lundi 26 mars 2007

BD - Enquête au cœur du passé

Dans le sud de l'Angleterre, la colline artificielle de Silbury Hill est en danger. Ce site préhistorique majeur, monticule de terre représentant des années de travail pour des centaines d'hommes, garde toujours son secret. Mais il y a quelques années, malgré une chape de béton en son sommet, quelqu'un est parvenu à faire un tunnel. Un trou qui a permis l'infiltration des eaux pluviales. Aujourd'hui c'est tout l'édifice qui risque de s'écrouer. 

Une mission pour Imago Mundi, l'agence d'Harald Haarfager. Ces archéologues du futur parviennent à « regarder » à l'intérieur des sites grâce à leur armée de lasers et autres ordinateurs sophistiqués. Sur place, ils vont se trouver confronté à des écologistes locaux les accusant de provoquer des radiations nucléaires. Et en plus d'attaques nocturnes, ils découvrent dans les champs alentours des crop circles, ces mystérieuses figures géométriques semblant apparaître par magie. 

Une série intelligente et scientifique avec Corbeyran au scénario, Braquelaire aux conseils techniques et Brahy au dessin. Ce dernier arrondit son trait, l'humanise, d'album en album. 

("Imago Mundi", Dargaud, 9,80 €)

dimanche 25 mars 2007

BD - Monstres sur Mars

Dans le genre héros dur à cuire qui n'en fait qu'à sa tête, David Soho, dit Boozer, en impose. Cet ancien « suicide trooper » devenu dépanneur dans le secteur du cratère de Gusev sur Mars dépense les rares dollars qu'il gagne en alcool fort. 

Cette nouvelle série de science fiction écrite par Corbeyran et dessinée par Sentenac sur un story-board de Moreno se déroule en 3455 sur la planète rouge. Elle a gardé sa couleur mais une bonne partie de sa surface est désormais vivable pour les terriens. Ils ont pris le relais des Afridiens, mutants créés de toute pièce pour accélérer la terraformation de Mars. Aujourd'hui, les descendants des Afridiens sont en guerre contre les colons débarqués en masse. 

Boozer tente de survivre dans cet environnement hostile. Accompagné de son reptile Jefko et d'un droïde de première génération, il va servir de guide à Donna, charmante diplomate chargée de trouver un terrain d'entente avec les Afridiens. 

Manque de chance, une grosse bête aimant la chair fraîche sème la panique dans la région. Exactement l'impondérable qui va donner un peu de sel à la mission de Boozer, un peu trop calme à son goût.

 ("Les hydres d'Arès", Delcourt, 12,90 €)

samedi 24 mars 2007

BD - Chick Bill, 68e !

L’avantage, quand on a plus d’un demi siècle de création derrière soi et des millions d’albums vendus, c’est que même les titres les plus délirants sont acceptés par l’éditeur. Dans le genre, Tibet, en impose. Après un improbable « Maligne Claire, la Mata Hari jaune » et un « Faux mage de Hollande » qui a bien fait rire en Belgique, il récidive avec la 68e aventure de Chick Bill intitulée « L’hideux Zorfeline ». 

Une fois ce titre trouvé, il a fallu y mettre des personnages et une intrigue dessus. Zorfeline c’est Youri, un gamin russe pas gâté par la nature mais aux pouvoirs extralucides redoutables. Confié à Chick Bill par son père, Youri sera enlevé par deux malfrats désireux de faire fructifier le don de cet albinos aux grandes dents et oreilles décollées. Un 44 pages parsemé de gags dont Dog Bull est la principale victime. 

A noter également la relative absence de Chick Bill, plus occupé à conter fleurette à une ravissante institutrice qu’à aider la veuve et l’orphelin. 


Une série increvable, toujours aussi efficace, malgré le poids des ans. Heureusement le potentiel comique des personnages principaux semble inépuisable. ("L’hideux Zorfeline", Le Lombard, 8,70 €)

vendredi 23 mars 2007

BD - A la découverte de la perspective

Jean-Charles Kraehn est un conteur hors pair. Il l’a prouvé dans les albums qu’il a dessiné lui-même comme Bout d’Homme ou Gil Saint-André. Mais il a également mis son imagination au service d’autres dessinateurs comme Jusseaume avec Tramp ou Miguel avec Myrkos. Cette dernière série, dont troisième tome vient de paraître, raconte la découverte par un élève dessinateur des extraordinaires possibilités de la perspective dans une civilisation imaginaire, mais qui ressemble beaucoup à la Grèce antique. Myrkos, en développant cette nouvelle forme de l’art, s’attire les foudres des prêtres. 

D’autant que dans cette société figée, seuls les Dieux ont le droit d’être représenté par les « ornemanistes ». Or Myrkos applique sa nouvelle technique à la représentation de femmes nues. Il croque des prostituées dans les bas-fonds de la ville. C’est là qu’il est repéré par Pyrtax, un brigand persuadé qu’il y a beaucoup d’argent à récolter en vendant les esquisses de Myrkos à quelques bourgeois riches et égrillards. 

Pour ce récit sur l’histoire de l’art il fallait un dessinateur irréprochable. Miguel, disciple de Léo, s’acquitte de sa tâche à la perfection. ("Myrkos", Dargaud, 13 €)

jeudi 22 mars 2007

BD - Valamon, destin exceptionnel


Reno, jeune dessinateur talentueux, a un seul et gros défaut : il est lent, incroyablement lent. Après avoir débuté dans les pages de Tchô, en racontant les histoires (comiques) des Womoks, il vient de franchir le pas et signe avec Valamon une série réaliste d’héroic-fantasy. Décors, costumes, animaux : il laisse libre cours à l’imagination de sa plume, le tout agrémenté de couleurs qu’il ne laisse le soin à personne d’autre de réaliser. Dans un petit village, Valamon est un jeune homme orphelin recueilli par le prêtre de la communauté. Quand il annonce à son mentor son intention de prendre la relève, ce dernier est fou de joie. Un chevalier par contre désapprouve ce choix car Valamon est un redoutable bretteur. En fait, l’orphelin accepte cette charge religieuse pour devenir un notable, ce qui lui permettra d’épouser la femme qu’il aime, Fassendre. Le jour de la cérémonie, le destin de Valamon va basculer. Il se saisit du poignard de la cérémonie et égorge le haut responsable religieux. Valamon a reconnu l’assassin de son père. C'était il y a 18 ans. Le scénario de Jarry laisse entrevoir des aventures très mouvementées pour un jeune héros en devenir. 
(Delcourt, 12,90 €)

MAJ : le tome 2 n'est jamais paru... 

mercredi 21 mars 2007

BD - Choc des religions au Japon

Au XVIIe siècle, au Japon, seuls les Portugais sont encore tolérés pour faire un peu de commerce. Une partie de la noblesse voudrait totalement couper les ponts avec les « barbares » occidentaux amenant en plus dans les cales de leurs bateaux la religion chrétienne. 

Mais certains sont un peu plus ouverts d’esprit. C’est le cas de Tadeka Kenshin, samouraï chargé de la sécurité du port. Il rencontre un géant roux, truculent, médecin : Hendrik Ven Effen, qui soigne rapidement et efficacement un jeune soldat. Kenshin se trouve de ce fait redevable de l’Occidental. Il trouvera rapidement l’occasion de payer sa dette puisque Ven Effen, malgré les mises en garde, part visiter Nagasaki, la Cité sans nuit, et se fait attaquer par des brigands. Entre les deux hommes, malgré les barrières des civilisations, une réelle amitié va naître, pour le meilleur et pour le pire. 

Un scénario plein de trouvailles de Luca Enoch mis en images par Maurizio di Vincenzo, dessinateur italien passé par l’école Dylan Dog, également enseignant à l’école de la bande dessinée de Rome. ("Rangaku", Les Humanoïdes Associés, 10,40 €)

mardi 20 mars 2007

Roman - L'été d'un souvenir

Antoine se souvient de cet été en Normandie. Il a rencontré Bérénice, aurait pu l'aimer. Mais Antoine l'a simplement enviée...

Amour de vacances ? Non, révélation de vacances. Quand Bérénice arrive dans la résidence d'été d'Antoine, il ne se doute pas que cette ancienne amie de sa sœur allait tant compter dans sa vie. Il a 15 ans, elle en a 20. Il a entendu parler depuis très longtemps de cette Bérénice, meilleure amie de sa sœur. Une sœur qu'il n'a jamais connu. Elle est morte, renversée par une voiture alors qu'il était encore dans le ventre sa mère. 

Bérénice, bien des années plus tard, vient donc passer quelques jours dans la maison de Normandie, à quelques centaines de mètres des dunes et de la mer. Dès le premier jour Antoine va se baigner avec Bérénice. La jeune femme est belle, désirable. Elle fait tout pour séduire Antoine mais ce dernier, en découvrant ce corps idéal ne le désire pas charnellement. Il l'envie simplement.

Bérénice, un modèle

Ce court roman de Fabrice Pataut est écrit à la première personne. C'est Dorine qui se souvient. Dorine, nouveau prénom d'Antoine qui a changé de sexe depuis ce bel été. Avec Bérénice, le jeu de la séduction n'est pas allé plus loin qu'un baiser langoureux. « Nous n'avons jamais parlé de ces journées passées ensemble à se tourner autour, de ce ballet improvisé, de ces passes et de ces esquives, des regards de désir sans concupiscence par lesquels je vous prenais pour modèle » se souvient Dorine. 

Par contre le père d'Antoine, séducteur redoutable, fier d'avoir un fils, déçu de son manque d'entrain avec le genre féminin, a rapidement trouvé l'occasion de transformer Bérénice en fruit défendu à déguster en cachette de sa femme, traumatisée par la mort de sa fille. 

Un roman triste, sur une famille blessée, où les non-dits sont devenus le pain quotidien. Entre Antoine et Dorine, notre cœur oscille. Il chavire aussi.

« En haut des marches », Fabrice Pataut, Seuil, 13 €

lundi 12 mars 2007

BD - Chaînon manquant


L'homme de Néandertal a disparu il y a des siècles et des siècles. Supplanté par l'homme de Cro-Magnon dont nous ne sommes que les descendants. Dans cette grosse BD de 150 pages signée Gary Frank, l'auteur américain imagine que ces primitifs ne l'étaient pas tant que cela. 

Et ils n'ont pas disparu, mais ils se cachent, pour éviter tout contact avec notre race, beaucoup trop belliqueuse à leurs yeux. Jusqu'au jour ou des militaires américains tuent un de ces singes recouvert de fourrure au cœur de l'Alaska. 

Dans un récit très mouvementé, Frank raconte comment une ranger et un agent secret aident Bob, dernier représentant de sa race, à fuir l'armée américaine. 

Entre théorie du complot et science-fiction urbaine, cette BD aux multiples personnages est superbement dessinée.

« Kin », Bamboo, 16,90 euros

dimanche 11 mars 2007

Roman - La mort à l'hôpital

Son père à l'agonie dans une chambre d'hôpital, Midgley, la quarantaine, fait le bilan de sa vie dans un roman très british d'Alan Bennett.


Alan Bennett est très connu en Grande-Bretagne. Ses pièces de théâtre, romans et séries télévisées remportent un immense succès populaire. Il est d'autant plus connu qu'il interprète parfois les personnages qu'il a imaginés.

C'est le cas de Midgley, le héros de ce court roman, adapté du scénario d'une dramatique tournée pour la BBC en 1982. Midgley est professeur. Il est dérangé en plein cours. L'hôpital le cherche car son père, 74 ans, vient d'être admis en «soins intensifs ». Retrouvé inanimé chez

lui par la femme de ménage. Pratiquement dans le coma, après deux journées passées étendu sur le carrelage de sa cuisine. Midgley décide de se rendre immédiatement à l'hôpital et c'est cette longue attente près de son père mourant qu'Alan Bennett raconte avec une férocité toute britannique. Car c'est bien connu, lors des coups durs, on a une forte propension à se remettre en cause. Midgley ne fait pas exception.

Au contraire. Il culpabilise de ne pas être allé voir son père dimanche dernier.

Comme pour expier cette faute, il a la ferme intention de rester à ses côtés jusqu'à son demier souffle. Cela ne devrait pas trop durer car le premier docteur rencontré, «un jeune Pakistanais pâlichon », lui confie d'emblée: «La pneumonie s'est bien installée, son cœur est très affaibli. Tout bien considéré, il est probable qu'il ne passera pas la nuit. »

L'éveil des sens

En compagnie de sa tante Kitty, insupportable commère passionnée par les affres de la famille royale et les nouvelles maladies rares, il va se remémorer les derniers instants passés avec son père conscient, cherchant dans le moindre détail un signe qu'il aurait pu interpréter comme un avertissement. Le vieillard, connecté à de multiples machines, ne bouge pas.

Inconscient, sans réaction. Midgley tente de se persuader qu'il va se réveiller et que tout va redevenir comme avant. Malgré les paroles définitives du docteur. Il attend, entre espoir et crainte, fatigué mais déteminé. Jusqu'à ce qu'un nouveau personnage fasse son apparition: « Midgley regagna la chambre et s'assit aux côtés de son père. En son absence, une infirmière était arrivée, une femme à la peau mate, un peu grassouillette, moins hautaine et apparemment plus humaine que les autres. À vrai dire, elle n'était pas d'une propreté exemplaire. Ses cheveux étaient ramenés à la va-comme-je-te-pousse sous son bonnet et ses bas filaient en plusieurs endroits. Elle entreprit de redresser les couvertures, se penchant au-dessus du corps inerte de telle sorte que son derrière se retrouva bientôt à quelques centimètres du visage de Midgley. » Et ce qui devait arriver arriva. Malgré sa petite vie casée et l'agonie de son père, Midgley va être irrésistiblement attiré par cette femme.

Alan Bennett raconte magistralement le cheminement intellectuel du héros, fils indigne, mari infidèle ; humain tout simplement.

« Soins intensifs », Alan Bennett (traduction de Pierre Ménard), Denoël, 12 €

samedi 10 mars 2007

Polar - Passé irlandais

Irlande secrète, Irlande mystérieuse, Irlande sombre. Ce thriller de Julie Parsons explore le côté obscur de l'Île émeraude


Quand il arrive dans la région de Cape Clear, à l'extrême sud de l'Ir­lande, Adam se fait très vite des amis. Il est vrai que ce jeune Anglais, blond, grand et avenant, a un charme indé­niable. A la recherche de petits boulots, il s'embarque sur des chalutiers et c'est en revenant d'une sortie en mer qu'il découvre Trawbawn. Une grande bâtisse, entourée de jardins savamment entretenus par Lydia Beauchamp. Lydia est une vieille femme bien seule depuis le suicide de son mari, Alex, et le départ de sa fille Grace. Lydia et Grace Beauchamp, deux femmes écorchées, séparées par une génération mais tourmen­tées toutes les deux par un passé qu'elles tentent d'enfouir dans les années mais qui revient inexorablement à la surface.

Douloureuses naissances

Lydia et Grace sont donc les deux héroïnes de ce thriller verdoyant de Julie Parsons, néo-zélandaise installée en Irlande depuis presque un demi-siècle. Lydia était une jeu­ne infirmière anglaise pleine de vie jusqu'à ce qu'elle tombe enceinte d'un chirurgien marié.

Elle garde l'enfant, Grace, et refait sa vie en Irlande,. trouvant un boulot dans un hôpi­tal psychiatrique. C'est là qu'elle rencontre Alex, un patient doux et dépressif. Ils se marient, Grace a ainsi une véritable famille. Un concours de circonstance fait qu'ils échouent dans la grande demeure de Daniel Chamberlain, à Trawbawn. A la mort de ce dernier, Lydia hérite de la propriété quelle bonifie en ouvrant au public les magnifiques jardins.

Tout irait pour le mieux si Grace, à l'âge de 16 ans, ne tombait à son tour enceinte. L'adolescente refusant de dévoiler le nom du père, Lydia fait le nécessaire pour que ce bébé ne soit pas un frein à l'ascension sociale de sa fille. Placée dans une institution, dès que le petit Daniel vient au monde, il est adopté par un couple stérile. Grace, tenant sa mère pour responsa­ble, quitte le foyer familial et poursuit, seule, ses étu­des à Londres. Brillante enseignante, elle se marie et a une petite fille, Amelia, aujourd'hui âgée de 16 ans.

Le lecteur découvre au fil des événements ces par­cours de femmes blessées et comprend que Lydia et Grace ne se sont plus parlées depuis 28 ans, autre­ment dit la naissance de Daniel.

Regrets éternels

Adam, pivot du roman, va quitter son rôle de gentil garçon pour se transformer en ange de la mort, outil d'une vengeance mûrement réfléchie. Il va s'immis­cer dans la vie de ces deux femmes déchirées de tris­tesse malgré le temps passé.

Ainsi, Grace, après une journée de travail,« s'offrirait le luxe de se souvenir. De son bébé à elle, son petit gar­çon. Arraché à elle à six semaines. Lorsqu'il avait été capable d'ouvrir ses yeux bleus laiteux et de la fixer, une minuscule ébauche de sourire flottant autour de ses peti­tes lèvres molles. Ce soir, où Amelia n'était pas là et où elle avait la maison pour elle seule, elle regarderait le des­sin du bébé et elle laisserait libre cours à ses larmes ». Et au même moment, dans sa grande maison vide, Lydia endure un véritable calvaire: « La douleur était devenue intolérable. Une souffrance atroce montait des profondeurs de son être. Elle avait envie de gémir, de san­gloter. De supplier qu'on la pardonne, qu'on la compren­ne. Mais il n'y avait personne pour entendre ses suppli­ques".

Julie Parsons utilise ce roman policier pour décorti­quer et expliquer comment le passé et les regrets peu­vent vous consumer lentement, de l'intérieur.

« Le sablier d'or », Julie Parsons, Calmann-Lévy, 20 €