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samedi 1 juin 2024

Cinéma - L’amour s’étiole comme avancent lentement “Les tortues”

 Après trente ans de vie commune. Un couple se retrouve au bord de la rupture quand Henri prend sa retraite. Comment retrouver la passion des débuts ? 

Réflexion sur la difficulté de se retrouver à la retraite après une vie active mais aussi comédie sentimentale sur l’amour qui fane au fil des années, Les tortues, film du Belge David Lambert déconcertera certains car le couple examiné sous toutes ses coutures est gay. Thom (Dave Johns) et Henri (Olivier Gourmet), deux sexagénaires tout ce qu’il y a de plus typiques.

Rien dans leurs relations ou leurs façons d’être ne les différencie d’un autre couple hétéro. Henri, policier, a rencontré le Britannique Thom quand il est venu à Bruxelles chanter dans un cabaret. Il se travestissait. Mais par amour, pour Henri, Thom a abandonné sa carrière, ses robes fourreau et les paillettes pour se reconvertir comme brocanteur dans le célèbre quartier de Marolles. Pour le premier jour de retraite de Henri, Thom lui offre un petit-déjeuner royal au lit. Mais contre toute attente, Henri s’effondre en larmes.

La vie en vase clos

Ce film, tout en conservant sa catégorie affirmée de LGBT +, aborde des problèmes sociétaux plus généraux. Combien de jeunes retraités, une fois déchargés de leurs responsabilités ou de leur utilité besogneuse s’écroulent, comme s’ils prenaient conscience de leur brusque inutilité ? Henri va tenter de remonter la pente.

Avec l’aide de Thom. Même si ce dernier, trop présent, va lui faire plus de mal que de bien. Littéralement, il se sent étouffer. Là aussi, le thème est beaucoup plus général. Vivre à deux, durant des décennies, oblige à faire des concessions Mais il faut aussi conserver un jardin privé, une certaine autonomie.

On comprend dès lors que Les tortues, tout en parlant d’un couple gay, est un film universel, qu’on peut aller voir en oubliant totalement les orientations sexuelles des personnages principaux. Il reste cependant quelques situations mais qui fonctionneraient tout aussi bien avec un homme et une femme (drague sur les applis, rencontre à la piscine…). Il n’y a que la scène dans le cabaret, là où Thom tente de retrouver sa jeunesse et sa célébrité qui est ouvertement marquée gay.

Reste la plus belle parabole de ce film délicat à la bande originale riche et mélancolique, celle de ces deux tortues, léguées par un ami au couple avec la maison qu’ils partagent depuis si longtemps. Deux tortues enfermées dans un aquarium. Mais incapables de vivre l’une sans l’autre malgré l’exiguïté de leur habitat. Comme Thom et Henri, comme tant de couples, plus souvent victimes des habitudes que véritablement encore amoureux.

Comédie sentimentale de David Lambert avec Olivier Gourmet, Dave Johns

 

dimanche 12 avril 2015

Cinéma - "Jamais de la vie", le film noir de notre époque

Dans « Jamais de la vie », Pierre Jolivet entraîne le spectateur dans les affres de la survie en milieu économique sinistré. Avec Olivier Gourmet en justicier désespéré.


La banlieue. Un centre commercial. La nuit. Le parking est vide. Il ne reste qu’une voiture, celle du vigile. Il fait ses rondes, inlassablement. Comme un animal en cage. Franck (Olivier Gourmet) inspecte toutes les ouvertures, fume une clope, retourne à l’intérieur, passe par la salle de vidéo surveillance. Puis retourne dehors. Refaire sa ronde. Bis repetita ad vitam aeternam...


Pierre Jolivet, après le thriller ou la reconstitution historique, signe un film social sur la désespérance de notre époque en crise. Franck ne s’épanouit pas dans ce travail. Seule satisfaction, il est seul. Personne pour lui chercher des noises ou le commander. Il y sacrifie toutes ses nuits. Au petit matin, de retour dans son appartement dans une cité impersonnelle, il ingurgite une bonne quantité d’alcool pour sombrer dans un sommeil profond, sans rêve. Pas réparateur, mais comme un “reset” qui permet de recommencer le soir venu sans trop d’hésitation.
Cette non-vie il la subit, Franck n’a pas le choix. Longtemps au chômage, il a accepté ce CDD payé au minimum, malgré son expérience professionnelle d’ouvrier. La cinquantaine passée, en fin de droits, tout est bon pour payer le loyer.
Le réalisateur montre la vie de ces petites gens, prises à la gorge, incapables de s’en sortir, un quart-monde qui ne se soigne plus car c’est trop cher, qui n’a plus de projet pour la retraite si ce n’est de trouver un petit boulot d’appoint pour compléter une pension ridicule. Rarement la crise aura été filmée au plus près, sans fioriture. Sans le moindre signe positif aussi. Tout pousse au désespoir dans ce monde injuste qui offre tout aux plus riches et prend tout aux plus pauvres.

La crise, partout
Franck a coupé les ponts avec la société, les autres. Il se contente simplement d’aller régulièrement faire le point avec Mylène (Valérie Bonneton), l’assistante sociale qui lui a trouvé ce job peu reluisant. Elle lui demande de s’accrocher. Qu’un CDI, tel le Graal, est possible. Avec la possibilité, d’ici quelques années, de passer au service de jour.
Il s’en contente en ruminant ses luttes passées. Franck, avant de pointer au chômage, était responsable syndical dans une usine. Un bon ouvrier, investi, fier de son travail. Quand il a été question de fermer, il est allé au front, se battre pour sauver la boîte. Il a pris tous les coups, pour rien. Et c’est comme ça qu’il s’est retrouvé blacklisté un peu partout.
En retrait, mais pas complètement indifférent. Il remarque le manège d’une voiture aux vitres teintées. Il va se passer quelque chose. Mais peut-il jouer les balances, lui qui ne supporte pas les flics ? Et s’il tentait d’en profiter. Après tout, perdu pour perdu...
Pierre Jolivet a construit son film autour du personnage de Franck, un rôle extrêmement fort, omniprésent, compliqué. Une personnification de ces millions d’hommes et femmes humiliés dans leur quotidien car incapables de s’en sortir financièrement et intellectuellement. Notre époque. Noire et désespérante.


Olivier Gourmet : la gueule de l’emploi

Fracassé par la vie. Olivier Gourmet, la voix grave et cassée, la calvitie avancée, a la gueule de l’emploi. Il endosse la personnalité de Franck, syndicaliste déçu et blasé, avec une présence rare. Cet acteur belge originaire de Namur est l’acteur fétiche des frères Dardenne. Son rôle dans Un fils lui a même rapporté un prix d’interprétation au festival de Cannes en 2002. Logiquement, il a franchi la frontière et perdu son accent pour devenir un des piliers des films français exigeants. Loin de surfer sur son succès, il n’a pas modifié ses exigences quant aux rôles qu’il accepte. Il est cependant de plus en plus présent alternant les réalisations où il occupe le premier rôle comme Jamais de la vie ou Terre battue avec des participations moins importantes comme L’affaire SK1 ou Grand Central.
Dans le film de Pierre Jolivet, il a la chance d’interpréter le genre de personnage qui habituellement est réservé aux grandes actrices : un être fragile et écorché vif au masculin, c’est trop rare dans le cinéma français. Un défi qu’il relève avec brio, comme ses prochains rôles à l’affiche en 2015, du film fantastique japonais à la reconstitution historique (guerre 14/18) à l’adaptation de Madame Bovary.

samedi 20 décembre 2014

Cinéma : Faux rebond sur Terre battue


terre battue, gourmet, tennis

Pour être le meilleur, tous les coups ne sont pas permis...

Tiré en partie d'une histoire vraie, ce premier film de Stéphane Demoustier se déroule en grande partie dans le milieu très exigeant des jeunes prodiges du tennis. Ugo (Charles Mérienne), gamin de 10 ans, ne vit que pour le tennis. Une passion où il brille. Mais pour aller encore plus loin, envisager la possibilité de devenir professionnel dans le sillage des Gasquet et autres Monfils, il doit devenir champion de sa région afin d'intégrer le centre de formation de Roland-Garros. Son père, Jérôme (Olivier Gourmet) va tout faire pour lui permettre de réaliser son rêve. Loin de se consacrer sur le côté sportif de l'histoire, le réalisateur va d'abord planter le décor familial pour mieux faire comprendre le contexte. Jérôme, directeur d'un grand magasin, se retrouve au chômage. Le chiffre des ventes a baissé, u ne raison suffisante pour e remercier dans cette économie libérale du résultat. Cela tombe bien pour lui. Il a envie de voler de ses propres ailes, monter sa chaîne. Un saut dans l'inconnu qui n'est pas du goût de sa femme (Valéria Bruni Tedeschi) qui le quitte. Dépressif, sans projet, lâché par ses amis, Jérôme va transférer toute sa hargne sur son fils. Il sera un champion. De toutes les manières.



Produit par les frères Dardenne, le film qui se déroule dans le Nord, est sombre. La dramaturgie progresse inexorablement. Le spectateur, s'il n'est pas également passionné de coups droits et de volées liftées s'ennuie un peu par moments. Mais la descente aux enfers du père, parfaitement interprété par un Olivier Gourmet génial dans ces rôles de « M. tout le monde » rend palpitant un long-métrage plus universel qu'il n'y paraît malgré son thème très précis.