mardi 8 février 2022

Cinéma - “The innocents”, la peur des jeunes

Ida (Rakel Lenora Fløttum) et son nouvel ami, Ben (Sam Ashraf), teste de nouveaux jeux dangereux.  Les Bookmakers / Kinovista

Personne ne connaît la recette miracle pour réussir un film fantastique. Certains misent tout sur les effets spéciaux, d’autres sur un scénario multipliant les scènes chocs. Eskil Vogt, réalisateur norvégien, a tout simplement trouvé quatre jeunes comédiens d’exception pour transformer son film The Innocents en thriller en culottes courtes. Un film parfois dérangeant, toujours juste, souvent angoissant, montré une première fois à Cannes (Un certain Regard) et qui est revenu du festival de Gérardmer avec deux prix, celui du public et de la critique.

Ida et Anna sont sœurs. Ida (Rakel Lenora Fløttum), la plus jeune, petite blonde ravissante de 9 ans, n’est pas contente de devoir déménager, en plein été, durant les vacances scolaires. Anna (Alva Brynsmo Ramstad), l’aîné, autiste profonde, n’a pas conscience de ce changement. Dans une résidence qui ressemble aux grands ensembles de la banlieue française, les dégradations en moins et la forêt en plus, Ida va tenter de se faire des amis. Le premier à l’aborder se nomme Ben (Sam Ashraf). Il lui montre sa cabane et une fois la confiance installée, lui révèle son secret : il peut déplacer des objets par la seule force de sa pensée. Entre ensuite dans la petite bande Aïsha (Mina Yasmin Bremseth Asheim) qui, elle, a le pouvoir de lire dans les pensées. Notamment celles d’Anna. L’autiste, qui n’arrive pas à communiquer avec ses proches, est en réalité consciente de tout. Aïsha l’explique à Ida qui, dès lors, regarde sa sœur différemment. Tout se complique quand les jeunes se lancent dans des jeux dangereux pour tester leurs limites. Les adultes seront des cobayes idéaux. 

Le réalisateur avait cette idée de film terrifiant en tête après avoir observé ses propres enfants. Et si ces enfants arrivent à faire du mal sans le moindre scrupule, c’est parce que, selon le réalisateur, « nous naissons sans aucune notion d’empathie ou de morale - cela doit nous être enseigné. » De l’importance d’être à l’écoute des plus jeunes et de ne pas donner de mauvais exemples. Un film glaçant, bien plus efficace dans son propos horrifique que bien des productions beaucoup plus richement dotées.

Film norvégien de Eskil Vogt avec Rakel Lenora Fløttum, Alva Brynsmo Ramstad, Sam Ashraf



De choses et d’autres - Les enfants et la cuisine

Décidément, les candidats à la présidentielle désignés par Les Républicains ont des soucis d’image de marque côté famille. On ne revient pas sur l’affaire Pénélope Fillon, qui a sans doute coûté 5 ans à l’Élysée pour l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Cette fois, la droite classique a désigné Valérie Pécresse.

Mariée à un certain Jérôme, il n’est pas un simple mari qu’on sort. Au contraire, ce patron de grande entreprise gagne très bien sa vie. Pas besoin d’emploi fictif pour acheter maisons et (gros) portefeuilles d’actions. Pourtant, comme il est confiant dans les chances de son épouse de l’emporter en avril prochain, il anticipe déjà ce que sera sa future vie.

Pour le Point, il explique que bien évidemment, si Valérie Pécresse devient la première présidente de la République, il est prêt « à gérer les enfants et la cuisine ». Chapeau bas pourrait-on dans un premier temps le féliciter. Mais en réalité, cela ressemble plus à du cynisme qu’autre chose.

Les enfants ? La plus jeune a 18 ans, l’aîné 25. Il n’y a donc plus grand-chose à gérer de leur vie. D’autant que d’après le Canard Enchaîné, les trois enfants Pécresse ont déjà des comptes en banque très confortables, car les parents ont utilisé toutes les possibilités existantes pour leur faire des dons en numéraires et en immobilier. A 18 ans, sans avoir jamais travaillé, la cadette a un pécule plus important que ce que j’ai gagné durant toute ma vie active.

Reste la cuisine alors ? Pas certain que les chefs de l’Élysée le laissent aux fourneaux. C’est quand même leur boulot…

Bref, j’ai comme l’impression qu’après le couple Fillon, c’est le couple Pécresse qui a tendance à prendre les Français pour des idiots.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le vendredi 4 février 2022

lundi 7 février 2022

Série télé - « Feria », dans les profondeurs de l’horreur


Production espagnole proposée sur Netflix, Feria : l’éclat des ténèbres (Feria : la luz más oscura en version originale) est une série fantastique qui dénote un peu sur la plateforme mondiale. Très inspirée par l’affaire du Temple solaire, la série débute par un suicide collectif dans une mine abandonnée. Mais ce n’est pas un simple polar car les créateurs, Carlos Montero et Agustín Martínez ont rajouté une bonne grosse dose de fantastique gothique
L’action se déroule en deux temps.  En 1975, au moment où l’Espagne redécouvre la démocratie après le long tunnel dictatorial de Franco et en 1995, 20 années plus tard. Le suicide a lieu en 1995 et semble orchestré par un couple local qui disparaît immédiatement après. On suit le parcours de leurs deux filles, Sofia (Carla Campra) et Eva (Ana Tomeno) qui n’étaient au courant de rien. Mais la première aurait des dons pour aller dans l’autre monde, celui des ténèbres. Parfois un peu long, notamment dans les incantations, les épisodes sont très inégaux. 

On apprécie la reconstitution de l’Espagne du siècle passé, dans une région sinistrée économiquement. A noter de très nombreuses scènes de nudité durant les messes noires, et une utilisation assez efficace de décors naturels d’exception, des ruelles de Feria, bourgade d’Andalousie aux sinistres galeries de la mine abandonnée où les créatures monstrueuses règnent en maître. Une bonne distraction mais qui est loin de l’originalité de Dark.

De choses et d’Autres - Je ne peux pas, j’ai télétravail

Ils ont osé ! Je viens d’entendre à la radio une publicité pour une grande enseigne de la distribution. Un de ces sketches de la vie quotidienne qui mettent en scène mari et femme. Madame annonce, enthousiaste, qu’il y a une promotion de plus de 30 % sur un produit particulier (pour vous dire la vérité, j’ai déjà oublié quoi…).

Et que donc il faut immédiatement aller en faire un stock avant qu’il ne soit trop tard. Et là, le monsieur répond, très embêté : « Mais je ne peux pas, je te rappelle que je suis en télétravail ! ». Les publicitaires ont donc osé mettre en scène les nouvelles conditions de travail de quelques millions de Français. Et de suggérer de transgresser toutes les règles quand le mari, prenant conscience de l’importance du rabais (vous aurez remarqué que, dans les publicités, les hommes impriment beaucoup plus lentement l’attrait de certaines promotions), décide finalement de faire un saut au magasin, tout en demandant à son épouse de trouver une excuse si le bureau appelle durant son absence.

Même si je trouve cette publicité un peu gonflée, je dois admettre avoir déjà vécu cette situation. Pas par rapport aux promotions, mais au fait que tout en étant en télétravail, je déserte sans scrupule mon poste durant quelques minutes, voire un peu plus, et en profite pour accomplir de rapides courses, des tâches ménagères… ou une sieste réparatrice. Mais je n’ai pas mauvaise conscience.

Car la monnaie du télétravail c’est de ne pas avoir d’heure pour débuter sa journée (personnellement, ça m’arrange car j’écris plus facilement très tôt le matin) et encore moins pour éteindre l’ordinateur le soir. Quand on pense à le faire…

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le jeudi 3 février 2022

dimanche 6 février 2022

Série télé - Elle voit des meurtres partout


Lire des thrillers, notamment la nuit, provoque parfois d’étranges cauchemars. On a tendance à projeter dans sa propre vie les effrois des héroïnes de papier. Anna (Kristen Bell), personnage principal et omniprésent de la série comique au nom interminable de « La femme qui habitait en face de la fille à la fenêtre » diffusée sur Netflix, est un terrain très favorable au développement de la paranoïa. Le premier épisode nous fait découvrir son quotidien assez décousu. Elle dort dans son fauteuil, passe sa nuit à boire du vin et au petit matin, en robe de chambre, va conduire sa fille à l’école. Un premier choc attend le téléspectateur car sa fille est morte depuis quelques mois. Anna, abandonnée par son mari, vit dans le passé, se reprochant sans cesse ce jour maudit. Encore plus quand on découvre comment est morte sa petite fille. 

Vin et antidépresseurs

Anna dépressive, alcoolique et surtout capable de se faire des films sur tout et rien. Elle passe ses journées à siroter son vin, observant ses voisines, cherchant sans cesse ce qu’elles peuvent dire de mal sur elle. Et puis un jour une nouvelle famille s’installe dans la belle demeure qui est de l’autre côté de la rue. Neil, lui aussi veuf, qui vit avec sa fille de 9 ans, Emma. 

Non seulement Anna fait un transfert sur la fillette, mais elle tombe sous le charme de ce beau barbu qui transpire en faisant du vélo d’appartement, placé idéalement devant la fenêtre. Anna déchante quand arrive Lisa, la nouvelle petite amie de Neil, plantureuse hôtesse de l’air. Mais le soir même, toujours postée devant sa fenêtre, Anna voit Lisa se faire égorger. Elle prévient la police mais quand les inspecteurs arrivent, pas de cadavre. Le long cauchemar d’Anna va débuter. Car en mélangeant alcool et antidépresseurs, elle pourrait souffrir d’hallucinations. Elle aurait tout inventé. Mais Lisa a véritablement disparu. À moins qu’elle ne soit la meurtrière ? 

La série en huit épisodes assez courts propose est entièrement portée par Kristen Bell. La comédienne, déjà vue dans plusieurs comédies, endosse avec brio la personnalité de cette femme brisée, doutant de tout, surtout d’elle. Le côté thriller reste présent en fin de chaque épisode mais c’est surtout la comédie qui domine. On croit souvent avoir trouvé le coupable mais les scénaristes sont allés très loin dans le délire pour surprendre leur public. La fin est machiavélique à souhait.


De choses et d’autres - Du noir au bleu

Toujours pas candidat. Emmanuel Macron n’a toujours pas annoncé s’il se représentait ou pas à l’élection présidentielle. Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, a d’ailleurs estimé, hier, que les Français « ne comprendraient pas » une annonce immédiate de candidature. Pas d’annonce certes, mais dans les faits, la campagne est lancée.

Et l’accent est mis sur le bilan. Comme cette mise en scène graphique du plus bel effet postée sur le compte Twitter officiel de l’Elysée. On voit, écrit en bleu sur un post-it jaune : « Ouverture du pass culture aux 15 - 16 - 17 ans. Fait. E. M. » À côté, sur ce qui ressemble au bureau du président de la République, quelques livres empilés. On distingue nettement un ouvrage d’Hélène Carrère d’Encausse, l’exemplaire de la pléiade des mémoires de Charles De Gaulle et… Le tome 100 du manga One Piece.

Une photo trop artistique pour être naturelle. Le choix des ouvrages est mûrement réfléchi. La présence d’un manga montrant que le président est au top des attentes de la jeunesse française. Une montre est aussi exposée. Avec un bracelet tricolore pour donner un peu de couleur officielle au cliché.

Par contre, les publicitaires ou hommes du marketing qui ont fabriqué de toutes pièces ce qui devait ressembler à une image prise sur le vif ont fait une grave erreur, dénoncée avec force moqueries dans les commentaires. L’écriture sur le post-it est en bleu, mais le feutre posé à côté est noir.

Vivement que le président soit officiellement candidat et qu’il prenne sa campagne en main car, pour l’instant, ses fils de pub lui font plus de tort que de bien.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mercredi 2 février 2022

samedi 5 février 2022

BD - Filles sportives


Déjà mises en vedettes dans le tome 20, les joueuses de rugby de Paillar, les Paillettes, sont de retour dans la nouveauté sortie fin janvier, quelques semaines avant le début du Tournoi des VI Nations. Les célèbres Rugbymen imaginés par Béka (le couple Bertrand Escaich et Caroline Roque) et Poupard au dessin, vont donc se contenter du banc des remplaçants pour permettre à La Couette ou La Raclée de démontrer la suprématie féminine, dans la vie comme sur le terrain. 


Mais c’est surtout la talonneuse des Paillettes, Charlie Labrune dite La Couette qui crève l’écran. C’est une défaitiste de première, toujours malheureuse et manquant totalement de confiance en elle. Bref cela permet de donner quelques conseils de développement personnel très en vogue dans le monde du rugby.

« Les Rugbymen » (tome 20), Bamboo, 10,95 €


Cinéma - « Les promesses » si politiques


Présenté en compétition au dernier Festival du film politique de Carcassonne, Les promesses de Thomas Kruithof est une véritable plongée dans le mécanisme qui fait avancer les hommes politiques. En l’occurrence une femme, Clémence (Isabelle Huppert), maire d’une cité de banlieue paroissienne. Au pouvoir depuis deux mandats, elle a publiquement annoncé un an avant la nouvelle élection qu’elle ne se représenterait pas. Sa première adjointe a été désignée par le parti pour lui succéder.


Dans les dernières semaines de son mandat d’élue locale, elle se démène pour obtenir une grosse subvention de l’État qui permettra de rénover la cité des Bernardins. Les copropriétaires n’en peuvent plus de l’insalubrité malgré les charges importantes. De plus tout l’ensemble se délabre à cause des marchands de sommeil. En négociant avec un haut fonctionnaire, Clémence va recevoir une proposition de ce dernier qui va radicalement changer la donne. Les Bernardins ont peu de chance d’être rénovés et Clémence va radicalement changer sa façon de voir son avenir. Un revirement qui va totalement désarçonner Yazid (Reda Kateb), son directeur de cabinet, brillant, originaire des Bernardins et qui espère après l’élection un poste dans un ministère à Paris.

Envie de pouvoir

Le scénario permet de surfer sur plusieurs intrigues. La première, la plus importante, l’avenir de la cité. Mais on découvre aussi en filigrane les ambitions de Yazid, ses difficultés à gérer au quotidien son origine modeste dans un monde où même très efficaces, on reste avant tout issu d’une minorité. Le plus passionnant est l’analyse des décisions de Clémence, femme politique dont la complexité est remarquablement interprétée par Isabelle Huppert. Si elle semble bien décidée au début à abandonner le pouvoir, comme lassée de cette course incessante aux subventions d’un côté et aux poignées de mains de l’autre, elle se retrouve à douter quand elle s’imagine un destin national.

Alors, lentement mais sûrement, elle revient sur sa promesse de quitter son mandat. Une promesse non tenue de plus dans un monde politique où l’ivresse du pouvoir semble une drogue dure. Pourtant, le film reste assez positif. Car malgré les manœuvres de certains, les rancœurs d’autres et les abandons des derniers, il reste des hommes et femmes qui pensent que la politique reste sacrée et essentielle. Malgré les scandales, les reniements et les fameuses promesses non tenues.

Un film qui devrait particulièrement intéresser les élus locaux et tous les responsables d’associations.

Film français de Thomas Kruithof avec Isabelle Huppert, Reda Kateb


vendredi 4 février 2022

BD - Salvador Dali en guerre le "Jour J"


La collection Jour J qui propose de réécrire l’Histoire à la mode uchronie, se devait de s’intéresser un jour à la guerre d’Espagne. Il aura fallu attendre le 46e volume pour que Duval et Pécau, les scénaristes, se penchent sur cet épisode fondateur de l’Europe. 


Et comme ils sont joueurs, ils ont décidé de bombarder au centre de l’intrigue le formidable, l’incroyable, le totalement déjanté Dali

Dali qui clamait partout qu’il ne faisait pas de politique, décide dans l’album de revoir sa position quand il apprend que les Franquistes ont exécuté son grand ami Garcia Lorca. Il va mettre au point un plan démoniaque pour changer le cours de l’histoire. 

De la très grande BD d’aventure, surréaliste, dessinée par Arlem.

« Jour J » (tome 46), Delcourt, 14,95 €

De choses et d’autres - Lapsus et fautes de Taubira

Il est des lapsus qui en disent plus que n’importe quel discours. Dimanche soir, en s’adressant à ses sympathisants après le résultat de la primaire populaire, Christiane Taubira a fait cette déclaration lunaire : « Merci d’être dès demain la cheville ouvrière d’une possible victoire en avril 2002. »

2002 ! Comme si l’ancienne garde des Sceaux voulait rejouer la présidentielle qui a vu l’élimination de Lionel Jospin à cause de la division de la gauche. Elle y croit sans doute à sa victoire. Persuadée qu’elle aura moins d’adversaires devant elle : Chirac mort, Le Pen, Jospin et Chevènement trop vieux… Elle s’est reprise dans la foulée, mais ce lapsus, même s’il n’a duré que quelques secondes, est révélateur de cette gauche qui vit dans le passé.

La même Taubira qui ne marque pas des points quand elle revendique une « laïcité qui n’écrase pas ». Désolé, mais jusqu’ici, ce sont plutôt les religions, toutes les religions, qui ont écrasé tous ceux qui ne voulaient pas croire en leur Dieu.

De toute manière, cette primaire populaire a tout de la mascarade démocratique. Pas de résultats chiffrés au final, juste une sorte de tableau d’honneur très scolaire avec des appréciations qui font un peu Bisounours. La candidate originaire de la Guyane récolte un « Bien », Yannick Jadot, en seconde position, un « Assez bien ».

Pourtant, à lire les énormes fautes d’orthographe relevées dans plusieurs messages pondus par les équipes de Christiane Taubira, c’est un « Nul » éliminatoire qui aurait dû être décerné à cette experte en division de la gauche.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le mardi 1er février 2022