dimanche 11 mars 2007

Roman - La mort à l'hôpital

Son père à l'agonie dans une chambre d'hôpital, Midgley, la quarantaine, fait le bilan de sa vie dans un roman très british d'Alan Bennett.


Alan Bennett est très connu en Grande-Bretagne. Ses pièces de théâtre, romans et séries télévisées remportent un immense succès populaire. Il est d'autant plus connu qu'il interprète parfois les personnages qu'il a imaginés.

C'est le cas de Midgley, le héros de ce court roman, adapté du scénario d'une dramatique tournée pour la BBC en 1982. Midgley est professeur. Il est dérangé en plein cours. L'hôpital le cherche car son père, 74 ans, vient d'être admis en «soins intensifs ». Retrouvé inanimé chez

lui par la femme de ménage. Pratiquement dans le coma, après deux journées passées étendu sur le carrelage de sa cuisine. Midgley décide de se rendre immédiatement à l'hôpital et c'est cette longue attente près de son père mourant qu'Alan Bennett raconte avec une férocité toute britannique. Car c'est bien connu, lors des coups durs, on a une forte propension à se remettre en cause. Midgley ne fait pas exception.

Au contraire. Il culpabilise de ne pas être allé voir son père dimanche dernier.

Comme pour expier cette faute, il a la ferme intention de rester à ses côtés jusqu'à son demier souffle. Cela ne devrait pas trop durer car le premier docteur rencontré, «un jeune Pakistanais pâlichon », lui confie d'emblée: «La pneumonie s'est bien installée, son cœur est très affaibli. Tout bien considéré, il est probable qu'il ne passera pas la nuit. »

L'éveil des sens

En compagnie de sa tante Kitty, insupportable commère passionnée par les affres de la famille royale et les nouvelles maladies rares, il va se remémorer les derniers instants passés avec son père conscient, cherchant dans le moindre détail un signe qu'il aurait pu interpréter comme un avertissement. Le vieillard, connecté à de multiples machines, ne bouge pas.

Inconscient, sans réaction. Midgley tente de se persuader qu'il va se réveiller et que tout va redevenir comme avant. Malgré les paroles définitives du docteur. Il attend, entre espoir et crainte, fatigué mais déteminé. Jusqu'à ce qu'un nouveau personnage fasse son apparition: « Midgley regagna la chambre et s'assit aux côtés de son père. En son absence, une infirmière était arrivée, une femme à la peau mate, un peu grassouillette, moins hautaine et apparemment plus humaine que les autres. À vrai dire, elle n'était pas d'une propreté exemplaire. Ses cheveux étaient ramenés à la va-comme-je-te-pousse sous son bonnet et ses bas filaient en plusieurs endroits. Elle entreprit de redresser les couvertures, se penchant au-dessus du corps inerte de telle sorte que son derrière se retrouva bientôt à quelques centimètres du visage de Midgley. » Et ce qui devait arriver arriva. Malgré sa petite vie casée et l'agonie de son père, Midgley va être irrésistiblement attiré par cette femme.

Alan Bennett raconte magistralement le cheminement intellectuel du héros, fils indigne, mari infidèle ; humain tout simplement.

« Soins intensifs », Alan Bennett (traduction de Pierre Ménard), Denoël, 12 €

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