dimanche 23 mars 2008

BD - Quand Seron fait "Plouf"


Au moment même de l'ouverture de la pêche, cet album vient à point nommé pour rappeler que taquiner le goujon ou la truite est un art délicat. Etre passionné ne suffit pas toujours pour remplir sa bourriche. Les fondus ce sont une bande de copains qui transforment leur hobby en source inépuisable de gags. 

Pour cette spécialité, ce sont Richez et Cazenove qui se chargent des scénario et Seron du dessin. Seron, le créateur des Petits Hommes, une pointure de l'école de Marcinelle, acceptant ce travail qui semble très alimentaire (mieux vaut aimer le poisson), sans pour autant bâcler. De la bonne ouvrage au final, distrayant mais qui ne restera pas dans les annales.

« Les Fondus de la pêche », Bamboo, 9,45 € 

samedi 22 mars 2008

Roman - Doublement seul


Ce premier roman d'Anne Goscinny nous plonge dans la journée d'un homme menant une double vie professionnelle. Le matin et l'après-midi il est avocat, le soir, dans l'appartement en face, il consulte en tant que psychanalyste. On découvre l'intérieur de son bureau avant de faire connaissance avec quelques-uns de ses clients. Une description détaillée, méthodique, d'un lieu de vie aseptisé. Ses rapports distants avec sa secrétaire, sa volonté de laisser les gens parler, les écouter, un paradoxe dans sa profession d'avocat, un avantage quand il rejoint son fauteuil de psychanalyste.

Il est au centre du roman, mais ce n'est pas véritablement lui le héros. Anne Goscinny le dépersonnalise au maximum pour insuffler toute la vie du roman dans les personnages qui se succèdent dans son bureau. Un veuf qui tente de conserver la maison héritée de sa femme et que sa belle-fille guigne depuis 5 ans, la femme d'un peintre célèbre flouée par son homme de confiance, une maîtresse-femme désirant divorcer. Autant de tranches de vie fortes et intenses, alors que l'avocat-psy végète. Cette première oeuvre vaut surtout pour son ambiance feutrée, comme cotonneuse. Anne Goscinny pour un premier roman maîtrise parfaitement son sujet de bout en bout, semant dans son récit quelques citations chocs comme autant de directs au foie.

"Le bureau des solitudes", Anne Goscinny, Grasset, 15 € (Le Livre de Poche) 

vendredi 21 mars 2008

BD - Baraka à Bir Hakeim pour Poison Ivy


Yann est un sacré filou. Il profite de sa série « Les exploits de Poison Ivy » pour se moquer de quelques-uns de ses collègues et connaissances. La belle américaine au baiser mortel croise dans cette troisième aventure plusieurs officiers français aux patronymes qui sont autant de clins d'oeil. Du colonel Albert René de la pâte feuilletée au sergent Filippini en passant par le caporal Desbergman, les amateurs apprécieront. Mais cette lecture au second degré n'empêche en rien d'apprécier l'intrigue de l'album. 

Dans le désert libyen, les cinq jeunes femmes du WOW (women on war) ont pour mission d'intercepter la cargaison de cette colonne militaire des forces français libres qui doit rejoindre le fortin de Bir Hakeim. Une cargaison très convoitée car les Nazis sont également aux basques du convoi. 

Un album où Yum Yum Jaw déploie tout son art pour faire disparaître les soldats morts. Cannibale de son état, son estomac peut engloutir toute une division. Truffé de gags made in Yann, dessiné avec classe et précision par Berthet, cette série exploite la veine comique de leur précédente série plus dramatique, Pin-Up.

« Les exploits de Poison Ivy » (tome 3), Dargaud, 10,40 € 

jeudi 20 mars 2008

BD - Furiani Vendetta


Jean-Philippe Dugand fait partie de ces scénaristes totalement inclassables. Après des débuts dans l'underground (notamment chez les Requins Marteaux albigeois), il s'est associé à son vieux complice Didier Poiraud pour écrire le scénario d'Atomik Circus, ovni cinématographique entre le nanard SF et la comédie musicale avec Vanessa Paradis en vedette. 

Il signe avec District 77 ce qui à première vue est un polar classique avec flics américains violents ou dépressifs (parfois les deux à la fois). Mais il y intègre une grosse touche de fantastique, du vaudou brésilien qui permet effets spéciaux gore, un peu de sexe et de la baston virile. On suit dans les premières pages du second tome la vengeance d'une bande de truands profitant du coma du Big Boss pour se racheter à bon compte une boite de strip-tease. En parallèle, Lili Lafayette, jeune fliquette est en pleine déprime. Elle est suspendue après avoir abattu un homme. Ce que ses supérieurs ne savent pas, c'est que l'individu était « possédé » par l'esprit du Big Boss.

 Une BD très speed, pleine de bruit et de fureur, tout ce qu'aime Denys, le dessinateur, qui a déjà à son actif la série « Dans la nuit ».

« District 77 » (tome 2), Le Lombard, 10,40 € 

mercredi 19 mars 2008

BD - L'anse aux crânes, premier tome de la série Delta

Etre le fils d'un riche noble ne procure pas que des avantages. Gabriel Boissy d'Aigremont représente une montagne d'or pour les pirates qui viennent de l'enlever. Dans cette Amérique du Sud des Conquistadores que l'on devine équatoriale, il est enfermé dans un vieux bateau échoué dans une mangrove grouillant de bestioles toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Une jeune indigène, Tina, vient le nourrir. Et un jour elle parvient à lui remettre un outil lui permettant de briser ses chaînes et de s'évader.

 Le jeune couple très dépareillé, un aristocrate et une sauvageonne, parvient à semer ses poursuivants en empruntant un chemin risqué sur les eaux infestées de bêtes féroces. Une fuite au cours de laquelle Gabriel apprendra à mieux connaître Tina qui sous ses airs de petite fille cache une femme déterminée, bien décidée à utiliser le jeune Français pour arriver à ses fins. 

Une histoire de Fonteneau dessinée par deux Italiens qui ont déjà fait leurs preuves. Roberto Ricci a signé chez Delcourt « Les âmes d'Hélios ». Il s'est associé, pour dessiner ce « Delta », à Matteo Simonacci qui était il y a peu son élève à l'école internationale de bande dessinée de Rome.

« Delta » (tome 1), Les Humanoïdes Associés, 12,90 € 

mardi 18 mars 2008

Roman - Mystères et souvenirs de famille

Trois voix, trois générations pour tenter d'expliquer l'histoire d'un homme disparu à Marie-Galante, île guadeloupéenne pleine de mystères. "Un soupçon d'indigo" est un roman de Michèle Gazier.


Pourquoi Lucie a accepté ces quelques jours de vacances avec un couple ami à Marie-Galante ? Son inconscient lui a-t-il dicté de dire oui à cette invitation ? Marie-Galante c'est « l'île maudite d'où son grand-père n'était jamais revenu ». Et une fois sur place, dans la touffeur tropicale, de s'interroger : « Que vient-elle chercher ici ? Le souvenir d'un mort ? La trace d'un homme dont elle ne connaît qu'une photo ancienne qui le montre jeune et joyeux ? »

Michèle Gazier, dans ce roman sensuel et trouble, dévoile par petites touches le parcours de cet homme insaisissable par les membres de sa famille. Maurice Gil, vivait heureux dans le Sud de la France. Un jour il a trouvé un emploi dans une grosse distillerie guadeloupéenne. Il s'est envolé vers les Antilles et n'a jamais plus remis les pieds en métropole.

Abandon de famille

Une famille qui l'a gommé de sa mémoire. Sa fille, Isabelle, raconte ce père absent dans la seconde partie du roman, Lucie, la petite-fille, sans véritablement le désirer, va se retrouver sur les traces de son grand-père durant ces courtes vacances. Premier signe, la rencontre d'un vieil Antillais qui l'aborde après l'avoir dévisagée : « Vous me rappelez un ami. Il avait comme vous des yeux bleus. De ce bleu si particulier de l'indigo. Savez-vous que, longtemps, cette plante fut la richesse de notre île ? Merci de m'avoir permis de penser à lui en vous regardant. » Lucie est troublée. Perdue dans cette carte postale pour touriste, elle sent que son grand-père est encore présent dans l'esprit de beaucoup d'autochtones. Une sorte de légende cachée, comme un mystère que personne ne veut dévoiler.

Le second choc c'est quand elle entend une chanson dans la rue. Du balcon de sa chambre d'hôtel, face à la mer, elle constate que trois vieux ivrognes passent de longues nuits sous une casemate à boire du rhum local. Fascinée par cette langue créole qu'elle ne comprend pas, elle intercepte quelques paroles en français d'une chanson massacrée disant « Si tu veux faire mon bonheur, Marguerite, donne-moi ton cœur ! ». Cette chanson elle l'a déjà entendue dans la bouche de sa mère, Isabelle. Et Marguerite c'était le prénom de sa grand-mère, abandonnée par Maurice.

Ailleurs

Délaissant plage et randonnées touristiques, elle va chercher des indices du passage de son grand-père à Marie-Galante. Elle devra attendre le dernier jour de son séjour pour avoir un embryon d'explication. Des faits peu probants. Il a bien résidé à Marie-Galante. Mais un jour il a disparu. Sans prendre le bateau. Sans explication. Une seconde disparition pour cet homme qui avait déjà tout lâché en France, laissant femme et enfant, seules avec leurs souvenirs. La seconde partie du roman raconte cette absence, difficilement vécue par Isabelle, sa fille.

La troisième partie du roman est constituée des mémoires confessions d'un vieil Antillais. Il a connu Maurice. Il raconte son passage à Marie-Galante, son coup de foudre pour l'île, ces paroles prononcé avec un regard triste : « Il n'y a plus d'ailleurs. Il n'y aura jamais plus d'ailleurs. » Un roman énigmatique, qui interroge sans révéler une vérité. Qu'est véritablement devenu Maurice Gil ? Qui le sait avec certitude ? Même lui se pose peut-être encore la question... Michèle Gazier signe une intense chronique sur l'absence et la famille, un texte fort qui prend aux tripes.

« Un soupçon d'indigo », Michèle Gazier, Seuil, 18 € 

lundi 17 mars 2008

BD - A trois, l'amitié plus forte


Elles sont trois amies. Trois adolescentes dans un lycée canadien à tenter de séduire tout mâle non boutonneux. Mais dans ce trio improbable imaginé par Delaf et Dubuc (qui sont en couple dans le civil) Karine fait un peu figure de pièce rapportée. Karine est très grande, très maigre, sans poitrine et surtout très naïve. Par contre Vicky et Jenny sont les caricatures de ces petites chipies ne vivant que pour la mode, l'apparence et le futile. 

Leur amitié pour Karine n'est qu'intéressée. Faire-valoir esthétique ou aide inespérée en cours, Karine, tout en étant la plus sympathique, est également la plus à plaindre. Dans ce troisième album, Vicky est bloquée à l'hôpital, une jambe dans le plâtre. Jenny en profite pour tenter de lui « voler » John-John, l'énigmatique motard tout de cuir vêtu, ne quittant jamais son casque à la visière teintée. 

Une série dans l'air du temps, comique mais pas toujours. Karine est déchirée entre son amoureux et ses copines. Elle doit faire des choix et parfois se trompe. Enfin, on connaîtra le secret de John-John. Un choc pour Karine et les lecteurs.

« Les Nombrils » (tome 3), Dupuis, 9,20 € 

dimanche 16 mars 2008

Roman - Serge Raffy nous entraîne sur "La piste andalouse"

Les personnages de ce roman à suspense de Serge Raffy semblent normaux. Mais la lecture d'un recueil de poèmes va bouleverser leurs vies, et les emporter dans un tourbillon de folie.


Aimant se promener dans les travées tranquilles du cimetière Montparnasse à Paris, Jérôme Sergent, ancien professeur d'espagnol, ne se doute pas qu'il va y faire une rencontre qui va bouleverser sa vie. Un homme, semblant fuir une menace invisible, s'immobilise en face de lui près de la tombe de Tristan Tzara. Il a une enveloppe dans la main et la tend à Jérôme tout en sortant de son pardessus un revolver avec lequel il se suicide... Complètement interloqué, Jérôme va prendre l'enveloppe dans un premier temps avant de prendre la fuite.

Une fois passée cette scène forte du roman, Serge Raffy, l'auteur, prend un peu plus de temps pour nous présenter Jérôme Sergent et les différents protagonistes de ce roman à suspense.

Le suicidé d'abord, Dimitri Bernès.

Comme Jérôme, il est originaire de Toulouse. Laborantin dans une grosse entreprise pharmaceutique, il travaille sur de nouveaux vaccins. Et comme il a des origines russes, la voie de l'espionnage industriel pour une puissance étrangère se précise. Mais c'est également un poète maudit. Il se trouvait à Paris pour tenter de faire publier un recueil de poèmes intitulé " Bivouacs ". Des poèmes que l'on retrouve dans leur intégralité à la fin du roman. L'enveloppe que Jérôme emporte avec lui est remplie de ces poèmes.

Trois jours après le suicide, en lisant que la police penche plutôt pour l'hypothèse du meurtre, Jérôme se décide à aller témoigner.

Mais sa version des faits est remise en cause par le policier chargé de l'affaire et rapidement Jérôme passe du rôle de témoin à suspect puis rapidement de coupable emprisonné. Perdant peu à peu la raison, Jérôme va faire des aveux, s'accuser du meurtre et tenter de finir les derniers poèmes de Dimitri, comme si l'esprit du suicidé avait pris possession de son cerveau au moment de la mort. Mais ce n'est pas évident de s'improviser écrivain. Surtout quand on confond les vers qui riment avec les vers qui grouillent dans la terre : " Je ne peux dire' voilà j'écris des vers', car je pense immédiatement à 'j'élève de la vermine'. Je ne parviens pas à élever mon regard au-delà de la tourbe... Je ne parviens pas encore à me considérer comme un artiste. J'admire ceux qui ont la force des vaniteux, concentrés sur leur ego, aveuglés par la certitude de porter en eux un bout d'éternité. Moi, je ne vois dans l'art que la perte et la douleur. " Emporté dans un tourbillon frénétique entre folie, espionnage, amour et remise en cause personnelle, le lecteur ne sort pas indemne lui aussi de ces 230 pages. Comme l'auteur, il se posera nombre de questions sur la signification de l'art, sa perception dans un monde hypermatérialiste.

Sans oublier la problématique du "passage" et de la "transmission" au centre de cette Piste andalouse.

"La piste andalouse" de Serge Raffy, Calmann-Lévy 

samedi 15 mars 2008

Polar - Véra Cabral, amie des barjots

Notre société va de plus en plus mal. Ce n'est pas un propos de voisin blasé improvisé sociologue de bazar autour d'un barbecue trop arrosé mais la constatation bien réelle du docteur Véra Cabral, psychiatre aux urgences en région parisienne imaginée par Virginie Brac. Après une nuit pas plus chargée que les autres, elle reçoit un appel de son chef de service, le professeur Russel. Il lui demande de venir le plus vite possible à son domicile pour une intervention cruciale.

Dans la chambre du fils de ce ponte de la médecine, gît une jeune fille, massacrée au couteau. Dans un coin de la pièce, elle voit le fils de son patron, Fred, recroquevillé, semblant divaguer, visiblement dément ou sous l'emprise d'une puissante drogue. Rapidement les policiers font leur entrée en scène. Menée par la lieutenante Sanchez, sorte de Bérurier femelle avec un peu plus d'intelligence, l'enquête progresse vite. Tout accuse Fred. Le père ne nie pas. Il exige simplement de Véra qu'elle certifie qu'il s'agit d'une crise de démence qui épargnera la prison à son fils. Véra, individualiste et assez réfractaire aux ordres, ne l'entend pas de cette oreille. D'autant qu'elle est persuadée que Fred n'est pas l'assassin de sa camarade de classe. Elle va donc mener sa propre enquête, malgré les menaces de son patron, de la mère de la victime et des policiers rêvant en secret d'épingler le fils d'un notable.

Virginie Brac déroule son intrigue avec une maestria redoutable. Sans pour autant négliger la vie privée de Véra, jeune femme de 33 ans espérant toujours rencontrer le grand amour mais qui n'a jamais osé s'abandonner dans les bras d'un homme.

On découvre au détour de deux interventions la famille envahissante de la psychiatre, ses amitiés avec les travestis faisant le tapin, son dégoût de la hiérarchie et des ambitions professionnelles. Un roman au cours duquel le lecteur est constamment ballotté entre les scènes de pure action, de violence brute mais aussi de réflexion intense et de psychologie très fine.

De quoi contenter tout le monde avec, et c'est peut-être là l'essentiel, une héroïne très humaine qui a toutes les chances de trouver parmi les lecteurs beaucoup de compréhension et de compassion.

"Notre-Dame des barjots" de Virginie Brac au Fleuve Noir et réédité en poche chez Pocket, 6,40 € 

vendredi 14 mars 2008

BD - Les enfants perdus et le milliardaire


Après avoir bouclé deux cycles de trois albums, Pecqueur et Malfin reprennent tous les personnages de Golden City et ouvrent une nouvelle trilogie. Banks est de nouveau PDG de son groupe pharmaceutique. Dans les premières pages, il est dans la cabane de Mifa, Apple, Solo et Kumiko, les enfants perdus. Ces derniers racontent comment ils se sont rencontrés, où est née leur amitié. 

Des pages sombres pour ces enfants abandonnés, orphelins, obligés de voler pour survivre dans un monde où ils n'avaient plus leur place. Mais c'est le passé. Aujourd'hui, ils vont partir avec Banks vivre sur Golden City. Cet avenir radieux se charge de noirs nuages quand la petite Loli est enlevée par de mystérieux hommes masqués. Un commando qui, quelques heures plus tôt, avait également kidnappé le professeur Seed. Un vaste complot pour tenter de pénétrer dans Golden City et en prendre le contrôle.

La série de SF imaginée par Pecqueur est une belle réussite. Suspense, personnages attachants, intrigue fouillée : tous les ingrédients pour en faire un succès sont réunis. Et comme le dessin de Malfin est à la hauteur, il serait idiot de bouder son plaisir...

« Golden City » (tome 7), Delcourt, 12,90 €