vendredi 28 juillet 2023

Revue BD - Métal Hurlant, 7e livraison

Retour réussi pour Métal Hurlant. Devenue trimestrielle, la revue de SF offre dans son 7e numéro 20 histoires courtes inédites sous une couverture horrifique.

Des auteurs confirmés (Stéphane Levallois, Corbeyran) et d’autres en devenir. Côté rédactionnel, on saluera le retour du Mange-Livres, critique littéraire lancée à l’époque par Dionnet. (Les Humanoïdes Associés, 19,95 €)

Polar régional - La Catalane de retour au pays


Pas toujours facile de revenir au pays. Victoire, flic à Paris depuis quelques années, revient dans son pays catalan natal. L’arrivée de cette boxeuse, hargneuse et déterminée, imaginée par Éric Dupuis (lui-même ancien policier et heureux retraité dans les Pyrénées-Orientales), ne va pas passer inaperçue. D’autant qu’elle se retrouve mêlée à une découverte macabre dans l’église de Millas.

L’intrigue passera aussi par Vinça. Des lieux que les lecteurs de la région connaissent bien. C’est là tout l’intérêt de ce polar nerveux : permettre aux lecteurs locaux de visualiser les décors. Intrigue tortueuse à souhait pour le 10e titre de cet auteur qui a débuté par raconter son Nord natal. 

« La catalane » d’Éric Dupuis, Cairn, 13 €

jeudi 27 juillet 2023

Cinéma - « Petit Jésus », un film miracle né dans la région

Tourné dans les Pyrénées-Orientales et l’Aude, le premier film de Julien Rigoulot est rafraîchissant et positif. Quand tout va mal, un petit miracle est toujours le bienvenu.

Pour son premier long-métrage, Julien Rigoulot, essentiellement connu pour avoir réalisé nombre de clips musicaux, a puisé dans sa propre expérience. Père divorcé, il a vu son monde s’écrouler, personnel et professionnel. Quand tout semble contre vous, on espère un miracle pour rebondir. Jean (Antoine Bertrand), double du réalisateur dans le film Petit Jésus, est dans une mauvaise passe. En instance de divorce, il survit en faisant des petits boulots, comme promeneur de chiens. 

Ce mercredi, il doit assurer la garde de son fils, Loulou (Esteban Azuara Eymard) tout en promenant sa petite meute. Dans la garrigue des Pyrénées-Orientales, où le film a été tourné en grande partie, un chien s’échappe. Traverse une route, rencontre les pneus d’une voiture. C’est un cadavre que Jean ramène aux propriétaires. Mais un cadavre finalement bien vivant. Grâce à Loulou. Il a caressé le chien et lui a insufflé la vie. Un miracle, selon Jean qui se rend compte dans la vie de tous les jours du pouvoir de son gamin. La tentation est grande pour Jean de profiter de ce don pour se sortir de toutes ses galères.

 Il est conforté dans ce choix, peu respectable et encore moins chrétien, par son père (Gérard Darmon), viel escroc un peu mythomane, qui vit aux crochets de Jean. Vont intervenir dans ce plan très aléatoire un curé qui veut un peu trop y croire et un avocat, plus ami de Jean que professionnel à son service. 

Cette gentille comédie, portée par la bonhomie québécoise d’Antoine Bertrand et l’espièglerie d’Esteban Azuara Eymard, aborde sans prétention la problématique de la foi et de ses supposés pouvoirs quand on est au fond du trou. On rit souvent aux facéties du curé (Bruno Sanches) ou de celles de l’avocat très borderline (Youssef Hadji). Quant à Jean, on suit son aveuglement un peu interloqué, mais tout en ayant quelques doutes, car si l’on ouvre un peu les yeux, on s’aperçoit qu’en fait, les petits miracles du quotidien sont légion. 

Enfin, ce premier film vaut aussi le détour dans une semaine dominée par la sortie mastodonte de Mission Impossible par les paysages de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, parfaitement mis en valeur par le réalisateur. Que cela soit sur les étangs de Sigean, le bord de mer, la garrigue ou le site des orgues d’Ille-sur-Têt, c’est une bonne promotion de la diversité environnementale de la région.   

Film de Julien Rigoulot avec Antoine Bertrand, Esteban Azuara Eymard, Gérard Darmon.

mercredi 26 juillet 2023

Cinéma - « Le Retour » familial


Film social sur l’accomplissement de la famille, Le retour de Catherine Corsini est un brûlot mettant en opposition deux mondes que tout oppose, le prolétariat d’origine immigrée en provenance de banlieue à la haute bourgeoisie, pétrie de bons sentiments de gauche mais première à afficher condescendance envers « ses » pauvres tout en faisant le maximum pour figer la situation. 

Le fait que l’action se passe en Corse, l’été, ne fait qu’ajouter le côté brûlant et urgent du sujet de société encore plus d’actualité de nos jours que du temps des premières escarmouches entre ces deux planètes que tout éloigne. 

Le retour c’est celui de Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna) dans l’île où sont nées ses deux filles, Jessica (Suzy Bemba) et Farah (Esther Gohourou). Il y a quinze ans, elle a littéralement fui son foyer pour refaire sa vie en région parisienne. Assistante maternelle au service d’un couple aisé, elle est sollicitée pour s’occuper des trois jeunes enfants du couple durant leurs vacances dans une superbe maison qui domine un paysage de rêve. Les ados sont invitées aussi. Elles traînent sur la plage du camping où elles sont hébergées. Jessica, brillante, prépare Science-Po.

 Farah, provocatrice et bercée par les paroles du rap, traîne sans but si ce n’est de voler quelques sacs et un pain de cannabis pour le revendre à la sauvette sur la plage. Le début du film se concentre sur la vie des jeunes. Mais petit à petit le passé revient sur le devant de la scène. On découvre les failles de la mère, les raisons de sa fuite, son mal-être, ses mensonges répétés pour protéger ses filles. Une décomposition familiale inéluctable, comme si les liens entre ces trois femmes pourtant unies malgré leurs différences, fondaient littéralement au soleil cuisant de la Corse. 

Et quand la problématique de classes s’invite dans ce jeu de chamboule tout, le trio explose. 

Un film d’une efficacité et d’un réalisme absolus. Porté par l’interprétation d’un trio magique. Très étonnant qu’il n’ait pas reçu, ex æquo, le prix d’interprétation féminine, tant cette prestation d’ensemble est aboutie.

« Le retour », film de Catherine Corsini avec Aïssatou Diallo Sagna, Suzy Bemba, Esther Gohourou

Roman érotique - A trois c’est mieux ?


L’été est torride. Lire ce livre de Chloé Saffy ne va pas rafraîchir l’atmosphère. Au contraire, La règle de trois (La Musardine, 280 pages, 18 €) devrait encore plus vous faire bouillir extérieurement et intérieurement. Un pur roman d’érotisme moderne, à réserver aux majeurs à l’esprit ouvert. Une histoire qui nous raconte aussi la vie des trentenaires de nos jours. Ces urbains qui reculent de plus en plus pour fonder une famille, pour de bons et moins bons motifs.

Ophélie, la narratrice, vit en colocation avec Livia. Normalement, il faut une troisième pour que le loyer ne soit pas exorbitant pour une employée dans un coffe-shop et une bibliothécaire. La dernière troisième vient de donner son préavis. Mais a trouvé une remplaçante. Exactement un remplaçant, Milo. Or Ophélie et Livia ne veulent pas d’un « mâle ». Leurs finances vont les obliger à transiger. Et rapidement, dans le bel appartement, la présence de Milo, sa gentillesse et son tact, va transformer l’atmosphère.

On se doute qu’il va séduire l’une des deux. À moins qu’il ne fasse un strike et ne choisisse pas. Une histoire d’amour à trois ? Ou juste de sexe ? On se laisse envoûter par ces trois qui écoutent leur corps et leurs envies. Un roman chaud, comme l’été.

mardi 25 juillet 2023

DVD et blu-ray - "Inland Empire", David Lynch extrême

Certains films ne sont pas réalisés pour recueillir le consensus. Au contraire ils veulent interpeller le public. Une marque de fabrique de David Lynch qui est encore allé plus loin dans Inland Empire, récemment sorti en combo blu-ray et DVD dans une version remastérisée (Studiocanal). 

Tournées sans scénario, ces trois heures chaotiques suivent le cauchemar d’une actrice (Laura Dern). On retrouve au générique des habitués de l’univers de Lynch, Justin Theroux, Harry Dean Stanton ou Jeremy Irons. Une réédition qui bénéfice d’énormément de bonus avec plus d’une heure de scènes coupées et un documentaire de 1 h 25 sur le réalisateur inclassable. 

Un film réservé aux fans ou à ceux qui voudraient découvrir le phénomène dans sa version extrême.  

BD - Tempête des sentiments

Un orage, quasi une tempête, s’abat sur une vallée des Alpes italiennes. C’est dans ce déchaînement des éléments qu’un drame va se jouer, raconté et dessiné avec un talent certain par Marino Neri. Il y a trois personnages principaux dans La Tempête (Casterman, 152 pages, 25 €). Il y a le jeune homme en perdition sur la route. Il allait à une formation, le car est tombé en panne. Depuis, il erre sur les chemins jusqu’à cette belle villa avec piscine et parterres de tulipes. Dans la piscine, la femme. Belle, jeune, nue. Elle nage, puis bronze. Le jeune homme, caché dans une haie, l’admire, fait des photos… Elle est rejointe par son mari, agressif, directif, inquisiteur. L’amour a disparu entre ces deux qui semblent désormais se détester, elle espérant fuir, lui de continuer à la posséder.

La nuit, alors que la pluie redouble, le jeune homme se réfugie dans la villa. Il est surpris par le couple. Le mari est méfiant, la femme très accueillante. La suite de la nuit sera mouvementée et pleine de surprises. Avec un quatrième protagoniste qui fera les frais de cette tempête de sentiments. Superbe roman graphique, en bichromie, signé par un auteur italien au trait stylisé et très élégant.

lundi 24 juillet 2023

Cinéma - “Une nuit”, une seule et unique nuit d’amour

Un homme, une femme. La rencontre improbable dans le métro entre Alex Lutz et Karin Viard va entraîner le couple dans «Une nuit» peu banale. 

Il est beaucoup question d’attirance, d’alchimie entre les corps et un peu d’amour dans Une nuit, film écrit, réalisé et interprété par Alex Lutz. La rencontre entre un homme et une femme (presque du Lelouch), le temps d’une nuit, une seule et unique nuit, magique, épanouissante mais qui ne peut que se terminer par un adieu. Dans les couloirs du métro un soir ordinaire. 

Les travailleurs se pressent pour rentrer chez eux. Aymeric est solidement accroché à sa barre en fer. Il est percuté par Nathalie (Karin Viard). En découle une dispute assez vive. Ils s’échangent nombre de noms d’oiseaux, provoquant gène chez la majorité des passagers, quelques sourires chez certains. 

Cinq minutes plus tard, Nathalie et Aymeric font frénétiquement l’amour dans la cabine d’un photomaton. 

Le matin des adieux

Le début de cette romance un peu désenchantée a tout de la comédie. Alex Lutz y est brillant, tout comme sa partenaire Karin Viard. Six minutes de disputes, six de copulation, pour Nathalie, c’est l’instinct primaire (primate) qui parle. Une attitude digne d’un bonobo. 

La suite du film est moins enlevée. Même s’ils savent qu’ils vont se quitter dans quelques minutes (heures ?), ils cherchent à en savoir un peu plus l’un sur l’autre. On plonge alors dans de longs dialogues, pas toujours inspirés, sorte de leçons de philosophie à la petite semaine. Nathalie découvre un Aymeric plus macho qu’il n’y paraît. 

Aymeric s’accroche à une Nathalie plus écorchée vive que femme libérée et assumant ses désirs. Leur dérive nocturne va les entraîner dans une fête étudiante, un restaurant chinois, les quais de la Seine et divers lieux de plaisir. Le caractère un peu répétitif des dialogues risque de lasser certains, mais la majorité du public devrait trouver son compte dans ces formules dans l’air du temps sur les nouvelles pratiques de couples moins exclusifs que dans l’ancien temps.

 Film d’Alex Lutz avec Alex Lutz, Karin Viard, Jérôme Pouly

Polar régional - Un flic très perspicace


Originaire de Rivesaltes, Michel Blanque connaît parfaitement le Roussillon. C’est donc logiquement qu’il situe cette enquête du commandant Philippe Aliot à Perpignan. L’avocate de Mammon (Les 3 colonnes, 224 pages, 18 €) débute par la mort d’une ambitieuse avocate. Renversée par un 4x4 devant le gymnase du Moulin-à-vent. Pour s’occuper de cette affaire très problématique, c’est un « local », qui a fait sa carrière à Montpellier, qui redescend prêter main-forte à la capitaine Sylvie Ramos.

Un drôle de flic ce Aliot. Particulièrement perspicace. Il devine immédiatement que c’est un meurtre et qu’il a été commis par une femme. Alors, il mène ses investigations à charge avec une suspecte qui se révélera… la coupable. Car il n’y a pas de rebondissement dans ce polar qui ressemble à une enquête de routine. Avec quelques sujets qui semblent tenir à cœur à l’auteur, comme le trop grand pouvoir des francs-maçons, le délitement des mœurs des politiques et même l’emprise des sectes sataniques sur les notables. Sans oublier la pédophilie, tout en louant la messe en latin.

On a parfois l’impression de se retrouver dans la version française d’une fiction écrite par un membre francophone de la mouvance conspirationniste Qanon.

dimanche 23 juillet 2023

BD - Trafic à Saint-Saturnin autour du garage à Gégé


Dans le genre très particulier du polar rural d’antan en bande dessinée, Bruno Heitz est le meilleur. Après sa série Un privé à la cambrousse, il s’est lancé dans la révélation des Dessous de Saint-Saturnin. La troisième partie se penche sur les trafics qui semblent prendre leur source au sein du Garage de Gégé (Gallimard Bande dessinée, 104 pages, 14 €).

A Saint-Saturnin, paisible bourgade du sud-est de la France, la vie est très calme en ce milieu des années 60. Tout commence par une lubie de Mme Germaine. Cette retraitée voudrait aller faire trempette dans la rivière locale. Mais comme elle ne sait pas nager, elle achète une chambre à air à Gégé, le garagiste. Ensuite, c’est Annie, la coiffeuse (son salon a pour nom Tiff’Annie…) qui met sa Renault Floride à la révision avant de partir en vacances.

Rien de bien mouvementé et de palpitant me direz-vous. Mais rapidement les sièges de la voiture sont volés, Germaine manque de se noyer, un homme meurt en tombant d’une terrasse et un autre est abattu d’une balle dans le cœur. Un album aussi réjouissant qu’une après-midi de farniente à l’ombre des platanes de Saint-Saturnin en plein cagnard.