jeudi 13 mars 2014

Polar : "Les fantômes du delta" au Livre de Poche


Une catastrophe écologique et humanitaire est en cours en Afrique. De tous les pays à l'agonie, le Nigeria a pourtant nombre d'atouts. Mais l'exploitation à outrance de ses richesses, naturelles et humaines, condamne ce géant. Ce cauchemar est au centre du second roman d'Aurélien Molas, jeune écrivain français. 
« Les fantômes du delta » plonge le lecteur dans cette Afrique où vivre est parfois si compliqué que la mort fait figure de délivrance, presque de chance. Remarquablement documenté, ce thriller suit le parcours de Benjamin, médecin français et Megan, infirmière américaine. Une fois ouvert, vous ne pouvez plus quitter ce delta, cette lutte pour la vie. Benjamin et Megan, écorchés de la vie vous touchent. Et même les « méchants » aux parcours si complexes sont une raison supplémentaire de dévorer ces 600 pages d'une traite. (Le Livre de Poche, 7,90 €)

mercredi 12 mars 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Tout se sait

Garder un secret devient impossible de nos jours. Vidéosurveillance dans la rue, écoutes téléphoniques, cookies sur internet : ce qui était réservé aux spécialistes il y a quelques années est à la portée de tous aujourd'hui. A chaque nouvelle affaire, la première réaction est toujours de fustiger ces atteintes aux libertés individuelles. Mais bien vite le vieux fond français revient à la surface, celui qui a eu tant de succès durant l'Occupation. Espionner, dénoncer...
Qui ne connaît pas une voisine ou un voisin (et ce bien avant l'apparition du phénomène des voisins vigilants) qui sait tout de vos déplacements, des gens qui vous rendent visite, de l'heure à laquelle vous éteignez la lumière le soir. A la limite mieux que vous.
Ces mêmes personnes qui à présent donneraient cher pour devenir expertes en piratage informatique, juste pour capter les images de vidéosurveillance de leur rue. Un programme devenu incontournable chez les candidats maires même les plus progressistes, et certes plus passionnant que Drucker le dimanche.
Relevons au passage l'initiative de la commune du Cannet dans les Alpes-Maritimes : l'ouverture d'un "police drive". N'importe quel quidam peut signaler un "problème" sans même quitter sa voiture. Vive la délation au volant. Même si au final on n'a rien inventé, les bouches de dénonciation à Venise du temps des Doges fonctionnaient déjà sur le même mode. Il suffisait de glisser un petit mot anonyme dans ces boîtes aux lettres particulières pour faire emprisonner quelqu'un...

En bonus, l'extrait du concert de Hubert-Félix Thiéfaine à Bercy en 2008 ou il propose un "Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable. il y explique "J'me sens coupable d'imaginer la tête laborieuse de certains de mes voisins, de certains de mes proches, de certaines de mes connaissances, de certains petits vieillards crapuleux, baveux, bavards, envieux et dérisoires, appliqués à écrire consciencieusement ce genre de chef-d'oeuvre de l'anonymat J'me sens coupable d'avoir une gueule à être dénoncé "
)
Chronique "De choses et d'autres" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant. 

mardi 11 mars 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Politique, nom féminin

La parité dans les élections, parfait. Reste que cela ne changera pas la mentalité des sexistes. Et comme par hasard, c'est parmi les élus que cette parité, nécessaire pour permettre enfin aux femmes d'accéder au pouvoir, passe le moins.
Pour les sceptiques, ceux qui sont persuadés d'une cabale menée par les féministes toujours promptes à jouer les victimes d'un système machiste, un site internet permet de prendre la juste mesure de la misogynie ambiante. Intitulé "Et sinon, je fais de la politique", il recense, à l'initiative de Karima Delli, députée européenne "plusieurs remarques, réflexions, ou autres 'blagues'. Anodines pour les uns, légères pour les autres, elles s'avèrent simplement sexistes, machistes et parfois insultantes."
Petit florilège. A la fin d'une réunion tardive : "Alors maintenant, tu vas rentrer chez toi, faire des coquillettes au gruyère à ton mari ?" Au cours d'une réunion publique : "Je vote pour ton candidat si tu me montres tes seins." Dans une rencontre entre élus : "T'as été élue grâce à la parité ou une promotion canapé ?" Enfin cette appréciation : "Elle bosse bien, elle est redoutable, et en plus elle est jolie…" Franchement, à la place des femmes politiques qui prennent ça avec humour (ce qui prouve une fois encore leur intelligence), j'aurais répliqué, dans l'ordre : "Tu sais faire cuire des coquillettes, toi ?" "Mes seins, eux, ne font pas de politique" "Et toi, sur le quota beauf ou débile ?" "Tout le contraire de toi qui est fainéant, mou et particulièrement repoussant."
J'en viens à regretter le panachage aux municipales. J'aurais rayé avec plaisir un nom sur deux. Les hommes, évidemment...

Chronique "De choses et d'autres" parue ce mardi en dernière page de l'Indépendant. 

Cinéma - "La cour de babel", le documentaire qui fait aimer l’école

“La cour de Babel”, film de Julie Bertuccelli qui sort mercredi en salle, suit les 25 élèves étrangers d’une classe d’accueil sur une année scolaire. 

En Une du point cette semaine, l’hebdomadaire s’interrogeait « Peut-on encore confier nos enfants à l’Éducation nationale ? » Pour répondre, pas besoin de chiffres ni de programme politique. Il suffit d’aller voir “La cour de Babel”, documentaire de Julie Bertuccelli à l’affiche mercredi prochain. La réalisatrice a suivi avec sa caméra durant une année scolaire complète les 25 élèves de la classe d’accueil d’un collège parisien. Le résultat est une démonstration époustouflante de l’importance de l’école et de sa formidable puissance d’intégration.

En captant ces tranches de vie scolaire, dans toutes leurs candeurs, violences ou difficultés, Julie Bertuccelli met à nu un système souvent critiqué mais pourtant essentiel. Et humain surtout. Cette humanité qui parfois a tant fait défaut dans l’existence de ces étrangers, ballottés au fil des mutations ou des exils forcés de leurs parents.

La genèse du film est d’une simplicité... enfantine. Après avoir réalisé des fictions (“L’Arbre” avec Charlotte Gainsbourg en Australie), « j’avais envie de vivre avec des enfants, confie la réalisatrice parisienne. Quand j’ai découvert l’existence des classes d’accueil, réservées aux enfants étrangers ne maîtrisant pas bien le français, j’ai débuté des repérages. Mais je suis tombée amoureuse de la classe de Brigitte Cervoni. Les enfants venaient de tous les continents. C’était plein d’histoires extraordinaires. » Une fois toutes les autorisations obtenues, Julie Bertuccelli filme des heures et des heures de cours. Beaucoup de discussions à bâtons rompus aussi, une des trouvailles pédagogiques de la prof pour permettre aux plus timides de s’exprimer, aux autres de les corriger et surtout de façonner une cohérence à ce groupe si disparate. .
Du réfugié au concertiste
On découvre les inquiétudes de Maryam, la Libyenne en attente de la décision sur son statut de réfugiée politique, Oksana, l’Ukrainienne à la voix d’or, Luca, l’Irlandais bourru, Andromeda, la Roumaine pour qui la réussite à l’école est une question vitale, Marko, originaire de Serbie, juif persécuté par des néo-nazis, Felipe, le Chilien violoncelliste virtuose venu en France pour intégrer le conservatoire ou encore Xin, adolescente chinoise, en France pour rejoindre sa mère après une séparation de 10 ans. « Il y a des classes heureuses partout, même en banlieue dans les zones difficiles, selon Julie Bertuccelli. Moi je défends l’école laïque, l’école républicaine. Et j’ai plaisir de voir cette école faire émerger des doutes sur la religion. »
Cela ne l’empêche pas de critiquer certaines lourdeurs. « Cette école est un peu sclérosée » regrette-elle, se souvenant de la simplicité de l’accueil anglo-saxon de ses propres enfants quand elle a tourné en Australie. La clé, souvent, réside dans la personnalité du professeur. Brigitte Cervoni, que l’on voit peu mais que l’on entend beaucoup, incarne cette enseignante à l’écoute, pleine d’empathie mais aussi d’autorité.
Cette osmose parfaite, on la vit au fil des mois, avec pour repères temporels les arbres de la cour de récréation. L’apprentissage de la langue passe aussi par le rapprochement entre les élèves. Des amitiés se nouent, des drames aussi. « Il faut que chaque scène fasse avancer le récit » résume la réalisatrice. Et le film réussi ce tour de force de faire partager au spectateur toute l’émotion des liens créés entre ces jeunes déracinés. Une superbe leçon donnée par des élèves... 

lundi 10 mars 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Fraises éphémères


L'arrivée des beaux jours a tendance à modifier nos comportements alimentaires. Même si le printemps est encore loin, le soleil réveille des envies de barbecue ou de fruits ensoleillés. Les producteurs de fraises en Espagne maîtrisent parfaitement cette « bascule » climatique.
Depuis quelques jours, des barquettes rouge vif ont fait leur apparition sur les étals des supermarchés. Et chaque année le même sketch se reproduit. Ça a la couleur et l'odeur des fraises, mais au final c'est... autre chose. Comme Juppé qui « ne mangera plus de cerises en hiver » (livre paru chez Plon en 2009), on doit aussi résister à l'envie de déguster des fraises en mars.
Et cette année, en plus, les agriculteurs ibériques semblent avoir fait une trouvaille qui, utilisée à bon escient, pourrait les rendre riches à millions. Donc, vendredi, par l'odeur alléché, j'achète une barquette de belles et grosses fraises à un prix ridicule. Samedi, j'ouvre le paquet et constate qu'en moins de 12 heures, quasiment tous les fruits sont gâtés. La pourriture s'est propagée aussi vite qu'une rumeur sur les amours présidentielles.
Plutôt que de vendre ces fruits insipides, les agriculteurs espagnols feraient mieux de commercialiser le produit miracle qui accélère la décomposition. Nombre de jardiniers amateurs paieraient cher cette formation quasi instantanée de compost. Comme les « découvreurs » du roquefort, les Espagnols vont peut-être révolutionner le traitement des ordures, mais sans discussion, une fraise pourrie ne vaut pas un roquefort bien fleuri.

Chronique "De choses et d'autres" parue ce lundi en dernière page de l'Indépendant. 

"La princesse des glaces", un polar culte en BD


Si les éditions Dupuis adaptent en BD Millénium, les éditions Casterman on jeté leur dévolu sur l'autre best-seller du polar suédois : « La princesse des glaces » de Camilla Läckberg. En un seul gros volume de 130 pages, Olivier Bocquet (scénario) et Léonie Bischoff (dessin) reprennent à leur compte cette histoire de famille complexe et violente. Erica, biographe, découvre dans sa maison de vacances, le cadavre de son amie d'enfance. Nue dans la baignoire, les veines coupées, la mort remonte à plusieurs jours, l'eau s'est transformée en glace. 
Nous sommes dans une petite ville côtière de Suède. La police ne croit pas au suicide. Et rapidement, un peintre alcoolique, amant de la morte, fait figure de principal suspect. Mais Erica va mener l'enquête de son côté et comprendre que cette mort est beaucoup plus énigmatique qu'il n'y paraît. Elle devra remonter dans ses souvenirs d'enfance pour mettre à jour les véritables motivations. 
Il y a un peu d'ambiance à la Simenon, un peu de romance et beaucoup de non-dits. Plus une ville est petite, plus tout se sait, mais personne ne parle....

« La princesse des glaces », Casterman, 19 €


dimanche 9 mars 2014

DES TRUCS ET D'AUTRES - Sexe faible et absent

Le
jour mondial dit du sexe faible, je vais lui rendre hommage par le vide. Si seuls les hommes peuplaient l'univers, il n'y aurait que des pantalons pour se vêtir. Le premier qui mettrait un kilt (excepté les Ecossais) serait encore plus ridicule. « Allo quoi » dira le blond aux gros pectoraux, le cerveau tel un pâté de foie. 
Dans les WC, laisser le support relevé tu seras obligé. Les soldes, tout en restant du genre masculin, ne concerneront que les outils, les treillis, les fusils mitrailleurs et autres signes virils de bon aloi. Le chef sera incessamment contesté par ses adjoints. Toujours à vouloir prouver son pouvoir absolu, il joue le fanfaron, le dictateur, le dominateur. Il est violent et méchant. Tous l'envient. Même si être le premier ne le rend pas plus séducteur. 
L'homme, incapable de se reproduire, disparaîtrait de ce monde. « Bon débarras ! » se réjouiraient les philosophes des siècles passés. Enfin un peu d'air, du vide et moins de problèmes. Terminés les conflits, mondiaux ou de voisinage. Finis les adultères et autres viols (quoique), les combats, les gnons et coups bas. Lentement mais sûrement le bonheur simple du vide intersidéral s'imposerait comme seul but sur le chemin du paradis perdu, celui du fruit défendu si tendre et tentateur. Seul, l'homme s'écraserait tel un origami entre les doigts d'un enfant, incapable de trouver l'équilibre vital. 
Non, franchement, il est réellement trop compliqué, au-dessus des moyens du misérable mâle et petit chroniqueur que je suis - et l'exercice s'est d'ailleurs avéré périlleux - de me passer du genre féminin, totalement absent de ce texte.

Chronique "De choses et d'autres" parue samedi, journée mondiale de la femme, en dernière page de l'Indépendant. 

Thriller - Un accident à solder avec "Par la grande porte" de David Carnoy

Richard Forman, après avoir croupi sept années en prison, cherche à se réhabiliter. Ce n'est pas lui qui conduisait la voiture tueuse. Reste à le prouver.

Un thriller dans le milieu des nouvelles technologies n'est pas forcément réservé aux geeks. Au contraire, « Par la grande porte » le roman de David Carnoy montre que ces petits génies sont comme tout le monde. Ils ont leurs défauts, leurs faiblesses, leurs lâchetés. Perdre une vie dans un jeu vidéo n'a que peu d'importance. Dans la vraie vie, les conséquences se payent souvent en années derrière les barreaux. 
Prenez Richard Forman. Jeune ingénieur promis à un bel avenir dans la Silicon Valley, il a tout gâché le soir de la remise des diplômes. A la fête, il boit. Trop, beaucoup trop. Tant et si bien qu'il ne se souvient plus de rien. La police le retrouve au volant d'une Cadillac, son ami Mark McGregor sur le siège passager. Ils découvrent aussi deux cadavres sous la voiture qui vient de brûler un feu rouge. Deux femmes, innocentes, qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

Fiancée infidèle
Ce fait divers date de sept ans. Le lecteur ne le sait pas immédiatement. Car le roman débute par un meurtre, un vrai. Beth, l'ancienne fiancée de Richard, découvre son mari mort à l'entrée du garage. La scène du crime est décrite par Madden, le flic chargé de l'enquête. « Sa tête est plaquée au sol dans une mare de sang. Le nez et la pommette semblent avoir pris un coup de plein fouet, et il a une énorme entaille à la base du cou, sur la droite juste au-dessus de la clavicule. On en voit clairement trois autres assez profondes. Un foutu bordel se dit Madden ». Or, le mort, n'est autre que Mark McGregor, l'ami de Richard. Et comme ce dernier est sorti de prison depuis quelques mois, il se retrouve rapidement sur la liste des suspects. Et le mobile est simple : la vengeance. Car au cours du procès, Richard a prétendu ne pas s'être assis à la place du conducteur. Il pense y avoir été glissé après l'accident. Par Mark. Les jurés en ont décidé autrement.
Condamné, il est abandonné, Beth, sa fiancée l'oublie et finit par tomber dans les bras de Mark. Qui l'épouse. Cela fait, au final, suffisamment de raisons à Richard pour en vouloir à mort à Mark.
Dans ce roman, qui prend le temps de présenter longuement les personnalités des différents protagonistes, Richard reste un mystère. Il semble assez paranoïaque. Mais on le serait à mois si l'on avait passé sept ans en prison pour un crime que l'on est certain ne pas avoir commis. Vont se greffer sur l'enquête trois personnages supplémentaires. Ashley, jeune collègue de Richard, téméraire et curieuse. Carolyn, avocate en arrêt maladie (elle boit trop et cherche à faire un bébé toute seule). Et surtout Bender, journaliste blogueur, imbu de sa personne, toujours bien informé, prêt à tout pour un scoop qui lui donne le beau rôle. Il semble caricatural mais est certainement très proche de la réalité journalistique de la Californie actuelle. Une fois les pions en place, David Carnoy déploie son intrigue et ses multiples rebondissements, toujours avec le personnage insaisissable de Richard au centre. Le tout en musique, le héros gagnant sa vie en imitant Frank Sinatra dans des clubs...
Michel LITOUT

« Par la grande porte » de David Carnoy, Presses de la Cité, 22 €

samedi 8 mars 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Shopping fatal

Dans quelques années, faire son shopping en étant connecté sera aussi commun que de circuler aujourd'hui en se fiant aux indications de son GPS. Pour les soldes, madame, faites toujours de bonnes affaires. Une multitude d'applications futées vous transformeront en reine du shopping. Votre smartphone bien paramétré sera une arme absolue. Vous passez à côté d'un magasin qui ne paye pas de mine. Mais votre téléphone vous prévient que les remises exceptionnelles du jour sont immanquables. Le même téléphone qui vous alertera sur les fausses bonnes affaires. Certes, cette petite robe noire est à n 50 %, mais deux semaines auparavant le commerçant a gonflé sa valeur pour offrir cette remise qui n'en est pas une. De toute manière, votre comparateur de prix la signale beaucoup moins chère chez un autre vendeur trois rues plus loin...
Cependant l'accumulation des opportunités risque de vous mettre sur la paille. Alors là aussi les nouvelles technologies arrivent à votre rescousse. Des Australiens ont mis au point un iBag anti découvert. Si vous dépassez votre plafond, un SMS est envoyé à un « responsable » désigné à l'avance. On imagine facilement la tête du mari catastrophé en découvrant la somme astronomique engloutie par son épouse dépensière. Pour limiter les dégâts il lui suffit alors d'enclencher la fermeture à distance du iBag. Et là madame, sans carte bleue, liquide ou chèques, il vous sera impossible de craquer pour ces sous-vêtements affriolants. Le mari s'en mord encore les doigts...

Chronique "De choses et d'autres" parue jeudi en dernière page de l'Indépendant

DE CHOSES ET D'AUTRES - Gotlib, l'humour-étalon


Si en géométrie, pour mettre tout le monde d'accord les savants ont élaboré le mètre-étalon, en matière de rigolade Gotlib incarne la seule référence absolue, l'humour-étalon. Alors qu'il va fêter ses 80 ans, le créateur de Gai-Luron et Superdupont est à l'honneur dans une grande rétrospective au
Musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris (du 12 mars au 27 juillet).
Gotlib a débuté dans les années 60 dans Vaillant et Pilote et a pris sa retraite il y a une quinzaine d'années. Il a tout inventé pendant ce laps de temps. Le moindre rire intelligent qui retentit en France depuis un demi siècle est forcément un peu inspiré de son œuvre. On trouve des traces de ses créations partout, sous toutes les formes. 
Arnaud Montebourg et sa croisade du Made un France n'est qu'une retranscription, au premier degré, de l'univers de Superdupont, le héros en lutte contre l'AntiFrance armé de sa baguette, son camembert, son béret et son tricot de corps. Mais là où Gotlib se moque d'un patriotisme ringard et dépassé, notre ministre du Redressement national semble prendre au pied de la lettre un message comique et satirique.
Gotlib est l'exemple parfait de l'évolution des mœurs du siècle dernier. De Gai Luron à Hamster Jovial il balaie toutes les formes d'humour, du plus classique au trash absolu comme cette biographie imaginaire d'Amadeus Quincampoix, inventeur du papier toilette.
Gotlib a libéré l'humour en France et permis à plusieurs générations de comiques d'éclore. Cette exposition de 150 planches originales pour le Grand Prix d'Angoulême en 1991 n'est que justice.