Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
lundi 5 novembre 2018
DVD et Bluray - Bagnards en compétition dans "Death Race 4"
Pas le moindre gilet jaune sur leur tableau de bord. Les prisonniers participant à la course de la mort dans cet ultime opus de la franchise ne semblent pas sensibilisés par le mouvement « populaire » contre la hausse des taxes sur le carburant. Pourtant, ils en consomment de l’essence dans cette compétition dominée depuis 7 éditions par Frankenstein, le bagnard masqué. Dans cette immense prison (reconstituée pour le film dans une ancienne aciérie bulgare), l’anarchie règne. Un nouveau venu, Connor (Zach McGowan, gros biscotos et expression bovine) va le défier. Réalisé par Don Michael Paul, le film vaut pour ses cascades. Par charité chrétienne, on ne dira rien sur les performances des acteurs.
➤ « Death Race 4 », Paramount, 14,99 € le DVD, 16,99 € le bluray
dimanche 4 novembre 2018
BD - Le roi de la bouffe et de l’embrouille
Archie est un des plus anciens personnages de comics américains. Ces histoires comiques et sentimentales se déroulent dans un lycée. Celui de Riverdale. Relancées par une série télé, les aventures de ces jeunes étudiants partent à la conquête de la France dans la nouvelle collection « Log-in » de Glénat destinée aux jeunes adultes. Après des albums consacrés à Archie, Betty et Veronica, c’est Jughead qui a droit à ses propres histoires. Le personnage est le plus délirant.
Ce fainéant de première, n’appréciant qu’une chose dans la vie : manger (quand il ne dort pas ou joue aux jeux vidéo). Dans ce recueil de six histoires complètes signées Zdarsky (scénario) et Henderson (dessin), il voit son monde s’écrouler quand un nouveau proviseur décide, au lieu des lasagnes et autres hamburgers au menu du lycée, de faire servir aux élèves une sorte de brouet insipide pour faire des économies.
L’affrontement entre Jughead et le proviseur passe par des rêves prétextes à des parodies de classiques de l’imaginaire américain, de Game of Thrones à James Bond en passant par les superhéros. C’est parfois un peu lourd mais très juste dans la constatation que les jeunes Américains vivent souvent par procuration à travers leurs héros.
« Riverdale présente : Jughead », Glénat, 12,50 €
samedi 3 novembre 2018
BD - La musique (en prison) adoucit les mœurs
Fresnes. Une ville en région parisienne qui n’est plus connue en France que pour sa prison. Une ville dans la ville où vivent des milliers de détenus, de gardiens, où il y a un hôpital et même une salle de spectacle pouvant accueillir des concerts. Des concerts en prison ? Oui, et parfois des « pointures » invitées par l’association chargée d’organiser des activités culturelles pour les prisonniers. Romain Dutter est le responsable de ces concerts et il raconte dans un roman graphique illustré par Bouqué comment l’administration pénitentiaire, longtemps hostile à ces concerts, a changé sa politique au cours des années 80.
Après une présentation de son parcours (Romain Dutter a beaucoup bourlingué en Amérique du Sud, son premier contact avec le milieu carcéral se déroulant au Honduras), l’animateur raconte les concerts des deux côtés. Réactions des artistes, mais aussi des détenus ou des gardiens. Presque un reportage, sans le moindre parti pris, qui n’oppose personne au contraire. Preuve qu’effectivement, depuis toujours, la musique adoucit les mœurs. Même en prison…
« Symphonie carcérale », Steinkis, 20 €
vendredi 2 novembre 2018
BD - Lucky Luke voyage bien
Enfin une femme entre dans la vie de Lucky Luke. Le cow-boy imaginé par Morris, longtemps animé par Goscinny et repris depuis quelques années par Jul (scénario) et Achdé (dessin) va devoir protéger cette compagne française pour le moins encombrante. Pour cause, elle mesure 93 mètres de haut… Tout commence dans les plaines de l’Ouest quand le héros qui tire plus vite que son ombre rencontre un certain Bartholdi. Contrairement à ce que pense le ventre affamé d’Averell Dalton, ce n’est pas un glacier italien mais un sculpteur français. Ce que le repris de justice a pris pour une glace géante est la flamme de la liberté. De la future statue de la Liberté.
L’histoire de Jul, truffée de gags et de clins d’œil savoureux, explique comment Bartholdi a collecté l’argent de la souscription en sillonnant le pays avec juste la réplique de la main. Ensuite, il s’agit de convoyer la statue monumentale. Mais des ennemis de la liberté veulent détruire le monument. Lucky Luke sera chargé de le protéger. Le voilà donc à Paris pour jouer les gardes du corps de cette femme si symbolique. Une excellente suite à une série qui après quelques atermoiements semble être de nouveau sur d’excellents rails.
« Lucky Luke - Un cow-boy à Paris », Lucky Comics, 10,95 €
jeudi 1 novembre 2018
Cinéma - L’amour entre la veuve et l’innocent au centre du film "En liberté" de Pierre Salvadori
Présenté comme une comédie loufoque et endiablée, «En liberté » de Pierre Salvadori n’est pas si comique que cela. Les gags s’enchaînent, les situations cocasses et les ré- pliques incisives sont légion mais ce qui ressort avant tout de cette excellente surprise de la rentrée cinéma, ce sont les personnages touchants et leurs histoires d’amour un peu compliquées.
Pour Yvonne (Adèle Haenel), les amours sont au point mort depuis deux ans. Normal, 24 mois auparavant, son mari est mort en service. Ce flic de haut vol (Vincent Elbaz), l’a aidé dans sa propre carrière de policière. Aujourd’hui, mère d’un petit garçon, elle est sur la touche. Les collègues veulent la protéger alors qu’elle voudrait retrouver l’adrénaline du terrain et des interpellations mouvementées. Quand elle apprend, par la confidence d’un prévenu, que sa bague de fiançailles est le fruit du faux braquage d’une bijouterie doublé d’une vraie magouille à l’assurance couverte par son défunt mari, son monde s’écroule. Non seulement elle a vécu avec un ripou durant plus de dix ans, mais en plus il a fait condamner un innocent.
Comme deux aimants
Justement Antoine (Pio Marmaï) sort de prison. Elle va tenter de le réhabiliter. Mais ce dernier est devenu à moitié fou durant sa détention. Sa femme (Audrey Tautou) ne le reconnaît plus du tout. Par contre, entre la veuve trahie et l’innocent en mal de réhabilitation, le courant passe. Yvonne suit Antoine dans ses divagations. Et lui sauve la mise à plusieurs reprises. Une fois dans une rixe à la sortie d’une boîte de nuit. Une autre quand il tente de se suicider. Enfin quand il met le feu à un restaurant qui refuse de le servir… Il attire les ennuis, comme s’il était bouffé par la volonté de cette fois, mériter sa condamnation. Elle arrange tout, comme pour rattraper les années de magouille du défunt mari.Deux paumés qui se complètent. Chacun dans leur style, ils sont irrésistibles. De drôlerie. D’incompréhension aussi de la part de notre société beaucoup trop manichéenne.
____________________
Triangle amoureux
Le meilleur ressort comique dans les comédies reste les quiproquos amoureux. Sans aller jusqu’au vaudeville, « En liberté » de Pierre Salvadori joue en partie sur cette problématique. Dans la distribution, on trouve deux femmes et trois hommes. Largement de quoi mélanger les lignes et proposer un triangle amoureux savoureux. Au centre, Yvonne, policière, veuve trahie. Son cœur balance entre Louis (Damien Bonnard) et Antoine (Pio Marmaï).Le premier, elle le connaît depuis très longtemps. On devine qu’il craque pour elle. Mais n’ose pas faire le premier pas car c’est la femme de son ancien boss. Lui prétend n’avoir jamais trempé dans les magouilles. On veut bien le croire, car c’est un gentil. Toujours prêt à rendre service. Et à protéger Yvonne par tous les moyens. Jusqu’à jouer au baby-sitter quand la femme de son cœur veut sa soirée pour pister Antoine.
Un Antoine qui tombe vite amoureux de la belle policière. Mais (quiproquos justement…) il est persuadé qu’elle est prostituée dans le civil. Alors, qui va l’emporter, le flic ou l’innocent ? À moins qu’au final le flic ripou (tout en étant mort) gâche tout. Si Adèle Haenel et Pio Marmaï sont omniprésents, le troisième larron, Damien Bonnard, fait plus que s’en tirer avec les honneurs. Son petit sourire, ses reparties hésitantes et sa façon de ne pas écouter quand Yvonne est dans les parages le transforment en atout comique essentiel. Une révélation pour ce comédien vu précédemment dans le tragique « Rester vertical » d’Alain Guiraudie.
➤ « En liberté », comédie de Pierre Salvadori (France, 1 h 48) avec Adèle Haenel, Pio Marmaï, Damien Bonnard, Audrey Tautou et Vincent Elbaz.
mercredi 31 octobre 2018
DVD et bluray - Quand la littérature sauve des vies dans "Le cercle de Guernesey"
Phénomène d’édition, le roman de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates », semblait impossible à adapter au cinéma. Mike Newell a relevé le défi et le résultat, même s’il est à 1 000 lieues du roman, est très concluant.
On y retrouve les grandes lignes (l’histoire d’amour entre une romancière londonienne et un éleveur de cochons de Guernesey ainsi que la disparition de l’initiatrice du cercle), mais une bonne partie de l’humour du texte original a été zappée au profit de l’émotion.
Côté interprétation, les deux acteurs principaux sont excellents (Lili James et Michial Huisman) et les paysages verts et bucoliques de Guernesey apportent un plus indéniable par rapport au livre. Mais une fois cette romance visionnée, on ne peut que vous conseiller de lire (ou relire) le roman original paru en poche aux éditions 10/18.
➤ « Le cercle de Guernesey », Studiocanal, 19,99 €
mardi 30 octobre 2018
DVD et bluray - « Sans un bruit », effroyable silence
Pas toujours évident de renouveler le genre du cinéma d’horreur. Entre vampires, zombies, poupées maléfiques ou serial killer, tout ou presque a servi à faire peur au public. Quand le scénario de « Sans un bruit » a commencé à circuler dans les milieux hollywoodiens, ils ont été plusieurs à se demander quel était cet objet bizarre contenant en tout et pour tout une dizaine de répliques. Tout le film était silencieux ou en langue des signes. Se lancer dans un tel projet était une gageure. Des producteurs ont relevé le défi aidé en cela par John Krasinski.
L’acteur qui a le vent en poupe (il est le nouveau Jack Ryan dans la série produite et diffusée sur Amazon) est aussi un bon réalisateur. Il accepte le premier rôle, mais à la condition d’être aussi derrière la caméra et de produire le long-métrage. C’est dire s’il croyait à ce projet. Et comme il a réussi en plus d’embarquer sa compagne, Emily Blunt, pour le rôle principal féminin, le succès était quasi assuré. Et mérité tant le film parvient à provoquer une angoisse perpétuelle du fait du silence obligatoire. Dans un futur proche, des monstres ont fait leur apparition sur terre. Ils attaquent les humains dès qu’ils font du bruit.
La famille Abbott (John Krasinski, Emily Blunt et leurs trois enfants) trouve refuge dans une ferme perdue de la campagne américaine. Pour survivre, ils ne font plus le moindre bruit dans routes leurs activités quotidiennes. Mais l’arrivée d’un bébé risque de compliquer cette rigueur. Un making of raconte comment la ferme a été trouvée puis aménagée. On y apprend également que Milicent Simmonds, interprète de l’adolescente de la famille Abbott, est véritablement sourde et muette, compliquant parfois la compréhension au cours des prises de vues. Mais au final, c’est d’un réalisme époustouflant.
➤ « Sans un bruit », Paramount, 16,99 € le DVD, 19,99 € le bluray
lundi 29 octobre 2018
Thriller - L'Islande, ses légendes du passé et d’aujourd’hui
Après la Mongolie et le Brésil, Ian Manook met le cap sur l’Islande. Écrivain français remarqué pour la trilogie « Yeruldelgger » se déroulant dans les steppes mongoles, il continue son périple littéraire en abordant sur les côtes tourmentées de l’Islande. Un thriller se déroulant sur cette île perdue de l’Atlantique Nord, quoi de plus banal depuis le succès des Indridasson et autres Thorarinsson.
Il fallait donc une bonne intrigue pour captiver le lecteur dans ce voyage touristique… et violent. Du tourisme, c’est ce que vient faire en priorité le personnage central de « Heimaey ». Jacques Soulniz, journaliste français, débarque en compagnie de sa fille, Beckie, jeune adulte rebelle. Il veut lui faire découvrir ce pays si singulier.
A 20 ans, il a sillonné ce rocher hostile aux multiples volcans. Mais Beckie n’a pas la tête à ça. Elle n’est pas insensible à la beauté majestueuse des paysages sauvages mais s’intéresse surtout aux jeunes autochtones.
■ Cadavre et nécropant
La petite Française craque pour Galdur, jeune marin qui n’a pas froid aux yeux. Un peu trop téméraire le jeune homme. Il vient de dérober deux kilos de cocaïne à la mafia locale. Kornelius, le flic, fait son entrée en scène. Il doit retrouver la drogue. Et le voleur. Pas pour le juger mais rendre son bien au parrain auprès de qui il est endetté. Sur cette intrigue du présent, se greffe une autre énigme tournant autour de la mort d’une jeune fille lors du premier séjour de Soulniz.
Dense, construit sous forme de chapitres courts et percutants, ce thriller plonge le lecteur dans certaines légendes islandaises comme celle du nécropant: « on écorche le bas d’un homme pour s’en faire un pantalon de peau et s’approprier sa force ». « Une fois enfilé le nécropant, tu dois glisser une pièce de monnaie entre ton propre scrotum et le pantalon de peau, pour ainsi te garantir que sa bourse vide se remplira pour toi d’or et d’argent. » Une simple légende pour Kornélius. Jusqu’à la découverte d’un cadavre horriblement dépecé.
Un roman foisonnant, aux multiples personnages, audacieux, usés par la vie ou fatalistes, mais toujours sous le charme de ce pays rude où tout est possible.
dimanche 28 octobre 2018
BD - Black blagues à la sauce Belzebubs
L’humour est sans doute ce qui se propage le mieux dans le monde. Il n’existe pas un peuple, une corporation, une religion ou le moindre groupe de trois personnes qui, à un moment ou un autre, tente une blague. Ahonen, dessinateur tatoué finlandais, a réussi le combo parfait entre humour noir et hard rock.
Dans « Belzebubs », série de strips diffusés sur les réseaux sociaux, on suit les délires sataniques de la famille Belzebubs. Même s’ils veulent faire les durs, ces « métaleux » sont surtout de doux dingues, asociaux et qui accordent plus d’importance à leur guitare ou leur maquillage qu’aux résultats scolaires des enfants.
Sans pitié pour le milieu de la musique Métal, ce sont pourtant là que se trouvent la grosse majorité des fans. Comme quoi on peut bramer « Death » d’une voix rauque tout en aimant rire de ses outrances.
« Belzebubs », Glénat, 9,95 €
samedi 27 octobre 2018
BD - Le meilleur dans l’Alyah reste le falafel
A 20 ans, Michel Kichka, Belge de la région de Liège, a fait son alyah. D’origine juive, il a abandonné famille et études d’architecture pour rejoindre Israël. Il est admis aux Beaux-Arts et devient dessinateur de presse et de bande dessinée. Dans « Falafel sauce piquante », il raconte cette renaissance, le début de sa vraie vie. Ses enthousiasmes du début, sa fierté d’appartenir à un pays unique au monde. Il rencontre sa future femme, se marient, ont des enfants. Autobiographie dessinée, « Falafel sauce piquante » alterne entre joies du début, craintes actuelles et surtout espoir d’une paix plus durable.
On découvre l’ouverture d’esprit des arrivants. Leur volonté de faire progresser le pays. Mais les multiples guerres obligent tout le monde à faire de longues périodes dans l’armée. Michel Kichka n’y échappe pas, lui qui se retrouvera à bombarder le Liban. Ses fils non plus ne seront pas épargnés, notamment dans Gaza. Et il met en opposition la dérive sécuritaire de son pays et sa fierté de voir ses fils protéger la nation.
Lui, met toute son énergie à rapprocher les peuples par l’action de l’organisation Cartooning for Peace créé par Plantu. Il sillonnera le monde en compagnie de dessinateurs arabes pour démontrer que l’humour est le meilleur remède aux guerres.
« Falafel sauce piquante », Dargaud, 21,90 €
Inscription à :
Commentaires (Atom)










