistes. Morvan et Ricard, fuient Paris, aux prises avec des bandes de pillards, pour rejoindre Gaultier, plus au calme dans un petit village de la Drome. Problème, sa maison est dans un secteur où les centrales nucléaires prolifèrent. Une zone ultra sensible où l'armée est particulièrement vigilante et sur les dents. 

Après quelques frayeurs sur l'autoroute, ils arriveront à bon port pour constater que les militaires doivent composer avec un milice locale très vindicative. Intervient alors un fan de BD, connaissant toute l'oeuvre de Morvan, qui pourrait être sympathique s'il n'était pas complètement ignare et surtout armé d'un fusil. Mieux vaut ne pas rater sa dédicace...

« Guerres civiles » (tome 2), Futuropolis, 18 € 

mercredi 30 avril 2008

BD - Entre quatre murs


La vie est tellement dure dans la prison de Templeton Bay que certains détenus, sans hésiter, choisissent la mort. Deux d'entre eux, pourtant condamnés à des peine minimes, se donnent la mort. Le premier en sautant du toit, le second en s'immolant avec du white spirit qu'il a dérobé dans la buanderie. 

Une drôle d'ambiance semble s'instaurer entre ces quatre murs. Une nouvelle drogue, aux effets dévastateurs, ne serait pas étrangère à cette modification de l'atmosphère générale. Aleks Wojda, un des gardiens, héros de cette série écrite par Callède et dessinée par Gihef, enquête et tente de découvrir qui inonde la prison de cette substance mortelle. Cette série, d'une rare violence, crue, ne laissant aucune des atrocités de la captivité dans l'ombre, est en fait très psychologique. 

Derrière ces attitudes se cachent de profondes fêlures, dans tous les camps. Gardien de prison corrompu, taulard terrorisé par son compagnon de cellule, caïd froid et sans pitié, femme facile au passé douloureux, maton cocu et trop conscient de l'être : la galerie de personnages est riche et diverse. Tout un monde dont on devient rapidement accro.

« Haute sécurité » (tome 3), Dupuis, 10,40 € 

mardi 29 avril 2008

BD - Intrigue glaciale


Changement de nom pour la série Imago Mundi de Corbeyran, Braquelaire et Brahy. Le temps de quatre albums autonomes, elle va prendre le nom de Climax. Mais les personnages sont les mêmes. Notamment Leia Lewis, la jeune et belle mathématicienne qui va quitter le havre de paix tropical de la base d'Imago Mundi pour une mission dans les conditions climatiques extrêmes de l'Antarctique. 

A la base Dumont d'Urville, elle va procéder à un travail de recoupement de mesures pour tenter de définir le plus précisément possible le rythme du réchauffement de la planète. Dans cette communauté exclusivement peuplée de scientifiques, sans arme ni police, elle va rapidement s'apercevoir que quelqu'un fait tout pour ralentir ses recherches, allant même jusqu'à la pousser dans un piège qui pourrait lui être fatal. 

L'intrigue policière est très discrète, l'intérêt de l'album réside surtout sur la description de la vie dans cet enfer glacé. Avec également en filigrane la volonté pour les auteurs d'alerter les lecteurs sur la politique du pire qui est en train de rapidement détruire l'équilibre climatique de notre Terre nourricière.

« Climax » (tome 1), Dargaud, 10,40 € 

lundi 28 avril 2008

BD - L'apprentissage du vert


Cyril Pedrosa, en quelques albums tous plus différents les uns que les autres, a imposé un style, une vision de son œuvre, amplifiés par un trait fluide et de plus en plus efficace. A l'automne dernier, il a étonné avec « Trois ombres », récit fleuve en noir et blanc sur la perte d'un enfant dans une famille unie. Sa famille, il l'utilise sans vergogne dans ce recueil de gags relatant, de façon hilarante, la prise de conscience du trentenaire gauchiste, écologiste, militant pour le développement durable. 

Il est soutenu par sa femme, encore plus sensible que lui aux dérives du monde, ne consommant que du bio. Mais ce n'est pas tous les jours facile et Pedrosa, parfois, craque pour quelques saucisses cocktail, si bonnes quand elle sont réchauffées à la vapeur, malgré la présence dans leur composition de « plasma de porc ». Pedrosa qui panique carrément quand son épouse se met dans l'idée de construire sa maison en murs de paille, avec toilette sèches. 

Et bien évidemment le héros ne peut s'empêcher de se poser la question qui tue : « Suis-je un bobo ? » La réponse devrait rassurer tout le monde...

« Autobio », Fluide Glacial, 9,95 € 

dimanche 27 avril 2008

BD - Fugues en si majeur


Cet album traite de deux problèmes de société de plus en plus fréquents dans notre monde contemporain exigeant et individualiste : le suicide et les fugues des adolescents. Des adolescentes exactement dans la première partie de « La porte au ciel » de Makyo et Sicomoro.

Le scénariste français le plus « psychologique » a fait appel à un maître italien du réalisme. Cela donne assez étrangement des images d'une rare beauté pour des situations qui le sont beaucoup moins. Manu, Julie et Anna sont trois amies surnommées « les Japonaises » car elles ont chacune fait une tentative de suicide et sont, depuis, inséparables. Les problèmes n'étant pas résolus (père pervers, beau-père violent, frère envahissant), elles décident de tout plaquer et de trouver refuge dans une maison forestière. 

Là, loin de la vie urbaine, seule réalité qu'elles connaissent, elles rencontreront un peintre dépressif marqué par la disparition de sa fille et un berger un peu simplet tyrannisé par sa tante. Et comme souvent avec Makyo, le fantastique va bousculer l'ordre des choses, donnant un tour inattendu à cette très belle bande dessinée publiée dans le cadre des 20 ans de la collection Aire Libre.

« La porte au ciel » (tome 1), Dupuis, 14 €

samedi 26 avril 2008

BD - "Frères de sang", un album très viril


Henscher (scénario) et Fabien Rondet (dessin) signent un premier album très viril. Très masculin également. L'action se déroule au Moyen-Orient, au temps des croisades, à Alamut, une école un peu particulière. On y apprend à des enfants à devenir de redoutables assassins. Le seigneur des couteaux, maître absolu de cette forteresse, explique à des nobles chrétiens qui veulent acheter ses services : « Je commande à une armée de jeunes gueux sans honneur ni armoiries, c'est vrai. Mais ils peuvent frapper n'importe qui, n'importe où. Et ils n'ont pas de vœu plus cher que de mourir au combat ». 

Ce premier tome, en couleurs directes au tons sombres, raconte l'apprentissage de plusieurs novices. Selim, surnommé le poète, prend la défense du chétif Hicham contre les intentions belliqueuses de Brahim. Ces trois vont apprendre, ensemble, à tuer et, à la fin de leur formation, il se pourrait que l'un d'eux fasse partie des frères de sang morts durant la nuit de l'initiation. 

Violence, guerre de religion, foi aveugle : cette BD historique résonne d'une façon très contemporaine. Rien n'a changé dans cette région ?

« Le seigneur des couteaux » (Tome 1), Casterman, 11,50 € 

vendredi 25 avril 2008

BD - En voie d'extinction


Les trois antiquaires de « L'association des cas particuliers » sont de retour. Ils sont toujours à la recherche d'un homme, visiblement dérangé, à moitié SDF, clamant à qui veut l'entendre dans les rues d'un Paris écrasé par une vague de canicule qu'il est le dernier d'une espèce en voie d'extinction. 

Trois jeunes femmes sont également à sa recherche. Elles ont pour mission de l'éliminer. Nos héros, pas forcément habitués à faire le coup de poing et éviter les rafales de kalachnikov, savent que la clé de cette mystérieuse affaire est dans un reliquaire contenant un crâne de ce qui semblerait être un homme de Néanderthal. 

Philippe Riche mène de main de maître cette enquête policière au ton toujours décalé. Il truffe ses planches de dialogues sous forme de digressions qui donne tout son charme et son intérêt, à cette série beaucoup plus intellectuelle qu'elle n'y paraît. La fin est également surprenante, à l'opposé d'un politiquement correct prouvant que ces trois cas sont véritablement particuliers.

« L'association des cas particuliers » (Tome 2), Les Humanoïdes Associés, 10 €