samedi 17 décembre 2022

BD - Vélasquez peint

Splendide album que ce Vénus à son miroir signé par Cornette (scénario) et Matteo (dessin). Il est vrai que le sujet est propice aux belles images : un épisode d ela vie du grand peintre espagnol Vélasquez. 

Envoyé par le roi d’Espagne en Italie pour acquérir des toiles et sculptures italiennes, il est hébergé chez un ami peintre. Là, il croise la route de la sœur, Flaminia. Vélasquez a 50 ans, Flaminia à peine 20. Elle peint mais surtout accepte de poser pour lui, nue. Pour la première fois le prude espagnol ose peindre une femme nue. Ce sera la toile Vénus à son miroir. 

En plus de l’intrigue sentimentale, aussi belle que libre, l’album raconte comment Vélasquez accorde la liberté à son esclave Maure, Juan de Parela, autre peintre talentueux.

« Vénus à son miroir », Futuropolis, 17 €  

BD et biographie - Manara grandeur nature

Génie du dessin réaliste, marchant souvent dans les pas d’Hugo Pratt, Milo Manara est un grand de la BD italienne. 

Une œuvre marquée par des séries érotiques mais aussi des romans graphiques entre philosophie et pure aventure.

Pour raconter cette carrière commencée durant les années 60, le dessinateur a préféré poser son pinceau et raconter lui-même, dans de courts chapitres, les grandes étapes de son parcours. On croise dans ces pages Dali, Moebius, Jodorowski et d’autres grands du 9e art. Le tout agrémenté de très nombreuses illustrations rares ou inédites.

« Milo Manara, grandeur nature », Glénat, 25 €


vendredi 16 décembre 2022

Roman - Suicide et conséquences à Étretat

Certaines villes ont une image de marque un peu compliquée à exploiter touristiquement. Étretat par exemple, station balnéaire sur la côte normande. L’aiguille creuse et les aventures d’Arsène Lupin ont beaucoup fait pour sa renommée. Mais si les falaises ont tant de succès, c’est aussi car c’est un « spot » renommé pour les suicidaires. Une chute vertigineuse et l’arrivée sur les rochers empêchent tout échec. Enfin presque. 

L’héroïne du roman policier La falaise aux suicidés de Joseph Macé-Scaron, Paule Nirsen, trouve le moyen de se rater. La faute à une tentative de meurtre qu’elle devine alors qu’elle est sur le point de sauter. Elle se cache et dévale un long talus pour terminer sa course dans un blockhaus datant de la seconde guerre mondiale.  « Au fond, ce raté, c’était le résumé de sa vie. Une succession de culbutes sans fin » constate-t-elle. Toujours est-il que l’universitaire (elle est spécialiste en littérature médiévale), retrouve un intérêt à la vie. Elle se transforme en détective amateur et prête main-forte à son ami d’enfance, Guillaume, devenu chef de la gendarmerie locale. 

Ce roman, vif et sans temps mort, dresse le portrait d’une province un peu sclérosée. On croise à Étretat sous la plus de l’auteur, par ailleurs journaliste politique parisien, nombre d’originaux. Une femme de ménage tendance gorille, une chatelaine qui fait dans le Airbnb, un spécialiste des araignées, des dockers pas très nets et même une ancienne gloire de la pop musique anglaise en la personne de Peter Doherty. Sans compter quelques dizaines de suicidés. Même si souvent, ils n’ont pas véritablement choisi leur mort. 

Sans prétention, bourré de clins d’œil à l’actualité, acerbe comme son auteur, ce roman est une belle réussite de la collection Terres Sombres, mélange de terroir et de polar.

« La falaise aux suicidés » de Joseph Macé-Scaron, Presses de la Cité - Terres sombres, 21 €


BD - Les fleurs du mal et Yslaire

Après avoir exploré la vie du poète à travers Mademoiselle Baudelaire, alias Jeanne Duval, vénus noire au cœur de l’œuvre de Baudelaire, Yslaire offre son inépuisable talent graphique aux Fleurs du mal.

Illustrant les cent poèmes de la version de 1857, avant le procès retentissant de Baudelaire qui en fera écarter six parties jugées immorales, Yslaire, maître de la BD moderne souligne de merveilleuse et vénéneuse manière toute la beauté, la profondeur et le mystère de l’art baudelairien. Le temps n’est rien pour les artistes qui, malgré la différence d’époque, finissent toujours par se rencontrer…

« Les fleurs du mal », Dupuis, 35 €

jeudi 15 décembre 2022

Cinéma - “Le lycéen” passe du deuil à la renaissance

Porté par un jeune acteur très prometteur, ce film de Christophe Honoré explore les méandres de l’esprit d’un adolescent torturé par le deuil.

Les parents se demandent souvent ce qui se passe dans la tête de leurs grands adolescents. Ce qu’ils comprennent de leurs actions, ce qu’ils pensent de cette envie qu’ils s’en sortent dans une société toujours plus compliquée. Cela se complique quand un des parents meurt prématurément. 

Christophe Honoré, sans vouloir donner une réponse universelle, apporte cependant de nombreux éléments qui font réfléchir, comprendre, titiller une réalité qui échappe trop souvent aux adultes. Le Lycéen donne beaucoup la parole à Lucas (Paul Kircher), élève en première, 7 ans, fils d’Isabelle (Juliette Binoche) et Claude. Claude qui meurt dans un accident. Si sa femme est dévastée, Lucas n’arrive pas, au début, à prendre conscience de la réalité du drame. 

Ce feu follet séduisant, au sourire ravageur, la chevelure toujours en bataille, sourit à toute la famille venue aux obsèques. Ce n’est que le lendemain qu’il prend conscience de cette absence, du manque. Pourtant, Lucas n’était pas proche de son père, très occupé par son travail. Et il reste persuadé, malgré les dénégations de son frère Quentin (Vincent Lacoste), que ce dernier était déçu quand il a deviné qu’il était gay. Avant de retourner au lycée, Quentin propose à Lucas de passer une semaine avec lui, à Paris. Quelques jours, loin du malheur, des rencontres qui vont lui permettre de voir la vie d’une autre façon. 

Directement inspiré de la mort de son propre père quand il était adolescent, ce film de Christophe Honoré est une splendide parabole sur le deuil et la renaissance qui, inéluctablement, permet aux vivants de repartir de l’avant. C’est un peu le cas de la mère, mais ce parcours est essentiellement personnifié par les montagnes russes de sentiments que doit surmonter Lucas. Avec un jeune comédien époustouflant de grâce, de sincérité et de talent. Paul Kircher est le lycéen, celui qui, comme le souligne le réalisateur, « espère en l’amour ».

Film français de Christophe Honoré avec Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste 

BD - 1629 en mer


En 1629, la compagnie maritime néerlandaise domine le commerce mondial. 

Ses navires sillonnent les océans. Le plus moderne, le Jakarta, va partir pour les Indes. C’est ce périple dramatique que Xavier Dorison raconte dans cet album de BD de luxe dessiné par Thimothée Montaigne.

Plus de 130 pages pour un huis clos à bord, avec complot, meurtres, tentative de mutinerie et justice expéditive. Finalement c’est la mer qui aura le dernier mot avec un naufrage dans les mers du Sud. Sans doute le meilleur album (et le plus beau) de cette fin d’année 2022.

« 1629 » (tome 1), Glénat, 35 €

mercredi 14 décembre 2022

De choses et d’autres - La raclette et le black-out

Je vous ai déjà expliqué précédemment dans ces lignes l’effet toujours bénéfique sur le moral de l’ajout de fromage fondu sur nos aliments. Un principe qui connaît son summum, le 13 décembre, la journée mondiale de la raclette.

Et certains prennent cela très au sérieux, puisque, ce jour-là, mardi prochain, la marque RicheMonts ouvrira les portes de son premier Hot Spots à Paris : « le spot le plus fondu de France ! » selon le slogan officiel. Jusqu’au dimanche 18 décembre, ce restaurant éphémère proposera des menus originaux à base de… raclette.

Le tout dans une ambiance conviviale avec set de DJ, le soir, pour éliminer les milliers de calories ingurgitées auparavant. Car le fromage fondu, c’est peut-être bon pour le moral, mais côté santé physique, cela laisse à désirer, dès qu’on en abuse.

Seul avantage pour la danse, cela amplifie les poignées d’amour si pratiques pour bien s’agripper à son ou sa partenaire. La raclette est un classique des fêtes de fin d’année et d’une façon générale de l’hiver. Seul problème, cette année, les appareils qui permettent de griller la charcuterie et fondre le fromage sont particulièrement énergivore.

Si 100 000 Français décident de déguster une raclette, en même temps, entre 19 h et 20 heures, les deux centrales nucléaires relancées dans la semaine ne suffiront pas pour alimenter tout le pays. On risque le délestage ou, carrément, le black-out. Voilà pourquoi je vous conseille, à l’avenir, de n’organiser des raclettes qu’aux chevets de malades hospitalisés, en compagnie d’une brigade de gendarmerie ou chez les pompiers. Au moins, vous serez assuré de ne pas devoir manger la coppa crue et le fromage dur.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 10 décembre 2022

mardi 13 décembre 2022

De choses et d’autres - Ultime fiction

Si le réseau Twitter est en train de filer un mauvais coton, il reste une mine de créativité pour certains membres imaginatifs. Parmi mes plaisirs coupables quasi quotidiens, la lecture des fictions courtes de François Houste de la série Mikrodystopies.

En quelques caractères, il imagine un futur perturbé par les intelligences artificielles. J’avais beaucoup aimé celle, assez mignonne, du four hacké : « Les pirates avaient pris le contrôle du four connecté. La demande était claire : Si vous ne payez pas 5 000 €, nous saboterons la cuisson de tous vos cookies. » On peut sourire, mais souvent, c’est un peu plus pessimiste.


Beaucoup pour celle qui a été publiée le 5 décembre : « C’est inutile, lui dit l’Intelligence Artificielle. J’ai déjà imaginé tous les futurs possibles, et il n’y a pas d’issue. Maintenant asseyez-vous, reposez-vous et profitez des quelques heures qu’il reste encore à l’humanité. »

J’ai parfois l’impression que cette fiction est notre réalité. À peine remis du Covid (qui revient au galop), la guerre en Ukraine a laissé planer la crainte de l’hiver nucléaire sur l’Europe. Les Russes semblaient prêts à raser Londres et les autres capitales en représailles. Les ogives sont restées dans leurs silos. Mais d’autres silos sont vides, ceux des réserves alimentaires. La famine nous guette avec des prix qui explosent.

Et de toute manière, si une vague de froid s’abat sur le pays, nous serons des milliers à mourir de froid, sans électricité.

Face à toutes ces probabilités, j’aimerais maintenant qu’une véritable intelligence artificielle me donne la véritable date de la fin du monde. Ou mieux, qu’elle prenne le pouvoir et sauve l’Humanité. Même si ce n’est certainement pas dans son intérêt.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 7 décembre 2022

lundi 12 décembre 2022

De choses et d’autres - L’âge de ses artères

Hier vendredi, j’aurais peut-être dû jouer à l’EuroMillions. Comme pour tenter de contrecarrer ma malchance du jour. Car en dévoilant les premières mesures et le calendrier de sa réforme des retraites, la Première ministre, Élisabeth Borne, a dévoilé qui seraient les premiers touchés par cet allongement de la durée du travail.

Pas de bol pour votre serviteur, je suis en plein dedans. « La réforme s’appliquera à partir de l’été 2023, donc à partir de la génération née au deuxième semestre 1961 » a-t-elle déclaré au Parisien. Étant de fin septembre 1961, je serai, sans doute, obligé de travailler quelques mois supplémentaires avant de pouvoir dire bye-bye aux collègues et bénéficier d’une retraite complète. A quoi ça sert d’être parmi les fameux boomers, méprisés par les jeunes, si on n’en a plus les avantages sociaux ?


Sauf, bien sûr, si je remporte le jackpot de l’EuroMillions. 130 millions sont en jeu, largement de quoi me placer, d’autorité, en préretraite. Voire en retraite complète, avec pension mensuelle multipliée par 100, avant même la réforme tant décriée.

Ces histoires d’âge, de retraite et de revenus, passent très largement au-dessus de la tête d’Harrison Ford. L’interprète d’Indiana Jones, 80 ans, sera à l’affiche, le 28 juin prochain d’un 5e volet des aventures de l’archéologue au fouet. Et lui, ne fait pas l’âge de ses artères, puisqu’il semble avoir, littéralement, à peine trente ans, dans la scène d’ouverture du film d’action. Miracle des effets spéciaux numériques capables de rajeunir à la palette graphique un vieux croûton tout ridé.

Certaines anciennes stars du cinéma, français et mondial, vont regretter les millions investis dans des opérations de chirurgie esthétique, très rarement concluantes.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le samedi 3 décembre 2022

dimanche 11 décembre 2022

De choses et d’autres - Patrimoine croustillant

Il y a les ours du Vallespir, passés inaperçus, en dehors de notre région, et puis la baguette, à la une de tous les médias. Tous les deux sont entrés, ce mardi, au patrimoine immatériel de l’Humanité. Le premier est partagé avec l’Andorre, mais le second est spécifiquement français. Longtemps, avec le béret, la baguette a caricaturé le Français moyen qui la porte coincée sous le bras.

Pourtant, ce pain si particulier est assez récent. La baguette correspond surtout à une industrialisation de la boulangerie. Et une baisse des prix. Les plus anciens des lecteurs se souviennent des campagnes de publicité pour la baguette à un franc, menée par une grande chaîne de supermarchés. Pas chère, mais certainement moins bonne. Beaucoup d’artisans ont résisté. Finalement, le marché et la concurrence ont fait qu’eux aussi ont proposé des baguettes industrielles à bas prix.

Franchement, cette baguette-là ne mérite pas son inscription au patrimoine universel. Ce n’est qu’une pâle copie d’un produit beaucoup plus intéressant dans ses nouvelles formes. Ce n’est pas la baguette qui aurait dû être protégée, mais tout l’art de la boulange à la française. Car, entre un gros pain rond au levain, à la farine d’épeautre bio et une baguette issue d’une pâte surgelée fabriquée à la chaîne, il n’y a pas photo.

Par chance, il reste encore quelques boulangers qui fabriquent de véritables baguettes. Généralement, les clients connaisseurs savent exactement à quelle heure elles sortent du four. Car, il est vrai qu’une baguette tradition, encore tiède, tartinée de beurre et de confiture, reste le meilleur moyen de profiter du café ou chocolat matinal et de débuter une journée, peut-être un peu franchouillarde, mais que le monde entier nous envie.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 2 décembre 2022