vendredi 10 mai 2024

Littérature française - De mère en mère avec Marianne Rubinstein et Anne Brochet

 Marianne Rubinstein et Anne Brochet évoquent beaucoup leurs mères dans « Bord de mère » et « L’armoire de vies », deux récits de vie.

Née en 1966, Marianne Rubinstein a traversé la fin du siècle dernier avec la chance de vivre dans un monde où les femmes étaient de plus en plus libres. Son récit, où elle se compare à sa mère, une scientifique en avance sur son temps, raconte l’émancipation des femmes dans cette France pas toujours aussi progressiste qu’on pourrait le penser.

Longtemps, Marianne Rubinstein a vécu dans l’ombre de sa mère. Comme si elles étaient reliées par des fils invisibles. « De nouveau, ta vie et celle de ta mère s’entremêlent, même si tu t’éloignes en partant vivre à Paris. Tu lui as présenté un de tes professeurs qui est devenu son nouveau compagnon et tu as rencontré chez elle un homme qui te plaît, ce qu’elle n’accepte que dans la mesure où cela t’aidera à tourner la page. » Et de constater, lucide : « Le problème n’est pas tant que les mères veuillent du mal à leurs filles, mais que les filles veuillent à ce point leur faire plaisir. »


Autre relation mère-fille dans le récit d’Anne Brochet. La comédienne, qui vient souvent dans les Pyrénées-Orientales, ouvre son quotidien par l’intermédiaire de ses armoires de toilette. De l’intime, avec longue litanie de marques, parfois disparues, d’Obao à Oil of Olaz. Dans le petit miroir, elle admire ses cheveux, coupant parfois sa frange pour ne plus ressembler à sa mère.

Constatant les dégâts, cette dernière rugira : « Tu t’es gâchée ! » Anne Brochet, dans un récit intimiste parfois très touchant, raconte ses amours, ses angoisses et la joie d’être deux fois mère à son tour. Et d’avouer « Ce qu’on aime le plus, les enfants et moi, c’est traîner dans la salle de bain. C’est notre âtre […] Je leur propose d’y habiter et de louer les autres pièces pour arrondir les fins de mois. Ils hésitent, se demandent si je plaisante. Une part de moi aimerait bien cette vie triangulaire autour d’une armoire de toilette. »

« Bord de mère » de Marianne Rubinstein, Verticales, 110 pages, 15,50 €
« L’armoire des vies », Anne Brochet, Albin Michel, 140 pages, 17,90 €

jeudi 9 mai 2024

Un essai : Femmes de polars

 

François Rivière s’est imposé comme un grand spécialiste de la littérature policière. Critique dès son plus jeune âge, il a signé nombre de biographies et d’études sur les maîtres du roman policier. Dans cet essai très personnel, malicieusement intitulé De l’assassinat considéré comme une affaire de femmes, il revient sur ses relations avec plusieurs grandes romancières.

Il est donc beaucoup question d’Agatha Christie (même s’il ne l’a jamais rencontrée), mais aussi de Patricia Highsmith, P. D. James et surtout Ruth Rendell. C’est cette dernière qu’il a le plus côtoyée, devenant un ami, souvent invité chez elle pour parler littérature et politique. Les amateurs de thrillers psychologiques et autres polars anglo-saxons adoreront.

« De l’assassinat considéré comme une affaire de femmes », Calmann-Lévy, 200 pages, 18,50 €

mercredi 8 mai 2024

Un périple : Darwin par Moatti

 


Tiré de faits historiques vérifiés, le voyage de Darwin autour du monde à bord du navire HMS Beagle, de 1831 à 1836, a donné à Michel Moatti, romancier originaire de Montpellier, une formidable matière transformée en roman d’aventures. Pour raconter ce périple, l’auteur s’est appuyé sur le livre de Darwin, Le voyage du Beagle, mais a aussi imaginé les carnets de Morgan Moss, cartographe du bord.

Darwin vivra souvent très mal ce voyage. Il n’avait pas décidé de partir. C’est le capitaine Robert FitzRoy qui l’a engagé, presque de force, juste pour lui tenir compagnie… intellectuellement. Mais le jeune scientifique anglais en a profité, entre les crises, pour affiner ses observations et débuter sa grande œuvre sur l’origine des espèces.

« Darwin, le dernier chapitre », Éditions Hervé Chopin, 464 pages, 21 €

mardi 7 mai 2024

Une intégrale : Les aventures de Jack Aubrey

 


Jack Aubrey, célèbre héros de romans maritimes, est né à Collioure. Exactement, son auteur, Patrick O’Brian, a écrit les nombreux romans dans la ville catalane. Une œuvre qui a connu un succès mondial, avec de multiples adaptations au cinéma.

Les éditions Omnibus - Presses de la Cité remettent les aventures du marin britannique en lumière en proposant l’ensemble des romans (dont le dernier inachevé) dans ces 5 énormes volumes de plus de 1 000 pages chacun. Les passionnés adoreront. Ceux qui découvrent cet univers n’en manqueront pas une miette.

« Les aventures de Jack Aubrey » par Patrick O’Brian, Omnibus, cinq tomes de 31 à 33 €

lundi 6 mai 2024

Un guide : Randonnées et vins

 


Après les bières, les éditions Helvetiq s’attellent désormais à la découverte des meilleurs vignobles de France, épaulées par l’auteur et œnophile Damien Courcoux. Il a signé Randos vins en France, un guide qui s’adresse à celles et ceux qui aiment déguster un bon verre de rouge, de blanc ou de rosé après une longue promenade. Cinquante vins bio vous sont ainsi proposés dans toute la France.

Dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales, trois randonnées sont associés à trois domaines : Ansignan et le domaine du Château Gastigno, Peyriac-de-Mer et le château Montfin, Cassagnes et le domaine Modat.

« Randos Vins en France », Helvetiq, 296 pages, 29,90 €

dimanche 5 mai 2024

BD - Dragons au combat contre les avions allemands


 Étonnante uchronie que cette nouvelle série de fantasy imaginée par Nicolas Jarry et David Courtois : Si l'Allemagne a bien déclaré la guerre au monde libre en 1939, la bataille dans les airs est encore plus spectaculaire. En plus des Spitfire face aux Messerchmitt 109, des dragons s'affrontent pour les deux camps.

Le premier tome de cette série qui en comptera quatre se penche sur le destin d'une famille britannique. Le père est un as de l'aviation. Il a des dizaines de victoires à son actif. Il forme par ailleurs son fils, l'aîné, qui sera son coéquipier. A terre, la mère s'inquiète pour ses deux plus jeunes enfants. Alexandra, à peine adolescente et Michaël, le petit dernier.

Alexandra, la narratrice, explique son premier contact avec une femelle dragon. Elle est liée à la bête fabuleuse. Elle devrait pouvoir devenir la « pilote » de cette redoutable machine de guerre. Mais sa mère refuse et l'envoie se réfugier avec son frère, aux USA. Pile au moment où les Allemands déclenchent leur grande offensive aérienne. L'avion du père est abattu, le bateau des enfants coule.
Par chance, ils arrivent à se réfugier sur un phare isolé. C'est de là qu'Alexandra va apprendre à maîtriser son compagnon ailé. Dessiné par Vax, cet album, histoire complète qui présente la série, mélange combats aériens de fer, de feu et d'écailles. Des compositions graphiques époustouflantes. Comme quoi la guerre, parfois, c'est presque joli...

«Guerres et dragons» (tome 1), Soleil, 64 pages, 15,95 €

samedi 4 mai 2024

BD - Espagne, terre atomique pour Guy Lefranc

 


Roger Seiter, le scénariste de cette 35e aventure du reporter Guy Lefranc s'est inspiré d'un véritable fait divers pour la trame du scénario.
Au début des années 60, en pleine guerre froide, les USA maintenaient en permanence plusieurs bombardiers en vol avec des bombes H dans les soutes pour répondre à toute attaque soviétique. Les avions partaient des USA, traversaient l'Atlantique et se tenaient en permanence à proximité des frontières de l'Est. D'autres avions, basés en Europe, étaient chargés de ravitailler en vol les bombardiers qui faisaient des veilles de 24 heures.

Lors d'un plein, au-dessus de l'Espagne, un B52 explose en vol, cinq bombes H tombent à proximité d'Alméria. Un reportage du feu de Dieu pour le journaliste Lefranc, en vacances dans la région. Exactement il est à la recherche d'une ancienne combattante républicaine qui a connu son oncle, engagé dans les brigades internationales pour protéger la jeune République.

Double enquête donc pour le héros imaginé par Jacques Martin et qui désormais est dessiné par plusieurs repreneurs, Régric pour ce Bombes H sur Alméria. Sa recherche de la vérité sur la mort de son oncle se croisera finalement avec la récupération d'une bombe. Dessin fidèle à l'original, intrigue réglée au millimètre : ce 35e titre d'une série idéalement relancée tient toutes ses promesses de nostalgie doublée d'une bonne dose de vintage.

«Guy Lefranc» (tome 35), Casterman, 48 pages, 12,50 €

vendredi 3 mai 2024

Cinéma - “Frères” abandonnés au cœur de la forêt

Tiré d’une histoire vraie, le combat de deux frères inséparables qui ont survécu 7 ans en forêt. 

 


La vie est parfois plus incroyable que les plus alambiqués des scénarios de cinéma. Olivier Casas, pour son second film, n’a rien imaginé. Il s’est contenté de mettre sur grand écran l’histoire de Michel de Robert, un homme rencontré dans un café et qui a bien voulu lui confier le secret le liant à son frère.

En 1948, Patrice et Michel, deux frères de 4 et 5 ans, sont dans un centre de vacances en Charente-Maritime. Ils vivent collés l’un à l’autre. Leur mère Marielle (Alma Jodorowsky) oublie d’aller les chercher. Ils vont passer quelques jours de plus dans le centre jusqu’à un dramatique fait divers. Patrice, persuadé que les gendarmes vont le mettre en prison, s’enfuit. Il se réfugie avec son petit frère dans la forêt.

Loin de toute civilisation, coupés du monde civilisé, par tous les temps, les deux enfants vont survivre durant 7 ans. Ce n’est qu’une fois Patrice adolescent qu’il a voulu retrouver la civilisation. De cette aventure incroyable, Olivier Casas a tiré la matière d’un film fort et émouvant. Il a donné un peu plus de chair au récit en recréant le lien existant entre les deux frères, une fois adultes, installés dans la vie.

Patrice (Mathieu Kassovitz) est psychiatre. Michel (Yvan Attal) architecte. Le premier ne s’est jamais remis de cette escapade. Quand Michel apprend qu’il a disparu du jour au lendemain, il a un mauvais pressentiment et va tout mettre en œuvre pour le retrouver et le sauver à son, tour. Les deux « sauvages » renouent avec la vie en forêt, mais au Canada, encore plus loin de toute civilisation.

En faisant le parallèle entre la vie au grand air des enfants et des adultes, le réalisateur capte l’attention du spectateur. Il le sort de l’intrigue rectiligne, ajoute une dimension psychologique importante à cette amitié fraternelle à l’épreuve de toutes les difficultés. Qui peut aussi se révéler destructrice. Patrice n’a jamais véritablement trouvé sa place dans la société et Michel, en accordant trop d’importance à son frère, met en péril sa famille.

Le début du film, un peu lent, aux images trop appliquées, sont heureusement chassées dès que la forêt et la nature (de France comme du Canada), entrent dans le champ de la caméra. Une bouffée d’air pur envahit la salle obscure, la vie simple, les rires d’une existence dure mais enchantée, le chant des oiseaux ou du vent, nous démontrent combien on passe trop souvent, happés par nos vies urbaines et pressées, à côté de l’essentiel.


Film d’Olivier Casas avec Mathieu Kassovitz, Yvan Attal, Alma Jodorowsky.

 

jeudi 2 mai 2024

Cinéma - Une jeune avocate face à sa “Première affaire”


La justice en France n’est pas en très bonne santé. Le sujet est simplement effleuré dans Première affaire, film de Victoria Musieldack. La jeune cinéaste ne s’intéresse pas au côté social du problème, mais plutôt à celui dit de société. Car quel que soit le nombre de juges ou de greffier, il restera toujours des affaires de meurtres avec victimes et suspects.

Tout commence généralement par une garde à vue. Nora (Noée Abita), jeune avocate engagée dans un cabinet spécialisé dans le droit des affaires, se retrouve bombardée avocate d’un jeune majeur, Jordan (Alexis Nieses), suspecté d’avoir tué à coups de barre de fer une jeune voisine. Elle découvre un monde nouveau. La tension de l’attente, la rudesse du policier chargé de l‘enquête, Alexis (Anders Danielsen Lie), les silences, le doute. Mais elle doit avant tout rassurer son client, tout faire pour le faire libérer.

Cette Première affaire de droit commun, est une véritable révélation pour la fragile Nora. Pleine d’empathie, elle aborde la garde à vue avec un point de vue très différent. Cela lui vaudra quelques retours de bâton de son patron, de sa propre famille et même de la mère du suspect. Une œuvre au noir, dans les couloirs sombres, sales et puants d’un commissariat et d’une prison du Nord de la France.

Si l’embryon de romance entre l’avocate et le flic semble presque hors sujet, il donne cependant matière pour mieux appréhender la solitude de Nora. Noée Abita, radieuse, l’incarne avec justesse et fragilité. Et élève le niveau de son jeu avec la métamorphose de Nora au fil de l’évolution du dossier. Le petit oiseau fragile du début peut-il se transformer en redoutable oiseau de proie ?

Film de Victoria Musiedlak avec Noée Abita, Anders Danielsen Lie, Alexis Neises


mercredi 1 mai 2024

En vidéo, “Ces messieurs de la Santé”

Si Raimu a beaucoup fait pour populariser le cinéma de Marcel Pagnol dont on célèbre cette année les 50 ans de sa mort, il a également été un comédien de cinéma aux rôles multiples et variés. La preuve avec la sortie en vidéo de la version restaurée par Pathé de Ces Messieurs de la Santé, film de Pière Colombier.


En 1934, habitué des succès populaires, il adapte cette pièce de théâtre traitant des carambouilles d’un escroc de la finance. Le casting, grandiose, est mené tambour battant par ce monstre sacré du cinéma. Cette comédie satirique oubliée mérite d’être célébrée à sa juste valeur.


En supplément dans le DVD et le blu-ray, À l’ère des grandes affaires : entretiens autour du film avec Jean Garrigues, Didier Griselain et Isabelle Nohain-Raimu.