mardi 6 mars 2007

Roman - Tragique coup de couteau à Nîmes

Déprime au cœur de la féria de Nîmes. Le héros de Jean-Pierre Milovanoff, chômeur de 51 ans, a-t-il encore le droit à l’espoir ?

Une petite vie tranquille. Avec ses hauts et ses bas. Mais tranquille. Isidore a 51 ans. Ouvrier spécialisé dans une usine depuis des années, quand il reçoit sa lettre de licenciement, tout s’écroule. Petit, timide, timoré, il n’a que peu de ressemblance avec le sud (Nîmes exactement) qui héberge ce roman de Jean-Pierre Milovanoff.

Le chômage, cette bête insidieuse qui lentement mais sûrement ronge une vie de labeur et d’efforts. Isidore, dans son petit meublé, se réjouit pourtant de l’arrivée du printemps et des robes courtes des passantes. « Le flâneur chanceux aurait mille occasions, préparées ou imprévues, de découvrir sous les étoffes parcimonieuses la chair inaccessible et douce que l’hiver garde en réserve dans ses pelisses… ». Les femmes, Isidore les aime passionnément mais s’en méfie. Certes il y a eu Gabrielle. On comprend en vivant les errances de ce paumé que Gabrielle a beaucoup compté. Mais elle n’est plus là.


Père violent

A une certaine époque, il a parfois rêvé à un destin plus rieur. Lui aussi aurait pu séduire… Si… Une enfance malheureuse, une père violent, une taille très inférieure à la moyenne, un travail inintéressant et un bégaiement fatidique dans les moments d’émotion l’ont fortement handicapé. Il a su se protéger, au fil des années, des brimades et désillusions. « Si son voisin de palier le plaisantait sur sa taille il disait «Attendez, je n’ai pas fini de grandir !» Ainsi va la vie. Dans un monde peuplé d’imbéciles, qui sont méchants faute de mieux, il fallait bien garder quelques cartouches dans sa ceinture et se tenir sur ses gardes ».

Le bourgeois et le chômeur. Le premier jour de la feria, Isidore prend une grande décision après avoir acheté un chapeau. Il va quitter sa chambre meublée et vivre dans un jardin, sous un figuier qui semble très accueillant. S’en suit un coup de folie. Sanglant. Sa psychiatre lui évite la prison en le plaçant homme à tout faire chez son fiancé, Odilon. C’est ce dernier qui raconte l’histoire d’Isidore. Car paradoxalement, alors que le chômeur était au bout du rouleau, c’est ce bourgeois égoïste et pédant, qui va le remettre sur les bons rails en lui offrant son amitié. Jusqu’au jour où Gabrielle refera son apparition.

Jean-Pierre Milovanoff explore la profondeur de ces vies extrêmes. Entre Isidore et Odilon, un gouffre. Qui se comble lentement, au gré des embryons de conversation autour de la piscine ou du gravier de l’allée. Ils se découvriront même bien des points communs. La vraie vie est au cœur de ce roman émouvant.

« Dernier couteau », Jean-Pierre Milovanoff, Le Livre de Poche, 5,50 €

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