dimanche 29 mai 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Marseille culte

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Sans être abonné à Netflix ni avoir vu les deux premiers épisodes de la série diffusés en prime time sur TF1, je peux affirmer avec certitude que "Marseille" deviendra un programme culte. Il suffit de voir quelques extraits méchamment distillés par des "admirateurs" au second degré. Si j'en crois ces petites vidéos, il y est essentiellement question de sexe, d'ambition et d'accent.
Présenté comme la "House of cards" à la frenchie, Marseille est plutôt un mix de "Plus belle la vie" chez les bourgeois et d'une pagnolade du temps des Raimu et autres Fernandel. Si Depardieu en politique bien installé n'en fait pas des tonnes, on ne peut pas en dire autant de Benoît Magimel, qui de l'avis de tous les critiques, est la véritable vedette de l'histoire. Attraction plus exactement.
Affublé d'un accent du sud assez changeant, il surjoue en permanence et passe son temps à grimacer. Grimace quand il prépare un coup tordu. Grimace quand il "honore" une collaboratrice entre deux rendez-vous. Grimace quand il se baigne. Le tout avec des dialogues dignes des plus grands textes surréalistes. "C'est moi qui vais t'enculer avec une poignée de graviers en prime", "À part ma queue, qu'est-ce que tu veux ?" sans oublier celle qui, si vous ne prenez pas au second degré, risque de vous faire tomber au trente-sixième dessous. Magimel, nu dans une piscine, caresse un opposant politique tout aussi dénudé et lui demande, angélique, "Vous trouvez pas ça bizarre... qu'on se touche le zob en parlant de Picasso ?"
Toute la série y est résumée : vulgaire, improbable et irrésistiblement comique.

samedi 28 mai 2016

DVD et blu-ray : "99 homes", thriller sur... la crise de l'immobilier américain

99 homes,crise,usa,immobilier,wildsidevideoComment rendre intéressant un film sur la crise de l'immobilier américain, les fameuses subprimes provoquant l'expropriation de millions de foyers modestes incapables de rembourser leur emprunt. Ramin Bahrani, jeune réalisateur, a placé son film "99 homes" sur le plan humain. Dennis Nash (Andrew Garfield), le principal protagoniste, ouvrier dans le bâtiment, est directement concerné. Au chômage, seul pour élever son fils, avec sa mère à charge, il est persuadé que le tribunal écoutera ses arguments. Mais la justice américaine ne lui accorde que 60 secondes. Une minute pour voir sa vie s'écrouler, sa maison saisie par la banque.
Entre alors en action Rick Carver (Michael Shannon), le courtier en immobilier chargé de récupérer le bien pour l'établissement financier. Un expert en opération délicate, sans états d'âme. Il se fait aider par des policiers qui ont toute latitude pour arrêter les récalcitrants. Pour Nash, c'est la personnification même de ses malheurs. Paradoxalement c'est aussi son sauveur. Carter, séduit par la volonté de Nash, lui propose des petits boulots. Puis il le forme pour devenir son adjoint. Même si ses trafics sont à la limite de la légalité, Nash accepte de le suivre. Car il n'a qu'un seul et unique désir : récupérer sa maison.

Le film semble parfois un peu grossir le trait. Mais les acteurs, excellents, parviennent à faire accepter des situations extrêmes. La fin, relativement ouverte, laisse quand même un petit espoir de rédemption, même si les dégâts sont souvent irréparables. On retiendra surtout de "99 homes" la performance de Michael Shannon dans le rôle du 'méchant'. Certes il est odieux et détestable, mais il reste cohérent, comme si, en y réfléchissant bien, son attitude était compréhensible, pour ne pas dire excusable. La loi du marché...
DVD et blu-ray sont proposés avec un long entretien croisé entre le réalisateur et son interprète enregistré au festival de Deauville, où le film a remporté le grand prix en 2015.
"99 homes", Wild Side Vidéo, 19,99 euros

Livres de poche : contre tous les maux du monde

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Belle opération du Livre de Poche en faveur de l'Unicef. 17 grands noms de la littérature et de la culture francophones (Maxime Chattam, Jean-Louis Fournier ou Romain Puértolas, entre autres) s'unissent pour agir en faveur de l'éducation des enfants dans le monde. Ces nouvelles explorent le continent infiniment riche de l'enfance.
« Enfant, je me souviens... », Le Livre de Poche, 5 euros (1,50 euro sont reversés à l'Unicef pour chaque livre acheté)
livre de poche,folio,1018
Yasmina Reza est connue pour ses pièces de théâtre jouées avec succès depuis des années dans le monde entier. Mais elle a également écrit récits et romans qu'il est toujours bon de redécouvrir. Folio ressort trois de ses textes montrant la richesse de son talent : « Une désolation » (5,90 euros), roman, « Le dieu du carnage », pièce et théâtre (5,20 euros) et « Nulle part » (3 euros), bouleversant récit sur l'enfance.
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Comment surmonter une relation toxique ? Lucia Etxebarria, célèbre romancière espagnole (Amour, Prozac et autres curiosités) a puisé dans son expérience personnelle pour donner des clés à ses lectrices empêtrées dans la même situation qu'elle. Moins léger, plus instructif, un essai essentiel face au mal du siècle.
"Ton cœur perd la tête", 10/18, 8,10 euros

vendredi 27 mai 2016

Roman : la fable de "l'écreuvain"

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Satire du milieu littéraire, ce roman de Joachim Zelter relativise tous les succès de librairies. Le narrateur est écrivain. Un romancier qui peine sur son nouveau bouquin. Un jour il reçoit un mail d'un inconnu simplement intitulé "Selim Hacopian a écrit un livre". Ce Sélim, originaire d'Ouzbékistan, va entrer dans sa vie, l'abordant en lui donnant du "Monsieur l'écreuvain" s'incrustant, cherchant des conseils, des idées pour finaliser son œuvre. Problème, Selim ne sait pas écrire. Mais il a une arme absolue : son CV. Une vie aventureuse qui interpelle une maison d'édition qui répond à ses sollicitations par un incroyable "Nous en voulons plus". L'immigré, chargé du nettoyage des rayonnages d'une bibliothèque, se retrouve bombardé écrivain à succès. De quoi miner le moral du narrateur, nègre involontaire de Selim.
'Monsieur l'écrivain', Joachim Zelter, Grasset, 13 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Cerveau en pause

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A l'ouest, rien de nouveau. Très à l'est de l'Europe par contre se concentrent les modes et dérives de nos sociétés occidentales. Au Japon et de plus en plus en Corée du Sud, sorte de concentré du pire comme du meilleur des nouvelles technologies. Les parents français ont tendance à se plaindre de l'addiction de leurs enfants à leur smartphone ; ils seraient catastrophés en Corée du Sud. Au point que le gouvernement a décidé de légiférer, mettant en place dès 2011 une loi dite "Cendrillon". En clair, les plateformes de jeux en ligne ont l'obligation d'en interdire l'accès aux moins de 16 ans entre minuit et 7 heures du matin. Une loi pour obliger la jeunesse à dormir la nuit. Pas si étonnant quand on sait que de récentes études démontrent que 10 % des jeunes Coréens s'avouent dépendants de ce type de distraction. Ils ne sont cependant pas les seuls dans le pays à abuser du smartphone. En moyenne, un habitant de la péninsule passe 4 heures par jour les yeux rivés à un écran. Une situation dramatique qui a conduit des artistes à organiser un happening appelé "Relax your brain" soit "Relaxez votre cerveau". Les volontaires, téléphone éteint, assis immobiles dans un parc pendant 90 minutes, avaient pour instruction de ne rien faire si ce n'est laisser vagabonder leur esprit. Un exercice "recommandé pour ceux qui souffrent de pensées compliquées", explique après coup l'un des protagonistes. Imparable. Excepté si l'on joue sur son smartphone dans le seul but de se vider la tête de ces fameuses "pensées compliquées".

Cinéma : Machiavélique, "Elle" cache son jeu

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Présenté samedi à Cannes, dans les salles dès ce mercredi, le dernier film de Paul Verhoeven raconte la dérive d'une femme, victime et manipulatrice, jouée par Isabelle Huppert.

Est-elle perverse ? Manipulatrice ? Voire complètement folle ? Le personnage de Michèle (Isabelle Huppert), au centre du film "Elle" de Paul Verhoeven, restera longtemps une énigme pour le spectateur. Cela débute par des cris en arrière-plan de l'image fixe d'un chat noir. La caméra avance et on découvre une femme en train d'être violée par un homme cagoulé. Michèle, patronne d'une société de production de jeux vidéo, vient de se faire agresser chez elle. L'homme s'enfuit. Elle se relève comme si de rien n'était. Nettoie la pièce, jette ses habits, prend un bain où un peu de sang colore la mousse abondante. Une première scène choc avant de découvrir le quotidien de Michèle. Cette grande bourgeoise, froide et souvent arrogante, mène son entreprise d'une main de fer. Elle est associée à sa meilleure amie (Anne Consigny), par ailleurs épouse de son amant occasionnel. Déjà, le réalisateur casse les barrières de la bienséance avec cette histoire de tromperie purement physique. Ce qui n'empêche pas l'héroïne de draguer de façon éhontée, le soir de Noël, son voisin (Laurent Lafitte), marié à une sainte femme pratiquante (Virginie Efira) trop accaparée par la diffusion de la messe de Minuit pour voir ce petit jeu pervers.
Père serial killer
Par ailleurs, Michèle a un fils, grand dadais persuadé de s'affirmer en devenant père alors qu'il n'est que le jouet de sa copine du moment. Cela devient encore plus glauque avec les parents. La mère (Judith Magre), abominablement liftée, s'envoie en l'air avec un gigolo. Le père est en prison depuis plus de 30 ans après avoir massacré une trentaine de personnes un soir de folie dans sa paisible banlieue de province. Arrivé à ce niveau de bizarrerie, on se demande comment le réalisateur va pouvoir aller plus loin. Le violeur va alors de nouveau entrer en scène. Il envoie des messages à sa victime, viole de nouveau son intimité, la maltraite. Mais n'est-ce pas ce qu'elle désire au final quand elle reconnaît que "cette relation est tordue, c'est comme une maladie." Sans être trop démonstratif dans le sexe et la violence, le film de Paul Verhoeven est brillant car transgressif. L'angoisse est palpable dans nombre de scènes. Chaque personnage, de banal, se transforme par quelques attitudes ou réflexions en monstres de perversité en puissance. On devine ainsi ce qui a attiré le réalisateur à adapter ce roman de Philippe Djian. Bredouille à Cannes, "Elle" aurait pourtant largement mérité le prix d'interprétation féminine pour son actrice principale qui s'est donnée corps et âme dans cette incroyable descente aux enfers.
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 Paul Verhoeven, le Hollandais violent
Ses plus grands succès, il les a tournés aux USA. Pourtant Paul Verhoeven est Néerlandais et avant de connaître la gloire avec "Basic Instinct" ou "Robocop" il a tourné six longs-métrages dans son pays d'origine. Le dernier film européen, "Le quatrième homme" a quelques résonances avec "Elle". Sexe et violence (mais ce sont deux ingrédients omniprésents dans toute l'œuvre de Paul Verhoeven surnommé le 'Hollandais violent') mais également le côté pervers et machiavélique de l'héroïne. En 1983, la femme mante religieuse était interprétée par Renee Soutendijk. Jeune et belle, elle est au moins aussi dangereuse qu'Isabelle Huppert dans le film de 2016. Avant de s'attaquer au marché américain, Verhoeven a réalisé un film moyenâgeux d'aventure de commande, "La chair et le sang". Rutger Hauer et Jennifer Jason Leigh portent ce film de genre d'une rare subversité. Pour certains fans, c'est l'œuvre majeure du réalisateur, pour d'autres une simple ébauche de tous les thèmes de ses futures réalisations. Dans "Elle", au climat si trouble, on retrouve un peu de cette perversité angoissante. Comme si le cinéaste européen retrouvait ses racines en tournant pour la première fois en français.

jeudi 26 mai 2016

BD et cinéma : Le géant et l'effeuilleuse

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Le cinéma, avant l'invention du parlant, était un spectacle qui faisait déjà rêver des milliers d'amateurs. Cette bande dessinée écrite par Laurent Galandon et dessinée par Frédéric Blier raconte comment, en 1920, un simple clerc de notaire de province plaque tout pour aller vivre son rêve à Paris : écrire et réaliser des films. Célestin a cependant un handicap : son apparence. Géant obèse, pourtant doux comme un agneau, il découvre les difficultés du milieu et tombe amoureux d'une apprentie actrice, une stripteaseuse vedette d'un petit film montré à la sauvette. Pour la conquérir, il va lui écrire un rôle dans un film 'normal'. Une jolie romance complétée par un excellent dossier sur la naissance du cinéma, confectionné par l'Institut Lumière de Lyon.
"La parole du muet", (tome 1) Bamboo, 13,90 €

BD : Tu seras une voleuse, ma fille


Trop souvent, les parents ne conçoivent pas que leurs enfants ne marchent pas sur leurs traces professionnelles. La jeune Clémence est désespérée. Fille de deux voleurs de la Guilde, elle n'a pas le choix et devra elle aussi apprendre à voler aux riches. Une vie de clandestinité, à chaparder dans les magasins, cambrioler les particuliers et braquer les banques. Elle suit un cursus scolaire hors norme, dans une école cachée dans les égouts de la ville. Mais Clémence n'est pas comme ses camarades de classe. Elle veut être honnête, apprendre la géographie, la biologie et même la géopolitique. Clémence fait le désespoir de ses parents. La nuit, la fillette fait le mur. Pour aller à la bibliothèque, apprendre tout ce que la Ligue des voleurs ne veut pas qu'elle sache. Le scénario de Maïa Mazaurette (illustré par Dagda) est particulièrement futé car il inverse les codes : l'héroïne aspire à une vie tranquille et rangée, alors qu'elle a la chance (du moins pour les jeunes lecteurs) de vivre la grande aventure au quotidien.
"La ligue des voleurs" (tome 1), Jungle, 12 euros

DE CHOSES ET D'AUTRES : Adele à la voix en or

adele, sony, astérix, obélix, enveloppéOn pourrait titrer cette chronique "la revanche de l'enveloppée (*) ». Adele, chanteuse anglaise qui, au début de sa carrière, a subi maintes moqueries visant son physique, très éloigné des canons de beauté actuels (sois maigre et tais-toi) vient de signer un contrat record avec la maison de production Sony Music. Celle qui a vendu le plus de disques en 2015 avec son troisième album décroche la timbale avec un cachet de 90 millions de livres, soit 117 millions d'euros.


A 28 ans, la jeune femme à la voix grave et suave peut voir l'avenir en rose. Mais pas question qu'elle se repose sur ses lauriers car selon la presse britannique, elle devra fournir plusieurs albums à Sony, même si pour l'instant on n'en connaît pas le nombre, ni le rythme, juste le montant : 117 millions d'euros.
Finalement, rapporté au kilo de diva (d'autant qu'elle en a beaucoup perdu ces derniers mois), c'est tout sauf bon marché (non, je ne ferai pas de parallèle avec Carla Bruni). Par contre, si on doit mettre ce chiffre astronomique en regard du nombre de CD vendus ou de vues sur YouTube, l'opération se révèle très intéressante. Son dernier titre, "Hello" a battu tous les records, atteignant le milliard de visionnages en 88 jours. A ce rythme, l'investissement de la major sera vite rentabilisé.
(*) On ne dit plus de quelqu'un qu'il est gros. Non à cause du politiquement correct, simplement de la jurisprudence créée par Obélix depuis l'album "Le tour de Gaule" : "Je ne suis pas gros, tout juste un peu enveloppé... ».

mercredi 25 mai 2016

BD : Le vieux boucher et la fillette


Préparez vos mouchoirs. Zidrou raconte une histoire émouvante et triste, mise en images (en lumière plus exactement) par Arno Monin. "L'adoption" embarque le lecteur dans une de ces relations si fortes qu'elle a la puissance à sa lecture de faire disparaître tout le quotidien autour de soi. Gabriel est un vieux monsieur un peu bougon. Boucher toute sa vie, il fête cette année ses 75 ans. Dans son pavillon de banlieue, il passe le temps entre soirées télé, jardinage, sorties avec les vieux copains et bavardages complices avec sa femme. Il a tout pour être heureux. Une fille qui fait de la politique, un fils... courtier en assurances. Gabriel aurait voulu qu'il reprenne la boucherie, mais le sang ce n'est pas pour Alain. Marié, il n'arrive pas à avoir un enfant avec son épouse. Alors, à la "faveur" d'un tremblement de terre meurtrier au Pérou, ils partent sur place et reviennent avec Qinaya, petite orpheline de quatre ans. Accueil glacial du Papy. Amour débordant de la Mamy. Et comme les parents travaillent tous les deux, pour économiser les frais de baby-sitter, Qinaya va souvent passer des journées, voire des semaines chez ses grands-parents. L'essentiel de l'album raconte cette rencontre magique entre le vieux monsieur et la jeune orpheline. Une tendre complicité au fil des jours, des jeux et des découvertes. Comme si l'ancien boucher, des années à rebours, voulait rattraper les moments qu'il n'a pas pu passer avec ses enfants, pour cause de surcharge de travail. Jusqu'au jour où... Les contes de fée n'existent plus dans notre société. Le tableau est trop beau. Le drame s'invite et on ne peut s'empêcher d'écraser une larme à la fin de l'album, impatient de connaître la suite des aventures de Gabriel et de Qinaya qui signifie "nuage" sur les hauts plateaux du Pérou.
"L'adoption" (tome 1), Bamboo Grand Angle, 14,90 euros