« Ça eut payé mais ça ne paye plus ! » Le sketch de Fernand Raynaud sur les « pauvres paysans » n'a jamais été autant d'actualité. Sauf qu'aujourd'hui ce ne sont plus les vignes ou le blé qui ne payent plus mais les aides européennes.
L'histoire s'est passée la semaine dernière et n'a pas été ébruitée, pas de manifestants agités dans la rue, aucune indignation des Bonnets rouges. Un bug informatique au Crédit Agricole a perturbé le versement des primes de la Politique agricole commune aux 350 000 agriculteurs français bénéficiaires. En fait, les primes ont été versées... deux fois. Pas moins de 3,4 milliards d'euros crédités par erreur sur les comptes bancaires de ces paysans qui, sur le coup, n'étaient pas à plaindre. Au lieu de toucher en moyenne 10 000 euros de cette Europe honnie, ils en ont encaissé 20 000. Pas mal comme étrennes de fin d'année. J'en connais qui se seraient contentés de beaucoup moins. Et bizarrement aucun leader des nombreux syndicats agricoles n'est monté au créneau pour dénoncer ce dysfonctionnement.
La banque a rectifié le tir. Une semaine plus tard, envolés les milliards surnuméraires. Comme s'ils n'avaient pas existé. Espérons que certains récipiendaires n'ont pas trop vite dilapidé la manne pour changer de tracteur... ou se payer des vacances à l'île Maurice. Si c'est le cas, ils pourront toujours ressortir (indignés cette fois) le vieux proverbe populaire plein de bon sens paysan justement : « Donner, c'est donner; reprendre, c'est voler. »
Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
mercredi 11 décembre 2013
mardi 10 décembre 2013
BD - Thorgal dans les sables
Cap au Sud pour Thorgal. Le viking, enfant des étoiles, dont les aventures sont désormais écrites par Yves Sente, vogue vers les sables du désert entourant la ville de Bad-Dadh, la cité de l'Aigle. Le héros est à la recherche de son fils Aniel. Enlevé par les Magiciens rouge, il doit être conduit dans le temple secret de ces derniers pour permettre la réincarnation de leur chef, Kahaniel. Une nouvelle fois le héros semble pris dans un engrenage bien trop puissant pour lui. Mais c'est oublier la force de la paternité, du courage et, aussi, de l'inconscience. Le récit est assez classique, sans grande trouvaille il faut bien l'avouer, mais la lecture de cet album reste un bonheur absolu. Tout simplement car Rosinski, le dessinateur, tout en gardant les codes de découpage des planches, aborde chaque vignette comme un tableau. Avec ces 48 pages c'est comme si vous teniez dans vos mains l'ensemble d'une galerie d'art proposant près de 200 toiles toutes plus belles les unes que les autres. Si j'étais riche, je me paierai la première vignette de la planche 18. Mais il faudrait que je sois très très riche. Alors je me contente de l'album et c'est dans ce cas précis que la BD devient un « art populaire ».
« Thorgal » (tome 34), Le Lombard, 12 €
lundi 9 décembre 2013
BD - Regretté temps du politiquement très incorrect de Reiser et Hara Kiri
Notre bonne société n'a pas toujours été policée et aseptisée. Dans les années 60, 70 et 80, l'humour n'avait pas de limites. Exemples avec ces deux beaux livres sur la revue Hara Kiri et l'un de ses piliers, Reiser.
Si le samedi soir vous vous gondolez en découvrant les faux reportages du Groland sur Canal+, sachez qu'ils n'ont rien inventé. Ce sont les dignes héritiers des « horribles » de Hara Kiri. Le journal « bête et méchant », dans une époque où la censure veillait encore sur le contenu des journaux, a brisé un nombre considérable de tabous. Car la meilleure façon de combattre le racisme, la violence faite aux femmes ou l'extrémisme religieux (voire la religion tout court...) reste et restera toujours d'en rire.
Cette époque bénie du temps du politiquement incorrect vous pouvez en revivre la substantifique moelle dans un ouvrage luxueux de 330 pages paru cette semaine chez Glénat. Une petite préface de Cavanna (le grand créateur avec Choron) pour contextualiser le tout et place aux dessins. Fred, Gébé, Chaval, Topor, Wolinski.
La ligne éditoriale oscille entre provocation gratuite et poésie absurde. Les journaux sont vendus presque à la sauvette. Au début des années 60, le Gaullisme impose une chape de plomb sur l'information. Heureusement les mœurs évoluent, Hara Kiri est à la pointe. L'arrivée de Reiser ou de Cabu donnent un coup de fouet aux dessins d'humour, caustiques, acides. Ensuite cela va aller crescendo dans la provocation. Willem, Kamagurka vont apporter une vision étrangère.
A côté des fausses pubs regorgeant de femmes nues, le dessin d'humour va un peu perdre de son importance. Mais c'est quand même dans ces croquis ou histoires courtes que l'on retrouve toute la méchanceté du titre.
Reiser, le meilleur
On y retrouve bien sûr quantité de dessins de Reiser. Il signe la couverture de ce beau livre sur Hara Kiri mais aussi celle ce celui qui lui est entièrement consacré. Cela fait 30 ans que l'inventeur du Gros dégueulasse a lâché la rampe. Un foutu cancer. Il a dessiné durant plus de 20 ans. Et comme il produisait énormément, Jean-Marc Parisis, son biographe, a dû beaucoup éliminer pour ne garder que le plus parlant de l'œuvre si diversifiée d'un génie : du Reiser visionnaire et écologiste avant l'heure (il vénérait le Soleil et son énergie) au Reiser fou des femmes, sachant si bien rendre toute leur beauté, en un trait rond et simple, à des fesses plus vraies que nature. Anarchiste avant tout, il aimait la vie. On découvre aussi le Reiser intime et torturé dans des croquis jamais publiés, bribes d'idées, symptômes dépressifs d'un homme inquiet. Et puis comme c'est un beau livre, au format généreux et à la réalisation soignée, ne manquez pas les pages en couleurs. Il posait sa peinture comme il dessinait : rageusement. Des aquarelles d'une rare beauté, même si ce sont deux chiens qui forniquent...
Aujourd'hui Hara Kiri n'existe plus et Reiser est mort, comme si notre envie de transgression avait disparue. L'époque est tiède. Alors en vieux combattants de l'immonde, savourons ce que les artistes et humoristes contemporains ne peuvent même plus imaginer réaliser !
Michel Litout
« La gloire de Hara Kiri », collectif, Glénat, 35 €
« Reiser », Glénat, 45,50 €
DE CHOSES ET D'AUTRES - Téléthon, Miss France, Canalsat... signes hivernaux
Dérèglement climatique aidant, pas toujours aisé de percevoir le changement des saisons. Prenez l'hiver. Il arrive à grande vitesse, mais les signes tangibles ne sont pas encore évidents. Chance, quelques événements récurrents jalonnent l'année de repères, hors températures.
Pour moi, depuis longtemps, l'hiver arrive le week-end du Téléthon. À la télé, impossible de zapper sans tomber sur une animation en plein air, par un froid glacial avec vent, pluie et parfois neige. On voit ces bénévoles, frigorifiés, tapant du pied, mais fiers d'aider la recherche. On aurait presque envie de donner, uniquement pour qu'ils puissent rentrer chez eux se réchauffer.
Et de regarder par exemple l'élection de Miss France, l'autre événement télévisuel synonyme d'hiver. De fêtes surtout. J'associe le défilé de ces belles "asperges" régionales en robe de gala aux prémices du clinquant des festivités de fin d'année.
La date correspond généralement au branchement des illuminations placées par la municipalité dans ma rue. Un halo bleuté éclaire mon salon. C'est joli, c'est l'hiver.
Plus prosaïquement, ce qui ne me fait jamais rater l'entrée dans la saison froide reste les publicités pour... Canalsat. Le Père Noël, les rennes (abandonnés cette année, snif...), les promos, la liste de films et séries à regarder : quand le bouquet de chaînes par satellite lance sa campagne, je me sens de plain-pied dans cette période joyeuse et dépensière. Le problème reste de trouver la force de résister pendant près d'un mois à l'envie de m'abonner vu que de toute façon je n'ai pas le temps de regarder la télé...
Pour moi, depuis longtemps, l'hiver arrive le week-end du Téléthon. À la télé, impossible de zapper sans tomber sur une animation en plein air, par un froid glacial avec vent, pluie et parfois neige. On voit ces bénévoles, frigorifiés, tapant du pied, mais fiers d'aider la recherche. On aurait presque envie de donner, uniquement pour qu'ils puissent rentrer chez eux se réchauffer.
Et de regarder par exemple l'élection de Miss France, l'autre événement télévisuel synonyme d'hiver. De fêtes surtout. J'associe le défilé de ces belles "asperges" régionales en robe de gala aux prémices du clinquant des festivités de fin d'année.
La date correspond généralement au branchement des illuminations placées par la municipalité dans ma rue. Un halo bleuté éclaire mon salon. C'est joli, c'est l'hiver.
Plus prosaïquement, ce qui ne me fait jamais rater l'entrée dans la saison froide reste les publicités pour... Canalsat. Le Père Noël, les rennes (abandonnés cette année, snif...), les promos, la liste de films et séries à regarder : quand le bouquet de chaînes par satellite lance sa campagne, je me sens de plain-pied dans cette période joyeuse et dépensière. Le problème reste de trouver la force de résister pendant près d'un mois à l'envie de m'abonner vu que de toute façon je n'ai pas le temps de regarder la télé...
dimanche 8 décembre 2013
DE CHOSES ET D'AUTRES - Mandela l'Antillais
Nelson Mandela et sa lutte contre l'apartheid ont pris une autre dimension dans mon imaginaire le 11 février 1990. A l'époque je suis journaliste dans un quotidien à la Martinique. Je travaille dans une équipe composée à 70 % d'Antillais. La problématique de la couleur de peau m'est totalement étrangère.
Ce matin-là, un attroupement se forme devant la petite télévision de la rédaction de Fort-de-France. Mandela va être libéré. Mandela libre... Du simple journaliste au rédacteur en chef en passant par les employés techniques, tous regardent CNN, diffusée depuis l'île voisine de Sainte-Lucie. Exclamations en créole, rires, applaudissements : le direct prend un peu de retard, le grand homme se fait attendre. Et puis enfin il apparaît, il marche devant des voitures, main dans la main avec sa femme Winnie. Dans la rédaction, le silence se fait. Je regarde l'image, mais ne peux m'empêcher de voir aussi mes collègues. Je lis l'émotion dans leurs regards, la gravité du moment.
Je prend conscience que ce matin-là, je suis le seul Blanc de l'équipe. Je perçois alors mes collègues, mes amis, différemment. Ce sont aussi, au plus profond de leur être, des descendants d'esclaves et la marche sans entrave de Mandela après des années d'enfermement représente la fin du dernier vestige de la ségrégation raciale. Je devine des larmes dans les yeux de certains. Je suis au milieu d'eux, avec eux. Je les comprends.
La marche et le poing levé de Mandela ce 11 février 1990 resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
Ce matin-là, un attroupement se forme devant la petite télévision de la rédaction de Fort-de-France. Mandela va être libéré. Mandela libre... Du simple journaliste au rédacteur en chef en passant par les employés techniques, tous regardent CNN, diffusée depuis l'île voisine de Sainte-Lucie. Exclamations en créole, rires, applaudissements : le direct prend un peu de retard, le grand homme se fait attendre. Et puis enfin il apparaît, il marche devant des voitures, main dans la main avec sa femme Winnie. Dans la rédaction, le silence se fait. Je regarde l'image, mais ne peux m'empêcher de voir aussi mes collègues. Je lis l'émotion dans leurs regards, la gravité du moment.
Je prend conscience que ce matin-là, je suis le seul Blanc de l'équipe. Je perçois alors mes collègues, mes amis, différemment. Ce sont aussi, au plus profond de leur être, des descendants d'esclaves et la marche sans entrave de Mandela après des années d'enfermement représente la fin du dernier vestige de la ségrégation raciale. Je devine des larmes dans les yeux de certains. Je suis au milieu d'eux, avec eux. Je les comprends.
La marche et le poing levé de Mandela ce 11 février 1990 resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
DE CHOSES ET D'AUTRES - Manger et être mangé
L'arrogance humaine en prend un coup dans les gencives. Une étude sur la chaîne alimentaire place l'homme au même niveau que... l'anchois. Cette révélation est à mettre à l'actif des scientifiques de l'Ifremer après analyse des données de la FAO sur la consommation humaine pour la période 1961-2009. Chaque espèce vivante possède un niveau trophique calculé en fonction de ce qu'il mange pour se développer.
Tout en bas, au niveau 1, les végétaux. Viennent ensuite les herbivores et les carnivores. Au sommet, les grands prédateurs comme les orques (5,5). L'homme se retrouve avec un indice moyen de 2,2 soit au niveau du cochon et de l'anchois. La raison en est très simple : à force de manger « cinq fruits et légumes par jour » et autres verdures genre épinards ou courgettes (berk !), on se ramollit. Rien ne vaut une bonne entrecôte. Même si le bœuf n'est pas la meilleure viande pour progresser sur la chaîne alimentaire. Mieux vaut délaisser ces mammifères placides et ingurgiter la force de véritables fauves.
Au lieu d'un poulet rôti le dimanche, faites-vous un aigle royal. Plus coriace sans doute mais à l'indice proche de 4. Arrêtez le lapin et préférez la viande de chat dont le goût, paraît-il, est très proche. Un chat sauvage si possible, pas un de ces matous engraissé aux croquettes à base de farine de poisson. Localement, le mâle humain, s'il veut rester dominant, devra jeter son dévolu sur un anchois au détriment de la cargolade...
Le summum dans nos régions serait le loup ou l'ours. Mais ce dernier ne doit pas obtenir un indice trophique mirobolant avec son bête penchant pour le miel...
samedi 7 décembre 2013
Pieds-noirs et racisme : la BD coup de poing signée Fred Neidhardt
La bande dessinée « Les pieds-noirs à la mer » de Fred Neidhardt, auteur montpelliérain, est un regard cru et réaliste sur un milieu qui a bercé son enfance.
Attention titre trompeur. « Les pieds-noirs à la mer » n'est pas une BD humoristique sur les pratiques estivales des expatriés. L'expression est à prendre au premier degré et elle fleurissait sur certaines banderoles de la CGT sur le port de Marseille en 1962. La ville dirigée par Gaston Deferre ne voulait pas de ces « colonisateurs ». « A la mer » voulait dire « jeté à la mer » avec leurs maigres affaires. Lâchés par De Gaulle, mal accueillis en métropole, la communauté disséminée un peu partout en France, il n'est pas étonnant qu'avant de s'intégrer dans ce quasi nouveau pays ils aient développé une certaine aigreur. Pour certains, les plus âgés notamment, cela s'est transformé en racisme ordinaire. Contre les Arabes essentiellement.
« Je ne l'ai pas vécu directement mais par procuration, explique Fred Neidhardt, le scénariste et le dessinateur de cette BD publiée chez Marabout. Je suis né quatre ans après l'indépendance de l'Algérie. Mais quand j'étais ado c'était le sujet de dispute fréquent dans la famille. » Ses parents ont échoué à Lille. Ses grands-parents ont eu plus de chance et sont restés à Marseille.
Le pépé raciste
L'album, en partie autobiographique, raconte la fugue de Daniel, étudiant de 19 ans. En désaccord avec ses parents (passionné de BD, il veut faire les Beaux-Arts alors qu'eux insistent pour qu'il poursuive des études scientifiques) il débarque en pleine nuit chez ses grands-parents.
Accueilli à bras ouverts, l'ambiance est vite plombée par les jugements à l'emporte-pièce de l'aïeul. Daniel est très partagé : « Il est raciste, il déteste les Arabes... Il aime pas les Noirs, les Juifs... lui qui est marié à une Juive. Mais c'est quand même mon pépé. Je l'aime quand même. » C'est ce grand écart sentimental que Fred Neidhardt raconte avec brio. « Pieds-Noirs et Arabes ont beaucoup de choses en commun. Quand j'étais gamin c'est quelque chose qui m'a toujours interloqué. Tu as ta grand-mère qui médit des Arabes et puis dès qu'elle a un truc à dire qui jaillit du cœur, elle le dit en arabe. Ce cas particulier permet de montrer toute l'absurdité du racisme ». Daniel, un peu naïf, va tenter de jouer le conciliateur dans le psychodrame qui frappe sa famille.
Un de ses cousins a quitté le cocon familial et s'est installé avec une jeune Française, Khadija, d'origine Kabyle. Les tentatives de rapprochement seront vaines, preuve qu'il est des blessures inguérissables.
Mais le message du livre est aussi plein d'espoir. Les générations suivantes tourneront la page. Naturellement, ou en le mettant noir sur blanc comme l'a fait Fred Neidhardt. Un auteur qui signe son œuvre de maturité et apprécie les séances de dédicaces car il y rencontre beaucoup de fils de Pieds-Noirs se reconnaissant dans le portrait de Daniel. « Et on arrive à en parler sereinement, ce qui n'est toujours pas le cas en famille... »
« Les Pied-Noirs à la mer » de Fred Neidhardt, éditions Marabout, 13,50 €
Attention titre trompeur. « Les pieds-noirs à la mer » n'est pas une BD humoristique sur les pratiques estivales des expatriés. L'expression est à prendre au premier degré et elle fleurissait sur certaines banderoles de la CGT sur le port de Marseille en 1962. La ville dirigée par Gaston Deferre ne voulait pas de ces « colonisateurs ». « A la mer » voulait dire « jeté à la mer » avec leurs maigres affaires. Lâchés par De Gaulle, mal accueillis en métropole, la communauté disséminée un peu partout en France, il n'est pas étonnant qu'avant de s'intégrer dans ce quasi nouveau pays ils aient développé une certaine aigreur. Pour certains, les plus âgés notamment, cela s'est transformé en racisme ordinaire. Contre les Arabes essentiellement.
« Je ne l'ai pas vécu directement mais par procuration, explique Fred Neidhardt, le scénariste et le dessinateur de cette BD publiée chez Marabout. Je suis né quatre ans après l'indépendance de l'Algérie. Mais quand j'étais ado c'était le sujet de dispute fréquent dans la famille. » Ses parents ont échoué à Lille. Ses grands-parents ont eu plus de chance et sont restés à Marseille.
Le pépé raciste
L'album, en partie autobiographique, raconte la fugue de Daniel, étudiant de 19 ans. En désaccord avec ses parents (passionné de BD, il veut faire les Beaux-Arts alors qu'eux insistent pour qu'il poursuive des études scientifiques) il débarque en pleine nuit chez ses grands-parents.
Accueilli à bras ouverts, l'ambiance est vite plombée par les jugements à l'emporte-pièce de l'aïeul. Daniel est très partagé : « Il est raciste, il déteste les Arabes... Il aime pas les Noirs, les Juifs... lui qui est marié à une Juive. Mais c'est quand même mon pépé. Je l'aime quand même. » C'est ce grand écart sentimental que Fred Neidhardt raconte avec brio. « Pieds-Noirs et Arabes ont beaucoup de choses en commun. Quand j'étais gamin c'est quelque chose qui m'a toujours interloqué. Tu as ta grand-mère qui médit des Arabes et puis dès qu'elle a un truc à dire qui jaillit du cœur, elle le dit en arabe. Ce cas particulier permet de montrer toute l'absurdité du racisme ». Daniel, un peu naïf, va tenter de jouer le conciliateur dans le psychodrame qui frappe sa famille.
Un de ses cousins a quitté le cocon familial et s'est installé avec une jeune Française, Khadija, d'origine Kabyle. Les tentatives de rapprochement seront vaines, preuve qu'il est des blessures inguérissables.
Mais le message du livre est aussi plein d'espoir. Les générations suivantes tourneront la page. Naturellement, ou en le mettant noir sur blanc comme l'a fait Fred Neidhardt. Un auteur qui signe son œuvre de maturité et apprécie les séances de dédicaces car il y rencontre beaucoup de fils de Pieds-Noirs se reconnaissant dans le portrait de Daniel. « Et on arrive à en parler sereinement, ce qui n'est toujours pas le cas en famille... »
« Les Pied-Noirs à la mer » de Fred Neidhardt, éditions Marabout, 13,50 €
vendredi 6 décembre 2013
DE CHOSES ET D'AUTRES - Danse avec les gangs
Des détenus en train de danser un Harlem Shake dans une prison, avouez, cela fait désordre. La scène se passe à Montmédy, dans la Meuse. Un couloir mal éclairé, la musique insupportable et l'arrivée d'une quinzaine d'agités, visages dissimulés par des cagoules. La vidéo fait son petit effet sur internet, entre félicitations et indignation. Pourquoi transformer immédiatement ces quelques secondes de défoulement en affaire d'État ? S'ils veulent danser, à quoi bon contrarier leur volonté de réinsertion ? Voilà les première réflexions qui me sont venues à l'esprit. Dans un second temps, je m'aperçois que ces gens font plutôt peur. En vrac, quelques solutions pour diminuer leurs ardeurs guerrières. Le ministère de la Justice devrait imposer dans les conditions de détention un stage à l'opéra de Paris pour tous les « gangsters D-Ter » ! Ils constateront rapidement la différence entre l'art et le n'importe quoi. Danser en justaucorps moulant sur de la musique classique se révèle plus compliqué que rouler des mécaniques dans 8 mètres carrés.
Autre possibilité : participation obligatoire à un numéro exceptionnel de l'émission de TF1, rebaptisée pour l'occasion « Danse avec les gangs ». Une rumba, un tango ou une valse, devant des millions de téléspectateurs et à visage découvert paraîtront sans conteste plus intimidants qu'un Harlem Shake, masqués, face à un téléphone portable. Rajoutez là-dessus les critiques acides d'un Chris Marques toujours prompt à démolir le moindre faux-pas et le problème des prisons en France est réglé. Les détenus n'auront plus qu'une envie : rester cloîtrés, sages comme des images au fond de leur cellule.
Chronique parue jeudi en dernière page de l'Indépendant
jeudi 5 décembre 2013
DE CHOSES ET D'AUTRES - Mélenchon et les policiers devraient apprendre à compter
La France a encore perdu des places au classement Pisa sur les systèmes éducatifs du monde. Franchement, pas besoin de sonder des milliers de jeunes pour s'en douter. Nul besoin non plus d'avoir décroché son bac avec mention pour savoir que 10 + 10 égalent 20. Pourtant... Prenez la manifestation du Front de Gauche dimanche dernier à Paris. Les organisateurs, Jean-Luc Mélenchon en tête, ne maîtrisent plus du tout cette base essentielle du calcul qu'est l'addition. Avec un aplomb déconcertant ils se sont comptés 100 000. Donc pour eux, 10 + 10 donnent approximativement 20 000.
Les policiers chargés d'estimer la foule ne valent pas mieux. Selon les chiffres officiels de la Préfecture, ils n'étaient que 7 000 à crier leur ras-le-bol fiscal. Seule explication, à l'école de police, on vous apprend à "décompter". 10 + 10 font 7. Pas plus.
À la prochaine manif, je propose de réquisitionner des enfants de grande section de maternelle, de les poster sur les trottoirs et de leur demander de compter les passants. Non seulement l'exercice sera excellent pour les gamins, mais en plus on a toutes les chances d'obtenir un nombre au plus près de la réalité. Si notre système éducatif est en perte de vitesse, cette "maladie de l'addition" ne frappe que les donneurs de leçons, pas leurs élèves.
Ils étaient aussi 100 000 dimanche à Kiev en Ukraine. Le pays ne fait pas partie du classement Pisa, j'ai pourtant l'impression qu'ils maîtrisent bien mieux les chiffres qu'en France.
Chronique parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant.
Les policiers chargés d'estimer la foule ne valent pas mieux. Selon les chiffres officiels de la Préfecture, ils n'étaient que 7 000 à crier leur ras-le-bol fiscal. Seule explication, à l'école de police, on vous apprend à "décompter". 10 + 10 font 7. Pas plus.
À la prochaine manif, je propose de réquisitionner des enfants de grande section de maternelle, de les poster sur les trottoirs et de leur demander de compter les passants. Non seulement l'exercice sera excellent pour les gamins, mais en plus on a toutes les chances d'obtenir un nombre au plus près de la réalité. Si notre système éducatif est en perte de vitesse, cette "maladie de l'addition" ne frappe que les donneurs de leçons, pas leurs élèves.
Ils étaient aussi 100 000 dimanche à Kiev en Ukraine. Le pays ne fait pas partie du classement Pisa, j'ai pourtant l'impression qu'ils maîtrisent bien mieux les chiffres qu'en France.
Chronique parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant.
BD - Adorables truands sous la plume de Baru
Un jeune Africain, virtuose du foot mais sans papiers, quelques truands sur le retour, une bande de « cailleras » de la banlieue et des Anciens combattants d'Algérie sont au générique de ce roman graphique de Baru. L'auteur de « La piscine de Micheville » nous ressert sa critique acerbe de notre société manquant de solidarité à la sauce « hommage au cinéma de Lautner et d'Audiard ». On ne peut qu'avoir de la sympathie pour les vieux truands rangés des affaires, paisible retraité en banlieue pavillonnaire ou garagiste faisant marcher son petit commerce. Avec ce dernier gros coup ils empochent le magot, mais aussi pas mal de soucis à cause de leurs jeunes associés. On apprécie le parfait enchaînement des complications et on se réjouit de la morale finale...
Cet album édité il y a trois ans chez Futuropolis, bénéficie d'une publication en poche dans la prestigieuse collection Folio qui sort également pour ces fêtes de fin d'année les deux premiers tomes de la saga africaine « Aya de Yapougon » de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie.
« Fais péter les basses, Bruno ! », Folio, 7,65 euros chaque volume
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