lundi 29 mai 2023

Une anthologie - Ces Catalans qui ont fait l’histoire


Après plus de 20 romans souvent reliés à l’Histoire ou au terroir du Pays Catalan, Hélène Legrais est devenue incollable sur ce sujet. Elle signe donc logiquement une anthologie reprenant les grands noms de ce département.

Un livre richement illustré de biographies courtes mais complètes de 50 personnalités, des moins connues (Eloi Pino, fondateur de Djibouti ou Blanche Selva, virtuose oubliée) à quelques célébrités à la renommée incontournable, du Maréchal Joffre au prix Nobel de Littérature Claude Simon.

« Ces Catalans qui ont fait l’Histoire » d’Hélène Legrais, Le Papillon Rouge éditeur, 21,90 €

dimanche 28 mai 2023

Cinéma - “Showing Up”, l’art fait son cinéma

La vie d’artiste. On a beaucoup glosé sur les tourments des créateurs passés, actuels ou futurs. Kelly Reichardt prend le pari de transformer ce quotidien parfois banal en film signifiant et aussi esthétique que les dizaines d’œuvres filmées sous toutes les coutures. La réalisatrice américaine, unique dans son genre, après le western écolo-rétro First Cow, revient à l’époque contemporaine avec ses considérations parfois très terre à terre. 

Showing Up raconte les quelques jours précédents le vernissage de l’exposition de Lizzie (Michelle Williams). Cette sculptrice, employée dans une école d’art à des tâches administratives pour remplir son frigo et le bol de croquettes de son chat, vit dans une vieille maison qu’elle loue à Joe (Hong Chau), sa voisine et meilleure amie, artiste elle aussi et qui comme Lizzie prépare une exposition. Deux exactement. Dans le garage, Lizzie modèle la terre. Elle multiplie les statuettes de femmes, les peignant pour qu’elles prennent d e multiples couleurs une fois cuites dans le four de l’école.  Le long-métrage, à la limite du contemplatif parfois, filme longuement Lizzie en train de travailler sur la matière. 

Une partie artistique passionnante, à mettre en parallèle avec le quotidien de la jeune femme un peu casanière. Son gros problème du moment, en plus de légèrement paniquer à quelques jours de l’expo alors que toutes ses œuvres ne sont pas terminées, c’est la défaillance de la chaudière. Elle harcèle Jo pour qu’elle la répare et ait enfin d l’eau chaude dans sa salle de bains. Autre tracas, l’arrivée inopinée d’un pigeon dans l’appartement. Le chat lui casse une aile, Lizzie, s’en débarrasse par la fenêtre. 

Mais le lendemain matin, Joe vient lui montrer l’adorable pigeon blessé trouvé devant sa porte qu’elle vient d’adopter et soigner. Un pigeon dont Lizzie va récupérer la « garde », comme pour se déculpabiliser de son geste nocturne.  

Un film atypique, comme toutes les œuvres de Kelly Reichardt, tranche de vie d’une artiste en recherche de reconnaissance, peu sûre d’elle. Loin du génie (plutôt du côté de Joe) trop souvent glorifié dans le cinéma clinquant. 

Film de Kelly Reichardt avec Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett

BD - Les marins du Fargo, délinquants par hasard


La vie de marin-pêcheur n’est pas une sinécure. On connaît les grandes difficultés financières de ces artisans qui prennent tant de risques au quotidien pour peu de reconnaissance. Les quatre associés, Théo, Laurent, Paul et Jordan qui écument l’Atlantique à bord de leur petit chalutier le Fargo ne font pas exception. Sur le chemin du port, ils croisent d’étranges ballots flottant à la surface. En repêchent un et constatent que c’est de la cocaïne pure. Une pêche miraculeuse se profile pour le quatuor. Ils débarquent avec quelques poissons mais surtout 40 kg de drogue, soit une fortune potentielle dépassant largement tout ce qu’ils pouvaient espérer gagner durant toute leur vie de labeur.

Une marée blanche inespérée 

Ce roman graphique, tendance polar et étude sociologique de Gaël Séjourné, débute comme une belle histoire entre copains qui se mettent à rêver à un avenir plus radieux. Mais encore faut-il écouler la marchandise. Trouver des acheteurs pour leurs poissons ils savent faire, pour de la cocaïne c’est plus problématique sur cette petite île, même si de nombreux touristes venus de la capitale pourraient être intéressés pour acheter leurs doses à moindre coût.

Mais nos pêcheurs ne sont nés de la dernière pluie et savent parfaitement que la priorité c’est la discrétion : ils décident de temporiser et d’attendre quelques mois avant de tenter de monnayer leur potentielle fortune.
Une promesse que le plus jeune de la bande oublie rapidement. Il ponctionne son butin pour lui et ses amis et décide de vendre des petites quantités à des fêtards de passage. Mal conseillé, il tente d’en vendre un gros lot à des truands. C’est le début des emmerdes pour les marins tombés par hasard sur la « Marée blanche » qui finalement ne leur portera pas tant que cela de chance.
Le polar, parfaitement mené par Gaël Séjourné qui fait là ses premiers pas en tant qu’auteur complet, se double d’une étude psychologique des différents protagonistes. Chaque marin est différent, entre le père trop prévenant, le solitaire fan de foot et le vieux rocker heureux de devenir bientôt grand-père, par ailleurs amant de la femme de son voisin gendarme. Dans la bande des jeunes, c’est le grand écart, entre les petits glandeurs qui se la coulent douce et celles qui voient plus loin. La palme revient aux deux truands, des ferrailleurs, jumeaux, gorilles effrayants, l’un futé, l’autre totalement idiot qui multiplie les erreurs de langage, transformant un "avocat du diable" en "vodka du diable"...

« Marée blanche », Delcourt, 15,95 €

samedi 27 mai 2023

BD - Loi des séries pour Jonathan Lassiter

Personnage un peu fade se transformant à l’insu de son plein gré en véritable gangster : Jonathan Lassiter. Ce jeune Américain, employé dans une petite société d’assurance de la ville de Keanway dans le Nebraska, est particulièrement insignifiant. C’est une succession de coups du sort qui va le transformer. En premier lieu, il perd son emploi. Pas assez vendeur. Puis il se fait larguer pas sa petite amie. Par téléphone. En quittant l’entreprise, il décide d’aller se saouler dans un bar, mais quand il veut payer, ils constate qu’un pickpocket lui a dérobé son portefeuille.

C’est beaucoup pour Jonathan. Une loi des séries interrompue par l’intervention quasi divine d’un certain Edward. Distingué, très riche, il paie l’ardoise de Jonathan et propose de le ramener chez lui. Dans la voiture, Edward se confie et demande à Jonathan s’il est d’accord pour prendre un dernier verre dans un autre bar. C’est le début d’une longue nuit qui va se solder par la mort de pas mal de personnes, l’explosion d’une villa et la destruction d’un gros stock de drogue. Jonathan, l’ancien assureur trop honnête, est complice de toutes ces actions toutes répréhensibles.
Ce récit mené crescendo dans l’évolution de la personnalité du jeune héros malgré lui, est un petit bijou signé Eric Stalner. Comme son précédent album, Bertille et Bertille, il a dessiné cette nuit (13 h 17, exactement) en noir et blanc, avec juste l’adjonction discrète de quelques aplats en rouge pour accentuer les ambiances. C’est subtil, digne d’un film noir américain des années 60 et pas du tout politiquement correct.
« 13 h 17 dans la vie de Jonathan Lassiter », Bamboo Grand Angle, 19,90 € (sortie le 31 mai)
 

vendredi 26 mai 2023

Un album jeunesse - Monstres à attraper

On a tous dans notre vie de parent ou de grands-parents dû un soir raconter une histoire à un enfant pour qu’il s’endorme. Et souvent il ne veut pas que l’histoire s’arrête et n’a qu’une envie : ne pas dormir.

Cet album de Tjibbe Veldkamp et de Kees de Boer sera une sorte de miroir pour l’enfant. Car l’adulte, fatigué, essaie de faire court. Mais le petit prétend qu’il a attrapé un monstre et entend raconter son histoire. Après moult combats contre des bestioles étranges et fantastiques, c’est enfin l’heure du dodo.

32 pages riches d’humour et de partage entre les générations.

« Le jour où j’ai attrapé un monstre », Les Arènes Jeunesse, 12,90 €

jeudi 25 mai 2023

BD - Le Paris de Pierre Pevel est magique


Le Paris des Merveilles est une série de romans signés Pierre Pevel. Un monde de fantasy, où le monde magique d’Ambremer communique avec le Paris du début du XXe siècle. Étienne Willem s’est approprié ce monde pour en signer une adaptation BD parfaite.


Ceux qui connaissent déjà cet univers retrouvent Louis Griffont, un mage luttant contrer les forces maléfiques. Ce premier tome est une sorte de mise en situation, l’occasion de présenter les protagonistes, une belle et mystérieuse cambrioleuse et une très méchante entité démoniaque.

« Le Paris des Merveilles » (tome 1), Bamboo Drakoo, 14,90 €

mercredi 24 mai 2023

BD - Sel, travail des enfants et Schtroumpfs

Comment faire passer des messages politiques dans les BD pour les plus jeunes ? Les scénaristes des Schtroumpfs ont parfaitement assimilé le concept.

Sous couvert d’aller chercher un peu de sel dans une mine secrète, les Schtroumpfs vont se retrouver à dénoncer le travail forcé des enfants ainsi que la libération des femmes puisque la Schtroumpfette va constater que porter le pantalon est plus pratique que la robe. Reste une jolie histoire d’entraide dessinée dans le style de Peyo par Miguel Diaz Vizoso.

« Les Schtroumpfs » (tome 40), Le Lombard, 11,50 €

mardi 23 mai 2023

BD - Guerre fratricide chez les Tuniques Bleues

Si Lambil dessine toujours les Tuniques Bleues, ce 66e album est écrit par Kris. Il y est question de l’immigration irlandaise vers cette Amérique si prometteuse. Mais arrivés en pleine guerre civile, certains ont dû faire des choix. Nord ou Sud ?

À l’arrivée, des frères devenaient des ennemis. Une histoire qui se termine souvent tragiquement comme dans ces longs combats où Blutch et Chesterfield vont tout faire pour les sauver. Un album qui sort un peu de l’esprit de la série, le ton grave l’emportant sur l’humour que Cauvin maniait à la perfection.

« Les Tuniques bleues » (tome 66), Dupuis, 11,90 €

lundi 22 mai 2023

BD - Indiana Mickey par Alexis Nesme

Les personnages de Walt Disney redeviennent très modernes depuis que des dessinateurs renommés en animent de grandes aventures pour Glénat. Alexis Nesme pour la seconde fois s’amuse à plonger Mickey, Donald et Dingo dans une ambiance terrifiante.

Partis à la recherche d’un explorateur, ils débarquent sur une île peuplée de créatures inquiétantes. Et pour trouver le trésor du crâne de diamant, ils devront affronter des pièges dignes d’Indiana Jones. D’une beauté graphique époustouflante, cette aventure a de plus bénéficié d’une prépublication dans le Nouveau Journal de Mickey.

« Terror-Island », Glénat - Disney, 15 €

dimanche 21 mai 2023

Thriller - Sharko et Lucie à la frontière de la mort dans le roman "La faille"

Franck Sharko et sa compagne Lucie Henebelle sont de retour. Ils vont se retrouver aux prises avec un ennemi de taille : le diable. Voyage aux limites de la mort pour les policiers imaginés par Franck Thilliez.


Devenus encore plus populaires depuis l’adaptation de leurs enquêtes pour TF1, Franck Sharko et Lucie Henebelle, policiers à la brigade criminelle de Paris, sont de retour pour un roman inédit toujours signé par Franck Thilliez. Construit comme un long feuilleton qui dure depuis plus d dix ans, les aventures (et amours) de Sharko et Lucie prennent souvent un tour tragique. Le romancier n’hésite pas à leur faire subir des coups du sort que le commun des mortels ne surmonterait pas.

Mais ces deux personnages sont d’une rare solidité, notamment depuis qu’ils se sont trouvés et sont toujours présents l’un pour l’autre dans l’adversité.

La faille débute comme un roman policier classique. Deux flics, Audra et Nicolas, sont en planque de nuit au fin fond de la campagne française. Sur la piste d’un tueur en série. Quand le monstre sort de sa tanière, Sharko et son équipe lancent l’opération d’interpellation. Mais rien ne se passe comme prévu. Le tueur s’enfuit, blesse Audra et meurt sous un train.

Un fiasco lourd de conséquence. La jeune policière qui attend un enfant du second de Sharko, Nicolas, est dans le coma. Son cerveau est irrémédiablement touché. Jamais elle ne se réveillera. Le polar prend des airs de livre politique d’actualité avec ce cas sujet à polémique : faut-il débrancher Audra et entraîner la mort du fœtus ou maintenir le corps en fonctionnement pour permettre à l’enfant de se développer durant quelques mois encore et de naître… d’une mère morte ?

Expérience de mort imminente 

Des considérations quasi philosophiques qui font écho au sujet de l’enquête. Sharko est sur la piste d’une jeune chercheuse disparue depuis trois mois. Elle tentait de définir la notion de mort. Avec d’autres passionnés, elle cherchait des témoignages de personnes ayant vécu une expérience de mort imminente négative. Négative car au lieu de passer par un grand couloir lumineux qui monte vers les cieux, leur départ se traduit par une descente dans un endroit noir et glauque peuplé de démons.

Les rescapés affirment avoir rencontré le diable en personne. Et comme l’écrit le romancier, « Sharko ne croyait pas au diable. Mais ce n’était pas pour ça que le diable n’existait pas. » L’enquête progresse, permettant aux policiers de mettre hors d’état de nuire quelques malfaisants. Un Sharko en plein questionnement existentiel, père de plus en plus malheureux de ses absences, fatigué car proche de la soixantaine : « L’âge se faisait sentir, mais tant que Franck en aurait la force, il retournerait dans la cage aux lions. Une goutte d’eau dans l’océan, certes, mais chaque ordure qu’il envoyait derrière les barreaux lui enlevait un poids sur le cœur. » Le roman flirte avec le fantastique. Ponctué de tableaux dignes des plus horribles des films de genre : morgue, catacombes, autopsie, tortures…

Mort et résurrection du cerveau 

Lucie est presque convaincue que la mort n’est pas une fin, qu’il y a une suite, que l’âme reste présente quelque part, paradis, purgatoire ou enfer. Sharko, cartésien, n’a pas de doute. Notamment quand il découvre un électroencéphalogramme chez un suspect : « La mort, pensa Franck. Elle se dressait là, devant lui, crue, avec un autre visage que dans les catacombes, mais tout aussi effrayant : celui de la science. L’enregistrement de l’activité d’un cerveau en train de mourir. »

La faille fait partie des romans de Franck Thilliez les plus sombres. Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire les descriptions des scènes de meurtre découvertes par les deux policiers. Et on tremble souvent quand eux-mêmes se retrouvent à la limite de la Faille, cette barrière symbolique, limite ténue où il serait possible de voir la mort puis de revenir à la vie.

«La faille» de Franck Thilliez, Fleuve Noir, 22,90 €