vendredi 24 avril 2009

BD - Todos enfermos


Violente, très violente cette série écrite par Morvan et Dragan. Le dessinateur, Noé, semble avoir d'abord dessiné les scènes de combat sans couleur, puis il a rajouté le sang, qui gicle sous les coups, larges taches rouges d'un monde de folie. 

Le troisième et dernier opus de cette histoire se déroulant du temps des conquistadores donne une conclusion plus optimiste que le récit initial. Sur une île, perdue au milieu de l'Atlantique, les militaires espagnols sont frappés par une redoutable maladie. Très contagieuse. Ils vont utiliser les indigènes pour trouver un remède. Mais ces derniers sont eux aussi frappés par le mal. Les deux communautés vont s'affronter, bien qu'elles soient de plus en plus affaiblies. 

Il faudra le réveil de quelques consciences, dans les deux camps, pour trouver une autre solution à ce massacre programmé. 

Une BD paradoxale qui, sous couvert de scènes d'une violence extrême, apporte un message d'espoir... et de paix.

« Helldorado » (tome 3), Casterman, 11,50 € 

jeudi 23 avril 2009

Nouvelles ordinaires par Mark Greene

Vies simples ou vies ratées ? Les personnages très ordinaires de ces nouvelles, signées Mark Greene, se posent forcément la question.


Mon meilleur ami de mes jeunes années est-il toujours aussi abordable ? Mon premier amour pense-t-il encore à moi, parfois ? Que garderai-je de mon père quand il sera mort ? Ces questions, bêtes questions, les héros imaginés par Mark Green dans ce recueil de nouvelles se les posent. Ils s'interrogent d'autant plus qu'en filigrane se dessine la carte de leurs réussites, sociale, professionnelle, personnelle.

Des histoires de tous les jours, banales mais qui parfois correspondent à un moment clé de l'existence du principal protagoniste. Comme quand cet homme d'affaire, Parisien distingué, fasciné par sa coiffeuse et ses ongles démesurés, décide de la suivre, un soir, dans les transports en commun desservant la banlieue. Il ne rentrera pas chez lui et décide même d'éteindre son portable. « C'est l'heure de vérité, pensai-je. Dans un sens, ma vie n'avait été qu'une longue suite de préparatifs, une mise en place méthodique des conditions de basculement. Ce soir, j'en eus subitement la conviction, j'allais atteindre le point de non-retour. »

Premier amour

Mark Greene explore des solitudes comme il y en a tant autour de nous. Pas évidentes, pas forcément subies. Cécile est responsable du contentieux dans une grande société. Un poste important lui offrant une certaine aisance financière. Mais elle est seule à en profiter. Aujourd'hui elle a 40 ans. Ses rares amis ne lui souhaiteront pas un joyeux anniversaire. Il y a longtemps qu'elle leur a fait comprendre qu'elle n'aimait pas les anniversaires. Oui mais ce jour-là, « elle a quarante ans, et elle voudrait ne plus y penser. Elle aura beau tourner les choses dans tous les sens, elle sait qu'elle n'obtiendra ni réponses à ses interrogations, ni réconfort d'aucune sorte. » Elle se lance dans le nettoyage de la salle de bain. « Lorsqu'elle a terminé, elle se demande s'il reste encore un peu de travail. Les vitres sont propres, malheureusement. Elle a passé l'aspirateur il y a deux jours. » Le jour de ses 40 ans, elle se met à penser à son premier amour. Le jeune lycéen qui l'a embrassée pour la première fois. Elle va tenter de le retrouver, comme pour retrouver cette fougue qui l'a irrémédiablement désertée. Mais 25 ans ont passé...

Meilleur ami

Solitaire également cet homme, absorbé par son travail. Ses amis d'enfance il les a perdus de vue, petit à petit, sans raison, simplement par lassitude. « Je vivais comme un moine. Ma dernière petite amie m'avait quitté six mois plus tôt. Je n'avais même pas essayé de la retenir. » Quand il croise par hasard dans la rue son meilleur ami, ce dernier l'invite au restaurant. Toute la bande, quinze ans plus tard, se retrouve autour d'un repas bien arrosé. Il n'était pas invité, il partira le dernier.

Ces chroniques de la vie courante sonnent juste. L'auteur a beaucoup observé ses contemporains, devinant leurs doutes et espoirs dans des silences parfois lourds de sens. Il leur donne la parole, mais au final c'est un peu chacun nous qui parle.

« Les plaisirs difficiles », Mark Greene, Seuil, 16 €

mercredi 22 avril 2009

BD - Dernier concert des Blattes


Chaque génération a son groupe de rock culte. « Les Blattes » auraient pu être les Beattles des années 2000. Il ne leur manquant pas grand chose : du talent, le sens du rythme, un compositeur, de l'imagination et des instruments... 

D'accord, ils partaient avec un sacré handicap, mais qui sait ? Dans ce 3e titre de leurs formidables aventures musicales, les Blattes, imaginés par Mo/CDM et dessinés par Gaël, sont obligés de travailler pour subvenir à leurs besoins. Ils seront bagagistes à Roissy. Le plan idéal pour monter dans un avion en partance pour Seattle, faire un pèlerinage sur la tombe de Kurt Cobain. Le voyage s'arrêtera en Jamaïque. 

Et ce n'est pas le fantôme de Bob Marley qui provoquera de bonnes vibrations. Une histoire désopilante pour des loosers hilarants.

« Les Blattes » (tome 3), Le Lombard, 10,40 €

mardi 21 avril 2009

BD - Choc intégral


Quatre albums de Tif et Tondu. Ce ne sont pas moins de quatre albums qui sont regroupés dans ce 5e tome de l'intégrale des héros dessinés par Will sur des scénarios de Rosy, l'inventeur de M. Choc, le méchant de légende de cette série qui a connu son heure de gloire durant les années 60. Sur près de 200 pages vous pourrez déguster les trouvailles graphiques de Will et les intrigues, bourrées de rebondissements de Rosy. 

En préambule, dans une interview, ce dernier explique qu'il aurait voulu changer l'ambiance de la série mais que les lecteurs redemandaient sans cesse du Choc. Cela ne l'empêchait pas de saupoudrer ses récits de fantastique comme dans le dernier titre du recueil, « Le grand combat ».

« Tif et Tondu, intégrale » (tome 5), Dupuis, 22 euros 

jeudi 16 avril 2009

BD - De gros câlins très torrides et à fleur de peau


Arthur et Janet sont jeunes, s'aiment et se le prouvent sans cesse. N'importe où, n'importe comment. Arthur et Janet pourraient être les doubles de Cornette (scénario) et Karo (dessin). Cet bel album d'histoires courtes raconte au lecteur (ou lectrice) le quotidien assez chaud de ces deux tourtereaux. Cela commence par une balade dans une grande ville d'une ancienne dictature communiste de l'Est. Aujourd'hui, les mœurs des habitants sont plus libres. 

Arthur et Janet en profitent pleinement, faisant l'amour dans le couloir d'un grand hôtel, puis dans un jardin public et dans une grange. Une très bonne façon de découvrir un pays sous un jour différent. Les autres récits mettent en vedette soir d'autres partenaires (homme ou femme) voire des ustensiles détournés comme ces ingrédients d'un cake à la banane joyeusement gâchés dans une cuisine. Au final, ce sera salade de fruit car « seule la banane était plus ou moins récupérable... » 

Cette BD, pour un public averti, va au-delà de l'érotisme. Mais si certaines scènes peuvent être qualifiées de pornographiques, elles restent avant tout sensuelles, pleine de désir partagé et d'écoute du partenaire. Et jamais vulgaires.

« Arthur et Janet à fleur de peaux », Drugstore, 13 € 

mercredi 15 avril 2009

Thriller et fantastique - La Sentinelle du Complex

La prédiction de l'avenir est au centre de la seconde partie de la trilogie Complex, signée de Denis Bretin et Laurent Bonzon.


Celui qui connait l'avenir peut dominer le monde. Ce précepte, qui n'a jamais été mis en pratique, est au centre de ce roman, entre thriller et épopée fantastique. « Sentinelle » de Denis Bretin et Laurent Bonzon est la seconde partie de la trilogie « Complex ». L'action débute en 2001. Un prêtre grec, officiant dans une petite chapelle dans les sous-sols du World Trade Center, reçoit tous les matins un appel d'une femme. Angela, vivant seule avec sa fille, a des visions. Elle les raconte et se confie à cette oreille attentive. Le 10 septembre, tôt le matin, Angela téléphone au numéro habituel. Tombe sur le répondeur, débite une longue tirade en une langue ancienne et se met à réciter une liste de 2985 noms. Les identités des 1985 personnes qui trouveront la mort, le lendemain, dans l'attentat des deux tours jumelles. Dans cette liste, le prêtre grec.

Trois ans plus tard, deux agents de la police fédérale chargés d'enquêter sur les attentats découvrent le message sur le répondeur. S'ils comprennent rapidement à quoi correspond la liste de noms, ils ont plus de difficulté pour faire traduire le préambule. Une universitaire va se charger de la traduction de ce texte qui parle des « colonnes jumelles, très hautes, ils vont les toucher de leurs ailes, les deux rapaces envoyés des extrémités de la terre. » Plus loin Angela explique que « l'orgueilleuse aux larges rues va s'agenouiller, la cité aux mille tours, mise à bas, écrasée à terre ». Les deux agents, Andy et Geoffrey se lancent à la recherche de cette femme qui avait prédit l'attentat. Mais ils ne sont pas seuls à tenter de la retrouver. Angela, devenue SDF, à moitié folle, recluse dans un entrepôt, peignant sans discontinuer une fresque représentant le Tsunami qui ravagera l'Asie du Sud-Est quelques mois plus tard.

Le retour de Renzo

Ce début de roman, passionnant, voit également l'intervention, quelques années plus tard, de Crawford, le dirigeant d'une société de conseil, Oracle. Lui aussi est à la recherche d'Angela. Elle semble posséder un pouvoir qui l'intéresse au plus haut point. Il faut en fait attendre presque 150 pages pour faire le lien avec le premier roman, « Eden ». Le personnage principal du premier opus, le commissaire Renzo Sensini qui avait mené l'enquête dans cette affaire de manipulation génétique et d'éco-terrorisme. Il est en Grèce, pour quelques jours de repos. C'est là qu'il retrouve Iva Neves, une « ennemie » tombée sous le charme de ce flic bourru. Bretin et Bonzon vont placer au fil des chapitres leurs pions pour cette gigantesque partie d'échecs de dimension mondiale. 

Des milliardaires avides de pouvoir, des flics dévoués mais dépassés par les événements, une entreprise, Oracle, aux ramifications planétaires et aux buts mystérieux et Renzo Sensini vont être au centre de cette course poursuite pour tenter de « posséder » cette femme, sorte de descendante de la Pythie de la mythologie. Un suspense crescendo pour un roman qui se dévore. On est impatient de connaître la fin, le dénouement. Mais le lecteur n'a pas le don d'Angela...

« Sentinelle », Laurent Bonzon & Denis Bretin, Editions du Masque, 20 euros v

mardi 14 avril 2009

BD - Cité d'la balle, la banlieue passée à la moulinette


Non, Monsieur Relom, ce n'est pas gentil de se moquer des jeunes de banlieue ! Vous ne devriez pas être fier de rabaisser ces jeunes ayant tant de difficulté d'intégration ! Ce couplet moralisateur placé pour se donner bonne conscience, ne boudons pas notre plaisir et rions aux éclats des déboires de cette bande de bras cassés. 

D'autant qu'une fois les gags appréciés au premier degré, on constate que Relom a finalement beaucoup de tendresse pour ces cinq amis, copains à la vie à la mort. Titi, le roux, intelligent et gay, donne une belle leçon de tolérance à sa mère, fonctionnaire de gauche mais pleine de préjugés. 

Et même si au passage ils mettent la ville à feu et à sang, cela part d'un bon sentiment...

« Cité d'la balle », Lombard, 10,40 € 

lundi 13 avril 2009

BD - Petite lucarne dépressive


Klébar, un bâtard taciturne, n'a pas une vie palpitante. Il suit les humeurs de sa maîtresse, Rose, retraitée solitaire accro à la télévision. Sans être géniale, sa vie pépère se déroulait sans encombres. Jusqu'à ce jour funeste où Patrick a été viré par les dirigeants de TF1. 

Patrick c'est PPDA, le présentateur du 20 heures avec qui Rose avait noué une relation intime et fusionnelle. Mo/CDM, le créateur de ces personnages, a poussé jusqu'à l'extrême cette douce folie d'une ménagère complètement déconnectée de la réalité par abus de « lucarne magique ». 

Les gags s'enchaînent, allant crescendo, jusqu'à un dénouement confirmant que ce public est très versatile.

« Klébar le chien » (tome 2), Fluide Glacial, 9,95 € 

dimanche 12 avril 2009

Mes BD souvenirs (8)

La collectionite est une redoutable maladie. Je l'ai donc attrapée à la fin des années 70. Mon virus : les magazines BD. En fait, au début, elle était très limitée, comme mes finances... Encore lycéen, mineur de surcroit, je n'avais pas de revenu. Tout mon argent de poche passait dans l'achat épisodique des mensuels (Pilote, Métal, Fluide, L'Echo, Charlie, Circus, A Suivre...). Pour les hebdos, j'étais abonné. Dès que j'ai travaillé l'été, je suis monté en puissance.


Quand je suis rentré à la fac (rentrée 1980), j'avais suffisamment d'argent pour tout acheter. Une passion que j'ai logiquement transformé en sujet de mémoire à la fin de mes études de journalisme... Les piles n'étaient pas encore très hautes, mais de plus en plus nombreuses. D'autant qu'à l'époque les lancements étaient nombreux. C'était l'âge d'or de ce type de presse. En plus des grands classiques déjà cités sont apparus des titres plus ciblés comme Vécu (BD et histoire), Gomme (mensuel pour adolescents de Glénat), Psikopat (que du Carali au début), Métal aventure, Rigolo (les Humanos au service de l'humour, de Margerin à Jano), Corto ou le très expérimental « Journal illustré le plus grand du monde ». Ce titre avait tenté de révolutionner le concept en imprimant sur du papier journal dans un format gigantesque. Ce n'était pas extraordinaire sauf la prépublication d'une histoire de Comanche. En noir et blanc et surtout au format original des planches de Hermann. J'adorais son trait. Le voir en grand le magnifiait encore plus. Il n'y a eu que cinq numéros en 1982 et 1983. Je les avais tous achetés.


Les années 90 ont été redoutables pour toute cette presse. Les titres ont disparu les uns après les autres. N'ont survécu que Fluide et le Psikopat. D'autres ont tenté de prendre la suite. J'avais beaucoup aimé « Pavillon Rouge » de chez Delcourt. Lanfeust continue (mais est de moins en moins présent dans les kiosques), Tchô surfe sur le succès de Titeuf. Par contre je n'ai jamais accroché aux revues « d'analyses ». Notamment Bodoï, Bédéka et plus récemment « Casemate ». Pourtant, dans les années 80, j'achetais régulièrement « Les cahiers de la BD ».

Durant ces années 80, je ne jurais que par les revues, dédaignant les albums que je trouvais trop chers. C'est en décrochant mon premier job et des salaires corrects que j'ai pu additionner les deux. En plus de compléter mes collections de revues dans les bouquineries, je me suis mis à acheter une dizaine d'albums par mois. Résultat, mon problème (que j'ai toujours d'ailleurs) a été de trouver de la place pour ranger ces milliers de titres.

(A suivre dimanche prochain) 

samedi 11 avril 2009

BD - Variation sur le soldat inconnu


Un album sur la guerre de 14/18 à lire en écoutant de la musique punk. Manu Larcenet au scénario, Daniel Casanave au dessin : le duo propose une aventure rocambolesque du soldat inconnu. 

Ce soldat, officier peu recommandable, ressuscite d'entre les morts. Il se retrouve dans un gigantesque cimetière, obligé de vivre en tête à tête avec le gardien, dernier survivant de notre triste civilisation, amateur de groupes radicaux, du Clash aux Wampas. Ces deux personnalités que tout oppose vont devoir apprendre à vivre ensemble. 

Ce ne sera pas facile, certains cauchemars devront être exorcisés. Inclassable mais brillant, comme toutes les productions de Larcenet, auteur entier qui construit une véritable œuvre, titre après titre.

« Crevaisons », Dargaud, 10,40 €