dimanche 22 mai 2022

BD - Chocolat amer pour "Les damnés de l'or brun"


Le cacao est une matière première qui permet de survivre à des millions de travailleurs en Afrique. Salaires de misère contre profits records des actionnaires des grands groupes. Mais c’est déjà mieux qu’au début de l’exploitation de cet « or brun » puisque les fèves étaient cultivées et récoltées par des esclaves. 

Une histoire peu glorieuse racontée par Alcante et Rodhain avec Vallès au dessin. Dans l’esprit des Maîtres de l’orge, c’est aussi la saga (prévue en trois tomes) d’une famille, les Da Costa Bourbon et d’une esclave, Maira.  

« Les damnés de l’or brun » (tome 1), Glénat, 14,95 €

samedi 21 mai 2022

DVD - La pièce rapportée, de l'amour à l'humour

DVD et Blu-ray. « La pièce rapportée » (Diaphana vidéo) d’Antonin Peretjatko est une comédie désopilante. En décidant de se moquer des très riches bourgeois qui vivent entre eux, cloîtrés dans des hôtels particuliers parisiens, le réalisateur de La loi de la jungle, force le trait de la caricature. 

Josiane Balasko interprète la très guindée et paralysée (elle est en chaise roulante après un accident de chasse à courre) Adélaïde Château-Têtard, veuve d’un industriel qui a fait sa fortune en travaillant avec nombre de dictateurs. Le second est son fils, Paul (Philippe Katherine), quadra célibataire, rivé à son smartphone, à jouer à des jeux débiles. 

Quand Paul décide d’épouser Ava (Anaïs Demoustier), guichetière dans le métro, la reine mère déprime. Une comédie, très visuelle, bourrée de références, foisonnante et hilarante.

BD - Légende pirate


Loin de n’être que des bandits sanguinaires, les pirates représentent aussi une certaine forme de liberté et de démocratie. Ces marins mutinés ont souvent tenté de mettre en place des sociétés égalitaires. 

C’est une de ces utopies qui est au centre du gros et remarquable roman graphique de 224 pages écrit par Vincent Brugeas et dessiné par Ronan Toulhoat. 

Le combat dans cette mer des CaraÏbes, vers 1718, d’un pirate, Olivier de Vannes et d’une femme noire, n Maryam, reine d’un peuple d’esclaves en mal de vengeance.

« La république du Crâne », Dargaud, 25 €


vendredi 20 mai 2022

DVD - Les "Tromperies" selon Desplechin et Philip Roth


DVD et Blu-ray.
Philip Roth, écrivain juif américain, est le personnage principal de « Tromperie » (Le Pacte Vidéo) film d’Arnaud Desplechin, tiré du roman du même nom sorti en 1990. Philip (Denis Podalydès), écrivain originaire de New York, vit en exil à Londres. Il quitte sa femme (Anouk Grinberg) tous les matins pour rejoindre un studio qui lui sert de bureau. Là, il écrit. Il passe surtout des heures en compagnie de sa maîtresse anglaise (Léa Seydoux). Ils font l’amour et parlent. 

Léa Seydoux, lumineuse, d’une beauté incandescente dans les bras de son romancier qui sait si bien l’écouter, alterne moments de pur bonheur (quel sourire craquant), à d’autres de tristesse infinie. Car Philip, tout en lui conseillant de divorcer, de quitter son mari qu’elle n’aime plus, ne peut rien lui offrir que ces moments de plaisirs charnels doublés de longues discussions.

BD - Détective à marier


Le détective privé créé par Dodier, Jérôme K. Jérôme Bloche va-t-il se marier ? Oui dans ce 28e tome très dense (70 pages) mais pas avec sa fiancée de toujours, Babette. La scène d’ouverture le voit accepter la main d’une certaine Rebecca. Cérémonie interrompue par Babette, armée d’un couteau et bien décidé à reprendre son amoureux. 


Cette aventure dévoile une facette de la personnalité de Jérôme assez méconnue : il peut tout à fait se faire manipuler à cause de sa trop grande naïveté. Mais Babette veille.

« Jérôme K. Jérôme Bloche » (tome 28), Dupuis, 13,95 €

jeudi 19 mai 2022

Cinéma - Bruce Willis, du meilleur au pire


L’évolution de la carrière de certaines stars d’Hollywood n’est pas à l’image de leurs débuts. L’exemple de Bruce Willis est un cas d’école. Lui qui vient d’annoncer qu’il ne tournerait plus pour des raisons de santé, est apparu ces cinq dernières années dans une cinquantaine de productions de piètre qualité, autant de cachets faciles à encaisser pour un comédien qui a fait fructifier jusqu’au bout sa popularité, au risque de se perdre dans des navets d’anthologie. 

Tout débute quand ce bad boy, révélé dans Clair de Lune, une série télé très sarcastique, explose littéralement dans la franchise Die Hard (Piège de cristal). Il enchaîne ensuite quantité d’excellents films avec des cinéastes de renom. Bruce Willis, une super-star des années 80-90 qui tape dans l’œil de Tarantino, M. Night Shyamalan, Michael Bay ou Luc Besson. Peu de déchets dans une carrière éclectique, du thriller à la SF en passant par la comédie. Avec des rôles qui resteront dans l’histoire du cinéma américain comme ce psychiatre dans Sixième sens qui discute avec ce qu’il croit être le fantôme d’un enfant. Ou en interprétant James Cole, homme qui doute dans un futur sinistre imaginé par Terry Gillian dans L’armée des 12 singes. 

Pourtant au fil des ans, les bons rôles se raréfient. La bascule semble se faire en 2006. Il est du générique de 7 longs-métrages. Il commence à privilégier le nombre à la qualité. Bruce Willis est aussi moins regardant sur les scénarios. Il commence à devenir la caricature de lui-même. Pratique car cela demande un minimum de travail. Même en endossant le rôle principal, les durées de tournages se réduisent. 

Ensuite ce sera la course au chiffre. Souvent dix films par an, avec un record de onze en 2021. Du pain béni pour les plateformes de streaming qui mettent toujours le nom du comédien en exergue, oubliant de préciser que les films sont dramatiquement médiocres pour ne pas dire totalement nuls. Sur Prime Vidéo, on peut découvrir, plus pour la curiosité que le plaisir, Anti-life, film de SF signé John Suits, sorte de sous-alien fauché, où Willis dégomme du monstre avec un lance-flammes dans un vaisseau spatial en perdition. Plus terre à terre, Fortress de James Cullen Bressack. Bruce Willis y est un agent secret à la retraite qui doit reprendre du service (rien à voir avec Expendables…). Quitte à découvrir Bruce Willis dans sa version caricaturale de héros primaire bas du front, autant profiter sur Netflix de Planète Terreur de Robert Rodriguez. C’est du mauvais Bruce Willis, mais dans un bon film.

Roman - 666, l’histoire du Sphinx

Que restera-t-il des deux quinquennats d’Emmanuel Macron. Alors qu’il vient d’être investi hier pour son second mandant, c’est un autre président de la République, François Mitterrand, lui aussi élu à deux reprises, qui se retrouve au centre du second thriller signé Jérémy Wulc. L’action se déroule pourtant de nos jours. Sur le parvis lu Louvre, à quelques mètres de la fameuse pyramide, le corps d’une jeune touriste japonaise est découvert. Si elle est morte noyée, l’homicide ne fait aucun doute au vu des blessures infligées sur son corps. 

Avec un scalpel, l’assassin a pris le temps de graver à même la chair le chiffre de « 666, un pentagramme, et sur le côté, le compas et l’équerre, les symboles maçonniques. » Début tout en horreur pour cette enquête menée par Stanislas Diaminck. Ce policier très expérimenté est à la dérive. Il adore son boulot. Au point qu’il a négligé sa famille. Quand sa femme le quitte avec pertes et fracas en emmenant avec leurs deux enfants, il prend conscience combien il passait à côté de sa vie. Depuis il ne dort plus, passe ses nuits dans sa voiture, devant le nouvel appartement de son ex, à regarder, désespéré, ses fils partir à l’école. Cette enquête devrait le remettre en selle. Même si la pression est maximale car la jeune morte est la fille d’une sommité nipponne. 

Problème, dès le lendemain, un autre corps est découvert, avec les mêmes signes macabres, dans le réseau d’évacuation d’eau des colonnes de Buren. Un tueur en série qui risque de paniquer la capitale et faire beaucoup de dégâts dans le milieu très lucratif du tourisme culturel parisien. 

Justine chez les satanistes

Ce polar, assez classique dans son intrigue, devient plus original dans sa distribution. En plus du dépressif et très destroy Stan, on retrouve son adjoint, Khalid, jeune, compétent et dévoué. S’y ajoute une jeune policière, repérée par Stan sur la seconde scène de crime, Justine. Un sacré caractère qu’il décide, sur un coup de tête, d’intégrer à l’enquête. Le trio, très complémentaire, va se partager les pistes. Stan chez les Francs-Maçons, Justine dans les milieux satanistes qui vénèrent le diable et son chiffre, le 666. 

Quasiment deux romans en parallèle, qui n’ont parfois plus rien à voir l’un avec l’autre. Mais finalement la piste de François Mitterrand va permettre à Stan de résoudre l’affaire. Un héros sombre par certains côtés (son divorce, ses envies de suicide), mais si attachant par d’autres quand il compense son mal-être à coups de kebabs, de hamburgers et de litres de sodas. Reste le cas de Justine. Elle aussi fait partie de ces héroïnes qui marquent dans ce genre de littérature. 

Reste à savoir si Jérémy Wulc décidera d’en faire un personnage récurrent. Malgré quelques indices contraires, le lecteur ne peut qu’en avoir envie.     

« 666 » de Jérémy Wulc, Pygmalion, 19,90 €


mercredi 18 mai 2022

Série télé - Jane the virgin, fausse télénovela, vraie comédie

Certaines séries télé américaines cachent bien leur jeu. On pense être face à une énième variation sur les amours compliquées d’une jeune Américaine typique alors que se cache derrière une intrigue teintée de rose une comédie loufoque, caustique et totalement foutraque. 

Si Jane the virgin en est à sa 5e saison, ce n’est pas pour sa romance sans fin mais pour l’originalité de l’histoire, de la narration et des personnages. Sans oublier la facétie des scénaristes qui semblent s’amuser comme des fous à imaginer des rebondissements incroyables, pires que les trouvailles des feuilletonistes français du début du XXe siècle. Jane Villanueva (Gina Rodriguez) vit le parfait amour avec Michael (Michael Cordero Jr). Elle est serveuse dans un grand hôtel à Miami, lui policier. Amis d’enfance, ils sont en couple depuis trois ans, mais à la demande de sa grand-mère, Jane entend préserver sa virginité pour sa nuit de noces. 

La vie de Jane bascule quand une gynécologue, au lieu de lui faire un frottis, l’insémine avec la semence de Rafael (Justin Baldoni), le patron de l’hôtel. Une vierge enceinte ! Dans la communauté hispanique de Floride ! Alléluia ! La suite est une caricature des télénovelas d’Amérique du Sud, avec intrigue policière à rebondissements et histoires d’amour contrariées. Car Jane, enceinte de Rafael, va se découvrir des sentiments pour ce beau gosse très riche. Pas étonnant quand on découvre qu’il est marié à une méchante de la pire espèce, interprétée par Yael Grobglas, excellente actrice franco-israélienne.

 Cinq saisons plus tard et une centaine d’épisodes tous disponibles sur Netflix, les fans se demandent s’il y aura un jour une 6e et dernière partie à cette série définitive hors normes. 

 

Polar - De si bonnes mères

Céline de Roany vit en Australie. Mais elle est originaire de la région de Nantes, décor des aventures de Céleste Ibar. Cette policière marquée par la vie, pour sa seconde enquête, découvre les charmes de la Brière, un marais très touristique. Une jeune femme vient d’y être découverte assassinée. Comme il y a des similitudes avec un premier meurtre dont s’occupe Céleste, elle hérite de l’affaire. Mais en duo avec les gendarmes locaux.  L’entente est compliquée. Pourtant tout avance rapidement et dans ce petit milieu où tout le monde se connaît, un suspect est interpellé. Reste le mobile. Et surtout la découverte de fœtus de bébés. Et si la maternité était la cause de ce déferlement de violence ?  Un polar parfaitement documenté, crédible et plein de rebondissements. Avec une héroïne de plus en plus attachante.

« De si bonnes mères » de Céline de Roany, Presses de la Cité, 21 € 

mardi 17 mai 2022

Cinéma - “Les folies fermières” : un joyeux cabaret rural

De la botte de paille au flacon de paillettes, tout est bon pour sauver l’agriculture française.


Le monde agricole se meurt. Cette réalité impitoyable, si bien expliquée dans Petit Paysan, est au cœur d’un autre film sur ce sujet. Mais le réalisateur, Jean-Pierre Améris, dans Folies fermières, traite le sujet avec une bonne dose d’optimisme en s’inspirant d’une histoire vraie.

Dans le Cantal, l’exploitation de vaches laitières  de David (Alban Ivanov) est sur le point d’être placé en liquidation judiciaire. Il obtient du juge une ultime chance, deux mois de sursis au cours desquels il doit prouver la rentabilité de l’affaire. Très déprimé, après une tournée des bars d’Aurillac, il tombe par hasard sur une petite salle de spectacle proposant magie et danseuses. C’est l’illumination pour ce trentenaire trop longtemps considéré comme un rêveur par son grand-père (Guy Marchand). Il va transformer la grande grange inutilisée en cabaret, le premier implanté en pleine campagne. Ce seront les Folies fermières, mais il va falloir aller vite et surmonter nombre d’obstacles.

Casting improbable

Pour la partie artistique, il persuade  Bonnie (Sabrina Ouazani) de s’impliquer dans l’aventure. Sans doute la partie du film la plus comique. Car cette danseuse, toujours en minijupe et talons hauts, découvre boue, fumier et toiles d’araignée. Ce n’est pas son monde. David devra batailler pour la persuader. Et c’est ensemble qu’ils vont recruter les « talents » locaux qui vont constituer l’affiche du spectacle. Une magicienne muette, des danseuses jumelles désaccordées, un hypnotiseur souffrant de narcolepsie et un travesti qui chante du Dalida, mais que les chansons tristes car il trouve trop kitsch la période disco (un comble…). 

Bref il y a du travail, mais à force de répétitions, de sacrifices et de volonté, la mayonnaise va prendre et David va pouvoir entraîner dans son projet sa mère (Michèle Bernier) et son ancienne petite amie, Laetitia (Bérengère Krief), coiffeuse à domicile. Alban Ivanov domine de la tête et des épaules ce film humain et positif. Sa bonne bouille de candide est parfaitement adaptée à ce personnage d’agriculteur, fier de son métier, mais conscient que pour s’en sortir, de nos jours, il faut forcément s’adapter et faire des concessions. Une évolution inacceptable pour le grand-père, seul grain de sable dans la belle mécanique, dernier représentant de cette vieille école paysanne rétrograde et hostile à tout changement.

"Folies fermières", film français de Jean-Pierre Améris avec Alban Ivanov, Sabrina Ouazani, Michèle Bernier, Bérengère Krief