vendredi 4 novembre 2022

Jeunesse - Oktobre dans la nature


Ce livre richement illustré de Steve McCarthy devrait donner envie aux petits lecteurs de sortir de leur zone de confort et d’aller à la découverte de La nature sauvage. Cet album grand format de 40 pages pour les enfants à partir de 5 ans (collection Pastel), raconte la vie mouvementée de la famille Vasylenko. 


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2 enfants, tous plus aventureux les uns que les autres. Excepté Oktobre qui préfère rester au chaud dans sa maison, à lire des livres. Ses découvertes, elles ont la forme d’images sur le papier, de textes relatant des exploits aux quatre coins du monde. Mais ce n’est pas comme cela qu’on grandit. Oktobre va devoir sortir et affronter la nature sauvage. 

Un conte d’apprentissage pour donner confiance aux plus jeunes face à l’inconnu.

« La nature sauvage », L’école des loisirs, 15 €

De choses et d’autres - Du rêve sonnant et trébuchant

Un certain Ludovic Girodon, qui se présente sur Twitter comme « formateur, conférencier au service des managers et de leurs équipes » m’a rappelé combien le jargon en vogue dans ce milieu est dramatiquement infantilisant. Et surtout comment il est facile de se moquer de ces idiots utiles au monde sans pitié de l’entreprise.

Selon son expérience, le sieur Girodon estime que « pour maintenir votre équipe engagée, pensez D.R.E.A.M. » Du rêve. Et de traduire le mot anglais en acronyme : « Direction (avoir du sens), Reconnaissance (être valorisé), Environnement social (bonne ambiance), Autonomie (responsabilisé), Montée en compétences (apprendre de nouvelles choses). »

La belle démonstration que voilà. Mais selon beaucoup de commentaires, il manque quelque chose d’essentiel pour que l’équipe soit aux taquets. Un internaute le résume par une autre définition du fameux D.R.E.A.M. : « Dinero (être bien payé), Radis (être bien payé), Euros (être bien payé), Argent (être bien payé), Monnaie (être bien payé) ». Un autre oublie le DREAM pour clamer haut et fort que ce qu’il faut aux équipes c’est du pognon !

Ceux qui doutent de l’efficacité de cette version du DREAM devraient aller regarder du côté des rémunérations des super managers, autrement dit les PDG de grandes sociétés du CAC 40. Ils ne cherchent ni reconnaissance ni montée en compétence. Tout ce qu’ils demandent, ce sont des augmentations de leurs émoluments et autres primes. Progressions généralement supérieures à 10 %. Faudrait quand même pas que l’inflation grignote leur pactole à ces pauvres malheureux.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mercredi 2 novembre 2022

jeudi 3 novembre 2022

Cinéma - “Mascarade”, méfiez-vous des apparences

Ils sont beaux, riches et célèbres. Mais derrière les masques, la réalité est peu glorieuse. 

Adrien (Pierre Niney), jouet sexuel de Martha (Isabelle Adjani), star sur le retour.  LES FILMS DU KIOSQUE - PATHÉ FILMS

Comédie clinquante pleine de strass, de paillettes et de luxe, Mascarade de Nicolas Bedos, sous des airs de jolie réalisation très léchée, est un film qui joue sur la saleté de l’âme humaine. Les quatre protagonistes de ce film se déroulant sur la Côte d’Azur, entre villas de rêve et palaces de légende, sont beaux, parfois très riches et ne manquent de rien. Juste d’un peu d’humanité. Beaucoup en fait. 

Toute l’histoire de ce qui aurait pu être une comédie romantique - et se révèle un thriller social machiavélique - tourne autour du personnage de Martha. Cette star du cinéma, interprétée par une Isabelle Adjani décrochant enfin un rôle à la démesure de son talent, donne une réception dans sa villa avec vue sur la baie de Nice. Elle veut montrer, exhiber plus exactement, à ses connaissances son nouveau jouet, Adrien (Pierre Niney), prétendument écrivain, gigolo de son état. A cette soirée, il croise Margot (Marine Vacth), qui, elle, est la dernière conquête d’un riche notable local. Entre ces deux jeunes pour qui l’amour n’a jamais été une réalité tangible, les points communs sont nombreux.

Presque un film féministe

Avec une même envie de mettre fin à cette existence qui ressemble furieusement à de l’esclavage. Le gigolo et l’escort vont unir leurs talents pour ponctionner quelques millions à la tyrannique Martha et au trop naïf homme d’affaires, Simon (François Cluzet), une proie de choix pour Margot. 

Nicolas Bedos, pour son nouveau film, signe un scénario alambiqué, aux multiples rebondissements, dévoilant, par petits bouts, les véritables personnalités des uns et des autres. Si les « vieux », Martha et Simon, sont assez lisibles (méchanceté et égoïsme de la première, prétention et trop grande estime de soi pour le second), le profil des « jeunes » est plus complexe. Si Adrien est dans le regret après avoir dû abandonner une prometteuse carrière de danseur classique sur blessure, Margot fonctionne essentiellement sur la colère contre les hommes ; tous les hommes, sans exception. Ils croient la posséder, en réalité c’est elle qui les manipule, toujours avec deux coups d’avance. 

Un film féministe, finalement, même si le portrait de Martha est au vitriol et à charge. Comme si Nicolas Bedos, pour compenser la tendresse qu’il a pour le personnage de Margot, devait compenser en retrouvant sa méchanceté légendaire dirigée, cette fois, vers une Isabelle Adjani, toujours aussi belle, mais terriblement odieuse.

Film de Nicolas Bedos avec Pierre Niney, Isabelle Adjani, François Cluzet, Marine Vacth

De choses et d’autres - L'art moderne peut nous mettre la tête à l’envers

L’art contemporain et abstrait, s’il passionne certains, en déstabilise d’autres. Il est parfois bien compliqué de déterminer le haut du bas de certaines compositions. Heureusement, les artistes ont souvent conservé ce signe distinctif et très classique de signer l’œuvre en bas. Une indication importante qui permet de mettre un Soulages ou un Klein dans le bon sens.

Mais attention, toutes les œuvres ne sont pas signées. Par exemple, le tableau intitulé New York City 1 de Piet Mondrian est dépourvu de la moindre indication. Or, une spécialiste de l’artiste, a révélé que cette toile est exposée, depuis plus de 50 ans, à l’envers.

Elle a été présentée dans divers musées, le haut en bas, le bas en haut. Selon son interprétation, les lignes de ruban collant jaune et rouge plus rapprochées ne symbolisent pas la ligne d’horizon (le bas du tableau), mais un ciel sombre (le haut de l’œuvre). Le problème, c’est qu’il est désormais impossible de retourner simplement la toile. Ancienne et fragile, les rubans pourraient se décoller.

Comment voir l’œuvre dans le bon sens ? Je suggère aux véritables amateurs d’art d’installer face à New York City 1 de Mondrian, un de ces engins de torture réservés aux futurs astronautes et qui leur permettent d’appréhender l’absence de pesanteur en les maintenant tête en bas durant de longues heures. Chaque visiteur aura la possibilité de s’arnacher et de profiter de l’œuvre, dans le bon sens.

Pour les plus lestes (ou casse-cou, dans tous les sens du terme), il est simplement envisagé de leur demander de faire le poirier face au tableau. Au moins, pour une fois, visiter un musée sera également source de dépense physique.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 31 octobre 2022

mercredi 2 novembre 2022

BD - Vilains super marrants

Beaucoup d’entre vous rêvent d’avoir un superpouvoir. Et si ça se trouve, vous êtes nombreux à en avoir un. Mais restez discrets car il y a pouvoir et pouvoir. Sur ce constat, Philippe Pelaez (scénariste) a imaginé une BD illustrée par Morgann Tanco. Ils sont trois, adolescents dans un lycée de province, à s’être découvert un don. Mais qu’en faire ?


Sandra peut déclencher une diarrhée, Wilma casser votre smartphone et Hugo vous rendre amoureux. Contrairement au titre de la série, ils ne vont pas devenir des Super Vilains. Au contraire ils vont déployer des trésors d’imagination pour transformer leurs pouvoirs en arme contre la bêtise.


Cela donne des scènes assez croquignolesques qui feront sourire voire rire à gorge déployée comme cette prof de physique prise d’un besoin pressant en plein cours, un CPE qui craque pour son adjoint, un vigile découvrant l’amour auprès de son berger allemand.

Et comme les auteurs sont généreux, il y a également un jeune qui parle aux crustacés et un autre qui peut se téléporter. Mais ce dernier don a un bug… 

Super vilains de Morgann Tanco et Philippe Pelaez est édité par Fluide Glacial et coûte 12,90 €

Chronique parue en dernière pager de l’Indépendant le samedi 29 octobre 2022

mardi 1 novembre 2022

De choses et d’autres - Le sauveur de la planète

Mort à 94 ans la semaine dernière, Amou était un peu un précurseur dans la préservation de l’eau sur Terre. Cet Iranien, qui vivant seul en ermite, ne s’est pas lavé durant 50 ans. Longtemps, il a été considéré comme l’homme le plus sale du monde. Mais finalement, au vu de la crise climatique, il a terminé sa vie en exemple, devenu l’homme le plus économe en eau de la planète.

 

Comment a-t-il fait pour ne pas attraper toutes les maladies possibles et imaginables ? Mystère car Amou, en plus d’être recouvert de crasse, les cheveux filasses, vivait dans une décharge, ne mangeant que des carcasses d’animaux morts au milieu de montagnes d’immondices.

L’eau devenant de plus en plus rare (comme l’essence, la moutarde et l’huile de tournesol), la vie d’Amou pourrait bien, dans quelques décennies, devenir un exemple pour tous ceux qui tenteront de survivre malgré les restrictions. Le peu d’eau disponible sera utilisé en priorité pour se désaltérer. Dès lors, se laver sera assimilé à un luxe dont on peut tout à fait se passer puisqu’Amou l’a fait durant plus d’un demi-siècle.

Pour montrer qu’on est un bon citoyen soucieux de l’avenir de la planète, il faudra, en plus de rejeter les jets privés (facile…) et de se déplacer à vélo à la place de la voiture (un peu plus compliqué), s’afficher avec des cheveux sales, une bonne couche de saleté sur le visage et sentir le bouc.

Saint Amou sera vénéré par ses adeptes qui, comme lui, resteront célibataires toute leur vie. Mais ça, ce sera le plus facile à faire. Autre avantage : la natalité va rapidement s’écrouler et toutes les autres espèces vivantes terriennes ne s’en porteront que mieux.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 28 octobre 2022

lundi 31 octobre 2022

BD - Epidémie et vie du futur

En science-fiction, le genre postapocalyptique a beaucoup connu de succès dans le passé. Quand une guerre nucléaire menaçait. Dans La Source de Runberg, Truc et Branchereau au scénario, ce type de récit revient à la mode. 

Quelques années après l’effondrement de la société occidentale, une petite communauté libertaire tente de survivre dans l’arrière-pays. Mais une épidémie décime la population. Et le dernier herboriste est assassiné avec toute sa famille. Qui en veut au groupe ? 

Une ancienne flic est chargée de trouver les coupables. Et les démons du passé (violence, autoritarisme, pouvoir) reviennent en force. 88 pages dessinées par Damour qui racontent un futur plus que probable.  

« La source » (tome 1), Philéas, 18,90 €

BD - Loin de la Tour

Seconde partie de l’ambitieuse série futuriste écrite par Jan Kounen et Omar Ladgham. Destinée au cinéma, cette histoire a finalement été réalisée en BD par Mr Fab. 

Un virus a décimé 99 % de la population. Ne survit qu’une petite communauté protégée dans une immense tour construite au centre de Bruxelles. 

Un bâtiment autonome, avec serres intégrées, production d’air et d’électricité. Des années après, deux communautés s’affrontent : ceux qui ont connu le monde libre d’avant et les jeunes, qui ont toujours été enfermés. 

Dans ce tome 2, Atami, jeune et intrépide, décide de tenter une sortie. Une série réaliste qui bascule dans le fantasmagorique dans les dernières pages. 

« La tour » (tome 2), Glénat Comix Buro, 15,50 €


dimanche 30 octobre 2022

Cinéma - “Simone”, de l’enfer des camps à l’Europe

Exemplaire vie que celle de Simone Veil. Femme politique courageuse, dévouée et pleine d’empathie, très jeune, elle a connu l’enfer des camps de concentration.


Deux visages pour interpréter Simone Veil à deux étapes de sa vie : Rebecca Marder et Elsa Zylberstein. Marvelous Productions - France 2 Cinéma - France 3 Cinéma

De la passion, du dévouement, de l’empathie. Mais aussi beaucoup de souffrance. La vie de Simone Veil, portée au grand écran, par Olivier Dahan, est exemplaire de ce XXe siècle européen, entre guerres fratricides et paix durable conquise par des visionnaires dont elle faisait clairement partie. 

Si les premières images du film montrent une Simone Veil enfant, heureuse dans la propriété de son père, en bord de Méditerranée, le film abandonne rapidement la chronologie simple pour faire des sauts dans le temps. Car si la femme politique est connue pour la loi légalisant l’avortement en France, elle a une vie avant. Mais il était compliqué de débuter par l’épisode des camps. Le film contourne la difficulté, présentant une femme publique forte qui perdait pied, parfois, dans le privé, quand les cauchemars récurrents la submergeait. Des petites touches qui préparent le spectateur à la vision de l’enfer. Le final est bouleversant. Reste que Simone Veil a aussi compté dans la vie politique française. Féministe avant l’heure, humaniste et à l’écoute des Français, elle a, contre vents et marées, toujours tenté de faire évoluer, de moderniser, la société française. 

Paradoxalement, elle a toujours été dans des gouvernements de droite, obligée de se battre contre ses propres forces politiques. Elle qui a souvent des positions plus progressistes, l’exemple de l’interruption volontaire de grossesse étant le plus parlant. Au Parlement, au moment du dépouillement des votes, elle sait qu’elle peut compter sur les 200 voix de l’opposition. Reste à convaincre quelques centristes et gaullistes qui ont souvent été odieux à la tribune (« Des histoires de bonnes femmes… »). Cette partie, la plus connue de son histoire, est présente, mais pas la plus importante. 

L’intérêt de Simone, le voyage du siècle réside avant tout dans cette plongée dans le passé d’une adolescente déportée avec toute sa famille. Son père et son frère seront rapidement exécutés. Avec sa mère et sa sœur, elles vont survivre de longs mois aux privations, à la marche de la mort, aux travaux forcés. La jeune Simone Jacob sera durablement marquée par la longue agonie de sa maman. Et mettra de nombreuses années à retrouver une vie normale. Et cela reste le message le plus fort du film : ne jamais oublier, toujours se souvenir de l’horreur, de l’ignominie d’une politique d’extrême droite toujours à l’affût. Elle en fera l’amère expérience lors de sa candidature aux élections européennes, l’autre grande réalisation de cette vie d’exception. 

Film d’Olivier Dahan avec Elsa Zylberstein, Rebecca Marder, Élodie Bouchez


BD - Secret préservé à "Jamais"

Bruno Duhamel, en racontant le combat de Madeleine, octogénaire aveugle qui veut sauver sa maison en bord de mer, a frappé un grand coup. Quelques années plus tard, il reprend le cadre et les personnages pour imaginer une suite tout aussi savoureuse. 

Le maire, qui voulait faire détruire la maison menacée par l’érosion de la falaise est en pleine déprime. Il est devenu le méchant. Madeleine, elle, symbole de la lutte contre l’administration sans cœur est adulée. 

C’est dans ce cadre qu’un nouvel éboulement va faire ressurgir des secrets profondément enfouis. Dialogues percutants, situations cocasses, personnages attachants : la magie de cette histoire simple mais universelle fonctionne une seconde fois.  

« Jamais » (tome 2), Bamboo Grand Angle, 16,90 €