mardi 20 décembre 2022

BD - Le petit Spirou, seul avec Janry...

Dans la BD du Petit Spirou, le jeune héros n’a pas de père. Une explication est en partie donnée dans la première histoire du tome 19. 

Dans la réalité du monde de l'édition, le petit personnage a deux pères. Tome et Janry. Mais depuis 2019, Tome n’est plus là pour imaginer ces gags loufoques.

Sans scénariste, le dessinateur Janry a longtemps hésité. Mais il a décidé de relever le défi et à son rythme, avec l’aide de quelques amis de la profession, il a imaginé les gags et récits complets de ce 19e album. 

On retrouve tous les ingrédients qui ont fait le succès de la série, entre grosse rigolade et jolis sentiments. Une suite logique, évidente, comme si le Petit Spirou n’était pas à moitié orphelin.

« Le petit Spirou » (tome 19), Dupuis, 11,90 €

lundi 19 décembre 2022

BD - Saga indienne

Après le succès de Go West !, l’album collectif sur la conquête de l’Ouest américain, Tiburce Oger se penche cette fois sur la saga des peuples indiens. Indians !, sur plus de 120 pages, propose des histoires complètes dessinées par 17 auteurs de renom. 

Tiburce Oger se contente des scénarios, traçant au fil des décennies les massacres et trahisons qui ont ensanglanté la nation indienne. Au générique, on retrouve des signatures qui ont déjà des séries de western renommées comme Blanc-Dumont, Derib ou Christian Rossi. 

Parmi les autres auteurs, on est admiratifs face à la précision de Labiano, la puissance de Jef, le dynamisme de Corentin Rouge et la force de Ronan Toulhoat.  

« Indians ! », Bamboo Grand Angle, 19,90 €, 29,90 € pour l’édition noir et blanc

BD - Cygnes dansants

Au fil des albums, la série Studio Danse de Béka et Crip prend de l’ampleur. Son envol pourrait-on écrire puisqu’il est beaucoup question du Lac des Cygnes dans ce 13e tome. 

Après quelques gags toujours aussi subtils autour de la vie de ces petites apprenties danseuses, c’est une longue histoire d’une trentaine de planches qui clôture le livre.

Les copines sont repérées par un producteur qui veut les faire danser à l’opéra de Paris. Un rêve éveillé qui va se transformer en véritable cauchemar. On apprécie toujours autant le regard bienveillant des deux scénaristes sur ces filles passionnées mais malgré tout bine dans leur peau. Une série à la belle longévité et qui voit son audience sans cesse progresser.

« Studio Danse » (tome 13), Bamboo, 11,90 €

dimanche 18 décembre 2022

BD - Suspense pour Jeremiah

Infatigable Hermann. A plus de 80 ans, il continue à signer plus d’un album de BD par an. Dans le nouveau Jeremiah, ses deux héros sont au plus mal. Kurdy est en prison et Jeremiah se fait enlever par un clan de mafieux dirigé par une cruelle « Madame ». 

Kurdy va vite se faire la belle et embarquer avec lui son compagnon de cellule. Un petit malfrat qui connaît parfaitement la région et lui permet de comprendre qui en veut à son copain et pourquoi. Une histoire très sombre, pessimiste, qui se termine par un coup de théâtre très inquiétant. 

Il faudra attendre l’année prochaine et le 40e tome pour savoir si cette « Rancune » (titre de l’épisode) n’est pas trop mortelle. 

« Jeremiah » (tome 39), Dupuis, 12,95 €

BD - Spirou perd la bulle

Quand Jul décide d’écrire un scénario de Spirou et Fantasio, qu’il confie à Libon, il s’attaque à la raison des deux héros. Fantasio a disparu. Il est parti faire un reportage à Angoulême.


Il souffrirait du mystérieux mal de la préfecture de Charente : croire qu’on est un personnage de BD. Il jure comme un charretier, persuadé d’être le capitaine Haddock. Spirou devra se faire passer pour Tintin pour le délivrer de la clinique psy où il est enfermé avec d’autres malades se prenant pour Astérix, les Schtroumpfs ou les Dalton. C’est hilarant et bourré de références à la BD franco-belge.

« Spirou chez les fous », Dupuis, 12,50 €

samedi 17 décembre 2022

BD - Vélasquez peint

Splendide album que ce Vénus à son miroir signé par Cornette (scénario) et Matteo (dessin). Il est vrai que le sujet est propice aux belles images : un épisode d ela vie du grand peintre espagnol Vélasquez. 

Envoyé par le roi d’Espagne en Italie pour acquérir des toiles et sculptures italiennes, il est hébergé chez un ami peintre. Là, il croise la route de la sœur, Flaminia. Vélasquez a 50 ans, Flaminia à peine 20. Elle peint mais surtout accepte de poser pour lui, nue. Pour la première fois le prude espagnol ose peindre une femme nue. Ce sera la toile Vénus à son miroir. 

En plus de l’intrigue sentimentale, aussi belle que libre, l’album raconte comment Vélasquez accorde la liberté à son esclave Maure, Juan de Parela, autre peintre talentueux.

« Vénus à son miroir », Futuropolis, 17 €  

BD et biographie - Manara grandeur nature

Génie du dessin réaliste, marchant souvent dans les pas d’Hugo Pratt, Milo Manara est un grand de la BD italienne. 

Une œuvre marquée par des séries érotiques mais aussi des romans graphiques entre philosophie et pure aventure.

Pour raconter cette carrière commencée durant les années 60, le dessinateur a préféré poser son pinceau et raconter lui-même, dans de courts chapitres, les grandes étapes de son parcours. On croise dans ces pages Dali, Moebius, Jodorowski et d’autres grands du 9e art. Le tout agrémenté de très nombreuses illustrations rares ou inédites.

« Milo Manara, grandeur nature », Glénat, 25 €


vendredi 16 décembre 2022

Roman - Suicide et conséquences à Étretat

Certaines villes ont une image de marque un peu compliquée à exploiter touristiquement. Étretat par exemple, station balnéaire sur la côte normande. L’aiguille creuse et les aventures d’Arsène Lupin ont beaucoup fait pour sa renommée. Mais si les falaises ont tant de succès, c’est aussi car c’est un « spot » renommé pour les suicidaires. Une chute vertigineuse et l’arrivée sur les rochers empêchent tout échec. Enfin presque. 

L’héroïne du roman policier La falaise aux suicidés de Joseph Macé-Scaron, Paule Nirsen, trouve le moyen de se rater. La faute à une tentative de meurtre qu’elle devine alors qu’elle est sur le point de sauter. Elle se cache et dévale un long talus pour terminer sa course dans un blockhaus datant de la seconde guerre mondiale.  « Au fond, ce raté, c’était le résumé de sa vie. Une succession de culbutes sans fin » constate-t-elle. Toujours est-il que l’universitaire (elle est spécialiste en littérature médiévale), retrouve un intérêt à la vie. Elle se transforme en détective amateur et prête main-forte à son ami d’enfance, Guillaume, devenu chef de la gendarmerie locale. 

Ce roman, vif et sans temps mort, dresse le portrait d’une province un peu sclérosée. On croise à Étretat sous la plus de l’auteur, par ailleurs journaliste politique parisien, nombre d’originaux. Une femme de ménage tendance gorille, une chatelaine qui fait dans le Airbnb, un spécialiste des araignées, des dockers pas très nets et même une ancienne gloire de la pop musique anglaise en la personne de Peter Doherty. Sans compter quelques dizaines de suicidés. Même si souvent, ils n’ont pas véritablement choisi leur mort. 

Sans prétention, bourré de clins d’œil à l’actualité, acerbe comme son auteur, ce roman est une belle réussite de la collection Terres Sombres, mélange de terroir et de polar.

« La falaise aux suicidés » de Joseph Macé-Scaron, Presses de la Cité - Terres sombres, 21 €


BD - Les fleurs du mal et Yslaire

Après avoir exploré la vie du poète à travers Mademoiselle Baudelaire, alias Jeanne Duval, vénus noire au cœur de l’œuvre de Baudelaire, Yslaire offre son inépuisable talent graphique aux Fleurs du mal.

Illustrant les cent poèmes de la version de 1857, avant le procès retentissant de Baudelaire qui en fera écarter six parties jugées immorales, Yslaire, maître de la BD moderne souligne de merveilleuse et vénéneuse manière toute la beauté, la profondeur et le mystère de l’art baudelairien. Le temps n’est rien pour les artistes qui, malgré la différence d’époque, finissent toujours par se rencontrer…

« Les fleurs du mal », Dupuis, 35 €

jeudi 15 décembre 2022

Cinéma - “Le lycéen” passe du deuil à la renaissance

Porté par un jeune acteur très prometteur, ce film de Christophe Honoré explore les méandres de l’esprit d’un adolescent torturé par le deuil.

Les parents se demandent souvent ce qui se passe dans la tête de leurs grands adolescents. Ce qu’ils comprennent de leurs actions, ce qu’ils pensent de cette envie qu’ils s’en sortent dans une société toujours plus compliquée. Cela se complique quand un des parents meurt prématurément. 

Christophe Honoré, sans vouloir donner une réponse universelle, apporte cependant de nombreux éléments qui font réfléchir, comprendre, titiller une réalité qui échappe trop souvent aux adultes. Le Lycéen donne beaucoup la parole à Lucas (Paul Kircher), élève en première, 7 ans, fils d’Isabelle (Juliette Binoche) et Claude. Claude qui meurt dans un accident. Si sa femme est dévastée, Lucas n’arrive pas, au début, à prendre conscience de la réalité du drame. 

Ce feu follet séduisant, au sourire ravageur, la chevelure toujours en bataille, sourit à toute la famille venue aux obsèques. Ce n’est que le lendemain qu’il prend conscience de cette absence, du manque. Pourtant, Lucas n’était pas proche de son père, très occupé par son travail. Et il reste persuadé, malgré les dénégations de son frère Quentin (Vincent Lacoste), que ce dernier était déçu quand il a deviné qu’il était gay. Avant de retourner au lycée, Quentin propose à Lucas de passer une semaine avec lui, à Paris. Quelques jours, loin du malheur, des rencontres qui vont lui permettre de voir la vie d’une autre façon. 

Directement inspiré de la mort de son propre père quand il était adolescent, ce film de Christophe Honoré est une splendide parabole sur le deuil et la renaissance qui, inéluctablement, permet aux vivants de repartir de l’avant. C’est un peu le cas de la mère, mais ce parcours est essentiellement personnifié par les montagnes russes de sentiments que doit surmonter Lucas. Avec un jeune comédien époustouflant de grâce, de sincérité et de talent. Paul Kircher est le lycéen, celui qui, comme le souligne le réalisateur, « espère en l’amour ».

Film français de Christophe Honoré avec Paul Kircher, Juliette Binoche, Vincent Lacoste