mercredi 18 octobre 2023

BD - « Avant Gala », premier tome d’une trilogie en bande dessinée sur Dalí

Après Picasso, Julie Birmant et Clément Oubrerie s’attaquent à un autre géant de la peinture espagnole : Dalí. Le 1er tome de cette trilogie raconte sa vie « Avant Gala ».

Se lancer dans une biographie dessinée de Dalí est forcément synonyme de challenge graphique excitant pour l’illustrateur. Clément Oubrerie a relevé le défi et s’en tire avec plus que les honneurs, proposant quelques planches avec des visions « daliniennes » du plus bel effet. Il s’était déjà attaqué au monde du jeune Picasso (Pablo, quatre tomes chez Dargaud) avec la même complice, la scénariste, Julie Birmant.

Le premier tome de cette trilogie (tome 2 en avril 2024, tome 3 en octobre 2024) raconte la jeunesse de Dalí (Avant Gala). De Figuèras à Madrid en passant par Paris, les auteurs montrent un jeune homme très lunatique, parfois pleutre, souvent extravagant, perdu dans ses pensées, toujours original. Si son père accepte de l’envoyer faire les Beaux-Arts à Madrid, c’est pour honorer la mémoire de sa femme, la mère tant aimée de Dalí. C’est là qu’il rencontre ses premiers amis artistes, Federico Garcia Lorca et Luis Bunuel. Bunuel qui lui ouvrira les portes de Paris, capitale des surréalistes. 

Le jeune Dalí, encore sans moustache mais déjà très torturé par son image publique, va s’épanouir parmi ces fêtards dans limites. Même si son rigorisme, sa vénération pour certains anciens, va rapidement le détourner de la bande où un certain Picasso commence à se faire un nom.

L’album vaut aussi pour les nombreuses anecdotes de jeunesse, quand il était à Figueras, déjà obnubilé par quelques figures, des mantes religieuses aux horloges. Julie Birmant, sans véritablement donner les clés de la psyché de Dalí (mais qui oserait s’attaquer à un tel chantier), permet en plusieurs petites touches de définir l’Homme qui deviendra le grand peintre puis le parfait exploiteur de son engouement populaire pour devenir riche à millions. Mais ce sera le propos Des tomes suivants.

« Dalí » (tome 1), Dargaud, 88 pages, 19 €

Une étude - La BD autopsiée par Damien MacDonald


Sous une superbe couverture de Charles Burns, Damien MacDonald propose une vaste étude sur l’art de la bande dessinée. Il se penche sur son anatomie en disséquant une centaine d’originaux célèbres de la BD occidentale du XXe siècle. On trouve presque autant d’exemples issus des comics américains que des BD européennes.

De Bernie Wrightson à Moebius, de Charles Schulz à Uderzo, vous pourrez redécouvrir des planches exceptionnelles, avec des commentaires savants et circonstanciés sur leur beauté mais aussi leur signification dans notre monde contemporain. Avec quelques titres de chapitre assez énigmatiques comme « La troisième oreille » ou « Le squelette symbolique ».

« Bande dessinée, anatomie d’un art », Damien MacDonald, Flammarion, 256 pages, 29 €

mardi 17 octobre 2023

Un manga (français) - Silence de Yoann Vornière

De plus en plus d’auteurs français se lancent dans le manga. Terminées les 48 pages en couleur, couverture cartonnée, place au petit livre souple en noir et blanc de plus de 200 pages.


Silence
de Yoann Vornière est le parfait exemple de l’adaptation du format à une histoire plus européenne. Dans un futur apocalyptique, les derniers humains sont obligés de vivre cachés pour ne pas devenir les victimes des monstres qui occupent la nuit perpétuelle.

Lame, jeune guerrier, avec son amie Ocelle, va tenter de sauver sa communauté. Mais ils devront affronter sangliers à tête de feu, souris à dents et autres esprits chantant. De la magie, des combats, de la bravoure : un cocktail rondement mené pour une belle réussite tricolore.

« Silence », Kana, 208 pages, 7,70 €

lundi 16 octobre 2023

Cinéma - “Le consentement” : dans les pas de Gabriel Matzneff, le chasseur

Un film puissant pour montrer (sans voyeurisme), la monstruosité de la pédophilie avec l’exemple de Gabriel Matzneff.


Durant de trop longues années, Gabriel Matzneff, écrivain français, s’est cru intouchable. Il a transformé ses perversions et déviances sexuelles de pédophile en matière brute pour alimenter ses romans et journaux, complaisamment publiés par des maisons d’édition parisiennes. Il a fallu la libération de la parole des femmes pour qu’il soit enfin inquiété. Tout a commencé par la publication du récit Le consentement de Vanessa Springora en 2020. Elle racontait comment, à 13 ans, manipulée par cet homme brillant en société, elle est tombée amoureuse de Matzneff, a succombé à son emprise.

Comment ce dernier a profité d’elle, la transformant en objet sexuel, puis l’a jetée, tel un jouet usé. Le film de Vanessa Filho est fidèle au récit. Il raconte dans le détail comment Vanessa (Kim Higelin), intelligente, passionnée de littérature, s’est retrouvée dans le viseur du chasseur Matzneff (Jean-Paul Rouve).

Car il a beau parler d’amour éternel, de sentiments, l’écrivain imbu de sa personne n’est qu’un prédateur. Il aime le gibier, jeune, tendre. Séduire l’adolescente est un véritable challenge pour lui, qu’il utilise pour noircir des pages de son journal et alimenter un roman. Vanessa, flattée qu’on s’intéresse à elle, devient sa chose. Elle n’a que 14 ans quand il s’affiche avec elle dans les dîners en ville.

On est un peu interloqué en voyant comment, à l’époque, le sulfureux romancier était accueilli en star dans les soirées ou les émissions littéraires. Comme cet extrait d’Apostrophes au cours duquel Bernard Pivot semble fasciné par ses « écarts ». Heureusement, une des invitées, la regrettée Canadienne Denise Bombardier, a osé parler du sort des jeunes filles séduites, les « victimes ».

Jean-Pierre Rouve méconnaissable

Car Vanessa n’est pas sortie indemne de cette relation. Elle mettra longtemps à se reconstruire. Encore plus pour oser raconter ce passage de son existence. Le livre avait marqué à sa sortie. Le film apporte un plus aux écrits. On voit le manipulateur à l’œuvre, ses techniques, sa monstruosité. Il faut saluer le travail des deux comédiens. Kim Higelin joue parfaitement l’écartèlement de Vanessa entre cette attirance doublée d’une certaine répulsion quand elle découvre les véritables motivations de Matzneff.

Quant à Jean-Paul Rouve, ancien comique des Robins des Bois, si marrant en Tuche, il prouve que la comédie est un genre qui mène à tout, même aux rôles dramatiques les plus compliqués.

Film de Vanessa Filho avec Jean-Paul Rouve, Kim Higelin, Laetitia Casta, Élodie Bouchez.

dimanche 15 octobre 2023

Cinéma - “Le ravissement” ou le comblement d’une absence


Lydia (Hafsia Herzi), sage femme, a participé à la naissance de centaines d’enfants. Une jeune femme dynamique et positive. Alors qu’elle s’apprête à fêter l’anniversaire de sa meilleure amie Salomé (Nina Meurisse), son petit ami lui annonce qu’il l’a trompée. Lydia a l’impression que son existence s’effondre. Sa force, juste apparente, disparaît en un instant. Une longue chute, fil rouge de ce film sensible et très humain d’Iris Kaltenbäck.

Son amitié avec Salomé pourrait la sauver. Mais au contraire, c’est ce qui va l’entraîner vers son nadir. Car entre les deux amies, comme reliées, les émotions sont souvent contraires. Quand Salomé est heureuse, Lydia déprime.

Or Salomé, le soir de son anniversaire et de la rupture de Lydia, apprend qu’elle est enceinte. Lydia, retrouvant ses réflexes professionnels, va soigneusement s’occuper de la grossesse de Salomé, volontaire pour mener l’accouchement. Une naissance agitée. La petite fille a failli mourir. Sauvée par les gestes experts de Lydia. Est-ce cette péripétie qui a touché au plus profond Lydia ? Ou sa rencontre avec un ancien amant de passage, Milos (Alexis Manenti) ?

De normale, son attitude va devenir atypique, provoquant un bouleversement dans son existence et celles de ses proches. Comme une chute inéluctable pour trouver une fausse solution à une situation intenable.

 Film français d’Iris Kaltenbäck avec Hafsia Herzi, Alexis Manenti.


samedi 14 octobre 2023

Cinéma - La double rédemption de “Marie-Line et son juge”


Notre époque dénigre trop souvent les films qui affichent des « bons sentiments ». Pourtant, ils font un bien fou en ces périodes troubles. Marie-Line et son juge de Jean-Pierre Améris est l’exemple parfait. Une jeune fille, de milieu modeste, peu cultivée, se retrouve au tribunal pour une affaire de violence (elle a bousculé son amoureux). Marie-Line (Louane Emera) écope de prison avec sursis et d’une amende.

Sentence prononcée par un juge (Michel Blanc), taciturne et sinistre. Il va pourtant lui donner une chance et lui proposer de se transformer en chauffeur personnel durant un mois. Ce duo improbable va confronter ses différences, tenter d’apprivoiser l’autre et finalement comprendre que la rédemption peut être plus facile avec l’aide d’un tiers.

Marie-Line va tout faire pour décider enfin de son existence, quant au juge, il va oser regarder son passé avec courage pour tourner la page. Un film attachant, comme les deux comédiens, excellents dans ces rôles de composition.

Un film français de Jean-Pierre Améris avec Michel Blanc, Louane Emera et Victor Belmondo.


vendredi 13 octobre 2023

Un journal - Tintin, 77 ans pour tous les jeunes

Plus qu’une madeleine pour quelques générations, le journal Tintin représente souvent une découverte du monde, de la culture, de la lecture et d’une façon générale de la bande dessinée. Avec son slogan « pour les jeunes de 7 à 77 ans », il ne pouvait que rebondir à l’occasion de son… 77e anniversaire.

Disparu depuis de trop longues décennies, l’hebdomadaire revient pour un numéro exceptionnel de près de 400 pages.

Au sommaire de longs articles sur la revue, les personnages emblématiques et l’univers de Hergé, bien entendu, mais surtout des dizaines de BD permettant à des auteurs actuels de rendre hommage aux grands anciens. Nob, par exemple, signe des gags de Modeste et Pompom. Avec deux exceptions : Hermann dessine une histoire complète de la très regrettée Comanche et Crisse reprend pour quelques pages son adorable Nahomi.

« Journal Tintin, numéro spécial 77 ans », collectif, Le Lombard, 400 pages, 29,90 €)

Le renard rusé inspire Jean-Claude Servais



Nouvelle série très nature pour Jean-Claude Servais. Le dessinateur ardennais va présenter en plusieurs tomes La faune symbolique. Premier à entrer en scène, le renard. Renard rusé est composé de plusieurs petites histoires courtes, souvent tirées de croyances populaires. 


Le fil rouge est constitué par les réflexions d'une jeune femme qui se demande quel est son animal-totem. Après un exercice de dessin, elle trouve dans ses gribouillis la silhouette du fameux goupil. Goupil, associé parfois aux fées, réputé malin et très intelligent. On découvre avec plaisir la légende des queues des animaux. Sans appendice, tous les animaux en voulaient une jolie. Or la plus belle est revenue au rusé renard. Une distribution très imagée, notamment quand Servais évoque la queue des lapins ou des cochons. 



Un album qui se termine par un texte d'Adrien de Prémorel sur les aventures de Renard, l'ardennais. Texte très poétique illustré de croquis au crayon, en noir et blanc, de Servais, excellent dessinateur animaliste.

"Renard Rusé" de Jean-Claude Servais, éditions Dupuis, collection Aire Libre, 80 pages, 17,95 €

jeudi 12 octobre 2023

Un album jeunesse - Ourson et Pinson font un pique-nique


Deux petits héros adorables. Les deux meilleurs amis du monde, toujours à l’écoute l’un de l’autre. Ourson et Pinson, un petit ours et une minuscule oiseau, seront parfait pour éveiller l’esprit des petits lecteurs. Ce premier album  regroupe quatre histoires indépendantes.


Dans la première, Pinson se retrouve prisonnier dans une grande fleur. Il appelle à l’aide Ourson, mais ce dernier, le bêta, croit que c’est une fleur qui parle. Ensuite ils vont faire un pique-nique, s’essaient à la peinture et enfin se partagent, après bien des péripéties, une couverture « si chaude, si douillette ».
Cette dernière histoire issue de l’imagination de Jarvis (textes et dessins) est une excellente occasion pour expliquer aux plus petits qu’il est important d’apprendre à partager, même ce que l’on aime plus que tout.

« Ourson et Pinson », Ecole des Loisirs, 72 pages, 12 €

mercredi 11 octobre 2023

Un poche - La leçon du mal


Au début du roman La leçon du mal du romancier japonais Yûsuke Kishi, comme ses élèves, on est sous le charme de Seiji Hasumi. Ce professeur d’anglais dans un lycée de la banlieue de Tokyo a tout pour plaire. Jeune, sportif, investi dans le fonctionnement de son lycée. La première partie du roman ressemble à un documentaire sur la vie rêvée dans un lycée japonais.

Mais on devine rapidement que Hasumi n’est qu’une façade. Que derrière cet homme prévenant se cache un être plus torturé. Et plus l’intrigue progresse, plus on découvre que ce petit monde lycéen est très sombre. Car en plus d’Hasumi on découvre des élèves violents, des enseignants imposteurs et même une infirmière nymphomane.
Un thriller d’une exceptionnelle noirceur.

« La leçon du mal, 10/18, 624 pages, 10,10 €