samedi 16 avril 2022

Roman - Un fantôme nommé Marcello

Mais qui est ce vieil homme qui tombe littéralement sur la tête du narrateur ? Ce roman de Thomas Vignau, se déroulant dans une ville fantasmée qui ressemble étrangement au Montpellier de sa jeunesse, fait se croiser deux originaux. 

Le narrateur, donc, un étudiant qui ne sait plus trop quoi faire de sa vie entre études dilettantes, boulot alimentaire (à cuire des frites), soirées destroy avec les potes, fumette et visionnage intensif de films du patrimoine. Il se cherche. Tous les jours : « Aujourd’hui était une montagne devant moi. Chaque matin je me retrouvais à ses pieds et je recommençais l’escalade à zéro. L’unique caillasse que je trimballais sous les nuages […], c’était ma solitude. » L’autre protagoniste de Marcello & Co c’est justement le fameux Marcello. On ne sait pas s’il s’appelle véritablement comme ça. Mais pour le narrateur, sa ressemblance avec l’acteur italien de 8 et demi est une évidence. Marcello, tombé du ciel en pleine rue, qui va tous les matins boire des rosés en lisant le journal avant de distribuer des petits bouts de papiers à des connaissances. Le narrateur l’observe, se passionne pour cet homme énigmatique et ses rituels, s’interroge aussi : « Pourquoi est-ce que cela me faisait tant d’effet ? Est-ce que je commençais simplement à partir en sucette ? »

Le style direct et sans fioritures de Thomas Vinau permet au lecteur de ressentir la curiosité de l’étudiant, découvrant avec lui ce jardin merveilleux, préservé en pleine ville, sorte d’antre de savant fou. Une échappée vers le fantastique, qui donne une ampleur à ce texte très étonnant. Finalement, après une partie d’une poésie absolue, on comprend la finalité de ce qui ressemble à la naissance d’une vocation quand il prend conscience que « chaque expérience, même quotidienne, même triviale, heureuse ou pas, pourrait m’aider à écrire. Et inversement, que le moindre moment consacré à la littérature m’aiderait à vivre. »

« Marcello & Co » de Thomas Vinau, Gallimard, 19 €

vendredi 15 avril 2022

Cinéma - Les cœurs du chœur carcéral

Mais quel joli film choral et musical que cet A l’ombre des filles d’Étienne Comar. Pourtant l’exercice s’annonçait périlleux.


Luc (Alex Lutz) est un célèbre chanteur lyrique. Il semble obligé de faire une pause dans sa carrière, après un événement dramatique. Loin des scènes européennes ou des festivals estivaux, il va passer une partie de l’été à animer un atelier de chant dans une prison pour femmes. La première partie du film va permettre au spectateur de faire connaissance avec ces femmes, ce professeur si particulier et cet univers oppressant. 

Si Luc n’en dit pas beaucoup sur sa carrière, il n’en demande pas plus à ses stagiaires. Comme il l’explique, un peu plus tard, il ne veut pas savoir pourquoi elles sont en prison, ce qui l’intéresse c’est leur personnalité. Le tour de force du film aura été de réunir un casting assez incroyable pour un film choral au ton très social. 

Parmi les chanteuses, qui au final se produiront devant les autres détenues, il y a Carole (Veerle Baetens), grande gueule qui espère devenir chanteuse pro, star exactement,  Jeanine (Marie Berto), la plus âgée, la moins douée et qui sait parfaitement qu’elle mourra en détention, Jess (Hafsia Herzi), la plus jeune, la plus fragile, bourrée de médocs, au ralenti, brindille portée par le courant, Noor (Fatima Berriah), la politique qui n’hésite pas à dire ses 4 vérités au prof qui vient s’acheter une bonne conscience, Marzena (Anna Najder), polonaise qui espère surtout améliorer son français. 

Dernière composante de la chorale : Catherine (Agnès Jaoui). Une voix pure, d’exception. Luc est en admiration. Mais chanter ne l’intéresse pas du tout. Elle ne fait cet atelier que pour obtenir une réduction de peine… 

Le reste du film montre ces répétitions, compliquées, enthousiasmantes, interrompues parfois par une bagarre. On n’oublie jamais que l’on est dans une prison. Notamment lors du spectacle final, apothéose d’un film musical pas comme les autres.

"A l’ombre des filles", film d’Etienne Comar avec Alex Lutz, Agnès Jaoui, Hafsia Herzi, Veerle Baetens, Marie Berto


De choses et d’autres - Brosse à mascara originale

Je vous ai raconté ici même, il y a quelques semaines (le 14 février dernier exactement, jour de la Saint-Valentin...), comment des chercheurs britanniques ont découvert que l’intérieur de certaines voitures étaient encore plus sales que des cuvettes de WC.

Ces chercheurs anglais sont visiblement passionnés par la saleté sous toute ses formes puisqu’une nouvelle étude vient de mettre en évidence un objet là aussi encore plus sale que ces fameuses cuvettes. En découvrant l’étude, je n’ai pas pu m’empêcher de me demander si c’étaient de nouveaux WC qui étaient analysés ? 

Si c’est bien le cas, je plains ce chercheur, persuadé au début de son cursus scientifique qu’il va décrocher un Nobel dans quelques décennies et qui se retrouve toutes les trois semaines à ponctionner à l’aide de cotons tiges les pires recoins des toilettes publiques de son laboratoire... On n’a pas toujours la carrière à laquelle on rêve en étant jeune. Quelle que soit sa spécialité.
Cette fois ce sont les pinceaux de maquillage contenus dans les trousses qui seraient beaucoup plus infectés par des microbes, bactéries et autres crasses rédhibitoires. Sur les 12 pinceaux testés, les scientifiques ont découvert plus de 4000 colonies de levures et de bactéries.

Cette étude scientifique on ne peut plus sérieuse se termine par une image qui risque de me hanter longtemps : En clair, mesdames, c’est comme si vous vous mettiez du mascara mais avec la brosse des WC. Pas pratique et vraiment dégoûtant.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 22 avril 2022

jeudi 14 avril 2022

DVD - "Le vétéran" vous tiendra éveillé...

DVD et Blu-ray. Un film avec Liam Neeson en vedette, c’est l’assurance qu’on ne s’endormira pas en cours de route. L’acteur aime l’action et les rôles qui dépotent. Il n’est pas déçu dans « Le vétéran », un film inédit en salles de Robert Lorenz qui vient de sortir en DVD et blu-ray chez M6 Vidéo. On retrouve dans la distribution de ce road movie à travers les étendues sauvages des USA, Katheryn Winnick (Vikings) et Juan Pablo Raba.  

Le scénario est classique dans le registre de la veuve et l’orphelin secourus par le « bon ». Poursuivis par les membres d’un cartel mexicain, une mère et son fils traversent la frontière qui sépare le Mexique de l’Arizona et se retrouvent sur les terres de Jim Hanson. Aigri, vieillissant, le vétéran de guerre veuf et désabusé va aider le garçon orphelin à traverser les États-Unis, poursuivis par des criminels et des policiers corrompus.

BD – Le retour des Mémés trash

Les personnes âgées sont de plus en plus à la mode dans la bande dessinée humoristique. Le succès des Vieux fourneaux (bientôt une seconde adaptation au cinéma avec Pierre Richard) en est la preuve. Pourtant les vieux ont toujours eu une place à part dans les pages de Fluide Glacial.

Mais pas les gentils, les marrants, plutôt les hargneux, sales, méchants et dégoûtants. Pervers Pépère en tête, sans oublier Carmen Cru. Deux dignes représentants de la vieillesse indigne rejoints par Les Mémés de Sylvain Frécon. Un second tome de gags de ces trois mégères décaties devrait faire rire aux éclats toutes les générations.

Toujours très attirées par le sexe (même si elles ne pratiquent plus), elles se posent aussi beaucoup de questions sur la mort. Du moins en dehors des horaires d’ouverture du Coccimarket. Elles sont souvent malades, souffrent d’Alzheimer du dos ou d’œdipe du pied.

Il y a même une allusion aux prochaines élections. A la sortie du bureau de vote, Huguette demande à Lucette « Vous avez voté pour qui ? ». Réponse embarrassée de la copine « Je sais pas trop… j’ai oublié mes lunettes ! »

Rassurant quand on sait que le prochain président de la République sera essentiellement élu par le 3e âge.

«#Lesmémés » (tome 2), Fluide Glacial, 12,90 €

 

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le samedi 26 mars 2022

mercredi 13 avril 2022

DVD - Les petits tracas d'une "Femme du monde"

DVD. Un métier comme un autre ? Certainement pas ! Des préoccupations quotidiennes comme les autres ? Évidemment. ! Le métier de prostituée est au centre du film « Une femme du monde » de Cécile Ducrocq qui sort en DVD chez M6 Vidéo. 

Marie (Laure Calamy), exerce à Strasbourg, en totale indépendance. Elle cherche le client au volant de sa voiture, a quelques habitués. 

Elle n’a pas beaucoup d’argent, mais suffisamment pour élever son fils. Mais face à son échec scolaire, elle décide de l’inscrire dans une école privée élitiste. Elle va devoir trouver une grosse somme d’argent en peu de temps. Marie quitte son relatif confort pour aller enchaîner les passes dans un bordel allemand. 

Un film réaliste et social avec une Laure Calamy magistrale dans ce personnage partagé entre un métier si dur et ce rôle de mère aimante si compliqué à assumer.  


De choses et d'autres - Pénélope pique la place d'Ulysse

Petite révolution dans le monde de la critique cinématographique : le journal Télérama, bible des cinéphiles exigeants, a décidé de bouleverser, en profondeur, son système de notation des films. Depuis les années 50, en plus des critiques écrites et étayées, le journal place à côté du titre un petit pictogramme (il y en a 5 de disponibles) pour dire si l’œuvre est excellente (Bravo !) ou à fuir (Hélas). Ces indications passaient par le visage d’un petit personnage nommé Ulysse.

Or, désormais, Ulysse est parti à la retraite et a laissé la place à… Pénélope. Une femme à la place d’un homme, voilà bien une tendance générale qui ne se dément pas. Et même dans la réalisation des visages stylisés de la nouvelle critique de Télérama, une femme est à l’honneur. Le dernier Ulysse était dessiné par Riad Sattouf, la nouvelle Pénélope est croquée par Pénélope Bagieu.

En présentant Pénélope, l’hebdomadaire culturel a refait l’historique de son système de notation. On découvre, alors, assez étonné, que pendant longtemps, en plus des critiques artistiques, le journal, issu d’un groupe de presse chrétien, émettait également des réserves dans le domaine moral. Le plus étonnant, une certaine « Centrale catholique du cinéma » donnait aussi des avis, peu conciliant. Il était recommandé de « s’abstenir de voir » certains films, d’autres, sans doute moins sulfureux, étaient simplement « à ne pas voir, sauf pour de sérieuses raisons. »

Voilà une formulation qui me laisse assez dubitatif. Surtout quand elle concerne un film comme « Le Rebelle » (1950) de King Vidor, avec Gary Cooper, qui aurait, selon certains, sa place au Panthéon du cinéma américain.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 24 mars 2022

mardi 12 avril 2022

Série télé - Acculer le tueur de l’ombre

Série télé. Découverte récemment sur Arte, la série Le tueur de l’ombre est de retour pour une seconde saison. Si vous avez raté la diffusion sur la chaîne et la plateforme, vous pourrez vous rattraper avec le coffret DVD (Arte Vidéo) qui vient de sortir. Et un bon conseil, passez directement à l’intégrale des deux saisons tant l’ensemble est passionnant et parfaitement réalisé. 

Côté littérature, le polar nordique s’est imposé depuis une vingtaine d’années. Comme si dans ces pays froids et gris, le mal était caché derrière chaque tronc d’arbre des immenses forêts. On retrouve dans la saison 2, intitulée La mort est aveugle, la psychologue et profileuse Louise Bergstein (Natalie Madueno). Déjà au centre de la première saison, la belle brune débarque dans une petite ville de province à la demande d’une vielle amie, juge. 

Divorce déclencheur

Il y a cinq ans, le fils de cette dernière, tout juste bachelier, avait été sauvagement assassiné dans les bois environnants. Louise va tenter de relancer l’enquête qui semble au point mort, malgré l’arrivée d’une nouvelle chef de la police locale, Karina Hørup (Helle Fagralid). Si la trame de la série semble assez classique, la forme l’est beaucoup moins car très rapidement, on sait quasiment tout du tueur. Les scénaristes ont décidé de le montrer dans son quotidien de père de famille parfaitement intégré. Mais quand il apprend que sa femme, la mère de son fils unique, décide de divorcer, il bascule de nouveau dans sa folie criminelle et ces nouveaux meurtres vont permettre à Louise d’être officiellement embauchée par la police locale pour tenter de démasquer le coupable. 

Durant ces huit épisodes, rythmés et bourrés de rebondissements, Louise va voir son couple s’effondrer, son amie juge lâcher prise, découvrir une belle complicité avec Karina mais surtout commettre une grave faute qui risque de compromettre définitivement sa carrière dans la police danoise. Cette dernière péripétie un peu tirée par les cheveux qui est le seul petit point noir dans une histoire en tout point remarquable, notamment en ce qui concerne l’étude psychologique, du tueur, mais aussi de l’héroïne, pas toujours simple à suivre. 


De choses et d’autres - Va falloir se réinventer !

Le débat de ce soir est très attendu, mais pas autant que le résultat du second tour. Il y a des priorités incontournables. Enfin, pas pour tout le monde. La vie politique française est plus compliquée que deux chiffres (57 % d’un côté, 43 % de l’autre, c’est mon pronostic) et alors qu’on assiste à un choc frontal de deux conceptions de la vie démocratique totalement incompatibles, des politiciens semblent toujours hors sols.

Prenons Les Républicains, par exemple, ils sont peu enclins à entrer dans la mêlée pour les législatives, car beaucoup attendent avant de voir si, par hasard, ils ne recevraient pas un coup de fil de Matignon, dans une semaine, pour se tenir prêt à, si besoin, enfin, vous comprenez… Les ralliements vont être la nouvelle tendance du printemps 2022.

Chez les socialistes, aussi, le téléphone est vérifié toutes les cinq minutes. Pour beaucoup, c’est la dernière chance de continuer à exister. Certains anticipent d’ailleurs, comme Julien Dray, qui vient de créer son propre mouvement intitulé « Réinventez ! » Avec un point d’exclamation ! Important le point d’exclamation. Il représente, sans doute, la moitié du budget facturé par la boîte de communication qui a vendu le nom du mouvement au sénateur socialiste.

Ce dernier affirme, dans Le Point, qu’il n’est « candidat à rien » et ne cherche qu’à aider « la relève ». Alors pourquoi ne pas choisir une solution plus simple : démissionner de ses mandats, prendre sa retraite et aller cultiver son jardin. Car pour que la relève trouve sa place, il en faut, justement, des places libres.

Mais ce raisonnement ne semble pas effleurer l’esprit des politiques de l’ancien monde qui vont tenter de survivre au nouveau monde 2.0

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 20 avril 2022

lundi 11 avril 2022

Série télé - Terrifiante Cracovie


Si certaines séries diffusées sur des plateformes mondiales ont clairement pour objectif de booster le tourisme des lieux de tournage, cela ne semble pas le cas pour Les monstres de Cracovie, production originale de Netflix se déroulant dans cette ville polonaise au riche passé. Il y a pourtant quelques décors qui méritent le détour, des ambiances sans doute uniques… mais l’ensemble, gris et terne, ne donne pas envie d’aller plus loin. Et pour être totalement franc, la série en elle-même ne donne pas plus l’envie d’aller jusqu’au bout des huit épisodes. 

Dommage, car le début est prometteur. Hania (Kaja Chan), une jeune étudiante veut intégrer le cours d’un célèbre professeur. Elle passe une épreuve, semble la rater, puis un des élèves la séduit et part avec elle faire une balade en voiture. Il fonce alors vers un précipice donnant sur un profond lac, saute de la voiture et laisse Hannia seule dans l’habitacle. Alors qu’elle va mourir, une entité lumineuse intervient et la sauve de la noyade. Le lendemain, Hania se réveille dans la maison commune des étudiants du professeur. 

D’autres jeunes aux pouvoirs fantastiques. Ils forment un groupe chargé de veiller sur la ville de Cracovie, attaquée par des démons. Le dernier en date prend les apparences d’un enfant. Il envoie contre Hania des jumelles (blondes et totalement nues !) puis une sorte de Père Noël crasseux et une horde de zombies. Le scénario manque de cohérence, les acteurs sont peu charismatiques et les trucages entre effets mécaniques ratés et bestioles de jeux vidéo. 

Bref, ces Monstres de Cracovie, qui en plus souffrent d’incroyables longueurs, ne seront pas la série qui fera connaître la peu riante cité polonaise au reste du monde.