vendredi 2 septembre 2022

De choses et d’autres - Un nouveau vert

Tous les peintres du dimanche le savent, le vert n’est pas une couleur primaire. Juste l’addition de jaune et de bleu. Les nuances de vert sont obtenues en modifiant les proportions de deux couleurs primaires. Pourtant le vert est sans doute la couleur la plus répandue dans le monde et d’une façon générale dans la nature. Exactement était la plus répandue.

Cet été, sécheresse et canicule obligent, on a découvert un nouveau vert. D’ordinaire, le plus tendre et sympa est le vert gazon, celui des pelouses bichonnées par les sportifs ou les admirateurs de l’Angleterre. Un vert qu’on retrouve aussi sur tous les bords de route, le long ou dans ces fossés régulièrement fauchés par des employés communaux ou départementaux.

À partir de début juillet, j’ai constaté que ce fameux vert gazon avait pris une toute autre teinte. Un peu comme si tout le bleu s’était fait la malle, restant dans ce ciel estival résolument exempt du moindre nuage et d’eau de pluie. Le nouveau vert, que l’on pourrait renommer « vert sécheresse », est en fait un jaune à 100 %, tendance paille et herbe sèche. D’ailleurs elle brûle si facilement cette herbe couleur « vert sécheresse » que le moindre mégot jeté par la fenêtre de la voiture (oui, ils sont encore trop nombreux à le faire en toute impunité), se transformait immédiatement en incendie qui ne demandait qu’à s’étendre.

Avec pour conséquences immédiates, les coupures d’autoroute durant les grandes transhumances des vacanciers.

Voilà comment en cet été 2022, on est passé d’une campagne vert gazon (ou chlorophylle) en vert sécheresse puis en vert cramé. Franchement, des nuances de vert dont on se serait bien passé.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le vendredi 2 septembre 2022

jeudi 1 septembre 2022

De choses et d’Autres - Un peu de joie en Finlande


Il n’y a pas qu’en France que les femmes politiques sont la cible d’attaques que l’on peut juger sans trop prendre parti d’injustes. En Finlande, la Première ministre est une sociale-démocrate très jeune. Sanna Marin, à la tête de l’État depuis 2019, s’est retrouvée victime des réseaux sociaux.

 


Désignée par certains journaux comme « la femme politique la plus cool au monde », une vidéo  a circulé sur le net la montrant en train de danser chez elle avec des amis. Rien de bien exceptionnel, juste une soirée entre trentenaires après une trop longue journée de boulot.

Mais du côté des partis conservateurs de Finlande, c’est une occasion inespérée pour attaquer une adversaire. Et certains de se demander si elle n’aurait pas absorbé un peu trop alcool, voire des drogues. En France, une telle allusion à propos d’un homme politique aurait été balayée d’un revers de main : vie privée, passez votre chemin.

En Finlande, Sanna Marin a été obligée d’accepter de passer un test de dépistage prouvant qu’elle n’avait ni bu et encore moins pris des drogues. Ce que ses opposants lui reprochent essentiellement, c’est d’être normale. Une femme bien dans sa peau, capable de tenir tête à Poutine mais aussi de s’amuser simplement avec des amis. En soutien à Sanna Marin, en Finlande mais aussi un peu partout dans le monde, des femmes ont dansé publiquement à sa manière.

Cela a donné des images assez détonantes aux journées d’été d’Europe Écologie Les Verts d’une cinquantaine d’élues dansant durant quelques minutes sur la scène principale. Parce quelles aussi, comme l’a déclaré Sanna Marin en révélant que ses analyses étaient nickel : « Je suis un être humain. J’aspire parfois aussi à la joie. »

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 1er septembre 2022

mercredi 31 août 2022

Cinéma - “Les volets verts” avec Gérard Depardieu ou le crépuscule d’une star

Jean-Loup Dabadie au scénario d’après un roman de Simenon : le film de Jean Becker met Depardieu en vedette.


En acceptant son âge et ses ennuis de santé, Gérard Depardieu, au fil des films, est en train d’acquérir une nouvelle dimension. Déjà au sommet (et ce depuis des années), il a lentement mais sûrement endossé les habits d’un doyen qui a tout vu et tout vécu. Il est devenu le Gabin des années 2000.

Logiquement il se retrouve en tête d’affiche de ce film qui a des airs de succès des années 70-80. Jean Becker (84 ans) réalise Les volets verts sur un scénario de Jean-Loup Dabadie (mort à 81 ans en 2020) d’après un roman de Simenon paru en 1950 (72 ans déjà…). Amateurs d’effets spéciaux, de wokisme ou de résilience, passez votre chemin.

Cœur brisé 

Dans les années 70, Jules Maugin, acteur vieillissant, est encore très populaire. Tous les soirs, le théâtre est complet. Il fait aussi des films et même des publicités pour la bière sans alcool. Paradoxe pour cet homme qui carbure uniquement à la vodka.

Maugin qui ne se remet pas de sa rupture avec Jeanne Swann (Fanny Ardant), autre vedette qui lui donne la réplique tous les soirs sur les planches. Le film (comme le roman de l’époque), est le portrait d’un homme au cœur brisé, dans tous les sens du terme. Malheureux en amour, mais aussi en piètre condition physique. Son médecin est formel : Maugin doit arrêter l’alcool. Il n’essaie même pas.

Par contre pour soigner son blues, il va se prendre d’affection pour Alice (Stefi Celma), charmante et jeune souffleuse. Il va même se transformer en protecteur de cette mère célibataire et vivre les joies simples d’être un grand-père de substitution pour sa fillette de 5 ans. La partie la plus bucolique et apaisée du film, quand ils trouvent refuge tous les trois dans la grande villa d’Antibes aux volets verts.

Ce film, réalisé par un vétéran du cinéma français, est subtilement éclairé par Yves Angelo. Ce directeur de la photographie sait amener une ambiance vintage sur la pellicule. On lui doit le Maigret de Patrice Leconte, déjà avec Depardieu. La reconstitution de Paris la nuit, notamment au Bœuf sur le toit, « cantine » du célèbre comédien, est criante de vérité. En opposition, la luminosité des scènes tournées en Provence apporte vie et espoir au crépuscule de la vie de cette star. Un message qu’on ne peut que transposer à l’acteur principal d’un film qui prend des airs de testament artistique.

Film de Jean Becker avec Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Benoît Poelvoorde, Stefi Celma

 

BD - Terreur maritime

Perdus au milieu de l’Océan, on ne les entendra pas hurler de terreur. En cette année 1789, plusieurs marins de l’Alicante, un grand voilier marchand, sont assassinés les uns après les autres. Avec une signature sur le visage : un A tracé avec leur sang sur le visage. Pour le mousse, Rêveur, l’explication est simple : ce sont les grands monstres des profondeurs qui viennent se venger. Et il les dessine dans son carnet et les montre aux survivants, terrorisés.

Écrite par Kristok Mishel et dessinée par Béatrice Penco Seshi, cette histoire complète intitulée Les damnés du grand large, débute véritablement 20 ans plus tard. Un conteur tente de captiver la clientèle d’une taverne avec son récit glaçant. Lui-même fait très peur avec son corps entièrement tatoué. Sur le bateau, la rencontre d’un vaisseau fantôme va encore plus faire angoisser ce qui reste de l’équipage.

Paru dans la collection Drakoo, dédiée à la fantasy, ce récit est pourtant très éloigné du fantastique. Et même si le final est aussi effrayant qu’abominable, on reste dans le rationnel et explicable.

« Les damnés du grand large », Bamboo Drakoo, 15,90 €

mardi 30 août 2022

BD - Destin héroïque pour Radiant Black


Comment réagiriez vous si des superpouvoirs vous tombez dessus ? C’est la question à laquelle va devoir répondre Nathan, un écrivain raté de 30 ans. 


Criblé de dettes, il est obligé de retourner dans la petite ville de son enfance et de vivre de nouveau chez ses parents.

Pourtant une nuit, il est frappé par une sorte de mini-trou noir et se retrouve doté de pouvoirs extraordinaires. Cette BD de Higgins et Costa raconte les cas de conscience quand on est propulsé du jour au lendemain Superhéros. Et ce n’est pas que du bonheur !

« Radiant Black » (tome 1), Delcourt, 15,95 €

Polar - Nouvelles jalousies par Jo Nesbø

Un nouveau livre de Jo Nesbø est un événement pour tous les amateurs de polar et de thriller. Mais attention, De la jalousie est un recueil de nouvelles, genre qui a toujours tendance à moins satisfaire la majorité des lecteurs, plutôt avide de pavés et de récits au long cours. Le romancier norvégien qui a connu la célébrité mondiale avec les enquêtes de l’inspecteur Harry Hole propose six textes très courts et un plus long presque assimilable à un petit roman. Avec à chaque fois un problème de jalousie comme déclencheur du drame.

Dans Phtonos, la plus longue nouvelle, l’action se situe sur une petite île grecque. Un policier venu d’Athènes doit déterminer si la disparition d’un touriste américain est liée à une querelle amoureuse avec son frère jumeau. Très rapidement, le lecteur se pose des questions sur la véritable identité du suspect, son mobile et surtout où est le corps du disparu. Un engrenage fatal dans lequel le flic d’Athènes va tenter de démêler le vrai du faux, l’apparent de l’invisible.

Les autres textes, plus incisifs, ciselés telles des pierres précieuses, sont parfaits pour s’évader un bref moment, loin de notre quotidien et, qui sait, de nos crises de jalousie…

« De la jalousie » de Jo Nesbø, Gallimard, Série Noire, 19,50 €

lundi 29 août 2022

BD - Amour en morceaux


Belle histoire positive que ce roman graphique écrit par Félix et Legeard (derrière lequel se cache Lidwine, génial dessinateur du Dernier Loup d’Oz) et dessiné par Janolle. A la base ce projet a servi de scénario à un film sur la réalisation d’un puzzle dans un petit village de bord de mer.


Un sacré challenge pour un veuf qui tente de reprendre l’animation du village après la mort prématurée de son épouse.

La BD raconte en plus les amours contrariées d’une jolie baby-sitter dont le cœur balance entre un marin au long cours et un gentil instituteur.

«Ces petits riens qui changent tout», Bamboo, 16,90 €

BD - Guerre moderne

La guerre en Ukraine n’est pas la première guerre moderne de ces dernières décennies entre deux nations disposant d’armées puissantes. En 1982, en plein océan Atlantique sud, l’Argentine a envahi les îles Falklands, possessions anglaises.

La dictature militaire voulait faire oublier au peuple les difficultés économiques (inflation, déjà…) en glorifiant le sentiment national. La Grande-Bretagne, dirigée par Thatcher qui a du coup renforcé son image de Dame de fer, a répliqué et, après de quelques combats aériens et batailles navales à repris possession de ces bouts de terre désolés, peuplés de « 700 000 moutons et d’un millier d’âmes ».

Jean-Yves Delitte raconte cette guerre des Malouines dans la collection qu’il dirige, Les grandes batailles navales. S’il signe la couverture (il est peintre de la Marine), il a confié le dessin de ce récit à Marco Bianchini, Italien qui manie parfaitement le dessin réaliste. Du moins les avions, bateaux et autres missiles Exocet. Pour ce qui est des humains, c’est moins convaincant.

Mais c’est le grand regret de cet album, les soldats sont peu présents et trop souvent caricaturaux. Reste la vérité historique, implacable et à ne pas oublier.

« Falklands, la guerre des Malouines », Glénat, 15,50 €

dimanche 28 août 2022

BD : Le futur inquiétant de « Space Connexion »

Dans cette seconde livraison de Space Connexion, ElDiablo et Baudy ne proposent que trois histoires complètes. Trois nouvelles copieuses, un peu plus détaillées que les récits du tome 1. Il y est encore question de rencontres entre extraterrestres et humains.

L’intérêt réside dans la diversité, non pas des aliens, mais des personnes qui se retrouvent, du jour au lendemain, confrontées à l’inimaginable. De l’enfant battu au savant visionnaire en passant par les voyous au service d’un cartel de la drogue, les réactions sont parfois diamétralement opposées. Le gamin qui vit un enfer dans une maison retirée de la forêt canadienne, en sauvant un cerf amoché par le père violent, ne se doute pas qu’il vient en réalité de permettre à un alien de survivre.

Ce dernier lui sera tellement reconnaissant qu’il va lui permettre de prendre sa revanche sur le tortionnaire. Dans la jungle d’Amérique du Sud aussi les extraterrestres se révèlent une belle opportunité pour les dealers amateurs. Mais finalement, ils vont faire le choix de la raison : préserver le marché et opter pour l’extermination de masse.

Des histoires parfois violentes mais toujours politiques et qui sous couvert de SF délivrent des messages universels.

« Space Connexion » (tome 2), Glénat, 15,50 €

Rentrée littéraire - Frère fantôme

Une fois passé le 15 août, tous les libraires de France sont sur le pont. C’est en effet durant cette semaine que commence la traditionnelle rentrée littéraire. Des centaines de nouveaux romans dont quelques perles comme ce Petite sœur de Marie Nimier. Un récit poignant sur l’amitié entre un frère et une sœur. Alice, la narratrice, a toujours été dans l’ombre de son petit frère. Bien que plus jeune de 13 mois, Mika a rapidement dépassé son aînée. Plus vif, intelligent et charismatique, il était pourtant très dépendant d’elle, plus discrète et timide.

Quand Mika meurt, la vie d’Alice s’écroule. Elle décide d’aller vivre durant quelques semaines dans un appartement au bord d’un fleuve, à nourrir un chat (invisible) et des plantes (dont une carnivore) et surtout écrire sur leur enfance heureuse. Avec des passages émouvants, d’autres édifiants comme quand elle cherche la première phrase de son roman. Réponse de sa grand-mère « La difficulté des premières phrases, c’est qu’il n’y en a qu’une seule ». Une attaque essentielle car « on entre dans un récit comme on entre dans un théâtre, en acceptant d’y croire. » De la très grande littérature.

« Petite sœur » de Marie Nimier, Gallimard, 19 €