De tous les animaux domestiques, le chat est de loin le plus indépendant. Le plus craquant aussi. Daisuke Igarashi, mangaka japonais, le confirme dans ce petit album intitulé Le petit monde de Kabocha.
Alors qu’il vivait en ville, le dessinateur entend des miaulements. Un tout petit chaton sur le parking. Il se dit trois fois qu’il est hors de question de l’adopter. Et deux pages plus tard, il lui donne le biberon…
C’est une femelle, elle deviendra Kabocha et ses aventures sont racontées avec finesse et poésie par son maître. Le grand changement pour le duo aura été le déménagement à la campagne. Kabocha, qui a toujours vécu en appartement, sans rencontrer d’autres animaux, se retrouve dans un vaste monde, avec jardins, champs, toits et quantité de voisins.
Des chats agressifs, mais aussi des bestioles faciles à chasser. Papillons, libellules, souris… Kabocha aime ramener des offrandes à son maître. Et quand elle se retrouve bloquée sur le toit, ses longs cris de détresse angoissent Daisuke qui, toujours, cède et va la récupérer, même si elle peut parfaitement descendre seule.
Une BD rafraichissante, avec alternance de planches en couleurs (superbes aquarelles) et dessins à la plume d’une grande précision.
« Le petit monde de Kabocha », Le Renard doré – École des loisirs, 128 pages, 11,90 €
Il y a trente ans, Patrick Loste, peintre reconnu du Pays Catalan, a gribouillé quelques dessins de bestioles diverses et amusantes dotées de la parole. Une œuvre de jeunesse, acide et mordante, où il dénonçait avec une belle ironie le prêt-à-penser, le conformisme et l’hypocrisie.
Planches redécouvertes et publiées dans un album en noir et blanc faisant penser à du Copi mâtiné de Reiser. Des chiens, quelques volailles, des cochons des cerfs et même des lézards pour aborder sans détour, la drogue, la jeunesse, le sexe ou la politique.
Une jolie surprise qui, paradoxalement, n’a pas pris une ride, preuve que notre monde tourne en rond depuis trop longtemps. « Nil novi sub sole » (Rien de nouveau sous le soleil), Patrick Loste, Edicions Paraules, 80 pages, 20 €
Face au tapage médiatique autour de l’embrasement du Proche-Orient de ces derniers mois, on regrette que certaines voix ne puissent plus s’exprimer.
Simone Veil aurait été un phare dans la tempête. On peut cependant imaginer sa position en découvrant ce texte datant de 2005. Elle a prononcé un discours et répondu aux questions des élèves de l’École Normale Supérieure. Un texte inédit où elle parle de la déportation, de résilience, de Droits de l’Homme.
Et surtout de l’espoir qu’elle place dans ces jeunes gens, la quatrième génération après la Shoah. « Pour les générations futures », Simone Veil, Albin Michel, 156 pages, 17,90 €
Célèbre illustratrice originaire de Perpignan, Blachette est suivie par des milliers de personnes sur les réseaux sociaux. Elle sort pourtant ce carnet pour donner envie à ses abonnés de se déconnecter, de passer « En mode avion », titre de cette belle initiative.
Dans les premières pages, elle explique les directives : « Éloigne-toi de tout écran dès que tu ouvres ce carnet. Si tu suis les instructions, tu déconnecteras le temps d’un instant ! ». Vous serez invité ainsi à dessiner, raconter des petites histoires mais aussi vous dévoiler, tenter de « se redécouvrir ».
A tester en cette période où tout va trop vite… « En mode avion », Blachette, First Éditions, 16,95 €
Sorte de petite souris rêvant d’aventures trépidantes en chevauchant un… escargot, Léon est persuadé d’avoir l’avenir d’un preux chevalier. En clair, son rôle dans ce bas monde est de partir au secours d’une princesse en détresse.
Quand il se décide enfin à quitter le nid douillet de chez ses parents, il va découvrir une tout autre réalité. Cette histoire, imaginée par Vincent Mallié, plaira aux plus jeunes par son côté merveilleux. Les plus âgés adoreront la partie ironique, se moquant des contes trop manichéens.
Léon, va faire étape chez Anna, dans une maison perdue au cœur de la forêt. Il va découvrir toute la complexité de la tenue d’un foyer. Il va vite se lasser jusqu’à l’intervention du redoutable Seigneur de la forêt magique. « La folle et incroyable aventure du chevalier Léon », Margot, 56 pages, 18,90 €
L’Aveyron, ses forêts sauvages, ses villages reculés et un curé unique sont au menu du nouveau film dérangeant d’Alain Guiraudie titré fort justement « Miséricorde ».
Un film d’Alain Guiraudie ne peut pas laisser indifférent. Sa vision de la province tranche avec les comédies caricaturales. Même s’il force sans doute le trait en ce qui concerne les penchants sexuels de ses héros. Nouvelle pierre à l’édifice avec Miséricorde, présenté en compétition à Cannes.
À l’automne, alors que les cèpes sortent, Jérémie (Félix Kysyl), la trentaine, revient dans le petit village de Saint-Martial, dans l’Aveyron, à quelques kilomètres de Millau, sur ces causses couverts de forêts. Il arrive de Toulouse pour les obsèques du boulanger, son ancien patron qui lui a appris le métier. Il est hébergé par la veuve, Martine (Catherine Frot) et retrouve le fils du couple, son copain de toujours, Vincent (Jean-Baptiste Durand).
Jérémie, que personne n’attend à Toulouse, décide de rester quelques jours à Saint-Martial. Il en profite pour faire de longues balades en forêt, croise la route du curé local (Jacques Develay) et de Walter, autre copain d’enfance, ermite vivant seul dans sa ferme presque en ruines. Comme souvent dans les films d’Alain Guiraudie, une fois les acteurs du drame présentés, on découvre leurs jeux troubles. Jérémie est-il attiré par Walter ? Quelle était sa relation avec le boulanger mort ? Vincent le soupçonne de vouloir coucher avec sa mère : véritable crainte ou simple jalousie ?
Tout est étrange dans ce village. Notamment les frontières entre les attirances. Beaucoup d’hommes, peu de femmes, des rituels étonnants et parfois la violence qui sort d’un coup, comme ces champignons que tout le monde cherche dans ces bois encore plus fréquentés qu’un quai de métro aux heures de pointe. Rapidement, la tension va monter, les mensonges se multiplier, la mort s’inviter au festin des sens.
Drame de la solitude sexuelle des campagnes, Miséricorde n’a pas la folie douce des précédentes réalisations d’Alain Guiraudie. C’est plus apaisé, mais toujours aussi ambigu. On suit les errances, remords, doutes, cauchemars et embrasements de Jérémie, fascinés par ce jeu de faux-semblant avec en point d’orgue l’intervention, quasi divine, du curé, manipulateur suprême, pour son propre intérêt même si c’est au prix de sa réputation.
Une histoire humaine, faite de chair et de sang. Avec en contrepoint apaisant, les arbres gigantesques, immuables et majestueux de cette forêt aveyronnaise, superbement filmée par un réalisateur toujours très à l’aise dans les grands espaces.
Film d’Alain Guiraudie avec Félix Kysyl, Catherine Frot, Jean-Baptiste Durand, Jacques Develay, David Ayala
Grosse déferlante Bodin’s au rayon DVD en ce mois d'octobre. M6 Vidéo propose en DVD et Blu-ray « Les Bodin’s enquêtent en Corse ».
Après le succès du film voyant ce couple infernal de bouseux (mère et fils) dynamitant la Thaïlande, les voilà sur l’île de Beauté. N’en demandez pas trop au scénario, contentez-vous de situations aussi grotesques que comiques. Un téléfilm qui avait cartonné lors de sa diffusion.
Et si vous en redemandez, cassez votre tirelire pour faire l‘acquisition du coffret de 4 DVD proposant l’intégralité des spectacles de ces humoristes (Vincent Dubois, Jean-Christian Fraiscinet) de ces dernières années.
Sorti en mai dernier mais toujours d'actualité, cet album raconte le martyr du village français d'Oradour-sur-Glane. Dessinée par Bruno Marivain, au trait réaliste digne d'un William Vance ou de Philippe Jarbinet, cette histoire a été voulue par Robert Hébras, rescapé d'Oradour. Mort le 11 février 2023, il n'a pas pu voir l'histoire achevée mais n'avait pas caché sa satisfaction en découvrant le scénario de Jean-François Miniac et les premières pages dessinées.
L'histoire d'Oradour-sur-Glane, village martyr, est connue de tous. Notamment grâce au travail de mémoire effectué par Robert Hébras et l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane qui a soutenu ce projet édité par la jeune maison d'édition belge Anspach.
Le 10 juin 1944, la division Das Reich arrive dans ce gros bourg du sud-ouest, rassemble les hommes dans des grandes et les fusille froidement. Femmes et enfants sont enfermés dans l'église et brûlés vifs. 643 victimes, le plus important crime de guerre commis sur le territoire national. Heure par heure le drame est retracé.
Montrant comment quelques villageois sont parvenus à s'échapper en faisant croire qu'ils étaient morts. Un témoignage essentiel alliant la force de la narration au choc des dessins. « Oradour, l'innocence assassinée », Anspach, 88 pages, 20 €
L'occupation de la France par l'envahisseur allemand durant le seconde guerre mondiale a durablement marqué toute une génération. Les plus jeunes aussi ont voulu participer à la Résistance. Le Réseau Papillon s'inspire de cette bravoure à toute épreuve pour raconter le destin de quelques gamins, fiers d'être Français, déterminés à récupérer leur liberté.
Une série écrite par Franck Dumanche et dessinée par Nicolas Otéro. Feuilleton historique, plus le temps passe, plus la fin de la guerre approche et plus les enfants deviennent de grands adolescents. Presque des adultes. Ainsi Edmond, Doc de son nom de code, a rejoint l'Angleterre et participe à l'effort de guerre dans la cellule communication des forces françaises libres.
Si François et Elise sont toujours chez leur parents, le reste de la bande (le réseau papillon), a rejoint le maquis. Arnaud et Gaston vivent cachés et montent des opérations de sabotage contre l'occupant. Dans le 9e titre de la série, « A l'aube du débarquement », tout s'accélère en ce printemps 1944. Les maquisards intensifient leurs actions pour empêcher l'arrivée des troupes allemandes en Normandie.
Parmi les soldats de la division Das Reich, Karl décide de déserter. C'est un Alsacien, enrôlé de force pour aller combattre sur le front de l'Est et rapatrié après la déroute dans le sud-ouest de la France. Il fait partie des « Malgré-nous », ces Alsaciens obligés de rejoindre l'armée d'Hitler. En cas de refus ou de désertion, les nazis exécutaient le reste de la famille. Blessé, il est soigné par Elise, devenue une belle jeune femme, intrépide et déterminée.
Il sera caché par le réseau, en même temps que trois aviateurs anglais dont l'appareil a été abattu lors du parachutage d'armes aux Résistants.
Beaucoup d'action dans cet album, qui annonce une suite encore plus mouvementée : l'opération Overlord et le débarquement de 195 000 soldats alliés en Normandie.
« Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé ! Mais Paris libéré ! » Cette célèbre tirade du Général de Gaulle le 25 août marque la fin d'une des grandes batailles de l'Histoire de France (nom de la collection), la libération de Paris. Jean-François Vivier et Denoël ont retracé ces quelques jours avec la méticulosité des historiens. Dans un prologue, ils présentent les forces en présence.
Car les libérateurs n'arrivent pas forcément unis. D'un côté les communistes, de l'autre les Gaullistes. La libération de Paris est avant tout une affaire politique franco-française.
L'album raconte comment les Gaullistes tentent de temporiser pour permettre à la 2e DB de Leclerc de rejoindre la capitale et d'arriver en triomphateur avec De Gaulle. Les communistes sont au contraire déterminés à en finir le plus vite possible. Ils sont persuadés que les forces intérieures seront assez fortes pour repousser l'envahisseur. Alors qu'une trêve est négociée, les barricades communistes dans divers quartiers parisiens viennent provoquer l'armée allemande.
Surtout, les résistants du colonel Rol-Tanguy harcèlent les SS, mènent des raids contre les colonnes de l'armée d'occupation, n'ont qu'un seul mot d'ordre « A chacun son boche ». Par chance, dans les derniers jours, tous se retrouvent et participent, unis à la libération de la ville.
Mais au final c'est de Gaulle qu'un million de Parisiens acclament le 26 aout 1944 sur les Champs-Elysées. L'histoire alterne tractations politiques et coup de force armée avec aisance. Le dessin de Denoël, réaliste et fidèle, permet au lecteur de plonger au cœur de l'action, de l'Histoire.
« La libération de Paris », Plein Vent, 48 pages, 15,90 €