lundi 10 juin 2024

BD - Le magot de Mémé

 

Le Tarn est un affluent de la Garonne. Un département aussi, décor du roman graphique Le gigot du dimanche écrit par Philippe Pelaez et dessiné par Espé. Une histoire de famille, la famille du scénariste Philippe Pelaez qui joue un rôle essentiel dans le récit en répondant au surnom si mignon de Pilou.

Pilou adore les dimanches où tout le monde mange chez Mémé, un gigot bourré d’ail après des bouchées à la reine à la cervelle. Frères, oncles, cousins, tous se disputent et après ils vont au stade voir l’équipe locale de rugby maltraiter les voisins puis au loto-quine où le gros lot est un cochon. Vivant le cochon.

Pilou à 11 ans, on est en 1981 et sa maman, qui a voté Mitterrand, crie sur son tonton, l’assureur, gaulliste, mauvais perdant, persuadé que les chars russes vont défiler sur le Champs-Élysées le 14-Juillet. Une famille dysfonctionnelle qui retrouve de l’unité dès que Mémé va à la cuisine. Ils tentent tous de savoir où elle a pu planquer son magot, des Louis d’or devenus aussi légendaires qu’invisibles.

Tout semble vrai dans cette histoire. À part le fameux magot. Philippe Pelaez reconnaît qu’il s’est un peu inspiré de sa famille, mais que le seul dont il est certain d’avoir respecté les pensées et agissements, c’est lui-même. On rit beaucoup aux multiples péripéties autour du magot mais aussi de la découverte de la vie par Pilou, un petit gros un peu naïf qui n’a pas son pareil pour mettre les pieds dans le plat… de gigot.

« Le gigot du dimanche », Bamboo Grand Angle, 72 pages, 16,90 €

dimanche 9 juin 2024

BD - Le rugby émancipateur


Après la vie des pionniers dans le grand nord canadien, JeanLouis Tripp s’attaque à la vie dans deux villages du Sud de la France. Des cités voisines, simplement séparées par un pont qui enjambe le fleuve. Nous sommes d’un côté à Larroque-sur-Garonne, de l’autre à Castelnau-sur-Garonne, pas loin de Montauban. Tripp connaît parfaitement la région. Il y a vécu enfant et n’a pas quitté ce Sud ensoleillé et fou de rugby puisqu’il réside désormais dans les Corbières audoises.

La série Les vents ovales, prévue en trois tomes, ambitionne de raconter les événements de mai 68 mais depuis cette province si éloignée des barricades parisiennes. Simple scénariste sur le projet, il a reçu le renfort d’Aude Mermilliod à l’écriture et le travail graphique est assuré par Horne.

La première partie suit la vie quotidienne, de mai à septembre 1967, de deux copines, Yveline et Monique. La première, en couverture du premier tome avec un ballon de rugby dans les mains, est la plus jeune. À peine 18 ans, lycéenne, elle va passer son bac. L’obtenir avec la mention Très Bien et commencer ses études universitaires à Paris. La seconde, 21 ans, après un cursus au CREPS, va devenir prof de sport… à Béthune.

Deux jeunes femmes de la fin des années 60, entre envie de s’émanciper et pression sociale de leurs origines. Yveline, fille de paysan, fiancée à un gars du coin, voudrait tant s’extraire de son milieu, s’affirmer. Même envie du côté de Monique, fille du directeur de l’usine de briques, fille à papa surprotégée. Le dernier qu’elles passent ensemble est raconté avec finesse et délicatesse par un trio qui prend le temps de camper les personnages, l’ambiance et l’importance du rugby dans ces deux villages rivaux.

Un rugby émancipateur pour nombre de jeunes. Un sport collectif qui ne galvaude pas l’adjectif. C’est cette partie qui fera vibrer les sudistes amateurs de ballon ovale. Même si le premier public ciblé de la série semble être les femmes, libérées ou à libérer.

« Les vents ovales » (tome 1), Dupuis Aire Libre, 136 pages, 26 €

samedi 8 juin 2024

Roman français – Totalement disparu et insaisissable cet Hervé Snout

Qu’est-il arrivé à Hervé Snout. Ce Français, père de famille irréprochable, patron dynamique d’une petite entreprise, a disparu. Olivier Bordaçarre mène l’enquête.

En grand admirateur de l’œuvre de Georges Perec, Olivier Bordaçarre précise dans ses remerciements, qu’en plus d’hommages ou d’allusions à une quinzaine d’ouvrages du romancier de La disparition, il a lui aussi composé son texte en n’utilisant pas volontairement une des lettres de l’alphabet. Si vous décidez de plonger dans ce roman noir « des coulisses du bonheur contemporain et familial », tentez de la découvrir avant la fin. Même s’il vous est difficile de vous concentrer sur cette recherche tant le récit de La disparition d’Hervé Snout va rapidement vous passionner.

Dans la première partie, les faits sont vus par les autres membres de la famille. Odile, épouse d’Hervé, Eddy, le fils aîné, Tara, la cadette. L’épouse a préparé un repas de fête pour l’anniversaire d’Hervé. Bœuf bourguignon longuement mijoté. Mais ce mardi 16 avril au soir, Hervé ne rentre pas à la maison. Un repas doublement gâché car Tara a refusé, une nouvelle fois de manger de la viande.

La viande c’est pourtant toute la vie de son père. Patron d’un petit abattoir, il mène ses ouvriers avec fermeté. Il est souvent à la limite du harcèlement, mais il faut savoir s’imposer face à ces hommes qui passent leur journée à égorger porcs, agneaux et vaches puis à les vider et les découper dans des mares de sang.

Une semaine après la disparition, la gendarmerie accepte enfin de se pencher sur l’affaire. Le chef est persuadé que le mari a simplement décidé de refaire sa vie, loin de sa femme, forcément insupportable pour ce militaire alcoolique, abandonné par son épouse lassée de l’attendre le soir. Son adjoint lui, espère qu’Hervé Snout ne reviendra jamais. Car il vient de tomber follement amoureux de la potentielle veuve.

Ce roman, qui lève petit à petit le mystère en révélant les défauts et pensées profondes des différents protagonistes, est une radiographie de la famille française idéale mais très bancale. Tara, par exemple, n’a qu’une envie : fuir ce foyer qui l’empêche de déployer ses ailes. « Ce qu’elle aime dans la vie, c’est courir. Peut-être qu’un jour elle parviendra à quitter le sol. Mais ses parents ne comprennent rien à sa passion. Eux, ils font du sur-place. Ils prennent racine et ils vont mourir debout, les deux pieds pris dans leur chape de béton. »

Pour comprendre l’origine de cette disparition, le roman prend ensuite le point de vue d’Hervé. Un portrait peu flatteur. Imbu de sa personne, rétrograde, souvent lâche, il n’a pas une haute idée de sa famille : « un débile, une intellectuelle et une frigide ! », dans l’ordre son fils, sa fille et sa femme qui venait de demander le divorce après avoir cédé aux avances de son médecin de famille.

Un roman qui va crescendo, déconstruisant ce faux bonheur familial de province. L’occasion aussi pour Olivier Bordaçarre de raconter la réalité des abattoirs. Des passages qui devraient beaucoup faire pour l’avènement du véganisme. Telle cette réflexion d’une secrétaire récemment embauchée supportant de moins en moins cette « odeur permanente de mort. […] Ce n’est pas une odeur franche de cadavre en décomposition, non, pas une pestilence, plutôt un fumet vicieux, un nuage invisible, un mélange de poils cramés au chalumeau, d’excréments, d’urine, de viande fraîche, de sabots et de corne brûlées, un relent organique dont la définition à elle seule est une épreuve. »

« La disparition d’Hervé Snout » d’Olivier Bordaçarre, Denoël, 368 pages, 20 €

vendredi 7 juin 2024

Thriller - Lire « Anna O » peut vous rendre insomniaque

Endormie depuis quatre ans, Anna O est suspectée de deux meurtres. Son médecin va tenter de la réveiller. Au risque de la condamner. Un thriller phénomène. 


Le Prince charmant et la Belle au bois dormant. Benedict Prince, médecin spécialiste du sommeil, s’occupe de Anna O, une jeune femme qui dort depuis quatre ans. A Londres de nos jours, le cas de Anna O divise. Cette fille de bonne famille (sa mère a été ministre, son père financier, elle était journaliste au moment des faits) est suspectée d’avoir poignardé à mort ses deux meilleurs amis.

Avant qu’on ne découvre les corps, elle a envoyé un sms à ses parents : « Je suis désolée. Je crois que je les ai tués. » Depuis elle dort. Un sommeil profond.

Elle n’est pas malade. Juste endormie. Matthew Blake, l’auteur de ce thriller ensorcelant, explique longuement les symptômes de cet état rare mais prouvé scientifiquement. L’auteur, passionné de neurosciences, signe un premier roman vendu un peu partout dans le monde. Le docteur Benedict raconte à la première personne l’essentiel du roman. Comment il accueille dans sa clinique du sommeil Anna O, pourquoi le ministère de la Justice veut la réveiller le plus rapidement possible.

On découvre par son entremise la vie d’Anna et cette fameuse nuit d’août. Avec ses amis et sa famille elle participait à un jeu de rôle dans un domaine isolé. « Le groupe se divise en deux équipes, l’une jouant les Chasseurs, l’autre les Survivants. Puis commence le jeu lui-même qui s’étire sur huit heures tortueuses. » Cela se déroule dans une forêt, « une étendue de broussailles parsemée d’arbres et d’un sentiment de menace crépusculaire. » Au petit matin, le jeu se transforme en drame.

Le lecteur, dès les premières pages, est saisi par cette ambiance de peur et de suspicion. Qui a tué ? Pour quelle raison ? Anna O est-elle la coupable ? Des questions sans réponse si l’on ne va pas au bout de ce thriller digne des meilleurs romans d’Agatha Christie.

« Anna O », de Matthew Blake, Buchet Chastel, 528 pages, 23 €

jeudi 6 juin 2024

Zombies ou crocodiles : l’écrivain audois Julien Guerville ne choisit pas

 Julien Guerville, romancier installé près de Quillan dans l’Aude, propose un roman horrifique rempli de zombies, de crocodiles et d’humains tentant de survivre. 


Il n’y a pas beaucoup de crocodiles dans les environs de Quillan dans l’Aude. Encore moins de zombies. C’est portant dans cette région que Julien Guerville a écrit son troisième roman, Mordre, une horrible histoire d’apocalypse zombie dans un monde où les hommes combattent les crocodiles.

Récit fantastique, empruntant des cheminements familiaux et philosophiques, ce texte percutant, sanglant et violent raconte avant tout comment les liens unissant un père et son fils sont plus puissants que toutes les fins du monde imaginables. Dans un temps qu’on imagine être du futur proche, le bayou, brûlé par le soleil, s’assèche. C’est dans ce milieu hostile, infesté de moustiques mais surtout de crocodiles, que Yao et Zaïn survivent. Le premier est le plus grand chasseur de saurien de la région, le Kaiju, celui qui offre ses proies aux chamans.

Il sait approcher des dangereux lézards en appliquant sa technique, sorte de prière magique : « Ondule Fluide Sans peur Ne sois pas proie Mais prédateur ». Zaïn est appelé à lui succéder. Finalement, il préfère créer une ferme d’élevage.

Quand tout d’un coup, d’autre « mordeurs » font leur apparition. Des zombies assoiffés de sang. Le roman raconte la longue fuite du père (infecté) et de son fils dans un pays ravagé, tout en contant l’apprentissage du jeune Kaiju et la première attaque d’un Z, comme ils sont nommés par la population. C’est d’autant plus angoissant que en filigrane, l’auteur raconte comment l’homme, en défiant la nature, a lui même provoqué cette révolution Z. Comme si à force d’être agressif envers tout ce qui est différent et vivant, on en perdait toute humanité.

On peut lire Mordre comme un simple exercice de littérature horrifique. Ou y trouver des raisons de tenter, dès aujourd’hui, à changer notre attitude avant… la première attaque.


« Mordre » de Julien Guerville, Julliard, 288 pages, 21 €

mercredi 5 juin 2024

BD - Bibliothécaire en vadrouille

 

Elle n'a peur de rien la jeune Molly Wind. Surement pas des grands espaces sauvages de l'Ouest américain au début de la conquête de ces immenses territoires. Ce western pour les plus jeunes, écrit et dessiné par Catalina Gonzalez Vilar avec l'aide, au dessin, de Toni Galmés, apporte une touche de culture.

Car dans ces Appalaches colonisées par les immigrants, l'Etat a décidé de proposer un service de bibliothèque itinérant. Pas de route, juste des chemins dans les forêts pour acheminer des romans à ces familles isolées. Et pour apporter la bonne parole, des bibliothécaires femmes qui savent lire mais aussi monter à cheval et bivouaquer partout, par tous les temps.

Molly rêve de cette vie. Mais elle est trop jeune. Par contre sa sœur Ann est embauchée et va de ferme en ferme comme les héros des romans qu'elle emporte dans ses sacoches. Quand Ann est blessée, Molly décide de la remplacer et part à l'aventure sur son cheval, l'impétueux Carson.

Le premier album de cette nouvelle série brille par son intelligence, la force des héroïnes et le message passé : les filles valent autant que les garçons, la culture est essentielle.  

«Molly Wind» (tome 1), Dupuis, 56 pages, 12,95 €

mardi 4 juin 2024

BD - Le meunier dans les bois

 


Tiré du roman d'Arto Paasilinna, Le Meunier hurlant, nouvelle création de Nicolas Dumontheuil se déroule dans le Nord de la Finlande. Après le succès de la transcription en BD de La forêt des renards perdus, l'auteur de L'Idiot (récemment réédité chez Futuropolis) se plonge avec délectation dans ce monde où la nature occupe une place centrale. La guerre vient de se terminer.

L'armée finlandaise a vaincu les nazis et les communistes. Dans ce petit village entouré de forêt, un moulin est sur le point de sombrer dans la rivière. Quand arrive Gunnar Huttunen, surnommé aussi Nanar. Cet échalas, très habile de ses mains, retape la bâtisse, remet la roue en service et recommence à moudre le grain produit localement. Ce serait parfait si Gunnar, parfois, se prend pour des animaux. Il imite les poules, les cochons, parfois des Humains mais surtout, la nuit, hurle comme des loups en chaleur.

Une folie qui n'est pas au goût des notables qui voudraient dormir en paix. Le roman raconte comment un original se retrouve rapidement ostracisé, rejeté et pourchassé par la masse. Seule la belle et compréhensive conseillère rurale Sanelma Käytämö trouve un certain charme au Meunier hurlant. Un charme certain même quand ils passent une nuit en amoureux sur une île isolée dans la nature pas si sauvage que ça.

On apprécie particulièrement les descriptions de Nanar quand il imite les animaux, mais aussi ses longues vadrouilles dans la forêt, loin des hommes agressifs, au plus près des animaux qu'il comprend tellement mieux.  

«Le meunier hurlant», Futuropolis, 152 pages, 24 €


lundi 3 juin 2024

BD - Découverte de la nature

 


Ambiance radicalement différente pour Murmures des sous-bois par rapport au Dieu-Sauvage. L'auteur canadien Kengo Kurimoto a découvert dans cette nature préservée des signes innombrables de poésie à l'état pur. Pour prendre conscience de ce monde merveilleux si proche, même des urbains, il prend pour exemple une jeune fille, Poppy, obligée de promener son chien Pepper dans les rues de la ville.

Elle tient la laisse mais ne fait pas attention à son animal. Casque sur les oreilles, regard rivé sur son smartphone, elle est ailleurs. Il faut que Pepper s'échappe et pénètre dans un terrain vague jouxtant une forêt à l'abandon pour qu'un monde nouveau s'ouvre aux yeux de Poppy. Elle va entendre les oiseaux, découvrir de nouveaux arbres, sentir les parfums des fleurs et même observer les traces laissées par les animaux sauvages grâce aux indications de Rob un jeune garçon qui « profite » de la nature depuis bien plus longtemps.

Cet album, sorte de longue contemplation de tous les miracles et beautés de la nature, est une source infinie de sagesse, de zénitude et de calme. Comme Poppy, on a envie une fois cet album à l'italienne refermé, aller à la découverte de lieux si proches et pourtant inconnus.  

«Murmures des sous-bois», Rue de Sèvres, 216 pages, 18 €


dimanche 2 juin 2024

BD - La vengeance du singe blanc

 


Dessinateur de Jazz Maynard, Roger, auteur espagnol, n'a plus rien à prouver. Son talent éclate à chaque case. Il lui fallait un projet en béton pour retrouver l'envie de se mettre à la table à dessin. Fabien Vehlmann le lui a apporté. Le lecteur ne peut que les remercier une fois qu'il se retrouve avec un exemplaire de l'album Le Dieu-Fauve entre les mains.

Le scénariste de Seuls ou du Dernier Atlas s'est plongé dans un monde entre héroic fantasy, préhistoire et aventures exotiques. Un récit complet raconté par quatre personnages à tour de rôle. Le premier est un singe blanc vivant dans cette nature sauvage d'un autre temps.

Muet, surnommé Sans-Voix, il a été adopté par une tribu qui tente de survivre malgré la sécheresse. Il suit sa horde pourchassant un immense crocodile mourant. Il va au-delà du monde sûr. C'est là que Sans-voix brille, gagne sa place. Mais aussi perdra sa liberté, capturé par des hommes qui vont le transformer en machine de combat, tueur impitoyable dans des duels sanglants.

Sans-Voix devient le redouté Dieu-Fauve. Cette métamorphose est racontée par sa dresseuse. Se greffe à cette intrigue un exil, une lutte pour le pouvoir, des esclaves qui tentent de s'affranchir, des Maîtres à l'agonie.

La violence est présente à chaque planche, permettant à Roger de signer de véritables œuvres d'art où le rouge est omniprésent. Le Dieu-Fauve est sans conteste possible le meilleur titre paru depuis le début d'année.  

«Le Dieu-Fauve», Dargaud, 112 pages, 21,50 €


samedi 1 juin 2024

Cinéma - L’amour s’étiole comme avancent lentement “Les tortues”

 Après trente ans de vie commune. Un couple se retrouve au bord de la rupture quand Henri prend sa retraite. Comment retrouver la passion des débuts ? 

Réflexion sur la difficulté de se retrouver à la retraite après une vie active mais aussi comédie sentimentale sur l’amour qui fane au fil des années, Les tortues, film du Belge David Lambert déconcertera certains car le couple examiné sous toutes ses coutures est gay. Thom (Dave Johns) et Henri (Olivier Gourmet), deux sexagénaires tout ce qu’il y a de plus typiques.

Rien dans leurs relations ou leurs façons d’être ne les différencie d’un autre couple hétéro. Henri, policier, a rencontré le Britannique Thom quand il est venu à Bruxelles chanter dans un cabaret. Il se travestissait. Mais par amour, pour Henri, Thom a abandonné sa carrière, ses robes fourreau et les paillettes pour se reconvertir comme brocanteur dans le célèbre quartier de Marolles. Pour le premier jour de retraite de Henri, Thom lui offre un petit-déjeuner royal au lit. Mais contre toute attente, Henri s’effondre en larmes.

La vie en vase clos

Ce film, tout en conservant sa catégorie affirmée de LGBT +, aborde des problèmes sociétaux plus généraux. Combien de jeunes retraités, une fois déchargés de leurs responsabilités ou de leur utilité besogneuse s’écroulent, comme s’ils prenaient conscience de leur brusque inutilité ? Henri va tenter de remonter la pente.

Avec l’aide de Thom. Même si ce dernier, trop présent, va lui faire plus de mal que de bien. Littéralement, il se sent étouffer. Là aussi, le thème est beaucoup plus général. Vivre à deux, durant des décennies, oblige à faire des concessions Mais il faut aussi conserver un jardin privé, une certaine autonomie.

On comprend dès lors que Les tortues, tout en parlant d’un couple gay, est un film universel, qu’on peut aller voir en oubliant totalement les orientations sexuelles des personnages principaux. Il reste cependant quelques situations mais qui fonctionneraient tout aussi bien avec un homme et une femme (drague sur les applis, rencontre à la piscine…). Il n’y a que la scène dans le cabaret, là où Thom tente de retrouver sa jeunesse et sa célébrité qui est ouvertement marquée gay.

Reste la plus belle parabole de ce film délicat à la bande originale riche et mélancolique, celle de ces deux tortues, léguées par un ami au couple avec la maison qu’ils partagent depuis si longtemps. Deux tortues enfermées dans un aquarium. Mais incapables de vivre l’une sans l’autre malgré l’exiguïté de leur habitat. Comme Thom et Henri, comme tant de couples, plus souvent victimes des habitudes que véritablement encore amoureux.

Comédie sentimentale de David Lambert avec Olivier Gourmet, Dave Johns